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Collection: 09 - Nationalisme et âmes de peuple
Sujet : Fraternité en premier par liberté de la pensée plus forte qu'État-nation
 
Les références Rudolf Steiner Oeuvres complètes GA185 221-225 (1982) 30/11/1918
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Pour compléter dans la perspective de points de vue généraux ce que je vous disais précédemment à propos de « La Philosophie de la Liberté », je vous dirai ceci : vous comprendrez que le courant du socialisme qui apparaît actuellement est un phénomène entièrement fondé dans la nature humaine, et qui prendra de plus en plus d'extension. Les réactions qui se dressent contre lui sont, pour celui qui pénètre la nature des choses, quelque chose d'effroyable.

Pour qui comprend vraiment ce qui se passe, le socialisme qui se répand par toute la terre — même sous une forme tumultueuse, même dans une sourde agitation —, cet élément international est porteur d'avenir; et l'établissement de tant d'états nationaux, de tout petits états, est contraire au cheminement de l'évolution. « A chaque nation doit correspondre un état » : ces mots dressent un effrayant obstacle sur le chemin de l'évolution à la cinquième époque post-atlantéenne. Et naturellement, on ignore complètement où cela peut mener ; mais on le dit ! C'est un principe qui, en même temps, est entièrement imprégné des forces passées de l'impulsion du roi Arthur, celle de l'organisation extérieure. Son contraire est l'aspiration que représente le Graal, intimement apparentée aux principes goethéens, fondée dans tous les domaines — celui de la morale, celui de la science — sur l'individu, sur la personne. Ce courant considère avant tout l'individu en voie d'évolution, et non pas des groupes qui aujourd'hui n'ont plus de signification, et que l'élément socialiste international doit faire disparaître de ce monde, parce que c'est dans le sens de l'évolution.

C'est aussi pour cette raison qu'il faut dire : le goethéanisrne avec son individualisme (comment cet individualisme est fondé dans la conception goethéenne du monde, vous pouvez le lire dans « Goethe et sa conception du monde »), cet individualisme qui atteint son apogée avec la philosophie de la liberté, est aussi ce qui doit nécessairement conduire vers le socialisme en formation. On peut ainsi reconnaître l'existence de deux pôles : celui de l'individualisme et celui du socialisme, vers lesquels tend l'humanité durant cette cinquième époque post-atlantéenne. Mais il faut comprendre vraiment de quoi il s'agit. Et pour bien comprendre, il faut acquérir la notion de ce qui doit venir se joindre au socialisme pour qu'il progresse dans le sens de notre évolution. Les actuels socialistes n'ont aucune idée de ce à quoi doit se lier nécessairement le socialisme, qui n'arrivera à un certain achèvement qu'au cours du troisième millénaire. Il faut avant tout qu'il se développe en liaison avec une juste faculté de sentir ce qu'est l'être humain dans sa totalité : corps, âme et esprit. Les différentes nuances qu'il peut revêtir, les différentes impulsions religieuses liées aux ethnies les apporteront ; elles donneront ainsi leur contribution à une compréhension de l'homme tripartite : corps, âme et esprit. L'Orient et le peuple russe feront en sorte que l'esprit soit compris ; l'Ouest, que le corps soit compris ; et le Centre travaillera à ce que l'âme soit comprise. Bien entendu, tous ces efforts se mêleront. Ne procédons pas par schémas et par catégories... Au sein de toute cette oeuvre doit se développer d'abord le principe réel, la véritable impulsion du socialisme.

Mais en quoi consiste-t-elle en réalité ? En ce que les humains parviennent vraiment à réaliser au sein de la structure sociale extérieure la fraternité, au sens le plus large du terme. Bien entendu, la véritable fraternité n'a rien à voir avec l'égalité. Prenez seulement le terme dans son sens le plus étroit, au sein de la famille : un frère a sept ans, l'autre vient au monde. Il ne peut naturellement pas être question d'égalité. Il faut d'abord que soit bien comprise cette notion de la fraternité. Ce qui est à réaliser sur le plan physique, c'est que soient remplacés les systèmes d'états par des organisations englobant toute la terre, et qui soient imprégnées de fraternité. Par contre, tout ce qui est organisation extérieure, Etat et tout ce qui ressemble à un Etat, doit être séparé de ce qui concerne l'église, la religion, qui doivent devenir une affaire de l'âme, et se développer librement dans les âmes vivant côte à côte. Une liberté de pensée absolue en ce qui concerne les choses de la religion doit aller de pair avec l'évolution du socialisme.

