J. Mossman - La démocratie élargie

Institut pour une triarticulation sociale
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Die Drei 11/2019. (Traduction Daniel Kmiecik revue par F.G.,
v. 03 au 28/04/2020 18:47)

La démocratie élargie — Partie I -   (précédent / suivant)
Johannes Mosmann

La tâche aveugle de la critique de société

(ou : des limites de l’État)

Le présent essai esquisse les limites d’efficacité des processus démocratiques. Dans les parties suivantes d’une série qui débute ici, on montrera comment le peuple se prive actuellement lui-même de son pouvoir par sa fixation sur des procédures de vote démocratiques et se soumet à la domination des élites financières et politiques. Sur l’arrière-plan des débats sur le climat et des exigences d’expropriation/de dépossession du chef des Jeunes socialistes, Kevin Kühnert, des chemins pratiques devraient par contre êtres décrits sur comment « tout pouvoir » devrait effectivement émaner du peuple.

Quelques auteurs issus du milieu des médias critiques — comme les « Nachdenkseiten »[quelque chose comme :« Aspects/pages de ceux qui réfléchissent en marge », ndtDK] « KenFM »ou bien « Rubicon »— diagnostiquent un « sapement »de la démocratie par l’union des élites politiques et économiques avec « l’état profond ». Le capital financier et les gouvernements occidentaux mettraient en scène une « démocratie de façade », manipuleraient les médias et piloteraient l’opinion publique par le « framing »[en anglais dans le texte :idée de « cadrer et recadrer », ndtDK] »sur des décisions qui semblent dépourvues d’alternatives. « Durant ces dernières décennies, la démocratie a été sapée d’une manière dépourvue d’exemple. La démocratie est remplacée par l’illusion de démocratie, les libres débats publics par un management de l’opinion et de l’indignation, l’idéal guidant les citoyens hors de tutelle/majeurs remplacé par celui de consommateurs politiquement apathiques. Entre-temps, les élections sur des questions politiques de base ne jouent plus aucun rôle en pratique. Les conséquences écologiques, sociales et psychiques de cette forme de domination des élites menacent toujours plus les fondements de notre vie » ( 1 ) déclare par exemple le journaliste et ancien politicien du SPD, Albrecht Müller, dans sa recension du « Best-Seller/la meilleure vente) du Spiegel » : « Pourquoi les agneaux font silence » de Rainer Mausfeld. Quand bien même cette façon de voir soit décriée par les « médias dominants » comme relevant de la « théorie de la conjuration/du complot », elle relève pourtant d’une base de savoir accumulé par une sérieuse et minutieuse science sociale. Toutefois ce savoir autour des machinations des élites financières et politiques, dans la forme où il est diffusé par tout média indépendant, a une tare grave, car il y est certes démontré en détail, la manière dont les processus démocratiques sont manipulés ou contournés. Mais par cela, ces processus forment le pôle positif opposé de la critique. Dans cette position, ils sont a priori soustraits au regard de la conscience critique. La représentation selon laquelle on puisse réguler la vie sociale par des formations d’opinion et des processus de vote démocratiques est, néanmoins pour sa part, une « grille d’interprétation » qui contribue de manière décisive à ce que ces élites financières et politiques conservent bien le pouvoir.
Or tout pouvoir devrait partir du peuple. C’est l’idéal que la plupart des êtres humains relient tout d’abord au terme de « démocratie ». Or il est traduit nonobstant dans la représentation que tous les citoyens devraient avoir la même voix, entrer dans un processus  d’actualité de la « formation d’opinion », voter directement ou indirectement sur des idées et en déverser le résultat en lois. À la place d’une question de pouvoir, c’est une opinion préconçue qui surgit sur l’efficacité d’une procédure déterminée. La critique adressée à la « manipulation » de la démocratie par des élites politiques et financières, suggère que le peuple soit par cette procédure déjà en possession d’un instrument approprié pour améliorer les circonstances, mais qu’il ne puisse pas l’utiliser actuellement. Que l’on fasse abstraction des intrigues des puissants — et il resterait, selon cette logique, une société dignement humaine.

La circonstance de son absence permanente procure à cette démocratie représentée ainsi, l’avantage convaincant qu’elle ne doit jamais être mise à l’épreuve de la réalité. Cet effet se renforce encore lorsque l’état idéal de démocratie est déplacé dans le passé, comme s’il y eût une fois, autrefois/auparavant une société dans laquelle la démocratie n’eût point encore été manipulée. Mais quand donc cela dût-il avoir été ? Et comment fut donc possible cette« sape » de la démocratie, là même où, elle représente pourtant le moyen soi-disant suffisant pour l’exercice du pouvoir par le peuple ? La fixation sur la forme de société démocratique renvoyée dans le passé qui eût été progressivement détruite par les élites financières et politiques, définit le peuple comme passif et recouvre les espaces d’opération qui s’ouvriraient à lui seulement au moyen des conditions actuelles. Or, exactement ces espaces d’opération là ont alors été occupés par les élites financières et politiques. Avant que ce contexte/pendant soit exploré plus précisément, à cause de cela devrait d'abord être esquissé ici l’essence de la démocratie et sa limite naturelle.

