La démocratie élargie — Partie I - (précédent
/ suivant)
Johannes Mosmann
La tâche aveugle de la critique
de société
(ou : des limites de l’État)
Le présent essai esquisse les
limites d’efficacité des processus démocratiques. Dans les
parties suivantes d’une série qui débute ici, on montrera
comment le peuple se prive actuellement lui-même de son
pouvoir par sa fixation sur des procédures de vote
démocratiques et se soumet à la domination des élites
financières et politiques. Sur l’arrière-plan des débats sur
le climat et des exigences d’expropriation/de dépossession
du chef des Jeunes socialistes, Kevin Kühnert, des chemins
pratiques devraient par contre êtres décrits sur comment
« tout pouvoir » devrait effectivement émaner du
peuple.
Quelques auteurs issus du milieu
des médias critiques — comme les « Nachdenkseiten »[quelque
chose comme :« Aspects/pages de ceux qui réfléchissent en
marge », ndtDK] « KenFM »ou bien « Rubicon »— diagnostiquent
un « sapement »de la démocratie par l’union des élites
politiques et économiques avec « l’état profond ». Le capital
financier et les gouvernements occidentaux mettraient en scène
une « démocratie de façade », manipuleraient les médias et
piloteraient l’opinion publique par le « framing »[en anglais
dans le texte :idée de « cadrer et recadrer », ndtDK] »sur des
décisions qui semblent dépourvues d’alternatives. « Durant ces
dernières décennies, la démocratie a été sapée d’une manière
dépourvue d’exemple. La démocratie est remplacée par
l’illusion de démocratie, les libres débats publics par un
management de l’opinion et de l’indignation, l’idéal guidant
les citoyens hors de tutelle/majeurs remplacé par celui de
consommateurs politiquement apathiques. Entre-temps, les
élections sur des questions politiques de base ne jouent plus
aucun rôle en pratique. Les conséquences écologiques, sociales
et psychiques de cette forme de domination des élites menacent
toujours plus les fondements de notre vie » ( 1 ) déclare par exemple le journaliste et
ancien politicien du SPD, Albrecht Müller, dans sa recension
du « Best-Seller/la meilleure vente) du Spiegel » : « Pourquoi
les agneaux font silence » de Rainer Mausfeld. Quand bien même
cette façon de voir soit décriée par les « médias dominants »
comme relevant de la « théorie de la conjuration/du complot »,
elle relève pourtant d’une base de savoir accumulé par une
sérieuse et minutieuse science sociale. Toutefois ce savoir
autour des machinations des élites financières et politiques,
dans la forme où il est diffusé par tout média indépendant, a
une tare grave, car il y est certes démontré en détail, la
manière dont les processus démocratiques sont manipulés ou
contournés. Mais par cela, ces processus forment le pôle
positif opposé de la critique. Dans cette position, ils sont a
priori soustraits au regard de la conscience critique. La
représentation selon laquelle on puisse réguler la vie sociale
par des formations d’opinion et des processus de vote
démocratiques est, néanmoins pour sa part, une « grille
d’interprétation » qui contribue de manière décisive à ce que
ces élites financières et politiques conservent bien le
pouvoir.
Or tout pouvoir devrait partir du peuple. C’est l’idéal que la
plupart des êtres humains relient tout d’abord au terme de «
démocratie ». Or il est traduit nonobstant dans la
représentation que tous les citoyens devraient avoir la même
voix, entrer dans un processus d’actualité de la «
formation d’opinion », voter directement ou indirectement sur
des idées et en déverser le résultat en lois. À la place d’une
question de pouvoir, c’est une opinion préconçue qui surgit
sur l’efficacité d’une procédure déterminée. La critique
adressée à la « manipulation » de la démocratie par des élites
politiques et financières, suggère que le peuple soit par
cette procédure déjà en possession d’un instrument approprié
pour améliorer les circonstances, mais qu’il ne puisse pas
l’utiliser actuellement. Que l’on fasse abstraction des
intrigues des puissants — et il resterait, selon cette
logique, une société dignement humaine.
La circonstance de son absence permanente procure à cette
démocratie représentée ainsi, l’avantage convaincant qu’elle
ne doit jamais être mise à l’épreuve de la réalité. Cet effet
se renforce encore lorsque l’état idéal de démocratie est
déplacé dans le passé, comme s’il y eût une fois,
autrefois/auparavant une société dans laquelle la démocratie
n’eût point encore été manipulée. Mais quand donc cela dût-il
avoir été ? Et comment fut donc possible cette« sape » de la
démocratie, là même où, elle représente pourtant le moyen
soi-disant suffisant pour l’exercice du pouvoir par le peuple
? La fixation sur la forme de société démocratique renvoyée
dans le passé qui eût été progressivement détruite par les
élites financières et politiques, définit le peuple comme
passif et recouvre les espaces d’opération qui s’ouvriraient à
lui seulement au moyen des conditions actuelles. Or,
exactement ces espaces d’opération là ont alors été occupés
par les élites financières et politiques. Avant que ce
contexte/pendant soit exploré plus précisément, à cause de
cela devrait d'abord être esquissé ici l’essence de la
démocratie et sa limite naturelle.
