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Collection: 05 - LA VIE JURIDIQUE DEMOCRATIQUE
Sujet: La loi sociale principale - Travail et revenu sont des choses tout à fait a séparer.
 
Les références Rudolf Steiner Oeuvres complètes 034 (191-221) 1987 00/00/1905
Original
Traducteur: Geneviève Bideau Editeur: Revue Triades

Article publié en octobre 1905 et 1906 dans les numéros 30 et 32 de Luzifer-Gnosis.
Autres conférences de la même époque autour du thème:
- "La question sociale et la Théosophie" conférence publique du 16/10/1905 à Berlin
- "Science de l'esprit et question sociale" Conférence publique du 02/03/1908 à Hambourg.

001 - Celui qui observe attentivement le monde autour de lui voit surgir partout avec force ce que l'on appelle la « question sociale. » Si l'on prend la vie au sérieux, on arrive nécessairement à réfléchir d'une façon ou d'une autre à ce qui est lié à cette question sociale. Et il apparaît pour ainsi dire évident qu'une forme de représentation qui s'est donné pour tâche les idéaux les plus élevés de l'humanité se doit de se situer d'une façon ou d'une autre par rapport aux exigences sociales. Or la science de l'esprit veut être une forme de représentation de cette nature pour le temps présent. C'est pourquoi il est tout naturel que l'on demande comment elle se situe.


002 - On peut pourtant avoir tout d'abord l'impression que la science de l'esprit n'a rien de particulier à dire dans ce domaine. On jugera que ce qui la caractérise surtout, c'est tout d'abord l'intériorisation de la vie de l'âme et l'éveil du regard à un monde de l'esprit. Même ceux qui se sont contentés de s'informer rapidement des idées qui sont répandues par les orateurs et les écrivains se référant à la science de l'esprit reconnaîtront, s'ils observent sans préjugés, que telle est bien son orientation. Mais il est plus difficile de discerner que cette orientation a dans le temps présent une importance pratique. Et en particulier on ne voit pas facilement son lien étroit avec la question sociale. En quoi, demandera plus d'un, peut bien aider à résoudre les maux sociaux une théorie qui s'occupe de « réincarnation », de « karma », du « monde suprasensible », de la « genèse de l'homme », etc. ? Une telle orientation de pensée semble s'envoler dans les hauteurs des nuages, loin de toute réalité, alors que tout un chacun aurait urgemment besoin de concentrer tout son penser pour satisfaire aux tâches que pose la réalité terrestre.

 


003 - Parmi toutes les opinions diverses qui ne manquent pas de se faire jour actuellement à propos de la science de l'esprit, nous allons en décrire deux. La première consiste en ce qu'on la considère comme l'expression d'une rêverie débridée. Il est tout naturel qu'une telle opinion existe. Et celui qui cherche à progresser sur le chemin de la science de l'esprit devrait être le dernier à y voir quelque chose d'incompréhensible. Chaque conversation avec un membre de son entourage, tout ce qui se passe autour de lui, ce qui fait plaisir aux gens et les réjouit, tout cela peut le convaincre qu'il parle pour bien des gens un langage tout simplement insensé. Il faut certes qu'il mette en regard de la façon dont son entourage le comprend la certitude absolue qu'il est sur le bon chemin. Il aurait sinon grand'peine à se maintenir debout lorsqu'il voit en toute clarté la contradiction entre ses propres représentations et celles de tant d'autres hommes qui comptent parmi les gens instruits et ceux qui pensent. S'il a cette juste certitude, s'il connaît la vérité et la portée de sa façon de voir, il se dit : je sais fort bien que l'on peut actuellement me considérer comme un rêveur et la raison m'en est parfaitement claire ; mais la vérité doit agir, même si on en rit et qu'on s'en moque, et son action ne dépend pas des opinions que l'on a à son sujet, mais de la solidité du fondement qui est le sien.

004 - L'autre opinion qui concerne la science de l'esprit est que certes ses idées sont belles et satisfaisantes, mais qu'elles ne peuvent avoir de valeur que pour la vie intérieure de l'âme et pas pour la lutte pratique dans la vie. Même ceux qui, pour combler leurs besoins spirituels, ont faim de la nourriture de la science de l'esprit, peuvent facilement être tentés de se dire : bon, mais sur la façon de remédier à la détresse sociale, à la misère matérielle, ce monde de pensées ne peut malgré tout pas nous éclairer. Or cette opinion repose au contraire justement sur une totale méconnaissance des faits réels de la vie, et avant tout sur une méprise par rapport aux fruits de la forme de pensée de la science de l'esprit.