La nature du droit
Admettons qu’on observe comment un autre être humain est agressé, frappé et qu’on en est si touché dans son sentiment du droit qu’on intervienne et s’empresse spontanément de lui venir en aide. Si l’on tente à présent d’appréhender ce sentiment en pensant le contenu de celui-ci, on pourrait formuler par exemple : « l’être humain a le droit [au respect de, ndtDK] à son intégrité corporelle. »
Mais, avec cela, il n’est alors pas tout de suite pensé à l’être humain que l’on a là, devant soi, mais à l’humain en général. Celui qui est, qu’il soit noir ou blanc, homme ou femme, fumeur ou non-fumeur, sympathique ou antipathique, — tout ce qui fait l’être humain concret, masque tout de suite le sentiment du droit. Le droit en tant que tel est, par définition, sans détermination concrète et pour cette raison même, vide — ou bien exprimé positivement : ouvert dans sa vacuité pour l’entrée de tout cas quelconque qui lui confère seulement alors son contenu réel. Vu ainsi le sentiment du droit est donc un éducateur du penser abstrait. Tandis que les êtres humains forment le sentiment du droit, dans leurs échanges réciproques, ils développent une sensibilité pour la valeur universelle de l’être humain. Le droit à l’expression de la libre opinion, signifie que tout être humain devrait pouvoir exprimer librement son opinion. Mais le contenu de l’expression d’opinion ne sera pas concerné par cela — cette opinion, l’être humain doit alors déjà la former lui-même et l’extérioriser. Si l’état protégeait, non pas la libre expression d’opinion en tant que telle, mais une certaine opinion, le droit à la libre expression d’opinion serait donc aboli aussitôt. Mais ceci est le principe de chaque droit, que du côté de l’état, rien n’est jamais fixé sur l’événement concret. Le droit en tant que tel définit des limites, dans lesquelles l’individu peut librement se déployer et protège en même temps le libre déploiement de l’un des empiétements de l’autre, qui ne sont pas conformes au droit. Pour autant que le pouvoir d’état défende le droit, il ne peut pas anticiper ensuite quant à ce qui surviendra dans cet espace juridiquement formé et comment cela survient, sans lui-même se placer aussitôt dans le non-droit. Il ne protégerait plus ainsi le droit en tant que tel, mais plutôt les intérêts de personnes individuelles ou de groupes de personnes, c’est-à-dire que le pouvoir d’état se verrait privatisé.

L’expérience décrite ci-dessus du sentiment du droit peut être condensée en la pensée et retenue comme la loi. Ainsi cela se répercute par exemple dans l’article 2 de la Loi fondamentale (Grundgesetz) : « Chacun a le droit [au respect de, ndtDK - décidément DK semble intercaler une sphère pseudo-morale supplémentaire. ndtFG] à la vie et à l’intégrité corporelle ». Mais quelle valeur a une telle loi pour la vie humaine ensemble ? Elle n’est pas efficace d’emblée. Tout aussi peu que la Loi fondamentale coïncide avec un sentiment du droit actuellement ressenti, avec ce que pense un être humain quelconque, voire opère le respect de l’intégrité corporelle, tout aussi peu n’importe quelle autre loi renferme ou opère quelque chose de réel.
On peut se mettre ce fait concret à chaque loi quelconque devant les yeux : dans le § 10, alinéa 2 de la loi de protection du travail il est dit par exemple : « L’employeur doit désigner les employés qui se chargent des tâches de premier secours, luttent contre l’incendie et veillent à l’évacuation des employés. » Cette loi décrit certes des obligations et renferme des instructions directes. Pourtant, il faut encore toutefois rajouter ici la réalité survenant en premier d’autres sources. Il doit y avoir un besoin après une marchandise pour la production de laquelle des êtres humains véritables se mettent ensemble. Ceux-ci doivent vouloir se positionner les uns par rapport aux autres de manière telle que les uns puissent être considérés comme des employés et les autres comme des employeurs. Un représentant « employeur » doit ressentir ensuite la nécessité de mouvoir ses véritables jambes [on dirait au pays de Groland : de « se bouger le cul… ! » ndtDK] et de nommer un employé pour se charger, quelque peu, des premiers secours. Celui-ci, à son tour, s’avérera plus ou moins capable de faire ce qui est correct. La réalité, à laquelle se réfère chaque loi, repose donc de son côté sur des processus naturels, économiques, et de la vie de l’âme et de l’esprit, qui lui donnent alors seulement un contenu. Le sentiment du droit lui-même compte parmi les processus d’âme et d’esprit. L’article 2 de la Loi fondamentale n’a aucune sorte de relevance aussi longtemps que la sensibilité correspondante ne se suscite pas chez un individu présent eu égard à une brutalité concrète commise à l’encontre d’autrui.
La loi est un souvenir aux conditions qui peuvent être éprouvées comme harmonieuses par l’action ou la collaboration des forces naturelles, économiques et d’âme et d’esprit. Dans la loi, cependant, ces forces elles-mêmes ne sont plus efficaces. La loi reflète les circonstances/rapports vécus comme conformes au droit à l’instar d’une abstraction dans la conscience humaine, mais elle ne les produit nonobstant pas.
Si par un dimanche quelconque, le peuple électeur défile dans les écoles primaires de l’endroit, pour y inscrire une croix, alors le cours des événements quotidiens est rompu à ce moment. La vie sociale vient à l’arrêt. Quoi qu’ait pu produire l’individu chaque jour pour la communauté — en cet instant, toute activité cesse, afin qu’à la vie réelle puisse être opposée une notion abstraite, la loi. Que l’on veuille donc ainsi comparer le vote démocratique avec quoi que ce soit de la vie extérieure, alors on peut affirmer : si le processus social débouche dans la formulation des lois, alors il se produit quelque chose comme lorsqu’un être vivant meurt. Avec cela, il ne devrait par aucun chemin être prétendu que des lois ne sont point nécessaires. Comme la vie et la mort sont interdépendantes, le sont l’événementiel/le devenir social et la loi. Mais on doit aussi saisir la qualité de la mort en tant que telle, pour pouvoir l’instaurer/la mettre en œuvre comme un instrument efficace de l’organisation sociale. L’établissement de lois, ainsi que les votes, scrutins etc., qui en sont le pendant, n’est pris exactement aucun acte social, mais plutôt une réflexion/un reflet conforme à la conscience, des actes sociaux réels et des conditions/rapports qui en résultent. Dans cette fonction cela peut certes servir l’action sociale des êtres humains, mais non remplacer celle-ci.