C'est ce que la forme actuelle du socialisme : la social-démocratie, exprime aujourd'hui — disons, en gros, par cette formule : la religion est une affaire privée. Mais elle s'y conforme en fait à peu près comme le taureau furieux réalise la fraternité en se jetant sur quelqu'un. Et elle ne la comprend absolument pas : car le socialisme est lui-même, sous sa forme actuelle, une religion, il travaille dans un esprit sectaire, et avec une profonde intolérance. Il faut que, tandis que le socialisme évolue, la vie religieuse fleurisse réellement, et se fonde sur la liberté dans ce monde des âmes qui oeuvrent sur terre en commun.

Voyez comment les choses ont travaillé considérablement àmettre obstacle à l'évolution. Mais il faut que tout d'abord soit mis obstacle à l'évolution pour qu'ensuite, pendant un certain temps, on puisse travailler dans le sens de l'évolution. Ensuite viendra encore un contre-courant, etc. Je vous l'ai exposé précédemment à propos des principes généraux dans l'histoire : tout est là pour finalement mourir. Quel obstacle à ce cheminement parallèle de la liberté de pensée en matière de religion avec la fraternité dans la vie sociale que la dépendance de celle-ci d'un organisme d'Etat ! La vie religieuse ne doit en aucun cas être liée à l'organisation de l'Etat ; pour que le socialisme puisse régner, il faut qu'elle anime les âmes d'êtres humains vivant ensemble ; mais elle doit être complètement indépendante de toute organisation extérieure. Que de fautes n'ont pas été commises dans ce domaine ! « Christ est esprit »... et à côté l'effroyable organisation cléricale du tsarisme. — « Christ est roi » : attelage parfait de la papauté avec les convictions religieuses ! Et non seulement l'Eglise catholique et romaine s'est elle-même constituée en Etat, en corps politique, mais elle a aussi trouvé le moyen, au cours des derniers siècles notamment et grâce au mouvement jésuite, de s'insinuer dans les autres états et de les marquer de son organisation.
Comment en effet s'est développé le luthéranisme ?

Certes, Luther a pour point de départ une certaine impulsion — que j'ai déjà exposée ici — et c'est un esprit qui tourne l'un de ses visages vers la quatrième époque post-atlantéenne, et l'autre vers la cinquième, ce en quoi il est animé d'une impulsion conforme à notre temps. Luther apparaît donc — et que se passe-t-il alors ? Alors on voit s'unir ce qu'il a voulu réaliser dans le domaine religieux avec les intérêts des princes allemands. C'est un prince qui est fait épiscope, membre d'un synode, etc. Ainsi se trouvent couplés des éléments qui ne devraient jamais l'être. Ou encore, le principe d'Etat qui domine toute l'organisation extérieure est complètement imprégné du principe religieux catholique ; ce fut le cas en Autriche, dans cette Autriche maintenant en perdition, et en fait, ce naufrage a pour cause cette collusion. Sous d'autres égides — sous celle du goethéanisme en particulier — il eût été fort possible de mettre de l'ordre en Autriche.

De l'autre côté, à l'Ouest, dans la population anglophone, partout l'esprit des loges imprègne les princes. C'est là un phénomène caractéristique : l'organisation qui préside à la vie de l'Etat ne peut absolument pas être comprise en dehors de cette imprégnation par
l'esprit des loges — et la France et l'Italie en sont entièrement infectées —, pas plus qu'on ne peut comprendre l'Europe du Centre si l'on ne voit pas qu'elle est pénétrée par le mouvement jésuite ou par autre chose. Tout cela constitue les fautes graves qui ont été commises et mettent obstacle au développement du socialisme.