La nature du droit
Admettons qu’on observe comment un autre être humain est
agressé, frappé et qu’on en est si touché dans son sentiment
du droit qu’on intervienne et s’empresse spontanément de lui
venir en aide. Si l’on tente à présent d’appréhender ce
sentiment en pensant le contenu de celui-ci, on pourrait
formuler par exemple : « l’être humain a le droit [au respect
de, ndtDK] à son intégrité corporelle. »
Mais, avec cela, il n’est alors pas tout de suite pensé à
l’être humain que l’on a là, devant soi, mais à l’humain en
général. Celui qui est, qu’il soit noir ou blanc, homme ou
femme, fumeur ou non-fumeur, sympathique ou antipathique, —
tout ce qui fait l’être humain concret, masque tout de suite
le sentiment du droit. Le droit en tant que tel est, par
définition, sans détermination concrète et pour cette raison
même, vide — ou bien exprimé positivement : ouvert dans sa
vacuité pour l’entrée de tout cas quelconque qui lui confère
seulement alors son contenu réel. Vu ainsi le sentiment du
droit est donc un éducateur du penser abstrait. Tandis que les
êtres humains forment le sentiment du droit, dans leurs
échanges réciproques, ils développent une sensibilité pour la
valeur universelle de l’être humain. Le droit à l’expression
de la libre opinion, signifie que tout être humain devrait
pouvoir exprimer librement son opinion. Mais le contenu de
l’expression d’opinion ne sera pas concerné par cela — cette
opinion, l’être humain doit alors déjà la former lui-même et
l’extérioriser. Si l’état protégeait, non pas la libre
expression d’opinion en tant que telle, mais une certaine
opinion, le droit à la libre expression d’opinion serait donc
aboli aussitôt. Mais ceci est le principe de chaque droit, que
du côté de l’état, rien n’est jamais fixé sur l’événement
concret. Le droit en tant que tel définit des limites, dans
lesquelles l’individu peut librement se déployer et protège en
même temps le libre déploiement de l’un des empiétements de
l’autre, qui ne sont pas conformes au droit. Pour autant que
le pouvoir d’état défende le droit, il ne peut pas anticiper
ensuite quant à ce qui surviendra dans cet espace
juridiquement formé et comment cela survient, sans lui-même se
placer aussitôt dans le non-droit. Il ne protégerait plus
ainsi le droit en tant que tel, mais plutôt les intérêts de
personnes individuelles ou de groupes de personnes,
c’est-à-dire que le pouvoir d’état se verrait privatisé.
L’expérience décrite ci-dessus du sentiment du droit peut être
condensée en la pensée et retenue comme la loi. Ainsi cela se
répercute par exemple dans l’article 2 de la Loi fondamentale
(Grundgesetz) : « Chacun a le droit [au respect de, ndtDK -
décidément DK semble intercaler une sphère pseudo-morale
supplémentaire. ndtFG] à la vie et à l’intégrité corporelle ».
Mais quelle valeur a une telle loi pour la vie humaine
ensemble ? Elle n’est pas efficace d’emblée. Tout aussi peu
que la Loi fondamentale coïncide avec un sentiment du droit
actuellement ressenti, avec ce que pense un être humain
quelconque, voire opère le respect de l’intégrité corporelle,
tout aussi peu n’importe quelle autre loi renferme ou opère
quelque chose de réel.
On peut se mettre ce fait concret à chaque loi quelconque
devant les yeux : dans le § 10, alinéa 2 de la loi
de protection du travail il est dit par exemple : «
L’employeur doit désigner les employés qui se chargent des
tâches de premier secours, luttent contre l’incendie et
veillent à l’évacuation des employés. » Cette loi décrit
certes des obligations et renferme des instructions directes.
Pourtant, il faut encore toutefois rajouter ici la réalité
survenant en premier d’autres sources. Il doit y avoir un
besoin après une marchandise pour la production de laquelle
des êtres humains véritables se mettent ensemble. Ceux-ci
doivent vouloir se positionner les uns par rapport aux autres
de manière telle que les uns puissent être considérés comme
des employés et les autres comme des employeurs. Un
représentant « employeur » doit ressentir ensuite la nécessité
de mouvoir ses véritables jambes [on dirait au pays de
Groland : de « se bouger le cul… ! » ndtDK] et de
nommer un employé pour se charger, quelque peu, des premiers
secours. Celui-ci, à son tour, s’avérera plus ou moins capable
de faire ce qui est correct. La réalité, à laquelle se réfère
chaque loi, repose donc de son côté sur des processus
naturels, économiques, et de la vie de l’âme et de l’esprit,
qui lui donnent alors seulement un contenu. Le sentiment du
droit lui-même compte parmi les processus d’âme et d’esprit.
L’article 2 de la Loi fondamentale n’a aucune sorte de
relevance aussi longtemps que la sensibilité correspondante ne
se suscite pas chez un individu présent eu égard à une
brutalité concrète commise à l’encontre d’autrui.
La loi est un souvenir aux conditions qui peuvent être
éprouvées comme harmonieuses par l’action ou la collaboration
des forces naturelles, économiques et d’âme et d’esprit. Dans
la loi, cependant, ces forces elles-mêmes ne sont plus
efficaces. La loi reflète les circonstances/rapports vécus
comme conformes au droit à l’instar d’une abstraction dans la
conscience humaine, mais elle ne les produit nonobstant pas.
Si par un dimanche quelconque, le peuple électeur défile dans
les écoles primaires de l’endroit, pour y inscrire une croix,
alors le cours des événements quotidiens est rompu à ce
moment. La vie sociale vient à l’arrêt. Quoi qu’ait pu
produire l’individu chaque jour pour la communauté — en cet
instant, toute activité cesse, afin qu’à la vie réelle puisse
être opposée une notion abstraite, la loi. Que l’on veuille
donc ainsi comparer le vote démocratique avec quoi que ce soit
de la vie extérieure, alors on peut affirmer : si le processus
social débouche dans la formulation des lois, alors il se
produit quelque chose comme lorsqu’un être vivant meurt. Avec
cela, il ne devrait par aucun chemin être prétendu que
des lois ne sont point nécessaires. Comme la vie et la
mort sont interdépendantes, le sont l’événementiel/le devenir
social et la loi. Mais on doit aussi saisir la qualité de la
mort en tant que telle, pour pouvoir l’instaurer/la mettre en
œuvre comme un instrument efficace de l’organisation sociale.