Les sources des actions sociales
Une communauté qui confond la démocratie avec la vie sociale et l’accès aux urnes électorales avec l’action sociale et, par contre, tient l’agir quotidien dans la profession et le temps libre comme relevant de la sphère privée, met la réalité cul par-dessus tête. La loi peut rappeler la vie, mais la vie doit se saisir elle-même. La mère veille par amour à son enfant et non pas parce qu’elle a lu, par exemple, dans le Code civil les paragraphes sur le devoir des soins à apporter légalement aux enfants. C’est seulement si elle ne suit pas son devoir de soins que la loi est relevante, mais seulement aussi loin qu’elle rappelle justement à la nécessité de l’amour individuel. La loi ne peut absolument pas produire cet amour. La compréhension du véritable pendant entre la loi et la vie sociale sera toutefois compliquée par l’impression du fait que nous payons des êtres humains déterminés, pour interpréter la concordance entre les deux et dans les cas d’une déviation appliquer la force, cela signifie que nous édifions un appareil d’état. Le pouvoir accorde à la loi un « poids », de sorte que cette dernière semble quand même produire les conditions sociales. Mais ici, il doit être regardé plus exactement : le pouvoir d’état intervient lorsque la vie réelle n’a pas eu lieu, lorsque, par exemple, un être humain n’a pas fourni une première aide. Cette prestation d’aide ne sera pas tout de suite effectuée par la loi, mais par un processus d’âme et d’esprit dans l’individu. Le fait que la loi œuvre en retour aussi sur les processus d’âme et d’esprit, desquels elle jaillit elle-même, ne se tient aucunement en contradiction à ceci. Évidemment, la loi peut influencer indirectement l’impulsion individuelle à agir, notamment par le détour de ses effets psychologiques — comme, par exemple, la peur devant la punition, l’obéissance, l’aspiration à une carrière et ainsi de suite. Aussi loin, l’état façonne conjointement indirectement la vie sociale. Cependant, dans les actions individuelles, pour autant qu’elles peuvent être ressenties conforme au droit, affluent encore de toutes autres sortes d’impulsions qui ne sont en aucune manière conditionnées par des lois. Celui qui veut poser sérieusement la « question sociale » doit donc s’intéresser à l’ensemble des forces constitutives de la vie sociale. Il doit rechercher les conditions sociales sous lesquelles la vie individuelle d’âme et d’esprit peut se développer de sorte que les meilleures forces affluent à la communauté.

De l’usage du pouvoir physique
Le pouvoir d’état se fonde sur un monopole, qui correspond à exercer un pouvoir physique conformément à la loi. L’état ne possède aucun autre moyen que celui physique pour ce faire, qu’il soit organisé démocratiquement, de manière monarchique ou autrement sinon. Tous les autres instruments, qui semblent d’une autre sorte, sont dérivés de lui. L’état agit soit par utilisation directe du pouvoir, en interdisant ou en autorisant quelque chose, soit par les effets psychologiques du pouvoir, c’est-à-dire — comme mentionnés — la peur de punition, l’aspiration à s’adapter et de carrière et ainsi de suite.
  Mais le pouvoir est destructeur. Cela veut dire que l’état au véritable sens du terme ne peut rien « créer ». Son « faire » est fondamentalement toujours, indépendamment du système choisi, un négatif, c’est-à-dire une intervention, exprimée plus exactement : un faire cesser, conformément au pouvoir d’un faire/agir, qui jaillit d’autres sources, non étatiques. L’état peut par exemple interdire des sources d’énergies fossiles, mais il ne peut ni engendrer ni encore découvrir une alternative amicale vis-à-vis de l’environnement. Il peut punir l’entrepreneur lorsque celui-ci agit de manière irresponsable ; et il ne peut pas agir à sa place. Il peut exproprier « Les habitations allemandes », mais construire des logements, il ne peut pas. Les logements sont construits par des artisans, les entreprises gérées par des entrepreneurs, et les découvertes faites par des scientifiques. On pourrait donc exagérer, allant dans cette direction, la représentation d’une responsabilité étatique en ce qu’on pense l’ensemble de la vie sociale comme étant aspirée dans un super-état — mais ceci signifierait, en pratique, purement et simplement que les artisans, entrepreneurs et chercheurs effectifs, eussent à attendre simplement, pour toute manœuvre quelconque, l’ordre d’une position supérieure, mais à nouveau cela ne veut pas dire que l’état crée quelque chose de lui-même. Ne peut toujours agir que l’être humain individuel. Ce fait concret ne se laisse évacuer de la discussion par aucune idéologie de quelque genre que ce soi. Même un état dit socialiste n’entreprend rien en vérité de lui-même, mais fait plutôt des entrepreneurs, des fonctionnaires. L’objection que l’état pourrait par ailleurs encourager par des subventions, ne voit pas que tous les moyens fiscaux proviennent de l’action économique des êtres humains et que l’état redistribue purement et simplement les valeurs qui en ont pris naissance et que donc ici non plus, il n’est pas véritablement actif « en soi » mais intervient par un acte de pouvoir justement.

