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Collection: 09 - Nationalisme et âmes de peuple
Sujet : Le christianisme comme langage universel plutôt qu'appartenance de peuple
 
Les références Rudolf Steiner Oeuvres complètes GA118 168-173 (1984) 15/05/1910
Traducteur: Marcel Bideau Editeur: EAR

 

La signification de cette fête de Pentecôte pour l'humanité de l'Occident se présente à nous dans une image grandiose qui parle aux profondeurs de l'âme. Cette image, chacune des personnes ici présentes la connaît, n'est-ce pas. Celui qui institua, qui fonda le christianisme, demeure encore un moment, après avoir accompli le Mystère du Golgotha, parmi ceux qui sont capables de le voir dans le corps qu'il a revêtu après le Mystère du Golgotha. Et puis la suite des événements est présentée devant nos âmes en une succession d'images significatives. Le corps que le fondateur du christianisme a revêtu après le Mystère du Golgotha se dissipe — puissante vision accordée à ses disciples les plus proches — dans ce qu'on appelle l'Ascension.

Ensuite, dix jours plus tard, intervient l'événement signalé à l'aide d'une image qui parle avec force à tous les coeurs qui veulent la comprendre. Les disciples du Christ sont rassemblés, les disciples qui les premiers le comprirent. Ils ressentent profondément la puissante impulsion qui par le Christ est entrée dans l'évolution de l'humanité; leur âme attend impatiemment, après la promesse qui leur a été faite, la venue des événements qui doivent s'accomplir dans l'âme même de ces hommes. Ils sont réunis dans un profond sentiment de ferveur, ces premiers confesseurs du Christ, les premiers à comprendre l'impulsion christique; ils sont réunis au jour de la fête de la Pentecôte, de tout temps vénérée dans leurs contrées. Et leur âme s'élève vers une vision plus haute, c'est comme un appel à eux adressé par ce qui nous est dépeint comme «le bruit d'un violent coup de vent»; cet appel a pour but d'orienter leur faculté de perception vers ce qui doit leur échoir dans l'avenir, vers ce qui leur est réservé pour le temps où, dans leurs incarnations successives, ils vivront sur cette terre qui est la nôtre avec l'impulsion du feu divin qu'ils ont reçue dans leur coeur.
Et devant nos âmes se dessine l'image des «langues de feu» qui descendent sur la tête de chacun des disciples, et une puissante vision dit à chacun des participants quel sera l'avenir de cette impulsion. Car ceux qui les premiers ont compris le Christ et qui, ainsi réunis, perçoivent en esprit le monde spirituel, ils ont le sentiment qu'ils ne s'adressent pas à ceux qui se trouvent, dans l'espace et le temps, dans leur voisinage immédiat; au contraire, ils se sentent dans leur coeur transportés au loin vers les peuples les plus divers répartis sur le globe, et ils ont le sentiment que dans leur coeur est vivant quelque chose qui est traduisible dans toutes les langues et peut être compris par le coeur de tous les êtres humains. Dans cette puissante vision qui leur dévoile l'avenir du christianisme, ces premiers confesseurs du Christ se sentent comme entourés de ceux qui, dans l'avenir, à quelque peuple qu'ils appartiennent, comprendront le Christ. Et ils ont le sentiment qu'ils auront un jour, quand ils annonceront le Christ, le pouvoir de trouver des mots compréhensibles non seulement pour ceux qui se trouvent dans leur voisinage temporel et spatial immédiat, mais pour tous les hommes vivant sur terre qu'ils rencontreront dans l'avenir.

Tels sont les sentiments qui emplissaient le coeur et l'âme des premiers confesseurs du christianisme en cette première fête de la Pentecôte chrétienne. Mais les explications qui sont données dans l'esprit du véritable ésotérisme chrétien — et qui reçurent le vêtement de l'image — disent ceci: l'esprit que l'on nomme aussi le Saint-Esprit, qui est là présent, qui des hauteurs envoya sa force sur la terre au temps où le Christ Jésus faisait entrer l'esprit du Christ jusque dans notre terre, cet esprit qui réapparut d'abord lorsque Jésus fut baptisé par Jean-Baptiste, il descendit — sous une autre forme, sous la forme de langues de feu lumineuses — sur chacune des individualités des hommes qui les premiers comprirent le Christ. — C'est de ce Saint-Esprit que sous une autre forme, très particulière, il nous est encore parlé dans cette fête de la Pentecôte. Faisons-nous une idée vivante de ce que signifie le mot «Saint-Esprit» au sens où il est employé dans les Evangiles. Comment parlait-on de l'esprit dans les temps anciens, y compris ceux qui ont précédé le message chrétien?

Dans les temps anciens, on parlait d'«esprit» dans des sens bien différents, mais en particulier dans le sens suivant. On avait cette idée, à laquelle notre Science anthroposophique moderne apporte une nouvelle justification: lorsqu'un être humain accède par la naissance à l'existence qui se déroule entre la naissance et la mort, le corps dans lequel cette individualité s'incarne est déterminé de deux façons, car ce corps humain a deux sortes de tâches à remplir. Par notre corps, nous appartenons à l'espèce humaine en général; mais ce corps fait avant tout de nous le membre de tel ou tel peuple, de telle ou telle race ou famille. Aux époques antérieures à l'annonce du christianisme, on ressentait encore faiblement son appartenance à ce que l'on peut appeler «l'humanité en général»; on avait très peu ce sentiment de communauté de nature qui va croissant dans le coeur de l'homme depuis l'apparition du christianisme, et qui nous dit: Tu es un homme, avec tous les hommes vivant sur terre! — Par contre, on éprouvait d'autant plus fortement le sentiment qui faisait de l'individu le membre d'un peuple ou d'un groupe ethnique donné.

