Comprendre les différentes sciences

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Les Fondamentaux 4/4................................................................................. <précédent
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plus loin !

Après avoir élaboré les grandes lignes d'une science de la connaissance en cherchant à élucider la nature de l'expérience, du penser et de la science en général, Rudolf Steiner aborde, dans l'ouvrage « Une théorie de la connaissance chez Goethe », les champs d'activité des sciences particulières (1).
Pour ce faire, il distingue les sciences en fonction de leur objet : celles qui s'occupent de la nature d'une part, et celles qui se penchent sur les domaines où l'esprit est exclusivement à l'oeuvre d'autre part.
A ce propos nous pouvons observer que si l'esprit est présent des deux côtés, il n'y agit pas du tout de la même manière. Du côté des sciences de la nature, il vient de l'extérieur —l'être humain- pour expliciter ce qui est déjà donné et lui donner l'interprétation qui, sans elle, laisserait l'univers dans une forme chaotique. De l'autre côté —les sciences de l'esprit- l'esprit est présent de part en part à titre d'objet de recherche et de moyen de connaissance. Et le processus de recherche se déroule intérieurement dans la conscience humaine individuelle. A partir de cette distinction fondamentale entre les deux domaines, on peut procéder à l'examen des sciences de la nature.

Les sciences de la nature
Si on les considère en fonction de leur objet, les sciences de la nature portent soit sur la nature inorganique, soit sur la nature organique. Nous allons examiner tour à tour chacune des deux sciences.
1. La science de l'inorganique
Concernant la nature inorganique Rudolf Steiner la voit présente là où un fait donné résulte de l'action d'autres faits de même nature que lui (2).
Mais ce qui relève ainsi de l'expérience immédiate appelle une explication qui, elle, est une opération de  l'esprit. Celle-ci consiste à clarifier les interactions des faits en question, de façon à déterminer ceux qui sont essentiels par rapport à ceux qui sont accessoires.
En prenant les exemples concrets d'un triangle et de la trajectoire d'une pierre, Steiner décompose les phénomènes perçus en phénomènes simples. « C'est ainsi que l'esprit décompose tous les phénomènes de la nature inorganique en des phénomènes où l'effet lui apparaît résulter directement et nécessairement de ce qui le produit. » (3)
L'objectif poursuivi est de parvenir    à un
« phénomène primordial » ou « fondamental », qui désigne la résultante de l'interaction des phénomènes isolés par la pensée. « Ce phénomène primordial est identique à la loi naturelle objective. Car celle-ci n'exprime pas seulement qu'un évènement s'est produit sous certaines conditions mais aussi qu'il devait se produire.» (4)
Si nous voulons synthétiser la démarche suivie, nous pouvons constater que nous restons toujours à l'intérieur d'un ensemble de faits considérés sans faire intervenir des phénomènes extérieurs d'une autre nature (démarche déductive et non inductive). Nous étudions alors les interactions données et en dégageons la résultante qui en découle objectivement et nécessairement. Et l'on peut alors caractériser la loi naturelle quelque soit la forme définie qu'elle prend :

La loi [naturelle] établit que chaque fois qu'un rapport entre certains faits est réalisé quelque part dans la réalité, un évènement déterminé doit nécessairement se produire » (5).

2.La science de l'organique
En abordant ce domaine, R. Steiner relève qu'il a fallu du temps pour que la science aborde le domaine de l'organique. En effet, on a attribué longtemps au domaine du vivant une finalité donnée de l'extérieur par une force venant du créateur du monde. Et quand on s'est penché sur ce domaine à partir du 19ème siècle, on lui a appliqué la méthode tirée de la recherche sur l'inorganique. «Or, quand on étend cette méthode à l'organique, on néglige la nature spécifique de ce dernier. Au lieu d'in vestiguer l'organique  conformément à sa nature, on lui impose un système de lois qui lui est étranger » (6). Ceci provient d'une erreur fondamentale qui consiste à considérer que la méthode scientifique peut échapper aux objets sur lesquels elle se penche et que cette méthode, ainsi dégagée des objets, peut s'appliquer indifféremment à l'univers tout entier. Dès lors, on raisonne abstraitement sur des modes de penser inductifs, déductifs..., sans plus se préoccuper de ce que réclament les objets eux-mêmes. Sur cet arrière-plan, Steiner peut distinguer clairement les méthodes d'approche du monde inorganique et du monde organique.
« Dans la nature inorganique, nous percevons un fait et, pour l'expliquer,  nous en cherchons un deuxième, un troisième, etc... et le résultat est que ce premier fait nous apparait comme la conséquence nécessaire des autres faits. Il n'en est pas ainsi dans le monde organique. Outre les faits, nous avons encore besoin d'un facteur. Nous devons prendre pour base quelque chose qui ne se laisse pas déterminer passivement par les circonstances extérieures, mais qui se détermine activement, par soi-même, sous leur influence.
Mais quelle est cette base ? Elle ne peut rien être sinon ce qui, dans chaque cas particulier, apparaît sous la forme de généralité. Or, dans le particulier, c'est toujours un certain organisme qui apparaît. Cette base est donc un organisme qui a la forme de la généralité. Un modèle général de l'organisme, qui comprend toutes les formes particulières de celui-ci.