L’établissement de lois, ainsi que les votes, scrutins etc.,
qui en sont le pendant, n’est pris exactement aucun acte
social, mais plutôt une réflexion/un reflet conforme à la
conscience, des actes sociaux réels et des conditions/rapports
qui en résultent. Dans cette fonction cela peut certes servir
l’action sociale des êtres humains, mais non remplacer
celle-ci.
Les sources des actions sociales
Une communauté qui confond la démocratie avec la vie sociale
et l’accès aux urnes électorales avec l’action sociale et, par
contre, tient l’agir quotidien dans la profession et le temps
libre comme relevant de la sphère privée, met la réalité cul
par-dessus tête. La loi peut rappeler la vie, mais la vie doit
se saisir elle-même. La mère veille par amour à son enfant et
non pas parce qu’elle a lu, par exemple, dans le Code civil
les paragraphes sur le devoir des soins à apporter légalement
aux enfants. C’est seulement si elle ne suit pas son devoir de
soins que la loi est relevante, mais seulement aussi loin
qu’elle rappelle justement à la nécessité de l’amour
individuel. La loi ne peut absolument pas produire cet amour.
La compréhension du véritable pendant entre la loi et la vie
sociale sera toutefois compliquée par l’impression du fait que
nous payons des êtres humains déterminés, pour interpréter la
concordance entre les deux et dans les cas d’une déviation
appliquer la force, cela signifie que nous édifions un
appareil d’état. Le pouvoir accorde à la loi un « poids », de
sorte que cette dernière semble quand même produire les
conditions sociales. Mais ici, il doit être regardé plus
exactement : le pouvoir d’état intervient lorsque la vie
réelle n’a pas eu lieu, lorsque, par exemple, un être humain
n’a pas fourni une première aide. Cette prestation d’aide ne
sera pas tout de suite effectuée par la loi, mais par un
processus d’âme et d’esprit dans l’individu. Le fait que la
loi œuvre en retour aussi sur les processus d’âme et d’esprit,
desquels elle jaillit elle-même, ne se tient aucunement en
contradiction à ceci. Évidemment, la loi peut influencer
indirectement l’impulsion individuelle à agir, notamment par
le détour de ses effets psychologiques — comme, par exemple,
la peur devant la punition, l’obéissance, l’aspiration à une
carrière et ainsi de suite. Aussi loin,
l’état façonne conjointement indirectement la vie
sociale. Cependant, dans les actions individuelles, pour
autant qu’elles peuvent être ressenties conforme au droit,
affluent encore de toutes autres sortes d’impulsions qui ne
sont en aucune manière conditionnées par des lois. Celui qui
veut poser sérieusement la « question sociale » doit donc
s’intéresser à l’ensemble des forces constitutives de la vie
sociale. Il doit rechercher les conditions sociales sous
lesquelles la vie individuelle d’âme et d’esprit peut se
développer de sorte que les meilleures forces affluent à la
communauté.
De l’usage du pouvoir physique
Le pouvoir d’état se fonde sur un monopole, qui correspond à
exercer un pouvoir physique conformément à la loi. L’état ne
possède aucun autre moyen que celui physique pour ce faire,
qu’il soit organisé démocratiquement, de manière monarchique
ou autrement sinon. Tous les autres instruments, qui semblent
d’une autre sorte, sont dérivés de lui. L’état agit soit par
utilisation directe du pouvoir, en interdisant ou en
autorisant quelque chose, soit par les effets psychologiques
du pouvoir, c’est-à-dire — comme mentionnés — la peur de
punition, l’aspiration à s’adapter et de carrière et ainsi de
suite.
Mais le pouvoir est destructeur. Cela veut dire que
l’état au véritable sens du terme ne peut rien « créer ». Son
« faire » est fondamentalement toujours, indépendamment du
système choisi, un négatif, c’est-à-dire une intervention,
exprimée plus exactement : un faire cesser, conformément au
pouvoir d’un faire/agir, qui jaillit d’autres sources, non
étatiques. L’état peut par exemple interdire des sources
d’énergies fossiles, mais il ne peut ni engendrer ni encore
découvrir une alternative amicale vis-à-vis de
l’environnement. Il peut punir l’entrepreneur lorsque celui-ci
agit de manière irresponsable ; et il ne peut pas agir à sa
place. Il peut exproprier « Les habitations allemandes », mais
construire des logements, il ne peut pas. Les logements sont
construits par des artisans, les entreprises gérées par des
entrepreneurs, et les découvertes faites par des
scientifiques. On pourrait donc exagérer, allant dans cette
direction, la représentation d’une responsabilité étatique en
ce qu’on pense l’ensemble de la vie sociale comme étant
aspirée dans un super-état — mais ceci signifierait, en
pratique, purement et simplement que les artisans,
entrepreneurs et chercheurs effectifs, eussent à attendre
simplement, pour toute manœuvre quelconque, l’ordre d’une
position supérieure, mais à nouveau cela ne veut pas dire que
l’état crée quelque chose de lui-même. Ne peut toujours agir
que l’être humain individuel. Ce fait concret ne se laisse
évacuer de la discussion par aucune idéologie de quelque genre
que ce soi. Même un état dit socialiste n’entreprend rien en
vérité de lui-même, mais fait plutôt des entrepreneurs, des
fonctionnaires. L’objection que l’état pourrait par ailleurs
encourager par des subventions, ne voit pas que tous les
moyens fiscaux proviennent de l’action économique des êtres
humains et que l’état redistribue purement et simplement les
valeurs qui en ont pris naissance et que donc ici non plus, il
n’est pas véritablement actif « en soi » mais
intervient par un acte de pouvoir justement.
