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Collection: 10 -Anarchistes, anarchisme,
et individualisme éthique.
Libération de l'humain de fantômes moraux. Befreiung des Menschen von moralischen Gespenstern.

 

 
Les références Rudolf Steiner Oeuvres complètes : 051 060-063 (1983) 00/00/1901
Traducteur: Claudine Villetet Editeur: EAR

Hegel1° fit un pas supplémentaire. Il se demanda : qu'est-ce donc, en réalité, ce que notre pensée nous révèle au sujet de la nature ? Lorsque j'étudie par ma pensée les lois des corps célestes, n'est-ce pas la nécessité éternelle régnant dans la nature qui se dévoile alors ?

Ce que me donnent tous mes concepts, toutes mes idées, qu'est-ce que c'est ? Ce n'est rien d'autre que la nature elle-même, telle qu'elle est au dehors. J'ai en moi sous forme de concepts, d'idées, les mêmes entités qui dirigent l'ensemble du monde existant sous forme de lois d'airain éternelles. Si je regarde en moi, je perçois des concepts et des idées. Si je regarde en dehors de moi, ces concepts et ces idées sont des lois naturelles. Dans l'homme individuel, les lois de l'univers entier se reflètent sous forme d'idée. On comprend mal Hegel quand on affirme qu'il a voulu faire sortir l'univers d'une idée, de la tête humaine. La philosophie allemande aura un jour à assumer la honte éternelle d'avoir si mal compris Hegel. Il ne vient pas à l'idée de celui qui comprend Hegel de faire sortir quoi que ce soit de l'idée. Celui qui a vraiment compris Hegel, dans le sens fécond du terme, c'est Marx. C'est pourquoi Marx a cherché les lois du développement économique dans le seul endroit où l'on puisse les trouver 11. Où peut-on trouver ces lois ? À cette question, Hegel a répondu : là où sont les faits, là sont les lois. Il n'existe nulle part une idée qui serait ailleurs que là où sont les faits que l'on veut comprendre grâce à cette idée. Celui qui explore les faits de la vie réelle est fidèle à la pensée de Hegel. Car Hegel considérait que ce n'étaient pas des idées abstraites, mais les choses elles-mêmes qui menaient à leurs entités essentielles.

La science moderne procède de même selon l'esprit de Hegel. Cette science moderne dont le grand fondateur est devenu Charles Darwin (1809-1882) par son livre L'origine des espèces (1859) cherche les lois naturelles dans le règne des êtres vivants comme on le fait dans la
nature inanimée. Ernst Haeckel (1834-1919) résume le credo de cette science par ces mots : « L'aimant qui attire la limaille de fer, la poudre qui explose, la vapeur qui fait avancer la locomotive... ils agissent tous grâce à une force vivante, comme l'homme qui pense. »


Cette science est persuadée qu'avec les lois tirées des choses par la raison, elle dévoile l'essence de ces choses. Pour une foi qui doit d'abord donner un sens à la vie, il ne reste alors plus rien. Dans les années cinquante, des esprits courageux comme Carl Vogt (1817-1895, chercheur scientifique), Jacob Moleschott (1822-1893, philosophe matérialiste) et Ludwig Büchner (1824-1899, physiologiste) ont tenté de faire valoir à nouveau la thèse qu'une démarche de connaissance peut dévoiler totalement l'être profond des choses de ce monde. Il est à la mode aujourd'hui d'agresser ces hommes comme les esprits les plus bornés qui soient et de dire d'eux qu'ils n'ont absolument pas vu les vraies énigmes du monde. C'est ce que disent les gens qui n'ont eux-mêmes aucune idée des questions qu'il convient de poser. Que voulaient ces hommes, sinon explorer la nature pour tirer de la connaissance même de cette dernière le sens de la vie ? Des esprits plus profonds pourront certes percevoir dans la nature des vérités encore plus profondes que ne l'ont fait Vogt et Büchner. Mais même ces esprits plus profonds devront emprunter les mêmes voies de connaissance qu'eux. Car on dit toujours : c'est l'esprit que vous devez chercher et non pas la matière brute ! Mais en réalité, il n'y a que Goethe qui nous donne la bonne réponse : l'esprit se trouve dans la nature.

Ludwig Feuerbach a répondu à la question de l'essence d'un dieu qui serait hors de la nature en montrant qu'une telle représentation de Dieu est une création de l'être humain, à son image. « Dieu est la part intérieure manifestée, l'expression du soi de l'être humain, la religion est le dévoilement solennel des trésors cachés de l'être humain, l'aveu de ses pensées les plus intimes, la confession publique de ses secrets d'amour. » 12

 

Ce que l'homme porte en lui-même, il le transpose dans le monde, au dehors, et le vénère en tant que Dieu. L'homme procède de même avec l'ordre du monde moral. Il est le seul à pouvoir le créer, le faisant surgir de lui et le mettant en rapport avec ses semblables. Mais il s'imagine ensuite qu'il a été placé au dessus de lui par un autre être supérieur. Max Stirner (1806-1856) a attaqué radicalement ces entités que l'homme crée lui-même et place ensuite au-dessus de lui, semblables à des puissances supérieures fantomatiques. Stirner exige que l'homme soit délivré de ces fantômes.

Seules les visions du monde édifiées sur une base scientifique ont emprunté ce chemin de libération dans la seconde moitié du 19e siècle.