005 - En effet, on demande presque exclusivement : qu'enseigne la science de l'esprit ? Comment peut-on prouver ce qu'elle affirme ? Et l'on cherche alors le fruit de ces enseignements dans le sentiment de satisfaction que l'on peut y puiser. Cette attitude va de soi autant qu'il est possible. Il faut tout d'abord, c'est certain, que l'on puisse éprouver le sentiment que les affirmations qui sont présentées sont vraies. Mais ce n'est pas là que doit être cherché le fruit véritable de la science de l'esprit. Car ce fruit ne se montre que lorsque celui qui s'oriente selon la science de l'esprit aborde les tâches de la vie pratique. Ce qui importe est de savoir si la science de l'esprit l'aide en quelconque façon à saisir ces tâches avec perspicacité et à chercher lucidement les moyens de parvenir à une solution. Celui qui veut agir dans la vie doit d'abord comprendre la vie. C'est le point central de la chose. Tant que l'on en reste à se demander : qu'« enseigne » la science de l'esprit ?, on peut trouver ces enseignements trop « élevés » pour la vie pratique. Mais lorsqu'on observe attentivement à quelle école sont mis le penser et le ressentir par ces enseignements, on cessera de faire une objection de ce genre. Aussi étrange que cela puisse paraître à une conception superficielle, la chose suivante est tout de même vraie : les idées de la science de l'esprit qui ont l'air de planer tout là-haut dans les nuages forment le regard à une façon juste de mener sa vie de tous les jours. Et la science de l'esprit aiguise la compréhension des exigences sociales précisément par le fait qu'elle conduit l'esprit dans les claires hauteurs du suprasensible. Autant cela paraît contradictoire, autant c'est vrai.


