triarticulation

Institut pour une triarticulation sociale
(version française du site allemand)
Conditions d'utilisation.

Accueil

 

Deutsch EnglishDutchSkandinaviskFrançais ItalianoEspañolPortuguês (Brasileiro)Russisch
Recherche
 Contact   BLOG  Impressum 

Collection: 08 - L'IMPULSION SOCIALE ANTHROPOSOPHIQUE
Sujet : Pulsions sociales et antisociales dans la pensée, le sentiment et la volonté
 
Les références Rudolf Steiner Oeuvres complètes GA186 088-110 (1990) 06/12/1908
Traducteur: revue par FG v. 01/20170911
Ancienne traduction de Marie-France Rouelle et Gudula Gombert
Editeur:SITE
Dervy

QUATRIÈME CONFÉRENCE - DORNACH, 6 DÉCEMBRE 1918

04001 - Dernièrement, j'ai expressément accentué que – quand nous prenons la parole à nouveau ainsi que je l'ai mentionné jadis - un état paradisiaque est impossible sur le plan physique, que de ce fait les prétendues solutions à la question sociale, lesquelles plus ou moins consciemment ou inconsciemment veulent instaurer un tel état de paradis sur le plan physique, qui de surcroît devrait être un durable, - que toutes ces prétendues solutions de la question sociale doivent reposer sur des illusions. C'est dans la lumière de cette donnée que je vous prie de bien vouloir accueillir toutes les explications que je fais à propos des événements actuels. Car dans la réalité actuelle repose sans doute une exigence déterminée que l'on peut nommer comme l'exigence vers une formation sociale des rapports humains. Il s'agit seulement de ce qu'on ne rende pas cette question abstraite, qu'on ne prenne pas cette question au sens absolu, mais, comme je le disais déjà la dernière fois, qu'à partir des connaissances issues de la science de l'esprit, on se procure un avis sur ce qui tout de suite est nécessaire à notre époque. Nous voulons maintenant discuter encore quelques choses qui est tout de suite nécessaire à notre temps à partir des conditions préalables de science de l'esprit.

04002 – Ce qui sera en fait habituellement négligé aujourd'hui dans la plus vaste étendue quand on parle de question sociale ou de revendications sociales de notre temps, c'est que conformément aux exigences de notre temps, la question sociale ne pourra en aucun cas être saisie sans une connaissance plus intime de l'être humain. On peut bien imaginer quels programmes sociaux on veut, on peut vouloir introduire encore ainsi des contextes sociaux idéaux, tout cela doit rester stérile quand il ne s'agit pas de comprendre l'être humain en tant que tel, quand on ne part pas de la connaissance la plus intime de l'humain. J'ai rendu attentif que l'articulation sociale dont j'ai parlée, cette tri-articulation sociale que je devais présenter comme une exigence de notre temps au sens le plus éminent, vaut justement pour l'époque actuelle, vaut tout de suite pour le temps actuel parce qu'elle prend en considération dans chaque détail la connaissance de l'être humain, tel qu'il est maintenant, à ce moment donné de la cinquième époque postatlantéenne. Et c'est aussi à partir de ce point de vue que je vous prie de considérer toutes les explications que je ferai.

04003 – Avant toutes choses vient en question qu'un ordre social tel que l'exige les actuelles conditions n'est pas à établir sans qu'on devienne conscient de la chose suivante : cet ordre social est lié au fait que l'être humain lui-même se reconnaisse dans sa relation au social. On peut dire : de toutes les connaissances des humains, la connaissance de l'humain est quand même la plus difficile, c'est donc pourquoi aussi dans les anciens mystères le « connais-toi toi-même » a été placé comme le but le plus élevé de l'aspiration à la sagesse. Ce qui deviendra aujourd'hui tout particulièrement difficile à l'humain, c'est de comprendre tout ce qui est efficacité du cosmos en lui, tout ce qui œuvre en lui. L'humain aimerait le plus volontiers se représenter lui-même aussi simple que possible, parce qu'aujourd'hui il est tout de suite devenu particulièrement paresseux dans son penser, dans ses représentations. Mais l'être humain n'est justement pas un être simple. Contre cette réalité ne se laisse justement rien faire une quelque chose par l'arbitraire dans les représentations. Avant toutes choses l'être humain n'est pas un être simple aussi en relation sociale. Et en relation sociale, c'est tout de suite un être qu'il aimerait infiniment bien ne pas être, il aimerait infiniment être autrement qu'il est. On peut dire : l'être humain s'aime donc en fait énormément. Cela n'est déjà une fois pas à contester : l'être humain s'aime énormément lui-même. Et c'est par cet amour de lui-même qu'il fait de la connaissance de soi une source d'illusions. Ainsi l'homme aimerait ne pas s'avouer qu'il est seulement un être social pour moitié, qu'il est pour l'autre moitié un être antisocial.

04004 – S'avouer cela, sec et énergique, que l'humain est en même temps un être social et antisocial, c'est une exigence fondamentale de la connaissance sociale de l'être humain. On a beau dire : je m'efforce de devenir un être social ; - on doit aussi le dire, car sans qu'on soit un être social, on ne peut absolument pas vivre correctement avec des humains. Mais en même temps repose dans la nature humaine d'être perpétuellement à lutter contre le social, d'être perpétuellement un être antisocial.