Le concept de corruption
Aucun participant à la circulation routière ne voudrait en renégocier les règles avec un policier, sauf si celui-ci est corrompu. Le policier n’est pas l’auteur des idées d’après lesquelles il oriente son action. Son autorité repose tout de suite sur le fait que son individualité n’entre pas en considération ici, mais qu’il agit beaucoup plus en représentant des idées adoptées par une majorité démocratique. Il en va tout autrement pour des pédagogues, des parents, des consommateurs, des artisans, des inventeurs et des entrepreneurs, etc. Les idées pour l’action culturelle et économique des êtres humains ne peuvent pas être reçues passivement, mais doivent au contraire être formées, originaires et actives, par l’individu dans la rencontre. Un policier doit agir comme représentant de l’opinion d’une majorité démocratique ; pédagogues, artisans, entrepreneurs et autres, par contre, n’ont pas permission de le faire. Ils doivent certes compter avec une intervention de l’état, au cas où ils se mettent à outrepasser des lois, c’est quand même pourquoi cela n’est aussi pas ce qui donne l’impulsion de leurs actions concrètes. Ainsi de la même façon que le policier est responsable de la volonté d’une majorité démocratique, ou selon le cas des organes étatiques correspondants, le pédagogue est donc immédiatement responsable de l’enfant, l’artisan des besoins de ses clients et l’entrepreneur du développement prospère de l’entreprise dirigée par lui. Un policier qui ne traite pas quelqu’un qui enfreint les règles de la circulation selon la loi, mais plutôt d’après son propre jugement individuel ou bien même se laisse influencer dans une discussion à ce sujet, est corrompu. La même échelle de mesure devra être utilisée à l’inverse pour l’être humain créateur culturel ou économique : celui-ci est corrompu s’il n’agit pas en fonction de sa spécialisation de jugement individuel ou se montre insensible à la rencontre individuelle, mais transpose plutôt l’opinion d’une majorité démocratique. La même chose vaut pour les professions qui ne servent pas immédiatement l’instauration ou la garantie de la sécurité intérieure et extérieure.
Une formule générale peut être mise en place ici à laquelle se lit quels domaines peuvent être fondamentalement administrés de manière démocratique. Ce qui est propre au sentiment du droit c’est notoirement que cela ne s’abstrait pas seulement du cas isolément observé, mais reste plutôt dans le même temps relativement indépendant des facultés et penchants de cet individu-là dans lequel cela se vit à fond. Quelqu’un peut être un inventeur de génie, un astronaute téméraire, ou un entrepreneur adroit — et disposer pourtant d’un sentiment du droit sous-développé. Inversement, peuvent parler du sentiment le plus sûr pour le droit ceux qui sinon ne se font pas remarquer par des facultés particulières quelconques. C’est la raison pour laquelle la démocratie ne connaît qu’une seule condition préalable à la participation au vote démocratique : l’âge. À partir d’un certain âge, tout être humain, sans égard pour ses facultés et penchants individuels, est « mûr ». Cette maturité définit dans le même temps les limites de la démocratie : ce que tout être humain peut juger simplement en vertu de sa maturité, peut et doit être versé dans une loi. Mais il y a dans le même temps, dans tout cela, tout ce qui dépend des facultés et besoins individuels, au-delà des compétences d’un état démocratique. Or c’est l’ensemble du domaine de la vie de l’esprit, d’un côté, et de l’économie, de l’autre.

L’état providence
Cela étant, ce fait ne vit pas dans la conscience du peuple. Cela fait assonance à l’attente de pouvoir transférer la « volonté du peuple » sur l’état, afin que celui agisse alors dans l’intérêt du peuple, c’est-à-dire qu’il devienne en particulier agissant économiquement et culturellement. « De l’état social du 21e siècle sera attendu qu’il veille au bien-être de tous les citoyens, garantisse, avant tout, la stabilité économique, compense les inégalités sociales et mette à disposition toutes les institutions et prestations qui sont nécessaires à la vie dans la société industrielle » ( 2 ), déclare la Bundeszentrale für politische Bildung [Centrale fédérale pour la formation politique].  À l’état échoit donc une mission qui embrasse tout, allant bien au-delà de l’intervention à cause de la violation des droits. Sur le plan pratique cela veut dire, étant donné justement que seul l’individu peut agir à chaque fois, que l’espace d’action individuel du côté du peuple se voit restreint au profit des pleins pouvoirs confiés à quelques-uns qui sont eux du côté du gouvernement. Au moyen de lois et de décrets aux mailles de plus en plus fines, l’état cherche à appréhender désormais l’ensemble de la vie publique et privée et à étendre le cercle d’action du pouvoir d’état sur tous les domaines de la vie sociale, en particulier sur la culture et l’économie. En même temps, il élargit les institutions étatiques classiques, servant pour l’essentiel la sécurité à l’intérieur et à l’extérieur autour de dispositions et d’instruments de longue portée. Ainsi y a-t-il des lois scolaires et universitaires, des ministères cultuels respectivement de la formation, des encouragements à la recherche, des installations de radio « de droit public » et autres, dans le domaine de la vie de l’esprit et d’un autre côté, des ministères du travail et de l’économie, des banques centrales, des services du travail, de la promotion de l’économie, dans celui de la vie de l’économie.
Mais « l’état » en tant que tel, comme il fut montré ici, n’agit pas de manière effective. Il peut toutefois empêcher que des individus agissent sur la base de leurs jugements individuels. Ce n’est pas l’action, mais le penser que l’on peut céder à l’état, tandis que le peuple ou bien le Parlement qui est élu par le peuple, vote démocratiquement pour décider de ce que l’individu a à faire. Par cela l’unité entre l’agir et le penser est déchirée. Ici s’ajoutent des interrogations fondamentales : est-ce que le dénominateur commun démocratiquement déterminé d’une majorité est plus intelligent ou moins intelligent que l’impulsion immédiate de celui qui agit à chaque fois en référence à son propre agir ? L’agir et le penser se laissent-ils raccommoder après avoir été ainsi déchirés ? Comment la situation d’une telle déchirure opère-t-elle sur la disposition d’âme de l’être humain moderne ? Développe-t-il de ce fait des impulsions sociales, opportunistes ou révolutionnaires destructrices ?