007 - Nous allons tenter ici de montrer à l'aide d'un exemple ce que nous entendons par là. Il est paru ces derniers temps un livre extrêmement intéressant : Ouvrier en Amérique (Berlin, K. Siegismund). Son auteur est le conseiller Kolb, qui a entrepris de séjourner pendant des mois en Amérique en qualité de simple ouvrier. Cela lui a permis de se faire sur les hommes et sur la vie un jugement que n'auraient manifestement pu lui donner ni la formation par laquelle il est devenu conseiller, ni non plus les expériences qu'il a pu faire à ce poste et à tous ceux que l'on occupe avant de devenir conseiller. Ainsi, il occupa pendant des années un poste qui était relativement un poste de responsabilité et c'est seulement lorsqu'il le quitta et vécut — peu de temps — dans un pays lointain qu'il découvrit la vie au point d'écrire dans son livre la phrase suivante, tout à fait remarquable : « Que de fois ne m'étais-je pas demandé jadis dans mon indignation morale, lorsque je voyais un homme en bonne santé mendier : pourquoi ce gueux ne travaille-t-il • pas ? Maintenant, je le savais. Dans la théorie, les choses ont un autre aspect que dans la pratique, et même les catégories les moins réjouissantes de l'économie politique se manient de façon tout à fait supportable quand on est à sa table de travail. » Il ne saurait s'agir ici de provoquer le moindre malentendu. Il faut avoir la plus parfaite considération pour cet homme qui a fait l'effort d'abandonner une vie de confort et d'aller fournir un dur labeur dans une brasserie et une usine de cycles. Il importe tout d'abord de souligner le plus possible la haute estime que l'on éprouve à l'égard de son acte, afin de ne pas laisser croire que l'on veut porter sur cet homme un jugement méprisant. Mais pour toute personne qui veut voir il est absolument clair que toute la formation, toute la science par lesquelles cet homme est passé ne lui ont pas permis d'avoir un jugement sur la vie. Tentons de voir en toute clarté l'aveu qui est fait là : on peut apprendre tout ce qui vous donne actuellement les moyens d'occuper des postes relativement dirigeants, et on peut ce faisant être totalement étranger à la vie sur laquelle on veut agir.
N'est-ce pas comme si l'on suivait dans une école quelconque une formation pour la construction des ponts et qu'au moment de se mettre à la tâche de la construction du pont on n'y entende rien ? Mais non, ce n'est pas tout à fait ainsi. Celui qui est mal préparé à la construction des ponts ne tardera pas à percevoir très clairement ce qui lui fait défaut lorsqu'il abordera la pratique. Il s'avérera être un incapable et on n'en voudra nulle part. Mais les défauts de celui qui est mal préparé à agir dans la vie sociale ne peuvent pas se révéler aussi rapidement. Les ponts mal construits s'écroulent ; et même pour celui qui serait le plus prévenu en sa faveur, il est clair que le constructeur du pont était un incapable. Mais ce qui est raté dans l'agir social ne se manifeste que dans le fait que le prochain en pâtit. Et l'on n'est pas aussi facilement au fait du rapport entre ce pâtir et l'incapacité que du lien entre l'écroulement du pont et l'incapacité du constructeur. « Oui, mais », dira-ton, qu'est-ce que tout cela peut bien avoir à faire avec la science de l'esprit ? Est-ce que par hasard celui qui s'oriente selon la science de l'esprit s'imagine que ses théories auraient enseigné au conseiller Kolb à mieux comprendre la vie ? À quoi cela lui aurait-il servi d'avoir su quelque chose de la « réincarnation », du « karma », et de tous les « mondes suprasensibles » ? Personne ne va quand même  prétendre que des idées sur des systèmes planétaires et des mondes supérieurs auraient pu éviter au conseiller en question d'être obligé de s'avouer un jour « que les catégories les moins réjouissantes de l'économie politique se manient de façon tout à fait supportable quand on est à sa table de travail. » Celui qui s'oriente d'après la science de l'esprit peut alors en vérité - comme Lessing dans un cas précis - répondre : « Je suis ce "personne ", je l'affirme tout de go.» Seulement, il ne faut pas comprendre Cela sous la forme qu'avec la doctrine de la « réincarnation » ou la connaissance du « karma » on pourrait avoir une action socialement juste. Ce serait naturellement de la naïveté. Il ne s'agit pas là, bien évidemment, de renvoyer ceux qui sont destinés à devenir conseillers à la science de l'occulte de Blavatsky, au lieu de les envoyer étudier à l'université ce qu'enseignent Schmoller, Wagner ou Brentano(* Les professeurs Gustav von Schmoller (1838-1917), Adolf Wagner (1835-1917), Lujo Brentano (1844-1931) sont à l'époque les représentants les plus en vue du courant de pensée appelé le " socialisme de la chaire ", qui prônait, contre le libéralisme, une politique sociale d'Etat pour atténuer les antagonismes de classe.)
. Mais ce qui importe est ceci : est-ce qu'une théorie d'économie politique qui vient de quelqu'un qui s'oriente selon la science de l'esprit sera telle qu'elle se maniera de façon tout à fait supportable quand on est à sa table de travail, mais que face à la vie elle sera totalement inefficace ? Et c'est ce qu'elle ne sera justement pas. Quand est-ce qu'une théorie ne supporte pas l'épreuve de la vie ? Quand elle est produite par un penser qui n'a pas été formé pour la vie. Or les théories de la science de l'esprit sont tout autant les