Le concept de corruption
Aucun participant à la circulation routière ne voudrait en
renégocier les règles avec un policier, sauf si celui-ci est
corrompu. Le policier n’est pas l’auteur des idées d’après
lesquelles il oriente son action. Son autorité repose tout de
suite sur le fait que son individualité n’entre pas en
considération ici, mais qu’il agit beaucoup plus en
représentant des idées adoptées par une majorité démocratique.
Il en va tout autrement pour des pédagogues, des parents, des
consommateurs, des artisans, des inventeurs et des
entrepreneurs, etc. Les idées pour l’action culturelle et
économique des êtres humains ne peuvent pas être reçues
passivement, mais doivent au contraire être formées,
originaires et actives, par l’individu dans la rencontre. Un
policier doit agir comme représentant de l’opinion d’une
majorité démocratique ; pédagogues, artisans,
entrepreneurs et autres, par contre, n’ont pas permission de
le faire. Ils doivent certes compter avec une intervention de
l’état, au cas où ils se mettent à outrepasser des lois, c’est
quand même pourquoi cela n’est aussi pas ce qui donne
l’impulsion de leurs actions concrètes. Ainsi de la même façon
que le policier est responsable de la volonté d’une majorité
démocratique, ou selon le cas des organes étatiques
correspondants, le pédagogue est donc immédiatement
responsable de l’enfant, l’artisan des besoins de ses clients
et l’entrepreneur du développement prospère de l’entreprise
dirigée par lui. Un policier qui ne traite pas quelqu’un qui
enfreint les règles de la circulation selon la loi, mais
plutôt d’après son propre jugement individuel ou bien même se
laisse influencer dans une discussion à ce sujet, est
corrompu. La même échelle de mesure devra être utilisée à
l’inverse pour l’être humain créateur culturel ou
économique : celui-ci est corrompu s’il n’agit pas en
fonction de sa spécialisation de jugement individuel ou se
montre insensible à la rencontre individuelle, mais transpose
plutôt l’opinion d’une majorité démocratique. La même chose
vaut pour les professions qui ne servent pas immédiatement
l’instauration ou la garantie de la sécurité intérieure et
extérieure.
Une formule générale peut être mise en place ici à laquelle se
lit quels domaines peuvent être fondamentalement administrés
de manière démocratique. Ce qui est propre au sentiment du
droit c’est notoirement que cela ne s’abstrait pas seulement
du cas isolément observé, mais reste plutôt dans le même temps
relativement indépendant des facultés et penchants de cet
individu-là dans lequel cela se vit à fond. Quelqu’un peut
être un inventeur de génie, un astronaute téméraire, ou un
entrepreneur adroit — et disposer pourtant d’un sentiment du
droit sous-développé. Inversement, peuvent parler du sentiment
le plus sûr pour le droit ceux qui sinon ne se font pas
remarquer par des facultés particulières quelconques. C’est la
raison pour laquelle la démocratie ne connaît qu’une seule
condition préalable à la participation au vote
démocratique : l’âge. À partir d’un certain âge, tout
être humain, sans égard pour ses facultés et penchants
individuels, est « mûr ». Cette maturité définit
dans le même temps les limites de la démocratie : ce que
tout être humain peut juger simplement en vertu de sa
maturité, peut et doit être versé dans une loi. Mais il y a
dans le même temps, dans tout cela, tout ce qui dépend des
facultés et besoins individuels, au-delà des compétences d’un
état démocratique. Or c’est l’ensemble du domaine de la vie de
l’esprit, d’un côté, et de l’économie, de l’autre.
L’état providence
Cela étant, ce fait ne vit pas dans la conscience du peuple.
Cela fait assonance à l’attente de pouvoir transférer la
« volonté du peuple » sur l’état, afin que celui
agisse alors dans l’intérêt du peuple, c’est-à-dire qu’il
devienne en particulier agissant économiquement et
culturellement. « De l’état social du 21e siècle sera
attendu qu’il veille au bien-être de tous les citoyens,
garantisse, avant tout, la stabilité économique, compense les
inégalités sociales et mette à disposition toutes les
institutions et prestations qui sont nécessaires à la vie dans
la société industrielle » (
2 ), déclare la Bundeszentrale für politische Bildung
[Centrale fédérale pour la formation politique]. À
l’état échoit donc une mission qui embrasse tout, allant bien
au-delà de l’intervention à cause de la violation des droits.
Sur le plan pratique cela veut dire, étant donné justement que
seul l’individu peut agir à chaque fois, que l’espace d’action
individuel du côté du peuple se voit restreint au profit des
pleins pouvoirs confiés à quelques-uns qui sont eux du côté du
gouvernement. Au moyen de lois et de décrets aux mailles de
plus en plus fines, l’état cherche à appréhender désormais
l’ensemble de la vie publique et privée et à étendre le cercle
d’action du pouvoir d’état sur tous les domaines de la vie
sociale, en particulier sur la culture et l’économie. En même
temps, il élargit les institutions étatiques classiques,
servant pour l’essentiel la sécurité à l’intérieur et à
l’extérieur autour de dispositions et d’instruments de longue
portée. Ainsi y a-t-il des lois scolaires et universitaires,
des ministères cultuels respectivement de la formation, des
encouragements à la recherche, des installations de radio
« de droit public » et autres, dans le domaine de la
vie de l’esprit et d’un autre côté, des ministères du travail
et de l’économie, des banques centrales, des services du
travail, de la promotion de l’économie, dans celui de la vie
de l’économie.