En conformité avec la démarche de Goethe, nous appellerons cet organisme général le type. » (7)
Bien qu'il soit difficile de le caractériser, on peut dire du type qu'il est « essentiellement fluide » c'est-à-dire « qu'il peut prendre les aspects des plus multiples ». De lui proviennent « tous les genres et les espèces particuliers ». Il admet « le fait que les formes organiques se développent les une à partir des autres ». Mais l'évolution des organismes ne peut s'identifier à la succession des formes concrètes (perceptibles par les sens). « C'est lui qui est à la base de toute cette évolution. C'est lui qui produit la cohérence dans cette multiplicité infinie. Il est l'intériorité de ce que nous rencontrons comme formes extérieures des êtres vivants. La théorie darwinienne présuppose le type. Le type est le véritable organisme primordial ; selon qu'il se spécialise idéellement plante primordial (Urplfanze) ou animal primordial (Ortler). » (8)
A ce titre, nous pouvons dire qu'il est l'essence originelle de tout phénomène vivant, ce qui signifie qu'il ne se laisse appréhender que sur le plan des idées. Encore faut-il être apte à le faire. En effet, cela exige une capacité particulière qu'avait Goethe, à savoir celle de pouvoir porter des jugements intuitifs. Ce sont des jugements qui, pour leur forme, font pénétrer dans les réalités de manière vivante et créative, apportent avec eux l'assurance de l'évidence. Ils sont liés à une méthode de penser qui procède par développement et non par démonstration comme pour les lois naturelles.
Il y aurait beaucoup à dire sur la méthode d'approche de l'organique. Cependant, ce sur quoi il faut surtout insister c'est que c'est une méthode de développement de formes. R. Steiner décrit la chose à partir de l'inorganique :
« Dans l'inorganique, nous ramenons un phénomène à une loi; de même, ici, nous développons une forme particulière à partir de la forme primordiale. On n'édifie pas la science organique en confrontant de façon extérieure le général avec le particulier, mais en développant une forme à partir de l'autre. Comme la mécanique est un système de lois naturelles, l'organique doit être une série de formes évolutives du type. Seulement, là, nous établissons toutes les lois particulières et nous les ordonnons en un tout, tandis qu'ici nous devons, de façon vivante, faire découler les formes particulières les unes des autres.» (9)
C'est cela que l'on peut qualifier de science de l'organique. Venons-en maintenant brièvement aux sciences de l'esprit.

Les sciences de l'Esprit
Comme nous l'avons dit, dans ces sciences, l'esprit est présent à la fois dans les objets de recherche et dans les méthodes. Pour bien les comprendre, il faut d'abord aborder la question essentielle du rôle et de la place de l'esprit par rapport à la nature.
Dans la mesure où, par la science, l'esprit apporte à la nature quelque chose de plus que ce qu'elle manifeste spontanément, on peut voir dans ce geste de l'homme une façon de parachever la nature en lui permettant de s'expliquer avec elle-même dans l'idée que l'homme s'en fait consciemment.
Dans les sciences de l'esprit par contre, on observe déjà la présence d'un contenu spirituel présent dans la conscience de l'homme. Dès lors, on peut constater ici que c'est l'homme qui s'explique avec lui-même et. avec son espèce.
Cependant, le point de départ des deux types de science est le même, à savoir un besoin humain, un besoin de l'esprit humain. C'est ainsi que nous sommes amenés à nous pencher sur l'homme. De lui, on peut dire qu'il se distingue de la nature, qu'elle soit inorganique ou organique. A ce propos, Steiner déclare :
« L'homme ne doit pas, tel un être de la nature inorganique, agir sur un autre être d'après des normes extérieures, d'après des lois qui le dominent ; il ne doit pas davantage être simplement une forme particulière d'un type général, mais il doit se proposer lui-même le sens et le but de son existence et de son activité. Si ses actions sont le résultat de certaines lois, ces lois doivent être telles qu'il se les donne lui-même. Ce qu'il est pour lui-même, ce qu'il est parmi ses semblables, dans l'Etat et dans l'Histoire, ne doit pas être soumis à une détermination extérieure. Ce que l'homme est, il doit l'être par lui-même. La manière dont il s'intègre à la structure du monde dépend de lui. Il doit connaître le monde de l'esprit pour déterminer, en fonction de cette connaissance, comment il y participera. C'est ici que prend source la mission de la psychologie, de l'ethnologie et de l'histoire. » (10)
Dans ce passage nous apparaît clairement que l'être humain est essentiellement un être libre. Et les sciences de l'esprit sont des sciences de la liberté parce qu'elles sont pénétrées du principe de la liberté humaine.
Elles sont aussi pénétrées de l'idée de la personnalité humaine, non pas de la personnalité limitée, mais de la personnalité dans son essence, « la personnalité en tant que telle [...] se suffisant à elle-même, achevée en soi et trouvant, en soi, sa propre détermination » (11) Et cette personnalité ainsi comprise est essentielle dans les sciences de l'esprit.


Notes

  1. voir précédent article dans le bulletin d'octobre 2013 (retour (1))
  2. R. Steiner, Une théorie de la connaissance chez Goethe, E.A.R., 1985, p.93
  3. Id., p.98
  4. Id., p.98
  5. Id., p.100
  6. Id., p.107
  7. Id., p.110
  8. Id., p.111
  9. Id., p.115
  10. Id., p.124-125
  11. Id., p.126

Le bulletin des professionnels de la biodynamie / n°24 / décembre 2013 - Mouvement de l'agricuture biodynamique .