04005 - Nous avons bien des fois considéré l'être humain, à propos des sujets les plus divers, selon la nature ternaire de son âme : penser ou faculté de représentation, ressentir et vouloir. Réexaminons-le à nouveau aujourd'hui sous ces trois aspects, mais cette fois en relation sociale. Mais avant toutes choses on doit se rendre clair en rapport à la faculté de représentation, le penser que dans le représenter, dans ce penser repose une source infiniment significative de l'antisocial de l'humain. En ce que l'être humain est simplement un être pensant, il est un être antisocial. Ici, seule la science de l'esprit peut arriver à la vérité sur ces choses. Car seulement la science de l'esprit peut répandre quelque lumière sur la question : Comment nous tenons nous alors absolument comme être humain en nos relations à d'autres humains ? Quand est alors établi, dans une certaine mesure, le rapport [85] correct d'être humain à être humain pour la conscience ordinaire, quotidienne, mieux dit, pour la vie ordinaire, quotidienne ? Oui, voyez-vous, quand ce rapport correct est établit entre humain et humain, alors est aussi là sans aucun doute l'ordre social. Mais maintenant repose - on aime donc dire : de manière malheureuse pour l'âme, mais celui qui sait dit : de manière nécessaire – le fait particulier que nous développons un rapport correct d'être humain à être humain seulement dans le sommeil. Seulement quand nous dormons nous établissons un rapport correct, sans fard, d'humain à humain. Dès l'instant où vous avez paralysé la conscience diurne habituelle, où vous vous trouvez dans l'état entre l'endormissement et le réveil, dans le sommeil sans rêve, là, vous êtes un être social — je parle maintenant en rapport au représenter, au penser. Dès l'instant où vous vous réveillez, vous commencez à développer des impulsions antisociales par le représenter, par le penser. On doit se penser seulement, comme les rapports de société deviennent compliqués par ce qu'en fait l'humain se comporte correctement envers l'autre humain seulement dans le sommeil. J'ai évoqué cela différemment d'autres points de vue. J'ai par exemple évoqué qu'on a beau être chauvin, nationaliste à l'état de veille, dès qu'on est endormi, on est tout de suite transposé parmi ces humains, on est ensemble avec ceux, nommément avec leur esprit de peuple, qu'on hait le plus souvent lorsqu'on est éveillé. Contre cela ne se laisse rien faire. Le sommeil est un régulateur social. Mais parce que la science moderne ne veut absolument rien savoir sur le sommeil, ainsi elle n’inclura donc encore longtemps pas dans ses considérations sociales ce que j'ai justement dit maintenant.

04006 – Mais par le penser nous sommes, dans l'état éveillé, encore transporté dans un autre courant antisocial. Supposez que vous soyez en face d'un autre humain. On se tient donc seulement en face de tous les humains parce qu'on est en face de l'individu. Vous êtes un humain pensant, naturellement, sinon vous ne seriez pas un être humain si vous n'étiez pas un humain pensant. Je parle maintenant seulement du penser ; nous parlerons ensuite du ressentir et du vouloir, - du point de vue du ressentir et du vouloir, on peut objecter quelque chose, mais du point de vue de la représentation, ce que je dis maintenant est exact. En ce que, comme humain se représentant, pensant, vous vous placez vis-à-vis d'un autre, se passe cette chose singulière que simplement par le rapport réciproque qui se forme entre humain et humain, dans votre subconscient le soucis est disponible d'être endormi par cette autre humain. Vous serez pour ainsi dire endormi par l'autre humain dans votre subconscient. Voyez-vous, c'est le rapport normal d'être humain à être humain que lorsque nous nous rencontrons, l'un est toujours dans l'effort — le rapport est naturellement réciproque — d'endormir le subconscient de l'autre. Et en conséquence, que devez vous faire comme humain pensant ? Tout ce que je raconte en ce moment va bien entendu de soi dans le subconscient, mais n'en va pas moins vraiment de soi. C'est une réalité, quand aussi cela ne s'élève pas dans la conscience ordinaire. Quand donc, lorsque vous rencontrez un humain, il vous endort, cela signifie, il endort votre penser, pas votre ressentir et votre vouloir. Maintenant vous devez, si vous voulez rester un humain pensant, vous défendre intérieurement contre cela. Vous devez activer votre penser. Vous devez passer outre l'endormissement. Le faire-face-à-un-autre-être-humain signifie toujours : se rendre éveillé, se réveiller, se détacher de ce que l'autre veut avec nous.

04007 - Voyez-vous, de tels faits se passent dans la vie, et on comprend seulement la vie quand on la contemple selon la science de l'esprit. Parlez seulement avec un humain, oui, seriez vous seulement ensemble avec un humain, ainsi cela signifie que vous devez vous maintenir perpétuellement éveillé contre son souci de vous endormir en rapport à votre penser. Cela ne monte certes pas dans la conscience ordinaire, mais œuvre dans l'humain comme impulsion antisociale. Dans une certaine mesure, chaque être humain se présente à nous comme un ennemi de notre représenter, comme un ennemi de notre penser. Nous devons donc protéger notre penser contre l'autre. Cela conditionne qu'en rapport au représenter, au penser, nous sommes des êtres antisociaux à un haut degré, et nous pouvons seulement nous éduquer à devenir absolument des êtres sociaux. Si nous n'étions pas contraints d'exercer perpétuellement cette défense contre les autres humains, par l'éducation, par une autodiscipline, par la nécessité dans laquelle nous vivons, alors nous pourrions grâce à notre penser être des êtres sociaux. Mais parce que nous devons l'exercer, il nous faut avant tout bien comprendre que nous pouvons devenir des êtres sociaux par éducation de nous-même, mais qu'au départ, comme humains pensants, nous ne le sommes pas par nature.
04008 – Mais d'après cela vous verrez aussi que sans parvenir à l'âme/au psychique, sur le fait que l'humain est un être pensant, ne se laisse absolument rien dire sur la question sociale, car la question sociale intervient dans des grandes intimités de la vie de l'humain. Et qui ne tient pas compte de ce que l'humain, en ce qu'il pense, développe simplement des impulsions antisociales, celui-là n'arrive à aucune élucidation sur la question sociale. Pendant le sommeil, c'est facile, puisque de toute façon nous sommes endormis. Le pont entre tous les humains peut s'édifier. À l'état de veille, l'autre humain aspire, en ce qu'il nous fait face, à nous endormir afin que le pont jusqu'à lui puisse être construit, et justement nous faisons ainsi vis-à-vis de lui. Mais [87] nous devons nous défendre contre cela, sans quoi notre conscience pensante serait simplement tuée dans notre échange avec des humains.
04009 - Il n'est donc pas si simple de poser des exigences sociales, car la plupart des humains qui posent des exigences sociales, n'ont pas du tout conscience de combien l'antisocialisme est profondément ancré dans la nature humaine. Et avant toutes choses, l'être humain n'est pas enclin à se dire pareille chose comme une connaissance de soi. Cela pourrait donc lui devenir facile s'il admettait tout simplement qu'il n'est pas le seul à être antisocial, mais qu'il a cela en commun avec tous les autres humains. Mais chaque humain a quand même ainsi, un peu en secret, même s'il admet qu'en général l'être humain en tant que penseur est un être antisocial, un jugement de réserve pour soi : mais je suis une exception. Quand aussi il ne se l'avoue pas complètement, mais en secret pointe toujours ainsi dans la conscience un petit peu cela : Je suis l'exception, ce sont les autres qui sont antisociaux en tant que penseurs. Les humains auront beaucoup de mal à prendre au sérieux qu'en tant qu'être humain, on ne peut pas «être » quelque chose, mais doit perpétuellement «devenir» quelque chose. Mais c'est quelque chose qui est pourtant profondément pendant aux choses que nous pouvons tout particulièrement apprendre à notre époque.