Mais « l’état » en tant que tel, comme il fut montré
ici, n’agit pas de manière effective. Il peut toutefois
empêcher que des individus agissent sur la base de leurs
jugements individuels. Ce n’est pas l’action, mais le penser
que l’on peut céder à l’état, tandis que le peuple ou bien le
Parlement qui est élu par le peuple, vote démocratiquement
pour décider de ce que l’individu a à faire. Par cela l’unité
entre l’agir et le penser est déchirée. Ici s’ajoutent des
interrogations fondamentales : est-ce que le dénominateur
commun démocratiquement déterminé d’une majorité est plus
intelligent ou moins intelligent que l’impulsion immédiate de
celui qui agit à chaque fois en référence à son propre
agir ? L’agir et le penser se laissent-ils raccommoder
après avoir été ainsi déchirés ? Comment la situation
d’une telle déchirure opère-t-elle sur la disposition d’âme de
l’être humain moderne ? Développe-t-il de ce fait des
impulsions sociales, opportunistes ou révolutionnaires
destructrices ?
Kevin Kühnert et la question sociale
L’économie mondiale de la division/partage du travail et la
culture-Je [au sens de la culture de la jé-ité (au sens de
l’Ichsamkeit du philosophe Salvatore Lavecchia), ndtDK] de
l’être humain moderne ont amené une multiplicité
impressionnante de découvertes techniques, de denrées et de
prestations de services qui rendent plus commode l’existence
humaine à de nombreux égards. L’injustice, la destruction
environnementale et le déclin culturel se trouvent nonobstant
sur l’autre côté du bilan. À cela s’éveille le sentiment du
droit. C’est pourquoi il est seulement naturel que les
exigences démocratiques visent souvent les domaines économique
et culturel-spirituel de la vie sociale. Quant à leur contenu,
ces exigences apparaissent le plus souvent justifiées. Or,
étant donné qu’elles veulent appréhender l’économie et la
culture justement à partir d’un point de vue démocratique,
elles saisissent bien trop court. Aussi loin que l’être
ensemble social repose sur l’imposition de principes généraux
par un « pouvoir reconnu », cela peut et devrait être
soumis à des procédures démocratiques. Les domaines essentiels
pour la forme de notre société — comme, par exemple,
l’évaluation réciproque des marchandises dans le circuit
économique global ou la vie de l’esprit (éducation-formation,
science, journalisme, religion, opinion publique, etc.) — ne
reposent cependant pas sur une efficacité étatique. Ces
domaines devraient toutefois, si une communauté digne de
l’humain devait devenir possible, pouvoir être en
coresponsabilité et en coorganisation de chaque humain.
L’état pourrait, par exemple, suivre absolument la proposition
du chef des jeunes socialistes, Kevin Kühnert et exproprier
des consortiums, aussi loin que les actuels propriétaires de
ces consortiums ne les administrent pas dans les intérêts de
la communauté ( 3 ).
Qu’on aime trouver cela politiquement ou économiquement faux —
cela serait possible aussi loin justement que la destruction
repose dans la nature même du pouvoir. Mais il est impossible
alors à l’état de devenir productif, en ce qu’il fabrique
lui-même les marchandises concernées ou en en dirigeant les
processus de fabrication. Les sources des processus productifs
se trouvent donc en dehors de la sphère des lois, notoirement
dans les besoins que les êtres humains développent, dans leurs
talents et facultés, et finalement dans les processus
extérieurs de la nature. Des normes démocratiques peuvent bien
être un résultat des forces qui affluent de ces sources-là,
mais elles ne pourraient jamais les remplacer. Un état
démocratique pourrait aussi en regard aux processus de
production à nouveau agir seulement d’une manière destructive
et après coup, en ce qu’il limite, par exemple, les
compétences des êtres humains qui y opèrent de manière
productive, à savoir en les liant à des décisions
démocratiques et en les sanctionnant en cas de non prise en
compte.
La question centrale
L’événement réel précède constamment la loi ; quelque
chose doit toujours se produire avant qu’une loi puisse y être
appliquée. Si l’état redistribue, par exemple sur la base de
lois correspondantes, les gains produits par l’économie, alors
cela présuppose que tout d’abord de l’injustice soit apparue.
Une communauté humaine véridiquement et humainement digne
s’efforce de lutter contre l’iniquité à son origine et non
seulement en gérant étatiquement ses conséquences. Mais pour
cela elle doit pénétrer immédiatement dans la réalité qui est
seulement affectée extérieurement et a posteriori par des lois
— dans ce domaine donc qui apparaît, encore aujourd’hui, comme
le « mécanisme du marché ». La question décisive
pour l’évolution supplémentaire de l’humanité est à cause de
cela tout autre que celle de savoir si l’état doit exproprier
ou ne pas exproprier des consortiums, ou bien devrait faire ou
laisser faire quelque chose. La véritable question pratique
c’est : le processus productif, parce qu’il repose en
dehors du domaine d’influence des procédures démocratiques,
est-il nécessairement aussi en dehors de la portée de toute
volonté consciente communautaire d’organisation ? Ou bien
y a-t-il au-delà des limites de la démocratie, un équivalent
qui convienne pour une administration commune de la culture et
de l’économie ?