véritables lois de la vie que les théories de l'électricité sont celles d'une usine d'appareils électriques. Celui qui veut installer une usine de ce genre doit d'abord apprendre la véritable théorie de l'électricité. Et celui qui veut agir dans la vie doit apprendre à connaître les lois de la vie. Mais les théories de la science de l'esprit sont en vérité aussi près de la vie qu'elles paraissent à tort en être éloignées. Au regard superficiel elles paraissent se tenir en dehors du monde. Quand on les comprend vraiment, elles ouvrent l'accès à la vie. On ne se retire pas dans des « cercles de science de l'esprit » par pure curiosité pour y recevoir toutes sortes d'informations « intéressantes » sur les mondes de l'au-delà, au contraire, on y exerce son penser, son ressentir et son vouloir en pratiquant les « lois éternelles de l'existence » afin, une fois hors de ces cercles, d'entrer ensuite dans la vie et de comprendre cette vie avec un regard lucide et clair. Les théories de la science de l'esprit sont un détour qui conduit à un penser, un juger, un ressentir pleins de vie. Le mouvement de la science de l'esprit ne sera dans sa juste voie que lorsque l'on comprendra pleinement cela. Un agir juste naît d'un penser juste ; et un agir injuste naît d'un penser faux ou de l'absence de pensée. Celui qui veut tout simplement croire qu'il peut être fait quelque chose de bien dans le domaine social doit reconnaître qu'il dépend des facultés humaines cit faire ce bien. Se frayer un chemin à travers les idées de la science de l'esprit revient à intensifier ses facultés d'agir social. Sous ce rapport, il ne s'agit pas seulement de savoir quelles pensées on accueille en soi par la science de l'esprit, mais de savoir ce que par elle on fait de son penser.
007 - Il faut certes reconnaître qu'à l'intérieur même des cercles qui se consacrent à la science de l'esprit on ne constate pas encore qu'il y ait beaucoup de travail dans ce domaine précis. Et on ne peut guère nier non plus que pour cette raison ceux qui se tiennent éloignés de la science de l'esprit ont encore tout à fait motif de mettre en doute les affirmations ci-dessus. Mais il ne faut pas non plus négliger le fait que le mouvement de science de l'esprit dans son acception actuelle n'en est qu'au début de son activité. Son progrès ultérieur consistera à pénétrer dans tous les domaines pratiques de la vie. Il s'avérera alors par exemple pour la « question sociale » que les théories « qui se manient de façon tout à fait supportable quand on est à sa table de travail» seront remplacées par d'autres qui donneront la clarté de vues nécessaire pour juger sans préjugés la vie et montreront à la volonté la direction d'un agir d'où naissent des forces salutaires et bénéfiques pour notre prochain. Plus d'un lecteur va dire que le cas Kolb prouve qu'il est superflu de se référer à la science de l'esprit. La seule chose qui serait nécessaire, c'est que les gens qui se préparent à une profession quelconque ne se contentent pas d'étudier leurs théories dans leur salle de travail, mais soient mis au contact de la vie et reçoivent une formation pratique en plus de la formation théorique. Car à partir du moment où Kolb eut observé la vie, ce qu'il avait appris a tout de même suffi aussi pour l'amener à une autre opinion que celle qu'il avait précédemment. — Non, cela ne suffit pas, parce que le défaut est situé plus en profondeur. Quand quelqu'un voit qu'avec sa formation insuffisante il ne peut construire que des ponts qui s'écroulent, il n'a pas encore acquis pour autant, et de loin, la faculté de construire des ponts qui ne s'écroulent pas. Pour y parvenir, il lui faut d'abord acquérir une formation vraiment féconde dans ce domaine. On n'a assurément besoin de rien de plus que de regarder seulement la situation sociale, même si l'on a sur les lois fondamentales de la vie la théorie la plus insuffisante qui soit, et on ne dira plus devant toute personne qui ne travaille pas : « pourquoi ce gueux ne travaille-t-il pas ?» Par l'observation de la situation, on peut alors comprendre pourquoi un homme comme celui-ci ne travaille pas. Mais a-t-on déjà pour autant appris quelle forme donner à la situation pour que les hommes s'y épanouissent ? Sans aucun doute, tous les hommes de bonne volonté qui nous ont servi leurs plans pour améliorer le sort de l'être humain n'ont pas eu un jugement semblable à celui du conseiller Kolb avant son voyage en Amérique. Même avant d'entreprendre une expédition de ce genre, -ils étaient probablement d'avis-que l'on ne peut pas expédier le cas d'un homme qui est dans une mauvaise passe avec ce jugement tout fait « pourquoi ce gueux ne travaille-t-il pas ?» Toutes leurs propositions de réformes sociales sont-elles pour autant fécondes ? Non, cela n'est pas possible, ne serait-ce que pour la raison qu'elles sont contradictoires de bien des manières. Et l'on aura pour cette raison le droit de dire que même les propositions positives de réformes sociales du conseiller Kolb après sa conversion ne peuvent guère avoir d'effet. Telle est bien l'erreur de notre époque en ce domaine que chacun s'estime capable de comprendre la vie, même s'il ne s'est en rien occupé des lois fondamentales de la vie, même s'il n'a pas