04010 - Aujourd'hui, il est donc possible de montrer ce qu'on n'a pas voulu faire il y a encore cinq ou six ans, que certains maux et insuffisances de la nature humaine s'étendent sur la Terre entière, car il ne se sont que trop manifestés, ces maux et insuffisances. Les humains cherchent à se leurrer sur cette nécessité de devenir quelque chose. Ils cherchent avant tout à ne pas attirer l'attention sur ce qu'ils veulent devenir, mais sur ce qu'ils sont. On trouvera maintenant qu'un grand nombre des membres de l'Entente et d'Amérique sont satisfaits de ce qu'ils sont, uniquement parce qu'ils sont justement membres de l'Entente ou Américains. Nul besoin pour eux de devenir quoi que ce soit, ils ont juste à montrer combien ils se différencient des méchants qui vivent dans les pays d'Europe centrale, combien ceux-ci sont noirs tandis qu'eux seuls sont blancs. Cet état d'esprit a propagé sur quasiment toute la planète une illusion humaine laquelle, naturellement, se vengera de façon terrible avec le temps. Ce vouloir-être quelque chose et ne-pas-vouloir-devenir, c'est quelque chose qu'on a à l'arrière-plan de l'hostilité développée à l'égard de la science de l'esprit.

Car la science de l'esprit ne peut rien d'autre que montrer à l'être humain qu'on doit perpétuellement devenir quelque chose, qu'on ne peut être une quelque chose achevée grâce à ceci ou cela. L'être humain se trompe de la manière la plus effroyable sur soi-même quand il croit pouvoir montrer quelque chose d'absolu qui supposerait chez lui quelque perfection particulière. Tout ce qui n'est pas en devenir provoque chez l'humain une imperfection, et non une perfection. Et ce que je vous ai dit en rapport à l'humain comme penseur, et des impulsions antisociales fabriquées/produites par cela, cela a encore un autre côté important.

04011 - Voyez-vous, l'être humain plane dans une certaine mesure entre social et antisocial ainsi qu'il plane entre le veiller et le dormir - on pourrait aussi dire : le dormir est social, le veiller est antisocial -, et comme pour une vie saine il doit planer entre le veiller et le dormir, ainsi il doit planer entre le social et l'antisocial. Mais c'est tout de suite cela qui vient en considération extraordinairement fort pour la vie de l'humain. Car par cela, l'être humain peut tendre plus ou moins vers l'un ou l'autre, comme on peut donc même tendre à dormir ou veiller. Il y a des humains qui dorment au-delà de la mesure, qui donc, dans le contexte de pendule dans lequel doit être l'être humain entre veiller et dormir, se tournent justement vers un côté de la balance. Ainsi l'être humain peut aussi cultiver en soi plus les impulsions sociales ou plus les antisociales. Par cela les humains sont individuellement différents, l'un soigne plus les impulsions sociales, l'autre plus les antisociales. On peut, quand dans une certaine mesure on a une connaissance de l'humain, bien différencier les humains d'après cela. Ils se partagent exactement en deux classes. Les uns sont plus enclins à l'être social, les autres plus à l'antisocial.

04012 – Maintenant je disais : cela a encore un autre côté -, car l'antisocial est pendant de ce que nous nous protégeons nous-mêmes devant l'être-endormi. Mais autre chose est en lien avec cela. C'est que cela nous rend malade. Quand aussi pas très perceptibles – mais parfois aussi très perceptible – des maladies en apparaissent, aux causes de maladie appartient l'être antisocial. Ainsi que pourra facilement vous être compréhensible que l'être social a en même temps quelque chose qui rétablit la santé, quelque chose de vivifiant. Mais vous en voyez comment la nature humaine est étrange. L'être humain ne peut se rendre sain par l'être social sans s'endormir dans une certaine mesure. En ce qu'il s'arrache de l'être social, il fortifie sa conscience pensante, mais devient antisocial. Mais avec cela il paralyse aussi les forces rétablissant la santé qui sont dans son subconscient, dans son organisme. Ainsi jouent, dans la constitution de vie saine ou malade, ce qui est disponible dans l'humain d'impulsions sociales et antisociales. Qui développe la connaissance de l'être humain d'après cette direction pourra reconduire un grand nombre de maladies plus ou moins réelles sur l'être antisocial de l'humain. Plus qu'on le croit, être malade pend ensemble avec l'être antisocial de l'humain, nommément ces maladies qui sont donc bien souvent de réelles maladies, mais qui vont plutôt s'extérioriser par exemple en « lubies », de toutes sortes de persécutions de soi-même ou la persécution d'autres, ou bien encore dans l' « être bizarre »[89], dans la dépendance, de « manger jusqu'au bout » ceci ou cela. Tout cela est pendant avec une constitution organique non saine, mais se développe progressivement lorsqu'on tend fortement vers les impulsions antisociales.

04013 - On devrait absolument voir très clairement qu'il y a là un grand mystère touchant à la vie. Ce mystère est d'une importance extraordinaire, tant pour l'éducateur que pour l'éducation humaine de soi. Le connaître de façon vivante, et pas purement en théorie, signifie recevoir l'impulsion de prendre énergiquement sa vie en main, de réfléchir à la façon de triompher de l'antisocial, de le ressentir afin de le dépasser. Maints humains se guériraient non seulement de leurs lubies, mais aussi de toutes sortes d'états maladifs, s'ils analysaient leurs impulsions antisociales. Mais il faut le faire sérieusement, sans amour-propre, car cela est d'une importance considérable pour la vie. Voilà pour le social et l'antisocial de l'être humain, en rapport au représenter ou au penser.