C’est seulement après avoir répondu de manière pratique à
cette question, que peut être décidé ce que l’état a à faire
ou bien à laisser. Tant que, par contre, tout processus social
conscient est à nouveau représenté seulement démocratiquement,
des percées remplient de bonnes intentions, telles que celles
du chef des jeunes socialistes, échoueront simplement face à
la légitimité des lois économiques. Une administration
démocratique arrache l’une de l’autre l’action individuelle et
la loi universelle/générale, tombe avec cela dans une
contradiction avec l’individualité humaine et doit à cause de
cela accepter que l’économie se place « à côté »,
comme un domaine particulier. En conséquence la démocratie ne
peut jamais pénétrer dans les profondeurs de la réalité
sociale. Si elle se comprend elle-même, elle doit se
restreindre au droit pur et céder le reste de la vie aux
agitations chaotiques de la « main invisible » du
marché. Par contre un processus communautaire/de communauté,
qui n’entame pas l’intégrité de l’individu, qui donc ne
« réglemente » rien « de l’extérieur »,
mais laisse exister l’unité du penser et de l’agir, ne doit
pas s’arrêter à cette limite.
Dans le cours ultérieur de cette série d’articles, ce qui est
pensé avec cela devrait devenir clair. Il devrait être montré
qu’un processus de formation de communauté peut être pensé qui
ne se trouve pas en contradiction avec l’individualité
humaine, mais a celle-ci pour contenu et surgit même de sa
libre activité. Tandis que la démocratie doit nécessairement
se contenter avec des « conditions-cadres » pour les
excès de l’ego, celui-ci même peut pénétrer à la place de la
« main invisible ».À titre d’exemple, Bayer qui a
racheté Monsanto, devra bien payer un jour les dédommagements
que va entraîner l’aboutissement des 43 000 plaintes déposées
à peu près rien qu’aux USA (!) à cause de la toxicité du
glyphosate de Monsanto. Qui va les payer vraiment ? Les
citoyens allemands principalement et derrière eux, solidaires
si besoin, ceux de l’Europe entière [après tout, mis à part
quelques centaines de fermiers biologiques biodynamiques tous
les autres fermiers européens ont aussi eu recours au
glyphosate], mais pas les citoyens américains, actionnaires de
Bayer-Monsanto… C’est là qu’est l’astuce ! Car ce sont les
mêmes financiers principaux qui décident de quoi que ce soit
pour les deux consortiums qui ne reconnaissent pas les pays
mais seulement le monde. NdtDK
( 1 )
www.nachdenkseiten.de/wp-print.php?p=46317
( 2 ) www.bpb.de/politik/grundfragen/deutsche-demokratie/39365/bundesregierung?p = 2
( 3 )
À titre d’exemple, Bayer qui a racheté Monsanto, devra bien
payer un jour les dédommagements que va entraîner
l’aboutissement des 43 000 plaintes déposées à peu près rien
qu’aux USA (!) à cause de la toxicité du glyphosate de
Monsanto. Qui va les payer vraiment ? Les citoyens allemands
principalement et derrière eux, solidaires si besoin, ceux de
l’Europe entière [après tout, mis à part quelques centaines de
fermiers biologiques biodynamiques tous les autres fermiers
européens ont aussi eu recours au glyphosate], mais pas les
citoyens américains, actionnaires de Bayer-Monsanto… C’est là
qu’est l’astuce ! Car ce sont les mêmes financiers principaux
qui décident de quoi que ce soit pour les deux consortiums qui
ne reconnaissent pas les pays mais seulement le monde. NdtDK
Dans Die Drei 1 &2/2020.
Au sujet de l’article de Johannes Mossmann ci-dessus, paru
dans Die Drei 11/2019.
Un commentaire de Georg Klemp
Johannes Mosmann travaille dans son article à partir des
principes de la pensée de
Dreigliederung/tri-articulation : le principe de la
« démocratie » avec des élections, des scrutins et
la formulation de lois serait le domaine de la vie de droit et
avec cela, de l’état. Tout ce qui aurait à faire avec des
facultés et des besoins individuels, appartiendrait par contre
aux vies de l’économie et de l’esprit qui devraient être
configurées par d’autres principes fondamentaux. Dans
l’exigence de gauche après une démocratisation de la société,
qui englobe aussi le domaine économique, il voit un chemin
erroné, qui ordonne à l’état des tâches qui ne tombent pas
dans sa compétence.
Ce qui est problématique ce n’est pas cette présentation en
soi, mais l’exploration insuffisante de la contre-position
apparente, qui renvoie à un problème fondamental : il
n’est fréquemment pas pris en compte que Steiner utilise les
concepts dans des significations spécifiques, qui chez
d’autres auteurs sous d’autres circonstances sont
associées/liés à d’autres contenus. Steiner utilise le concept
de démocratie au sens de la démocratie parlementaire
représentative qu’il veut seulement restreindre à la vie de
droit. Il échappe à ce sujet à Mosmann, qu’il y a une
tout autre tradition du concept de démocratie, qui émane des
Lumières, et comprend celui-ci au sens tout général de
participation de l’être humain à la configuration de la
société.