Kevin Kühnert et la question sociale
L’économie mondiale de la division/partage du travail et la culture-Je [au sens de la culture de la jé-ité (au sens de l’Ichsamkeit du philosophe Salvatore Lavecchia), ndtDK] de l’être humain moderne ont amené une multiplicité impressionnante de découvertes techniques, de denrées et de prestations de services qui rendent plus commode l’existence humaine à de nombreux égards. L’injustice, la destruction environnementale et le déclin culturel se trouvent nonobstant sur l’autre côté du bilan. À cela s’éveille le sentiment du droit. C’est pourquoi il est seulement naturel que les exigences démocratiques visent souvent les domaines économique et culturel-spirituel de la vie sociale. Quant à leur contenu, ces exigences apparaissent le plus souvent justifiées. Or, étant donné qu’elles veulent appréhender l’économie et la culture justement à partir d’un point de vue démocratique, elles saisissent bien trop court. Aussi loin que l’être ensemble social repose sur l’imposition de principes généraux par un « pouvoir reconnu », cela  peut et devrait être soumis à des procédures démocratiques. Les domaines essentiels pour la forme de notre société — comme, par exemple, l’évaluation réciproque des marchandises dans le circuit économique global ou la vie de l’esprit (éducation-formation, science, journalisme, religion, opinion publique, etc.) — ne reposent cependant pas sur une efficacité étatique. Ces domaines devraient toutefois, si une communauté digne de l’humain devait devenir possible, pouvoir être en coresponsabilité et en coorganisation de chaque humain.
L’état pourrait, par exemple, suivre absolument la proposition du chef des jeunes socialistes, Kevin Kühnert et exproprier des consortiums, aussi loin que les actuels propriétaires de ces consortiums ne les administrent pas dans les intérêts de la communauté ( 3 ). Qu’on aime trouver cela politiquement ou économiquement faux — cela serait possible aussi loin justement que la destruction repose dans la nature même du pouvoir. Mais il est impossible alors à l’état de devenir productif, en ce qu’il fabrique lui-même les marchandises concernées ou en en dirigeant les processus de fabrication. Les sources des processus productifs se trouvent donc en dehors de la sphère des lois, notoirement dans les besoins que les êtres humains développent, dans leurs talents et facultés, et finalement dans les processus extérieurs de la nature. Des normes démocratiques peuvent bien être un résultat des forces qui affluent de ces sources-là, mais elles ne pourraient jamais les remplacer. Un état démocratique pourrait aussi en regard aux processus de production à nouveau agir seulement d’une manière destructive et après coup, en ce qu’il limite, par exemple, les compétences des êtres humains qui y opèrent de manière productive, à savoir en les liant à des décisions démocratiques et en les sanctionnant en cas de non prise en compte.

La question centrale
L’événement réel précède constamment la loi ; quelque chose doit toujours se produire avant qu’une loi puisse y être appliquée. Si l’état redistribue, par exemple sur la base de lois correspondantes, les gains produits par l’économie, alors cela présuppose que tout d’abord de l’injustice soit apparue. Une communauté humaine véridiquement et humainement digne s’efforce de lutter contre l’iniquité à son origine et non seulement en gérant étatiquement ses conséquences. Mais pour cela elle doit pénétrer immédiatement dans la réalité qui est seulement affectée extérieurement et a posteriori par des lois — dans ce domaine donc qui apparaît, encore aujourd’hui, comme le « mécanisme du marché ». La question décisive pour l’évolution supplémentaire de l’humanité est à cause de cela tout autre que celle de savoir si l’état doit exproprier ou ne pas exproprier des consortiums, ou bien devrait faire ou laisser faire quelque chose. La véritable question pratique c’est : le processus productif, parce qu’il repose en dehors du domaine d’influence des procédures démocratiques, est-il nécessairement aussi en dehors de la portée de toute volonté consciente communautaire d’organisation ? Ou bien y a-t-il au-delà des limites de la démocratie, un équivalent qui convienne pour une administration commune de la culture et de l’économie ?

C’est seulement après avoir répondu de manière pratique à cette question, que peut être décidé ce que l’état a à faire ou bien à laisser. Tant que, par contre, tout processus social conscient est à nouveau représenté seulement démocratiquement, des percées remplient de bonnes intentions, telles que celles du chef des jeunes socialistes, échoueront simplement face à la légitimité des lois économiques. Une administration démocratique arrache l’une de l’autre l’action individuelle et la loi universelle/générale, tombe avec cela dans une contradiction avec l’individualité humaine et doit à cause de cela accepter que l’économie se place « à côté », comme un domaine particulier. En conséquence la démocratie ne peut jamais pénétrer dans les profondeurs de la réalité sociale. Si elle se comprend elle-même, elle doit se restreindre au droit pur et céder le reste de la vie aux agitations chaotiques de la « main invisible » du marché. Par contre un processus communautaire/de communauté, qui n’entame pas l’intégrité de l’individu, qui donc ne « réglemente » rien « de l’extérieur », mais laisse exister l’unité du penser et de l’agir, ne doit pas s’arrêter à cette limite.
Dans le cours ultérieur de cette série d’articles, ce qui est pensé avec cela devrait devenir clair. Il devrait être montré qu’un processus de formation de communauté peut être pensé qui ne se trouve pas en contradiction avec l’individualité humaine, mais a celle-ci pour contenu et surgit même de sa libre activité. Tandis que la démocratie doit nécessairement se contenter avec des « conditions-cadres » pour les excès de l’ego, celui-ci même peut pénétrer à la place de la « main invisible ».À titre d’exemple, Bayer qui a racheté Monsanto, devra bien payer un jour les dédommagements que va entraîner l’aboutissement des 43 000 plaintes déposées à peu près rien qu’aux USA (!) à cause de la toxicité du glyphosate de Monsanto. Qui va les payer vraiment ? Les citoyens allemands principalement et derrière eux, solidaires si besoin, ceux de l’Europe entière [après tout, mis à part quelques centaines de fermiers biologiques biodynamiques tous les autres fermiers européens ont aussi eu recours au glyphosate], mais pas les citoyens américains, actionnaires de Bayer-Monsanto… C’est là qu’est l’astuce ! Car ce sont les mêmes financiers principaux qui décident de quoi que ce soit pour les deux consortiums qui ne reconnaissent pas les pays mais seulement le monde. NdtDK