04014 – Maintenant l'être humain est, en dehors de cela, un être ressentant et, avec le ressentir, c'est maintenant à nouveau une chose singulière. Aussi en rapport au ressentir l'être humain n'est là pas si simple qu'il aimerait volontiers se le représenter. Le sentiment d'humain à humain a en effet une particularité paradoxale. Le sentir a la particularité qu'il est d'abord enclin à nous donner une sensation faussée d'autrui. La première inclinaison dans le subconscient de l'être humain dans l'échange d'humain à humain consiste toujours à ce que dans le subconscient, nous émerge une sensation faussée de l'autre humain, et dans la vie, il nous faut en premier toujours combattre cette fausse sensation. Le connaisseur de la vie remarquera très facilement que des humains qui ne sont pas enclins à se mettre à la portée des autres avec intérêt pestent en réalité contre presque tous les humains, du moins au bout d'un certain temps. Cela est une particularité d'un grand nombre. On aime l'un ou l'autre humain un temps durant ; mais quand ce temps est passé alors se manifeste ainsi quelque chose dans la nature humaine et commence à maugréer n'importe comment, à avoir quelque chose contre lui. On ne sait souvent pas soi-même ce qu'on a contre lui, car ces choses se jouent donc beaucoup dans le subconscient. Cela vient simplement que le subconscient a en fait la tendance à falsifier l'image que nous nous faisons de l'autre. Nous devons en premier apprendre à connaître l'autre humain plus exactement, alors nous verrons que l'image que nous avons tout d'abord gagnée nous devons en radier des falsifications. Aussi paradoxal que cela sonne, ce serait une bonne maxime de vie – quand aussi des exceptions viennent en considération - ; quand nous prévoirions toujours de corriger systématiquement l'image de l'humain qui se fixe en notre subconscient, sous toutes les circonstances, de corriger n'importe comment. Car ce subconscient a tendance à juger les humains d'après les sympathies et les antipathies.
La vie elle-même nous y incite. Tout comme la vie nous incite à être simplement des humains pensants et que nous sommes par là antisociaux, ainsi la vie nous incite - les choses que je dis sont simplement des faits -, à juger d'après les sympathies et les antipathies. Mais chaque jugement qui est tombé d'après les sympathies ou les antipathies est faussé. Il n'y a aucun jugement vrai, aucun correct quand il est tombé d'après les sympathies et les antipathies. Et c'est parce que, dans le sentiment, le subconscient va d'après la sympathie et l'antipathie, qu'il esquisse toujours une image faussée du voisin. Nous ne pouvons pas avoir une image juste du voisin dans notre subconscient. Certes, nous en avons parfois une trop bonne, mais elle est toujours formée d'après les sympathies et les antipathies, et il ne reste rien d'autre qu'à s'avouer un tel fait, s'avouer simplement que là aussi comme être humain, on ne peut pas être quelque chose, mais devrait devenir quelque chose. On doit se dire, que nommément en rapport à l'échange/à la circulation de sentiment/sensation avec d'autres humains, on doit conduire une vie en attente. On n'a pas la permission d'aller sur l'image de l'humain qui se presse à nous tout d'abord vers le haut du subconscient dans le conscient, mais on doit essayer de vivre avec des humains. On verra quand on essaye de vivre avec des humains, que de cette humeur antisociale, qu'en fait on a toujours d'abord, se développe l'humeur sociale.

04015 – Ainsi c'est de toute particulière importance d'étudier la vie des sentiments de l'être humain, aussi loin qu'elle est antisociale. Pendant que la vie de penseur est antisociale parce que l'être humain doit se protéger devant l'endormir, la vie des sentiments est antisociale parce que l'humain établit son échange aux humains d'après la sympathie et l'antipathie, qu'il inocule du début des courants de sentiments faux à la société. Ce qui vient de l'humain par sympathies et antipathies est du début ainsi que cela jette des courants de vie antisociaux dans la société humaine. On peut dire, aussi paradoxal, que cela sonne, une société sociale serait seulement possible quand les humains ne vivraient pas dans les sympathies et les antipathies. Mais alors, ils ne seraient pas des êtres humains. Il ressort à nouveau que l'humain est un être en même temps social et antisocial, que donc ce qu'on nomme « la question sociale » doit parvenir à l'intimité de l'entité humaine. Quand on ne parvient pas à cela, ainsi on n'arrivera jamais à une solution de la question sociale pour un quelque temps.

04016 - En rapport à la volonté qui se joue d'humain à humain, là se montre tout particulièrement frappant et paradoxal, à quel point l'humain est un être complexe. Vous savez donc, qu'en rapport à la volonté entre humain et humain, les sympathies et les antipathies ne jouent pas seulement un rôle - elles jouent donc un rôle, aussi loin que nous somme des êtres ressentants -, mais là jouent des inclinations et des répulsions qui passent en action, [91]donc des sympathies et des antipathies en action, dans leur extériorisation, jouent dans leur manifestation un rôle très particulier. L'être humain se comporte à un autre humain ainsi que le lui suggère sa sympathie particulière à cet humain, le degré particulier d'amour qu'il lui porte. Là une inspiration subconsciente joue un rôle étrange. Car ce qui est donc déversé sur tout l'échange de volonté d'humain à humain doit être contemplé à la lumière de l'impulsion qui sous-tend cet échange de volonté, à la lumière de l'amour plus ou moins disponible qui joue entre les humains. De cet amour, qui joue entre les humains, les humains laissent donc être portées leurs impulsions de volonté qui jouent ainsi par-dessus d'humain à humain.

 

04017 – En rapport de l'amour, l'humain est soumis, au sens le plus éminent du terme, à une grande illusion et a besoin encore plus de la correction qu'en rapport aux habituelles sympathies et antipathies du sentiment. Car aussi étrange que cela sonne pour la conscience ordinaire, c'est absolument vrai que l'amour qui se fait valoir d'un individu pour un autre, quand il n'est pas spiritualisé - dans la vie ordinaire l'amour est donc seulement spiritualisé dans une mesure très rare et je ne parle pas purement de l'amour sexuel ou de celui reposant sur une base sexuelle, mais absolument de l'amour d'humain à humain -, qu'en fait cet amour non spiritualisé n'est pas l'amour en tant que tel, mais l'image qu'on se fait de lui, qu'il est le plus souvent rien de plus qu'une terrible illusion. Car l'amour qu'un humain croit développer à un autre est – ainsi que les humains sont une fois dans la vie - le plus souvent rien d'autre qu'amour de soi. L'être humain croit aimer l'autre, mais s'aime en fait seulement soi-même dans l'amour. Vous voyez là une source d'être antisocial qui encore en plus de cela doit être la source d'une terrible illusion de soi-même. On peut en effet penser aimer quelqu'un d'un amour débordant, mais dans la réalité on n'aime pas cet autre humain ; mais on aime l'être lié à cette autre humain dans sa propre âme. Le ravissement que l'on éprouve là dans l'âme au contact de l'autre, ce que l'on ressent lorsqu'on est avec lui, lorsque par exemple on lui fait ma foi une déclaration d'amour, c'est cela qu'on aime en réalité. En somme, on s'aime soi-même en ce qu'on enflamme cet amour de soi avec l'autre.