Ce développement doit aller de pair avec un autre élément dans le domaine de la vie spirituelle : à savoir l'émancipation de toute aspiration vers l'esprit, qui doit être indépendante de l'organisation d'Etat. Ce qui est nécessaire, c'est que soit libérée de son encasernement la science et tout ce qui lui est rattaché. Ces casernes de la science répandues de par le monde, et que l'on nomme universités, sont parmi les choses qui entravent le plus l'évolution de la cinquième époque post-atlantéenne. Car comme la liberté doit régner dans le domaine de la religion, dans celui de la connaissance il faut que tous soient pairs et égaux, que chacun ait part au progrès de l'humanité. Si le mouvement du socialisme doit se développer sainement, il faut absolument supprimer privilèges, patentes, monopoles dans tous les secteurs de la connaissance. Mais comme nous sommes encore très loin de ce que je veux dire par ces mots, il n'est sans doute pas nécessaire que je vous montre en un point quelconque comment on pourrait faire sortir la science des casernes, et comment chaque être humain pourrait participer à l'évolution. Car cela ne peut se faire qu'en liaison étroite avec des impulsions de portée profonde qui se développeront dans l'éducation, et même dans ce qui régit le comportement des humains vis-à-vis d'autrui. Il arrivera alors ceci, c'est que tous les monopoles, les privilèges, les patentes qui règlent la possession des connaissances spirituelles disparaîtront ; seule subsistera la possibilité pour tout être humain de réaliser dans toutes les directions, dans tous les domaines, le spirituel qui vit en lui, et de lui donner une expression correspondant à la force avec laquelle il vit en lui. Aujourd'hui, on tend de plus en plus à monopoliser par exemple la médecine au bénéfice des universités ; et dans les domaines les plus différents, on veut aussi organiser toutes choses. Il n'est pas nécessaire alors de parler en détail de l'égalité spirituelle. Car nous en sommes encore très éloignés, naturellement, et la plupart peuvent attendre leur prochaine incarnation pour accéder à la compréhension complète de ce qui est à dire sur ce troisième point. Bien sûr, on peut partout commencer à travailler.

Tout ce que l'on peut faire, c'est d'avoir présentes à l'esprit, pour
prendre part à l'humanité moderne et aux temps actuels, les impulsions qui sont à l'eeuvre — en particulier le socialisme et ce qui doit aller de pair avec lui : la liberté de la pensée religieuse, l'égalité dans le domaine de la connaissance. La connaissance doit devenir égale pour tous, dans le sens du proverbe qui dit que tous sont égaux devant la mort ; car elle conduit elle aussi vers les mondes suprasensibles, où la mort nous introduit. On ne peut pas monopoliser la connaissance ni la soumettre à patente, pas plus qu'on ne peut le faire pour la mort. Le faire, c'est produire non pas des êtres qui portent la connaissance, mais ceux qui sont devenus ce qu'on appelle aujourd'hui les porteurs de la connaissance. Bien entendu, ces paroles ne visent nullement des individus isolés. Elles s'en prennent à ce qui a de notre temps une importance : aux formes sociales à notre époque. Notre époque en effet, qui fut le cadre de vie d'une bourgeoisie décadente, a montré combien toute rébellion contre ce qui entrave l'évolution est inefficace. La papauté va à contre-sens de l'évolution. Lorsque les Vieux-Catholiques, dans les années 70, se rebellèrent contre le dogme de l'infaillibilité, ce couronnement du monarchisme papal, on leur fit la vie très dure, on la leur fait aujourd'hui encore ; tandis qu'ils auraient pu rendre de bons services dans le travail d'opposition à la papauté monarchique.

En vous remémorant ce que j'ai exposé, vous trouverez qu'actuellement, sur le plan physique, quelque chose est présent qui appartient aux âmes, qui relève de l'homme-esprit ; tandis que c'est la fraternité achevée en elle-même qui veut se manifester sur le plan physique. Quelque chose s'est manifesté sur le plan physique et l'a organisé, qui ne doit pas s'y trouver directement, mais seulement par l'intermédiaire des âmes des hommes qui vivent sur ce plan physique. Là, les religions par exemple doivent former des communautés d'âmes, et n'être en rien emprises dans une organisation extérieure. Les écoles devraient être organisées tout autrement, et surtout ne pas être écoles d'Etat. Tout doit être déterminé par la liberté de la pensée, par l'individualité. Du fait que dans la réalité les choses viennent à se confondre, il arrive alors que le socialisme par exemple manifeste souvent le contraire de son principe tel que je vous l'ai exposé. Il se comporte alors en tyran, il est avide de pouvoir, il voudrait prendre tout en mains. Intérieurement, il est en réalité l'adversaire du prince illégal de ce monde, lequel apparaît quand on enserre extérieurement l'impulsion du
Christ ou le spirituel dans une organisation d'Etat, quand on ne laisse pas régner dans l'organisation extérieure la simple fraternité.