( 1 )  www.nachdenkseiten.de/wp-print.php?p=46317
( 2 )  www.bpb.de/politik/grundfragen/deutsche-demokratie/39365/bundesregierung?p = 2

( 3 ) À titre d’exemple, Bayer qui a racheté Monsanto, devra bien payer un jour les dédommagements que va entraîner l’aboutissement des 43 000 plaintes déposées à peu près rien qu’aux USA (!) à cause de la toxicité du glyphosate de Monsanto. Qui va les payer vraiment ? Les citoyens allemands principalement et derrière eux, solidaires si besoin, ceux de l’Europe entière [après tout, mis à part quelques centaines de fermiers biologiques biodynamiques tous les autres fermiers européens ont aussi eu recours au glyphosate], mais pas les citoyens américains, actionnaires de Bayer-Monsanto… C’est là qu’est l’astuce ! Car ce sont les mêmes financiers principaux qui décident de quoi que ce soit pour les deux consortiums qui ne reconnaissent pas les pays mais seulement le monde. NdtDK


Dans Die Drei 1 &2/2020.
Au sujet de l’article de Johannes Mossmann ci-dessus, paru dans Die Drei 11/2019.

Un commentaire de Georg Klemp

Johannes Mosmann travaille dans son article à partir des principes de la pensée de Dreigliederung/tri-articulation : le principe de la « démocratie » avec des élections, des scrutins et la formulation de lois serait le domaine de la vie de droit et avec cela, de l’état. Tout ce qui aurait à faire avec des facultés et des besoins individuels, appartiendrait par contre aux vies de l’économie et de l’esprit qui devraient être configurées par d’autres principes fondamentaux. Dans l’exigence de gauche après une démocratisation de la société, qui englobe aussi le domaine économique, il voit un chemin erroné, qui ordonne à l’état des tâches qui ne tombent pas dans sa compétence.
Ce qui est problématique ce n’est pas cette présentation en soi, mais l’exploration insuffisante de la contre-position apparente, qui renvoie à un problème fondamental : il n’est fréquemment pas pris en compte que Steiner utilise les concepts dans des significations spécifiques, qui chez d’autres auteurs sous d’autres circonstances sont associées/liés à d’autres contenus. Steiner utilise le concept de démocratie au sens de la démocratie parlementaire représentative qu’il veut seulement restreindre à la vie de droit. Il échappe à ce sujet à Mosmann, qu’il y a une tout autre tradition du concept de démocratie, qui émane des Lumières, et comprend celui-ci au sens tout général de participation de l’être humain à la configuration de la société.
Une société qui serait organisée selon les principes fondamentaux de la Dreigliederung aurait à présenter une haute mesure de participation et serait donc avec cela radicalement démocratique, au sens originel. La réduction du concept de démocratie au parlementarisme fut dès le début, c’est-à-dire déjà pendant les révolutions américaine et française, l’aspiration des élites dominantes du pouvoir [pour la France c’est le 9 thermidor qui marque le moment où la bourgeoisie reprend en main la Révolution inachevée, ndtDK]. C’est là-dessus que renvoie le psychologue Rainer Mausfeld, dans nombre de ses conférences. Comme exemple impressionnant, tiré des temps ultérieurs, pour cette manipulation ciblée par une réinterprétation du concept de démocratie, Mausfeld désigne la controverse Dewey-Lippmann qui eut lieu dans les années vingt aux USA.( 4 ) Cela surprend que Mosmann ordonne justement Mausfeld parmi ceux-là dont il atteste d’une tâche aveugle dans leur critique de la société, parce que le principe du vote serait vu comme le seul et unique instrument d’organisation sociétal. Mausfeld caractérise par contre le principe du vote comme étant la partie la plus inintéressante et la plus insignifiante de la démocratie, à laquelle il ne revient une signification que comme ultima ratio, lorsque d’autres procédures d’entente ont échoué.
Cela vaut la peine, par exemple, de détailler l’apport de Mausfeld, étant donné que celui-ci a éclairé d’une manière particulièrement profonde, la question de la démocratie et qu’il représente dans le même temps un courant de la critique sociale de gauche. Déjà seule la pensée, qu’il pût exister des alternatives sociétales au capitalisme régnant, se voit repousser par de méthodes de manipulation qu’il analyse en détail. Cela concerne aussi la représentation d’une société telle que Steiner l’anastomose avec la Dreigliederung. (Malheureusement, il semble aussi que des parties du mouvement de la Dreigliederung ne peuvent pas de se représenter une société au-delà de ses conditions d’encadrement capitalistes). C’est pourquoi les recherches de Mausfeld sont relevantes aussi pour le mouvement de la Dreigliederung.