04018 – Cela est un important secret/mystère de la vie. C'est d'une importance toute immense. Car dans l'illusion sur cet amour , dont on croit qu'il serait l'amour, mais en fait seulement amour de soi, dépendance de soi, égoïsme, égoïsme masqué, - et de loin la plupart de l'amour qui joue d'humain à humain et sera nommé amour, est seulement de l'égoïsme masqué -, dans cette illusion est la source de l'impulsion antisociale la plus grande et la plus large pensable. Par cet amour de soi, qui se masque dans l'amour, l'être humain devient un être antisocial au sens le plus éminent. L'humain est donc par cela justement un être antisocial qu'il s'enterre en soi. Et il s'enterre le plus souvent en soi quand il ne sait rien de cet être-enterré-en-soi ou ne veut rien savoir.

04019 - Vous voyez que celui qui en particulier vis-à-vis de l'humanité actuelle parle d'exigences sociales, doit prendre en compte dans une mesure prédominante de tels états des âmes. On doit simplement dire : Comment les humains devraient-ils arriver à une quelconque structure sociale de leur vie en commun, quand ils ne veulent pas s'expliquer/ se tirer au clair, combien d'égoïsme (NDT : formé en allemand de « selbst » : soi et de « Sucht » : dépendance. Intéressant, non ?), est incarné dans le prétendu amour, dans l'amour du prochain par exemple. C'est ainsi que l'amour peut être une impulsion terriblement puissante de vie antisociale. On peut donc dire : ainsi qu'est l'humain, s'il ne travaille pas à soi, quand il ne se prend pas en main, ainsi il est un être antisocial comme être aimant sous toutes les circonstances. L'amour en tant que tel comme il règne dans la nature humaine, sans que l'humain exerce la discipline de soi-même/l'autodiscipline (NDT : notons au passage cette apparition de « Selbstzucht » : autodiscipline après celle de « Selbstsucht » : égoïsme/dépendance de soi du plus bel effet et pleine de sens), est du début antisocial, car il est exclusif (NDT : plus exactement « excluant »). Ce n'est à nouveau pas une critique. De nombreuses exigences de la vie sont pendante avec ce que l'amour doit être excluant. Évidemment, un père aimera davantage son propre fils qu'un enfant étranger, mais cela est antisocial. Cela ne se laisse pas du tout nier que l'antisocial joue dans la vie par la vie elle-même. Et si on dit : l'être humain est un être social - comme c'est devenu la mode aujourd'hui -, ainsi c'est un non-sens, car il est aussi fortement un être antisocial qu'un être social. La vie elle-même fait de l'humain un être antisocial. C'est pourquoi pensez-vous une fois introduit un tel état de paradis sur la Terre, tel qu'il ne peut y en avoir, certes, mais tel qu'on y aspire, parce que donc toujours les humains aiment beaucoup plus l'irréel que la réalité, imaginons qu'un tel état de paradis serait établi, ma foi même qu'un tel super état de paradis serait établit comme Lénine, Trotski, Kurt Eisner(2) et d'autres l'ont voulu sur la Terre. Eh bien, très rapidement, d'innombrables humains devraient s'insurger contre, parce qu'il ne pourraient rester des êtres humains, parce que dans un tel contexte, ils pourraient justement seulement trouver la satisfaction des pulsions sociales et que les pulsions antisociales s'agiteraient aussitôt. Cela est justement aussi nécessaire que le pendule qui n'oscille pas purement vers un seul côté. À l'instant où vous instaurez un état de paradis, les instincts antisociaux doivent s'animer. Quand ce que veulent Lénine, Trotski et Kurt Eisner, et qu'ils se représentent se réalisait, ce serait un état de paradis, cela devrait se retourner dans un temps court en son contraire par les pulsions antisociales. Car c'est justement la vie qu'elle aille et revienne entre flux et reflux. Et quand on ne veux pas comprendre cela, eh bien, on ne comprend absolument rien au monde. On entend donc souvent : l'idéal d'une vie commune étatique est la démocratie. - Bon, supposons donc que l'idéal d'une vie commune étatique serait la démocratie. Mais quand on voudrait introduire cette démocratie en un quelque endroit, ainsi elle mènerait nécessairement au cours de sa dernière phase à sa propre abolition. La démocratie tend nécessairement à ce que, [93] lorsque les démocrates sont réunis, il s'en trouve toujours un qui veut dominer l'autre, qui veut avoir raison contre l'autre. Cela est tout à fait évident. Elle aspire après sa propre dissolution. Introduisez donc la démocratie en quelque endroit; ainsi, vous pouvez déjà dépeindre cela en pensée. Mais transposée dans la réalité, la démocratie mène justement ainsi au contraire de la démocratie, comme le pendule oscille vers le côté opposé. Cela ne va pas du tout autrement dans la vie. Les démocraties mourront toujours au bout d'un certain temps de leur propre nature démocratique. Ce sont les choses qui sont absolument indispensables pour la compréhension la vie.

04020 - A cela s'ajoute maintenant le particulier que tout de suite les particularités tout d'abord essentielles de l'humain de la cinquième époque postatlantéenne sont des particularités antisociales. Car la conscience qui tout de suite est construite sur le penser devrait se développer durant cette époque. Par cela cette époque fera tout de suite étalage des impulsions antisociales les plus fortes par la nature de l'humain. Par ces impulsions, les humains appelleront des situations plus ou moins malheureuses, et la réaction contre l'antisocialisme se fera toujours valoir à nouveau dans le crier après le socialisme. On doit seulement comprendre que le flux et le reflux doivent justement toujours alterner. Car supposez que vous socialisiez vraiment la société, cela amènerait de telles situations d'humains à humains que dans l'échange les uns avec les autres nous dormirions toujours. L'échange des humains serait un soporifique. Vous pouvez vous représenter cela difficilement aujourd'hui, parce que vous ne pouvez absolument pas imaginer de façon concrète ce que serait une république dite socialiste. Mais cette république socialiste serait en fait un immense dortoir pour le patrimoine humain des représentations. On peut comprendre que des nostalgies soient disponibles pour quelque chose de tel. Chez bon nombre d'humains sont donc aussi perpétuellement disponibles des nostalgies après le dormir. Mais nous devons justement comprendre ce que sont les nécessités internes de la vie et ne pas nous contenter de vouloir simplement ce qui nous convient ou nous plaît; car en règle générale, c'est ce que nous n'avons pas qui nous plaît et le plus souvent nous ne savons pas apprécier ce que nous avons.