Une société qui serait organisée selon les principes
fondamentaux de la Dreigliederung aurait à présenter une haute
mesure de participation et serait donc avec cela radicalement
démocratique, au sens originel. La réduction du concept de
démocratie au parlementarisme fut dès le début, c’est-à-dire
déjà pendant les révolutions américaine et française,
l’aspiration des élites dominantes du pouvoir [pour la France
c’est le 9 thermidor qui marque le moment où la bourgeoisie
reprend en main la Révolution inachevée, ndtDK]. C’est
là-dessus que renvoie le psychologue Rainer Mausfeld, dans
nombre de ses conférences. Comme exemple impressionnant, tiré
des temps ultérieurs, pour cette manipulation ciblée par une
réinterprétation du concept de démocratie, Mausfeld désigne la
controverse Dewey-Lippmann qui eut lieu dans les années vingt
aux USA.( 4 ) Cela
surprend que Mosmann ordonne justement Mausfeld parmi ceux-là
dont il atteste d’une tâche aveugle dans leur critique de la
société, parce que le principe du vote serait vu comme le seul
et unique instrument d’organisation sociétal. Mausfeld
caractérise par contre le principe du vote comme étant la
partie la plus inintéressante et la plus insignifiante de la
démocratie, à laquelle il ne revient une signification que
comme ultima ratio, lorsque d’autres procédures d’entente ont
échoué.
Cela vaut la peine, par exemple, de détailler l’apport de
Mausfeld, étant donné que celui-ci a éclairé d’une manière
particulièrement profonde, la question de la démocratie et
qu’il représente dans le même temps un courant de la critique
sociale de gauche. Déjà seule la pensée, qu’il pût exister des
alternatives sociétales au capitalisme régnant, se voit
repousser par de méthodes de manipulation qu’il analyse en
détail. Cela concerne aussi la représentation d’une société
telle que Steiner l’anastomose avec la Dreigliederung.
(Malheureusement, il semble aussi que des parties du mouvement
de la Dreigliederung ne peuvent pas de se représenter une
société au-delà de ses conditions d’encadrement capitalistes).
C’est pourquoi les recherches de Mausfeld sont relevantes
aussi pour le mouvement de la Dreigliederung.
Mausfeld calcul au nombre des concepts originels de la
démocratie, en particulier la démocratie des conseils qu’il
relie nommément aux idées de Anton Pannekoeck. Aussi quand il
y a assurément des différences significatives avec l’idée de
Dreigliederung de Steiner, les explications suivantes de
Pannekoeck montrent que les représentations ne reposent pas si
distantes et il ne peut être parlé d’une fixation sur
l’état : « L’ancien directeur ou propriétaire d’une
usine qui était prêt à continuer de collaborer en tant que
directeur technique — sous le contrôle du Conseil des ouvriers
— peut codéterminer comme étant également justifié avec les
autres ouvriers de l’usine. Les professions spirituelles, les
médecins, les enseignants, les artistes forment leur propre
conseil qui codécide les questions les concernant. Tous ces
conseils restent constamment en relation la plus étroite avec
les masses, puisqu’ils doivent constamment être délégués à
neuf et remplacés par d’autres. De cette manière, il doit
être veillé à ce que ne se forme d’eux aucune nouvelle
bureaucratie ; et ceci est possible parce qu’en même
temps, au moyen d’une activité intense d’apprentissage et
d’enseignement, la faculté nécessaire ne reste pas le monopole
d’individus isolés. » (
5 )
À d’autres endroits, Pannekoeck écrit : « Ceux qui
aménagent le travail, le réglementent aussi. En tant que
membre de la communauté chaque individu n’a pas seulement à
participer au travail effectif, mais encore aussi à la
planification, à l’organisation de la direction spirituelle.
Là où le capitaliste commande l’organisation et surveille
l’ensemble, vaut […] : les individus travaillent « en
aveugles », y compris les techniciens, sans savoir ce
qu’ils créent. Par contre, là où la communauté projette
elle-même l’organisation du travail, doit le décider et
l’exécuter, elle décèle et sait aussi ce qu’elle crée. Et
chaque membre de la communauté, parce qu’il prend part à la
discussion, décide et exécute, prend aussi part à cette
connaissance qu’il est une partie d’un tout organique
n’est alors plus un malheur, mais au contraire une chance, non
pas un abaissement de sa personnalité, mais au contraire une
élévation de celle-ci. » ( 6
)
La critique de Mosmann adressée à une attitude qui attend une
solution de l’état pour toutes les questions est avant tout
justifiée sur une transfiguration du keynésianisme telle
qu’elle est à rencontrer en des parties de la
social-démocratie. C’est une erreur cependant d’imputer à
forfait cette attitude à tous les mouvements qui critiquent la
société et de la mélanger avec la question de la mise en
société/socialisation. Effectivement la possession privée des
moyens de production est le plus grand obstacle pour une
configuration de la société dans les intérêts de tous les
êtres humains. Aussi longtemps que la propriété privée des
moyens de productions conditionnera la domination sur les
bases existentielles des êtres humains, il ne peut pas être
question de participation et de démocratie. D’après Mausfeld,
il ne s’agit pas que la collectivité vote sur les décisions
isolées/particulières à prendre dans une entreprise, mais
plutôt qu’il ne puisse plus y avoir aucun centre de pouvoir
autonome et autoritaire dans une société démocratique, comme
c’est aujourd’hui le cas dans l’économie.( 7 ) Poser la question de la propriété ne
signifie donc pas automatiquement intervenir en faveur d’une
économie planifiée par l’état !