Mausfeld calcul au nombre des concepts originels de la démocratie, en particulier la démocratie des conseils qu’il relie nommément aux idées de Anton Pannekoeck. Aussi quand il y a assurément des différences significatives avec l’idée de Dreigliederung de Steiner, les explications suivantes de Pannekoeck montrent que les représentations ne reposent pas si distantes et il ne peut être parlé d’une fixation sur l’état : « L’ancien directeur ou propriétaire d’une usine qui était prêt à continuer de collaborer en tant que directeur technique — sous le contrôle du Conseil des ouvriers — peut codéterminer comme étant également justifié avec les autres ouvriers de l’usine. Les professions spirituelles, les médecins, les enseignants, les artistes forment leur propre conseil qui codécide les questions les concernant. Tous ces conseils restent constamment en relation la plus étroite avec les masses, puisqu’ils doivent constamment être délégués à neuf et remplacés par d’autres. De cette manière, il doit être veillé à ce que ne se forme d’eux aucune nouvelle bureaucratie ; et ceci est possible parce qu’en même temps, au moyen d’une activité intense d’apprentissage et d’enseignement, la faculté nécessaire ne reste pas le monopole d’individus isolés. » ( 5 )
À d’autres endroits, Pannekoeck écrit : « Ceux qui aménagent le travail, le réglementent aussi. En tant que membre de la communauté chaque individu n’a pas seulement à participer au travail effectif, mais encore aussi à la planification, à l’organisation de la direction spirituelle. Là où le capitaliste commande l’organisation et surveille l’ensemble, vaut […] : les individus travaillent « en aveugles », y compris les techniciens, sans savoir ce qu’ils créent. Par contre, là où la communauté projette elle-même l’organisation du travail, doit le décider et l’exécuter, elle décèle et sait aussi ce qu’elle crée. Et chaque membre de la communauté, parce qu’il prend part à la discussion, décide et exécute, prend aussi part à cette connaissance qu’il est une partie d’un tout organique n’est alors plus un malheur, mais au contraire une chance, non pas un abaissement de sa personnalité, mais au contraire une élévation de celle-ci. » ( 6 )
La critique de Mosmann adressée à une attitude qui attend une solution de l’état pour toutes les questions est avant tout justifiée sur une transfiguration du keynésianisme telle qu’elle est à rencontrer en des parties de la social-démocratie. C’est une erreur cependant d’imputer à forfait cette attitude à tous les mouvements qui critiquent la société et de la mélanger avec la question de la mise en société/socialisation. Effectivement la possession privée des moyens de production est le plus grand obstacle pour une configuration de la société dans les intérêts de tous les êtres humains. Aussi longtemps que la propriété privée des moyens de productions conditionnera la domination sur les bases existentielles des êtres humains, il ne peut pas être question de participation et de démocratie. D’après Mausfeld, il ne s’agit pas que la collectivité vote sur les décisions isolées/particulières à prendre dans une entreprise, mais plutôt qu’il ne puisse plus y avoir aucun centre de pouvoir autonome et autoritaire dans une société démocratique, comme c’est aujourd’hui le cas dans l’économie.( 7 ) Poser la question de la propriété ne signifie donc pas automatiquement intervenir en faveur d’une économie planifiée par l’état !
Pour les mouvements actuels qui s’engagent pour une humanisation de la société et ainsi pour une démocratisation au sens large, Mausfeld propose comme « cadre du récit » le retour à une tradition démocratique radicale des Lumières. La collectivité dans laquelle il formule ces principes, laisse de l’espace aussi pour des idées comme la pensée de Dreigliederung. Dans le même temps, elles se tiennent en opposition inconciliable avec les conditions régnantes qui à partir de structures totalitaires dans l’économie sont caractérisées par une soumission de la vie spirituelle aux besoins des élites de pouvoir régnantes (comme dans le journalisme du courant dominant) et une déconstruction de la démocratie dans la vie de droit. ( 8 ).


( 4 ) Voir Rainer Mausfeld : Elitendemokratie und Meinungsmanagement [Démocratie des élites et gestion de l’opinion] — SWR Tele-Akademie — www.toutube.com/watsch?v=ZnzvlY-BrVk

( 5 ) Anton Pannekoeck : Bolschewismus und Demokratie [Bolchevisme et démocratie] dans Arbeiterpolitik 50, 14 dcembre 1918, pp.303 et suiv.— www.marxists.org/deutsch/archiv/pannekoeck/1918/12/14b.htm

( 6 ) Du même auteur : Die Arbeit im Sozialismus [Le travail dans le socialisme], dans Funken 5 11/1954, pp.168 et suiv. — www.marxists.org/deutsch/archiv/pannehoeck/1952/03/arbeiterrate.htm

( 7 ) Voir Rainer Mausfeld sur l’anarchisme, Wikileaks, Prinzipeen der Demokratie & die Rolle der Wirtsschaft [Rainer Mausfeld et l’anarchisme, wikileaks, Principes de la démocratie & le rôle de m’économie]www.youtube.com/watch?v=9t40guoRABU (à partir de la 41ème minute).