04021 – Vous voyez de ces explications que, lorsqu'on parle sur la question sociale, il faut avant toute chose pénétrer intimement l'être de l' humain, et qu'on doit apprendre à connaître cet être de l'humain ainsi qu'on sache comment les pulsions sociales et antisociales sont réalisées dans l'humain. Dans la vie, les pulsions sociales et antisociales s'entremêlent d'une manière souvent inextricable, comme dans une pelote de laine. C'est pourquoi il est si difficile de parler sur la question sociale. En fait, on ne peut guère en débattre, à moins d'avoir le dessein d'entrer véritablement dans la nature intime de l'être humain pour comprendre comment, par exemple, la bourgeoisie est en soi un porteur d'impulsions antisociales. Simplement l'être bourgeois développe des impulsions antisociales, parce que être bourgeois consiste pour l'essentiel à se créer une sphère de vie telle qu'elle nous plaît, afin que l'on puisse y être rassuré. Quand on investigue cette aspiration particulière du bourgeois, ainsi elle consiste en ce qu'il veut se créer sur une base économique, selon les particularités propres à notre époque actuelle, un îlot de vie sur lequel il pourra dormir en toute circonstance, excepté pour satisfaire quelque habitude spécifique qu'il développera selon ses sympathies et antipathies subjectives. Donc le bourgeois, il peut dormir énormément par cela. Par conséquent, il n'aspire pas au même sommeil après lequel le prolétaire aspire, lequel est toujours tenu en éveil du fait que sa conscience ne sera pas continuellement endormie sur une base économique ; il rêve/désire par cela le sommeil de l'ordre social. Cela est déjà un aperçu psychologique très important. La possession endort ; tandis que la nécessité de lutter dans sa vie éveille. L'endormissement par la possession laisse développer une impulsion antisociale parce qu'on ne désire/rêve pas après le sommeil social. L'être perpétuellement invité par la nécessité de gagner sa vie laisse naître la nostalgie de l'endormissement dans le rapport social.

04022- Ces choses doivent impérativement être prises en compte, faute de quoi on ne comprend absolument pas l'époque actuelle. On peut dire que d'une certaine manière notre cinquième époque postatlantéenne tend, malgré tout cela, à une socialisation, sous la forme que j'ai récemment exposée ici. Car les choses que j'ai citées viendront : soit par la raison humaine, si les hommes y consentent, soit, s'ils n'y consentent pas, par des cataclysmes, par des révolutions. L'homme de la cinquième époque postatlantéenne aspire à cette tri-articulation, et cette tri-articulation doit venir. Notre époque aspire donc à une certaine socialisation.

04023 - Mais cette socialisation n'est pas possible — cela vous viendra des différentes considérations auxquelles nous nous sommes déjà livrés ici — sans que quelque chose d'autre l'accompagne. La socialisation peut seulement se déployer sur la structure extérieure de la société. Mais à notre cinquième époque postatlantéenne, elle ne peut que consister à dompter la conscience pensante, à dompter les instincts humains antisociaux. Il doit donc, par la structure sociale se passer dans une certaine mesure un domptage des instincts antisociaux de la représentation. Cela doit avoir un contre-poids, cela devra être amené en équilibre par quelque chose. Mais en équilibre cela pourra seulement être amené par ce que tout ce qui provient des anciennes époques, dans lesquelles c'était justifié, d'asservissement des pensées, de domination des pensées d'un individu par un autre, tout cela doit disparaître de l'univers avec la montée de la socialisation. C'est pour quoi [95] la liberté de la vie de l'esprit devra avoir lieu à l'avenir à côté de l'organisation des rapports économiques, des rapports d'économie. Seule cette liberté de la vie de l'esprit rend possible, que nous nous tenions vraiment d'humain à humain ainsi que nous voyons l'humain dans l'autre qui se tient devant nous, pas l'humain en général. Un programme tel que celui de Woodrow Wilson parle d'humains en général. Mais celui-ci, cet humain en général, cet humain abstrait, il n'y a pas. Ce qu'il y a est toujours seulement l'individu, l'être humain individuel. Pour celui-là, nous pouvons nous intéresser à nouveau comme humain entier, pas par le pur penser. Nous éteignons ce que devrions développer d'humain à humain, si nous «wilsonisons», si nous esquissons une image abstraite de l'humain. L'essentiel dont il s'agit, est que pour la socialisation intervienne, à l'avenir, l'absolue liberté des pensées, la socialisation n'est pas pensable sans liberté des pensées. Par conséquent, la socialisation devra être liée à l'élimination de tout asservissement des pensées - cet asservissement des pensées serait-il soit entretenu par ce qu'impulsent certaines sociétés de la population parlant anglais que je vous ai suffisamment caractérisées, soit par le catholicisme romain. Les deux se valent, et il est extrêmement important que l'on saisisse des yeux la parenté intérieure de ces deux. Il est extrêmement important que particulièrement en rapport à de telles choses ne règne aucune confusion. Vous pouvez raconter à un jésuite ce que je vous ai exposé sur la particularité de ces sociétés secrètes de la population parlant anglais. Il sera ravi de recevoir, une confirmation de ce qu'il représente ; mais vous devez être au clair, quand vous voulez vous tenir sur le sol de la science de l'esprit, que vous n'avez pas la permission de confondre votre rejet de ces sociétés secrètes au rejet venant de la part des jésuites. Il est curieux que, de nos jours encore, on manifeste si peu de discernement à ce propos.