Pour les mouvements actuels qui s’engagent pour une
humanisation de la société et ainsi pour une démocratisation
au sens large, Mausfeld propose comme « cadre du
récit » le retour à une tradition démocratique radicale
des Lumières. La collectivité dans laquelle il formule ces
principes, laisse de l’espace aussi pour des idées comme la
pensée de Dreigliederung. Dans le même temps, elles se
tiennent en opposition inconciliable avec les conditions
régnantes qui à partir de structures totalitaires dans
l’économie sont caractérisées par une soumission de la vie
spirituelle aux besoins des élites de pouvoir régnantes (comme
dans le journalisme du courant dominant) et une déconstruction
de la démocratie dans la vie de droit. (
8 ).
Réponse de Johannes Mosmann :
Très honoré Monsieur Klemp, que je vous approuve largement
deviendra plus évident dans le cours de ma série d’articles.
Il est important néanmoins de remarquer la différence
essentielle entre ma manière de voir les choses et celle de
Rainer Mausfeld. Vous écrivez que Mausfeld caractérise
« le principe de votation comme la partie la plus
inintéressante et non importante de la démocratie, à laquelle
revient seulement une signification comme ultima ratio,
lorsque d’autres procédures de conciliation ont échoué. »
Avec cela il limite le concept de « vote » à
l’élection dans une démocratie représentative. Je me préoccupe
cependant des « processus de formation d’opinion et de
votation » en général et j’y inclus donc entièrement
consciemment les « procédures de conciliation »,
auxquelles se réfère Mausfeld. Toutes les formes de démocratie
ont deux caractéristiques en commun : 1. Les membres
d’une communauté disposent à chaque fois d’une voix, par
laquelle ils expriment leur opinion et peuvent s’exprimer pour
ou contre une idée. 2. Ce qui est décidé en commun doit
pouvoir être engageant et pouvoir être exécuté sous une forme
quelconque. Tout de suite à ce dernier point Mausfeld accorde
donc une grande importance : « La démocratie c’est
la mise en société de la domination et la soumission de
l’appareil d’état à la volonté des citoyens » ( 9 )
Dans ma série d’articles je confesse partager le concept de
démocratie de Mausfeld et prétends alors : il ne convient
ni pour l’administration de l’économie, ni pour celle de la
vie de culture, parce qu’ici les deux caractéristiques
communes mentionnées ci-dessus deviennent dépourvues de
signification. Mausfeld exige « que les domaines centraux
de la société, en particulier l’économie, n’ont pas la
permission d’être exclues/mise ente parenthèse d’une
légitimation et d’un contrôle démocratiques. » ( 10 ) Je prétends que c’est le contraire
qui est vrai, elles doivent en être exclues parce qu’elles ne
peuvent ni être démocratiquement contrôlées ni être
démocratiquement légitimées. La démocratie est la forme
appropriée à la vie de droit. Quelles formes sont nécessaires,
par contre, afin que l’économie et la culture puissent être
déterminées d’en bas, je le développerai dans la suite de la
série. En relation avec l’économie je développe le concept
« d’association ». Qu’à son tour une association
présuppose éventuellement la formation de conseils, c’est
juste, mais ce n’est pas la chose principale. Cela ne nuit pas
non plus peut-être que les conseils résolvent démocratiquement
leurs décisions. Ce qui importe néanmoins pour les
associations, c’est la relation des diverses branches les unes
avec les autres, et celle avec les associations de
consommateurs et cette relation, comme je le montre dans ce
numéro de la revue, ne repose pas sur la démocratie.
Je vois aussi le problème de la démocratie représentative,
mais je ne lui attribue pas la même position de valeur que
Mausfeld. En considération de l’économie et de la culture, je
tiens tout concept de démocratie pour faux. L’économie ne peut
pas être démocratiquement légitimée, mais seulement par des
associations d’intérêts de consommateurs et de travailleurs.
La vie de culture à nouveau doit être soumise au libre
jugement de l’individu. Si j’apprends à connaître quelque peu
un Juif croyant qui me familiarise avec la fête Chanukka et si
je le rencontre ensuite de nouveau, après avoir lu chez moi le
Livre des Macchabées et commence à pressentir la dimension
spirituelle du Judaïsme, alors un processus social a lieu,
lors duquel à aucun moment, de quelques « opinions »
jouent un rôle. Vous rétorquerez : mais le droit qui
permet une rencontre d’être humain à être humain est
démocratiquement légitimé. C’est juste, mais la rencontre
elle-même ne l’est pas. Cela peut sembler comme couper les
cheveux en quatre, mais c’est une différence existentielle.
Dans un système dans lequel la rencontre doit être à chaque
fois légitimée d’abord, il n’y a aucuns droits de l’humain. Il
ne m’importe pas maintenant, si notre démocratie laisse encore
des trous de passage pour la vie de culture, mais de percer
ses particularités et aspirer à une forme d’administration qui
leur corresponde, de sorte qu’à côté de la démocratie
s’installe une vraie vie autonome de culture.
John Dewey, auquel vous renvoyez, voulait soumettre toute la
vie sociétale à l’idéal démocratique. Les enfants devaient
tous petits déjà s’exercer à la procédure de votation. Walter
Lippmann, par contre, analyse dans son œuvre la manière dont
les « opinions » démocratiquement établies se
nourrissent en fait des processus économiques et
spirituels-culturels qui ne sont pas démocratiquement
légitimés. Je tente de montrer ce que les opinions de Dewey
peuvent apprendre de notre monde de celles de Lippmann sans
devoir en retirer les mêmes conclusions. Je tiens pour
possible qu’un être humain à l’esprit délié comme Mausfeld,
s’il dut butter un jour sur mes exposés, pût remarquer comment
son idéal de participation englobante se réalise tout de suite
parce qu’on lâche la démocratie et qu’on se rapproche du même
problème à partir de ses pôles opposés.
Johannes Mosmann
|