Nous trouvons cela exprimé même dans la vénérable religion hindoue: c'est la croyance que seul peut être un vrai Hindou celui qui l'est par le sang. Les membres de l'ancien peuple hébreu, à plus d'un égard, s'en tenaient eux aussi fermement à ce principe — bien qu'ils l'aient souvent transgressé — avant l'arrivée du Christ. On n'était un membre de leur peuple que si l'on devait sa naissance dans ce peuple à un couple de parents lui appartenant.

Mais il y avait autre chose qu'on avait toujours été capable de ressentir. Certes, dans les temps anciens et chez tous les peuples, on s'éprouvait toujours plus ou moins comme le membre d'un peuple, d'une ethnie; et plus on recule vers les lointains du passé, plus on voit l'homme éprouver de façon intense le sentiment de n'être en aucune façon une individualité, mais le membre d'un peuple. Cependant, on apprit peu à peu à se sentir un être individuel, doué de qualités personnelles. C'est cela que l'on ressentait en quelque sorte comme les deux principes à l'oeuvre dans l'humanité de chaque être: l'appartenance au peuple et le caractère individuel de la personne.

Quant aux forces qui relèvent de ces deux principes, on les imputait les unes à la mère, les autres au père. Le principe par lequel on était un membre de son peuple, par lequel on s'insérait dans la communauté, on l'imputait à l'hérédité transmise par la mère. Lorsqu'on ressentait les choses comme on les voyait en ce temps-là, on disait de la mère: en elle est à l'oeuvre l'esprit du peuple. L'esprit du peuple l'habitait et elle léguait à son enfant les traits communs à tout le peuple. Et du père on disait qu'il était le porteur et le légataire du principe qui donne à l'être humain ses qualités individuelles, personnelles. Par conséquent — et cette idée prévalait encore chez les anciens Hébreux des temps pré-chrétiens —, lorsqu'un être humain venait au monde, on pouvait dire: il est une personnalité, il est une individualité grâce aux forces qu'il tient de son père. Mais sa mère était habitée dans tout son être par l'esprit qui est à l'oeuvre dans le peuple et qu'elle transmet à son enfant. Et dans ce contexte, on parlait principalement de l'esprit qui, des royaumes spirituels, envoie ses forces dans l'humanité en les faisant affluer dans le monde terrestre par le détour de la mère.

Mais grâce à l'impulsion christique, on avait commencé à voir les choses autrement: maintenant, cet esprit dont on avait parlé autrefois, cet esprit du peuple allait être remplacé par un esprit qui lui était certes apparenté, mais qui agissait à un niveau bien supérieur, un esprit qui est à l'humanité entière ce que l'esprit d'autrefois était à chacun des peuples. Cet esprit serait communiqué à l'humanité et l'emplirait de cette force intérieure qui vous fait dire: Je ne m'éprouve plus comme appartenant seulement à une partie de l'humanité, mais à l'humanité tout entière; je suis un membre de l'humanité tout entière — et je le serai chaque jour davantage! — Cette force qui donc répandait sur l'humanité entière l'élément que les hommes ont tous en commun, on l'imputait au Saint-Esprit. Ainsi, l'esprit qui s'exprimait dans la force qui, de l'esprit du peuple, se déversait dans la mère, s'éleva du niveau de l'«esprit» à celui du «Saint-Esprit».

Celui qui devait apporter aux hommes la force de développer de plus en plus dans l'existence terrestre l'élément commun à tous les hommes ne pouvait naître — et il serait le premier à naître ainsi — que dans un corps dont il aurait hérité selon la vertu du Saint-Esprit. Et telle fut bien l'Annonciation qui fut faite à la mère de Jésus. L'Evangile selon Matthieu nous dit combien Joseph, dont il est rapporté qu'il était un homme pieux, fut troublé; un homme pieux, cela signifie dans le langage de ce temps un homme hors d'état de croire que si un jour il avait un enfant, cet enfant ne naîtrait pas de l'esprit de son peuple. Et maintenant, il apprend que la mère de son enfant est emplie, est «pénétrée» (car tel est le sens du mot dans notre langue) par la force d'un esprit qui n'est pas seulement l'esprit d'un peuple, mais celui de l'humanité en général! Et il ne croit pas pouvoir prendre chez lui une femme qui puisse lui donner un enfant qui porte en lui l'esprit de l'humanité tout entière, et non l'esprit auquel dans sa piété il est resté fidèle. C'est pourquoi il nous est rapporté qu'il voulait «la répudier sans bruit». Et c'est seulement après qu'il eut reçu lui aussi un message des mondes spirituels qui lui donna de la force, qu'il put se décider à avoir un fils de cette femme pénétrée et emplie de la force du Saint-Esprit.

Cet esprit a donc été mis en action, il est devenu créateur en insufflant ses forces, avec la naissance de Jésus de Nazareth, dans l'évolution de l'humanité. Et il a été à nouveau mis en action dans cet acte grandiose que fut le baptême dans le Jourdain. Maintenant nous comprenons ce qu'est la force du Saint-Esprit: c'est la force qui de plus en plus haussera l'homme au-dessus de ce qui le différencie et l'isole de ses semblables, pour faire de lui un membre de l'humanité tout entière répandue sur la terre; une force qui agit comme un lien d'une âme à l'autre — et peu importe le corps dans lequel vit cette âme.