Er [Hegel] fragte sich: Was ist denn das eigentlich, was uns unser Denken über die Natur offenbart? Wenn ich durch mein Denken die Gesetze der Himmelskörper erforsche, enthüllt sich in diesen Gesetzen nicht die ewige Notwendigkeit, die in der Natur herrscht?

Was geben mir also alle meine Begriffe und Ideen? Doch nichts anderes, als was draußen in der Natur selbst ist. In mir sind dieselben Wesenheiten als Begriffe, als Ideen vorhanden, die in der Welt als ewige, eherne Gesetze alles Dasein beherrschen. Sehe ich in mich, so nehme ich Begriffe und Ideen wahr; sehe ich außer mich, so sind diese Begriffe und Ideen Naturgesetze. Im einzelnen Menschen spiegelt sich als Gedanke, was die ganze Welt als Gesetz beherrscht. Man mißversteht Hegel, wenn man behauptet, er hätte die ganze Welt aus der Idee, aus dem menschlichen Kopfe, herausspinnen wollen. Es wird einst als eine ewige Schande der deutschen Philosophie angerechnet werden müssen, daß sie Hegel so mißverstanden hat. Wer Hegel versteht, dem fällt es gar nicht ein, irgend etwas aus der Idee herausspinnen zu wollen. Wirklich verstanden, im fruchtbaren Sinne des Wortes, hat Marx Hegel. Deshalb hat Marx die Gesetze der ökonomischen Entwickelung gesucht da, wo sie allein zu finden sind. Wo sind die Gesetze zu finden? Auf diese Frage antwortete Hegel: Dort, wo die Tatsachen sind, sind auch die Gesetze. Es gibt sonst nirgends eine Idee, als wo die Tatsachen sind, die man durch diese Idee begreifen will. Wer die Tatsachen des wirklichen Lebens erforscht, der denkt hegelisch. Denn Hegel war der Ansicht, daß nicht abstrakte Gedanken, sondern die Dinge selbst zu ihren Wesenheiten führen.

Ebenso verfährt die neuere Naturwissenschaft im Geiste Hegels. Diese neue Naturwissenschaft, deren großer Begründer Charles Darwin durch sein Werk «Die Entstehung der Arten» (1859) geworden ist, sucht die Naturgesetze im Reiche der Lebewesen ebenso auf, wie man dies auch in der leblosen Natur tut. Ernst Haeckel faßt das Glaubensbekenntnis dieser Naturwissenschaft in die Worte zusammen: «Der Magnet, der Eisenspäne anzieht, das Pulver, das ex plodiert, der Wasserdampf, der die Lokomotive treibt ... sie wirken ebenso durch lebendige Kraft, wie der Mensch, der denkt.»

Diese Naturwissenschaft ist davon überzeugt, daß sie mit den Gesetzen, welche die Vernunft aus den Dingen herausholt, zugleich das Wesen dieser Dinge enthüllt. Für einen Glauben, der erst dem Leben seinen Sinn geben soll, bleibt da nichts mehr übrig. In den fünfziger Jahren haben mutige Köpfe, wie Carl Vogt, Jacob Moleschott und Ludwig Büchner, die Anschauung wieder zur Geltung zu bringen versucht, daß in den Dingen dieser Welt sich auch deren Wesen durch die Erkenntnis ganz und restlos enthüllt. Es ist heute Mode geworden, über diese Männer wie über die borniertesten Köpfe herzufallen und von ihnen zu sagen, daß sie die eigentlichen Rätsel der Welt gar nicht gesehen hätten. Das tun nur Menschen, die selbst keine Ahnung davon haben, welche Fragen man überhaupt aufwerfen kann. Was wollten diese Männer anderes, als die Natur erforschen, um aus der Natur selbst durch Erkenntnis den Sinn des Lebens zu gewinnen? Tiefere Geister werden der Natur gewiß noch tiefere Wahrheiten ablauschen können als Vogt und Büchner. Aber auch diese tieferen Geister werden es auf denselben Erkenntniswegen tun müssen wie sie. Denn man sagt immer: Ihr müßt den Geist suchen, nicht den rohen Stoff! Wohlan, die Antwort kann nur mit Goethe gegeben werden: Der Geist ist in der Natur.

 

Was jeder Gott außer der Natur ist, darauf hat Ludwig Feuerbach die Antwort gegeben, indem er zeigte, wie eine solche Gottesvorstellung von dem Menschen, nach dessen Bilde, geschaffen ist. «Gott ist das offenbare Innere, das ausgesprochene Selbst des Menschen, die Religion ist die feierliche Enthüllung der verborgenen Schätze des Menschen, das Eingeständnis seiner innersten Gedanken, das öffentliche Bekenntnis seiner Liebesgeheimnisse.» Was der Mensch in sich selbst hat, das setzt er in die Welt hinaus und verehrt es als Gott.

So macht der Mensch es auch mit der sittlichen Weltordnung. Diese kann nur er selbst, aus sich im Zusammenhang mit seinesgleichen, schaffen. Er stellt sich aber dann vor, sie sei von einem anderen, höheren Wesen über ihn gesetzt. In radikaler Weise ist Max Stirner solchen Wesenheiten zu Leibe gegangen, die der Mensch sich selbst schafft und dann wie höhere Gewalten, als Spuk oder Gespenst, über sich setzt. Stirner fordert die Befreiung des Menschen von solchen Gespenstern.

 

Der Weg, der von ihnen befreit, wurde einzig und allein von den auf naturwissenschaftlicher Grundlage aufgebauten Weltanschauungen in der zweiten Hälfte des 19. Jahrhunderts betreten.