04024 - J'ai récemment fait remarquer, aussi au cours de conférences publiques, que ce qui importe aujourd'hui, ce n'est pas seulement ce qui est dit, mais qu'il faut prêter attention à l'esprit qui pénétrera ce qui est dit. J'ai ainsi cité l'exemple de phrases identiques que l'on trouve chez Woodrow Wilson et chez Herman Grimm. Je dis cela parce qu'il vous arrivera de plus en plus souvent de constater que, du côté jésuite par exemple, on prend en apparence, mais seulement en apparence justement, tout autant parti contre ces sociétés secrètes anglo-américaines que nous avons dû le faire ici. Rien que le fait par exemple de lire un article comme celui qui figure actuellement dans le numéro de décembre de la revue «Voix d'aujourd'hui» (4) fait un effet grotesque et grimaçant sur quiconque est attaché aux réalités concrètes. Car naturellement, ce qui doit être combattu chez ces sociétés secrètes anglo-américaines est exactement la même chose qui doit l'être dans le jésuitisme. Les deux mouvements sont adversaires, se combattent, la puissance de l'un se dressant contre celle de l'autre; ils ne peuvent exister côte à côte. Chez l'un comme chez l'autre n'existe pas le moindre intérêt véritable, objectif, on n'y trouve qu'intérêt de parti ou d'ordre. Il nous faut absolument perdre l'habitude de considérer seulement le contenu des choses et ne pas voir à partir de quel point de vue une quelque chose sera placée dans le monde.

Quelque chose peut être bienfaisant, voire salutaire, si c'est placé dans le monde d'un point de vue qui est valable pour une période donnée, mais quand ce sera placé/mis en scène par un pouvoir/une puissance différente, cela peut être ou bien quelque chose d'extrêmement ridicule ou bien même dommageable. C'est quelque chose qui devra être tout particulièrement considéré aujourd'hui. Car il s'établira toujours plus clairement : lorsque deux personnes disent la même chose, ainsi ce n'est pas de la même chose selon ce qui repose derrière. Après toutes les épreuves que la vie nous a apporté au cours des trois à quatre dernières années, il est tout particulièrement nécessaire que nous nous tenions enfin compte de ces choses, que nous nous occupions véritablement de ces choses.
04025 – De cette véritable occupation avec ces choses, on ne remarque encore pas beaucoup. Aujourd'hui on demandera encore : comment devrait-on organiser ceci ou cela, comment devrait-on faire afin que ce soit correct ? Vous pouvez bien organiser ce que vous voulez ici ou là, si vous n'y mettez pas des hommes qui pensent dans le sens de notre époque, eh bien, que vous mettiez au point l'organisation la meilleure ou la pire, toutes deux tourneront ou au salut ou au malheur, selon les hommes que vous y aurez affectés. Ce dont il s'agit aujourd'hui, est que l'être humain comprenne vraiment : il doit devenir, il ne peut aller sur ce qu'il est déjà, il lui doit perpétuellement être un devenant. Il doit aussi se comprendre à vraiment regarder dans la réalité. Mais, à cela on est très, très réticent ; comme je l'ai donc souligné des plus différents points de vue. En toute chose, nommément dans les circonstances actuelles, on est ainsi très enclin à ne surtout pas toucher la réalité du doigt, mais à prendre justement les choses comme il nous plaît de les prendre. Se former un jugement qui est conforme à la réalité n'est naturellement pas aussi facile que porter un jugement qui est lâché dirigé en ligne droite sur ce qu'il soit formulable. Les jugements qui sont conformes, ne sont pas sans plus formulables, nommément pas alors qu' ils interviennent dans la vie sociale ou humaine ou politique, car là est presque toujours aussi exact le contraire de ce que l'on suppose – aussi exact au même degré que le contraire. Seulement quand on essaie de se former absolument aucun jugement de tels rapports, mais de se faire des images, cela signifie quand on s’élève déjà dans la vie imaginative, alors on ira [97] à peu près le chemin correct. À notre époque, c'est tout particulièrement important qu'on essaye de se faire des images, pas en fait des jugements abstraits et définitifs. Ce devra donc aussi être des images qui poussent à la socialisation. Alors, ce qui est nécessaire plus avant : il n'y a aucune socialisation sans que l'humain devienne de science de l'esprit (NDT : pour rendre ici l'adjectif « geisteswissenschaftlich » encore impossible en français) - donc la liberté des pensées d'un côté, de science de l'esprit de l'autre côté.

04026 – Dans des conférences publiques, j'ai donc déjà indiqué sur ce qui repose à la base, aussi à Bâle dans des conférences publiques (5). Je disais que certains humains pensant selon le matérialisme, voulant donc tout comprendre à partir de l'évolution, de la chaîne animale, disent : maintenant, oui, nous avons chez l'animal les débuts d'instincts sociaux qui se développent à la moralité chez l'humain. Mais tout de suite ce que sont les instincts sociaux chez les animaux : quand ce sera élevé à l'humain, ce sera justement antisocial. Tout de suite ce qui est social chez les animaux, est antisocial chez l'humain au sens le plus éminent ! Les humains ne veulent absolument pas admettre les différentes lignes/lignées qui donnent une image réelle des choses; mais ils veulent former rapidement des jugements. On s'en sort seulement alors dans l'échange changeant d'humain à humain quand on saisit l'humain pas purement en ce qui concerne sa nature animale, car là il est justement antisocial au sens le plus éminent, mais quand on le saisit comme un être spirituel, chaque humain comme un être spirituel. Mais on peut cela seulement quand on saisit le monde entier en rapport à sa base spirituelle. Ces trois choses, socialisme, liberté des pensées, science de l'esprit sont indissociables. Elles vont ensemble. Une n'est pas possible sans l'autre, dans notre cinquième époque postatlantéenne, dans son évolution.

04027 - Il sera particulièrement nécessaire que les humains daignent regarder,non dépourvus de pensée, que chaque être humain porte aussi en lui un être antisocial. On pourrait dire aussi, quand on aimerait parler banal/trivial :il s'agit beaucoup pour le salut de cette époque que les humains cessent de s'aimer si terriblement bien eux-mêmes. C'est en effet le trait caractéristique de l'humain actuel qu'il s'aime lui-même vraiment beaucoup. Et là, vous devez à nouveau différencier : il aime tout particulièrement son penser, son ressentir, son vouloir - et alors quand une fois par exemple son penser lui plaît, il n'en démord plus.