( 8 ) Mosmann se demande quand est-ce donc que dans le passé, plus de démocratie a existé. Mausfeld renvoie au compromis de classes qui eut lieu à l’issue de l’effondrement du fascisme. Avec la marche triomphale du néolibéralisme, les droits démocratiques sombrent à nouveau. L’actuelle vie juridique est caractérisée par une prise de pouvoir personnel croissante de l’exécutif. [En France le journalisme se trouve en majorité sous le pouvoir de l’économie et du pouvoir politique, raison du classement médiocre de notre pays en matière de liberté de la presse. Un seul journal y échappe : Le Canard Enchaîné. NdtDK]

Réponse de Johannes Mosmann :
Très honoré Monsieur Klemp, que je vous approuve largement deviendra plus évident dans le cours de ma série d’articles. Il est important néanmoins de remarquer la différence essentielle entre ma manière de voir les choses et celle de Rainer Mausfeld. Vous écrivez que Mausfeld caractérise « le principe de votation comme la partie la plus inintéressante et non importante de la démocratie, à laquelle revient seulement une signification comme ultima ratio, lorsque d’autres procédures de conciliation ont échoué. » Avec cela il limite le concept de « vote » à l’élection dans une démocratie représentative. Je me préoccupe cependant des « processus de formation d’opinion et de votation » en général et j’y inclus donc entièrement consciemment les « procédures de conciliation », auxquelles se réfère Mausfeld. Toutes les formes de démocratie ont deux caractéristiques en commun : 1. Les membres d’une communauté disposent à chaque fois d’une voix, par laquelle ils expriment leur opinion et peuvent s’exprimer pour ou contre une idée. 2. Ce qui est décidé en commun doit pouvoir être engageant et pouvoir être exécuté sous une forme quelconque. Tout de suite à ce dernier point Mausfeld accorde donc une grande importance : « La démocratie c’est la mise en société de la domination et la soumission de l’appareil d’état à la volonté des citoyens » ( 9 )

Dans ma série d’articles je confesse partager le concept de démocratie de Mausfeld et prétends alors : il ne convient ni pour l’administration de l’économie, ni pour celle de la vie de culture, parce qu’ici les deux caractéristiques communes mentionnées ci-dessus deviennent dépourvues de signification. Mausfeld exige « que les domaines centraux de la société, en particulier l’économie, n’ont pas la permission d’être exclues/mise ente parenthèse d’une légitimation et d’un contrôle démocratiques. » ( 10 ) Je prétends que c’est le contraire qui est vrai, elles doivent en être exclues parce qu’elles ne peuvent ni être démocratiquement contrôlées ni être démocratiquement légitimées. La démocratie est la forme appropriée à la vie de droit. Quelles formes sont nécessaires, par contre, afin que l’économie et la culture puissent être déterminées d’en bas, je le développerai dans la suite de la série. En relation avec l’économie je développe le concept « d’association ». Qu’à son tour une association présuppose éventuellement la formation de conseils, c’est juste, mais ce n’est pas la chose principale. Cela ne nuit pas non plus peut-être que les conseils résolvent démocratiquement leurs décisions. Ce qui importe néanmoins pour les associations, c’est la relation des diverses branches les unes avec les autres, et celle avec les associations de consommateurs et cette relation, comme je le montre dans ce numéro de la revue, ne repose pas sur la démocratie.

Je vois aussi le problème de la démocratie représentative, mais je ne lui attribue pas la même position de valeur que Mausfeld. En considération de l’économie et de la culture, je tiens tout concept de démocratie pour faux. L’économie ne peut pas être démocratiquement légitimée, mais seulement par des associations d’intérêts de consommateurs et de travailleurs. La vie de culture à nouveau doit être soumise au libre jugement de l’individu. Si j’apprends à connaître quelque peu un Juif croyant qui me familiarise avec la fête Chanukka et si je le rencontre ensuite de nouveau, après avoir lu chez moi le Livre des Macchabées et commence à pressentir la dimension spirituelle du Judaïsme, alors un processus social a lieu, lors duquel à aucun moment, de quelques « opinions » jouent un rôle. Vous rétorquerez : mais le droit qui permet une rencontre d’être humain à être humain est démocratiquement légitimé. C’est juste, mais la rencontre elle-même ne l’est pas. Cela peut sembler comme couper les cheveux en quatre, mais c’est une différence existentielle. Dans un système dans lequel la rencontre doit être à chaque fois légitimée d’abord, il n’y a aucuns droits de l’humain. Il ne m’importe pas maintenant, si notre démocratie laisse encore des trous de passage pour la vie de culture, mais de percer ses particularités et aspirer à une forme d’administration qui leur corresponde, de sorte qu’à côté de la démocratie s’installe une vraie vie autonome de culture.
John Dewey, auquel vous renvoyez, voulait soumettre toute la vie sociétale à l’idéal démocratique. Les enfants devaient tous petits déjà s’exercer à la procédure de votation. Walter Lippmann, par contre, analyse dans son œuvre la manière dont les « opinions » démocratiquement établies se nourrissent en fait des processus économiques et spirituels-culturels qui ne sont pas démocratiquement légitimés. Je tente de montrer ce que les opinions de Dewey peuvent apprendre de notre monde de celles de Lippmann sans devoir en retirer les mêmes conclusions. Je tiens pour possible qu’un être humain à l’esprit délié comme Mausfeld, s’il dut butter un jour sur mes exposés, pût remarquer comment son idéal de participation englobante se réalise tout de suite parce qu’on lâche la démocratie et qu’on se rapproche du même problème à partir de ses pôles opposés.
Johannes Mosmann

( 9 ) Rainer Mausfeld :Elitendemojkratie und Mainungsmanagement [Démocratie des élites et gestion de l’opinion] — SWR Tele-Akademie — www.toutube.com/watsch?v=ZnzvlY-BrVk (minute 4 :16)
( 10 ) Du même auteur :
Warum schweigen die Lammer ? Pourquoi les agneaux font silence ? Francfort-sur-le-Main 2019, p.105.