04028 - Voyez-vous, celui peut vraiment penser, il sait quelque chose qui n'est pas sans importance : sur tout ce qu'il pense correctement, il a un jour pensé faux. En fait, on sait seulement correctement de ce dont on a fait l'expérience de ce que provoque dans l'âme, ce qu'on a pensé faux dessus. Mais les humains ne s'intéressent pas volontiers à ce genre de contextes de développement intérieur. C'est pourquoi les humains se comprennent si peu les uns les autres aujourd'hui. Je veux vous dire un exemple. La conception prolétarienne du monde, dont je vous ai souvent parlée, affirme que la façon dont les humains se représentent les choses, l'ensemble de la superstructure idéologique, dépend des rapports/conditions économiques, si bien que les humains forment leurs pensées politiques d'après leurs conditions/rapports économiques.
04029 - Qui peut prendre en compte une telle pensée, il trouvera qu'une telle pensée a une large exactitude, est en particulier presque entièrement correcte pour l'évolution du temps depuis le XVIe siècle. Car ce que pensent les humains depuis le XVIe siècle est presque entièrement un résultat des conditions économiques. Ce n'est pas correct au sens absolu, mais c'est dans un sens relatif entièrement correct dans une large portée . Seulement, dans une telle tête comme est une tête de professeur d'économie nationale, cela ne veut pas rentrer. Non loin d'ici enseigne, par exemple à l'université, un économiste du nom de Michels (6) qui dit que ce serait faux, car on pourrait prouver que les pensées politiques seront faites non par les conditions économiques, mais que par les pensées politiques, les conditions économiques seront particulièrement transformées. Et ce professeur Michels évoque le blocus continental de Napoléon qui entraîna en Italie et en Angleterre l'anéantissement pur et simple de certaines branches de l'industrie et par ailleurs la création de certaines autres. Donc, dit-il, nous avons là un cas des plus flagrants où les conditions économiques sont déterminées par une pensée politique, en l'occurrence le blocus continental. Il cite encore d'autres exemples similaires. Je sais que sur cent personnes qui liront le livre de Michels, toutes seront convaincues que ce qu'il dit est vrai, car cet ouvrage est construit avec une logique exceptionnelle. Cela semble être absolument exact, mais tout est quand même risiblement faux. Et c'est risiblement faux parce que tous les exemples qu'il donne sont traités sur le même schéma que ce blocus continental. Certes, le blocus continental a eu pour effet que certaines industries ont dû être transformées en Italie, mais cette transformation des industries n'a justement entraînée aucune modification du rapport économique entre entrepreneur et ouvrier. Et c'est tout de suite ce qui est caractéristique. Tout cela tombe dehors comme d'une passoire ou d'un tonneau sans fond. Cette théorie est en réalité un fût sans fond. Tout ce que Michels avance s'écroule parce que la vision prolétarienne du monde n'affirme absolument pas que ce n'est pas par une pensée quelconque comme celle du blocus continental [99] que par exemple l'industrie florentine de la soie, qui n'existait pas auparavant, s'est développée, alors qu'elle ne se développe pas en Angleterre. La conception du monde prolétarienne affirme beaucoup plus : bien que le blocus continental ait lancé telle industrie ici et telle autre là, rien n'est changé dans les rapports économiques entre entrepreneur et ouvrier, et ce sont ces rapports qui sont déterminants. Si bien que cette théorie, avec sa superstructure idéologique, s'exclut du vaste mouvement des événements économiques et que l'exemple du blocus continental et de ses effets, au sens le plus éminent, ne démontre absolument pas ce que le professeur Michels veut prouver.

04030 - Maintenant vous demandez : pourquoi un tel humain comme le professeur Michels persiste dans sa théorie face à la pensée prolétarienne ? Pour la simple raison qu'il est amoureux de sa propre pensée et qu'il n'est pas en mesure d'entrer dans les vues de la pensée prolétarienne. Il s'endort aussitôt. C'est un endormissement latent. Dès l'instant où il doit réfléchir des pensées prolétariennes, il s'endort. Là il peut seulement se maintenir en ce qu'il développe les pensées dont il est épris.

04031 - Ainsi on doit aborder les choses de l'âme. Dans notre temps est une fois l'époque dans laquelle on doit aborder les choses de l'âme au sens plus éminent, sinon on ne comprendra pas ce qui est nécessaire en notre temps, sinon nous ne pourrons quand même arriver n'importe comment à aucun jugement salutaire sur ces rapports difficiles, tragiques. Et des jugements salutaires ce sont donc en fait eux seuls qui peuvent quand même nous conduire, et conduirons aussi, au loin de la misère du présent. Dans l'ensemble, il n'y a aucune raison au pessimisme, mais il y a beaucoup de raison au retournement du jugement. Avant toute chose chez chaque individu est une raison au retournement du jugement dans une mesure élevée.

04032 – On doit déjà dire : c'est très étrange quand on voit comment aujourd'hui les humains délivrent leurs jugements pour ainsi dire en dormant, et avec quelle rapidité ils oublient d'une période à l'autre, aussi quand les périodes sont très brèves. Nous ferons donc en particulier maintenant l'expérience de comment les humains oublieront la façon dont ils ont jugé, ce que de par le monde ils ont déversé de phraséologie (NDT R.S. dit « ils ont phraséologisés ») sur droit, sur la nécessité pour le droit de combattre contre l'injustice. Nous le vivrons que la plupart des humains qui, il y a quelque temps, parlaient du droit sous cette forme, l'oublieront et ne verront pas du tout comment dans les prochains temps chez le plus grand nombre de ceux qui ont parlé du droit, il s'agit simplement du faire valoir du pouvoir tout ordinaire. Il ne s'agit naturellement pas de leur en vouloir, mais de voir clairement que, lorsque d'un côté on a parlé de justice, on n'a pas le droit d'ignorer qu'il s'agit finalement chez les plus grands braillards de pouvoir et d'impulsions de pouvoir. Comme je l'ai dit, il ne faut pas se formaliser, mais la façon dont se fera valoir ce qui a été exprimé il y a relativement peu de temps sur le droit, le droit et encore le droit, ne sera pas très belle. On ne peut guère s'en étonner. Mais ceux qui ont dit leur mot, qui ont participé, ceux-là devraient être surpris en trouvant à présent le tableau si singulièrement changé ! Ils devraient alors prendre conscience pour le moins de combien l'être humain tend à bâtir ses jugements d'après des illusions et non d'après des réalités.