commencé par exercer son penser à voir les forces véritables de la vie. Et la science de l'esprit est une école pour apprendre à juger sainement la vie, parce qu'elle va jusqu'aux fondements de la vie. Il ne sert absolument à rien de voir que les circonstances placent l'être humain dans des situations de vie défavorables où il dépérit : il faut apprendre à connaître les forces par lesquelles sont créées des conditions favorables. Et cela, les gens formés à l'économie politique ne le peuvent pas, pour une raison voisine de celle-ci : personne ne peut calculer s'il ignore tout de la table de multiplication. Placez un homme de ce genre devant autant de rangées de chiffres que vous voudrez : les regarder ne lui servira à rien. Placez devant la réalité celui dont le penser n'entend rien aux forces fondamentales de la vie sociale : il pourra bien décrire ce qu'il voit aussi méticuleusement qu'il voudra, il ne saura rien dire de la façon dont les forces sociales s'imbriquent les unes dans les autres pour le bien ou pour le malheur de l'être humain.
008 - À notre époque est nécessaire une conception de la vie qui conduise aux sources véritables de la vie. Et la science de l'esprit peut être une telle conception de la vie. Si tous ceux qui veulent se former une opinion sur ce qui « est nécessaire socialement » voulaient bien passer d'abord par l'enseignement de la vie que donne la science de l'esprit, alors nous progresserions: — L'objection selon laquelle ceux qui se consacrent à la science de l'esprit se contentent aujourd'hui de « parler » et n'« agissent » pas est tout aussi peu recevable que celle selon laquelle les opinions de la science de l'esprit n'ont pas encore fait leurs preuves, et pourraient donc peut-être tout autant se révéler n'être qu'une aussi « grise théorie »* (Goethe, Faust, vers 2038.) que l'économie politique de Monsieur Kolb. La première objection n'a pas de sens, pour la raison que l'on ne peut évidemment pas « agir » aussi longtemps qu'on vous barre les chemins de l'agir. Un psychologue peut bien savoir le mieux du monde ce qu'un père devrait faire dans l'éducation de ses enfants ; il ne peut pas « agir » tant que le père ne l'engage pas comme précepteur. Dans ce domaine, il faut attendre patiemment que le « parler » de ceux qui travaillent selon la science de l'esprit ait apporté une compréhension à ceux qui ont le pouvoir d'« agir ». Et cela se produira. La deuxième objection n'est pas moins négligeable. Et elle ne peut du reste être soulevée que par ceux qui sont ignorants de la nature essentielle des vérités de la science de l'esprit. Celui qui la connaît sait qu'elle ne peut pas prendre forme comme quelque chose que l'on « expérimente ». Les lois du salut de l'être humain sont en effet implantées dans le fondement originel de l'âme humaine tout aussi sûrement que la table de multiplication s'y trouve aussi. Il suffit de descendre assez profondément dans ce fondement originel de l'âme humaine. Assurément, on peut rendre perceptible ce qui est ainsi gravé en l'âme, comme on peut rendre perceptible que deux fois deux font quatre en plaçant l'un à côté de l'autre quatre haricots sous la forme de deux groupes de deux. Mais qui oserait affirmer que la vérité de deux fois deux font quatre doit d'abord être « expérimentée » sur les haricots ? La situation est en effet très exactement la suivante : celui qui met en doute la vérité de la science de l'esprit, c'est qu'il ne la connaît pas encore, de même que seul peut mettre en doute que deux fois deux font quatre celui qui ne connaît pas encore cette vérité. Aussi grande que soit la différence entre les deux choses, parce que la dernière est si simple, la première si compliquée, il y a malgré tout une ressemblance sous ce rapport. — Certes, on ne peut pas le comprendre tant qu'on n'entre pas soi-même dans la science de l'esprit. C'est aussi pourquoi on ne peut pas produire de « preuve » de ce fait à celui qui ne connaît pas la science de l'esprit. On peut seulement dire :
commencez par connaître la science de l'esprit et ensuite vous serez au clair sur tout cela.
009 - L'importance de la mission de la science de l'esprit à notre époque se montrera quand elle sera devenue un ferment dans toute la vie. Tant que ce chemin qui conduit dans la vie ne peut pas être parcouru au plein sens du terme, ceux qui s'orientent selon la science de l'esprit ne sont encore qu'au début de leur agir. Et il leur faudra aussi entendre probablement longtemps le reproche que leurs théories sont hostiles à la vie. Oui, elles le sont, comme le chemin de fer était hostile à une vie qui n'était en mesure de considérer que la diligence comme « vraie pour la vie ». Elles sont hostiles, comme l'avenir est hostile au passé.

010 - Dans les pages qui vont suivre, nous allons traiter de quelques points particuliers concernant le rapport entre « la science de l'esprit et la question sociale. »
011 - Deux opinions s'opposent en ce qui concerne la « question sociale ». L'une voit les causes du bien et du mal dans la vie sociale davantage dans les hommes, l'autre essentiellement dans les conditions au sein desquelles vivent les hommes. Les représentants de la première opinion voudront favoriser le progrès en,. s'efforçant d'élever la capacité intellectuelle et physique des hommes et leur ressentir moral ; ceux qui inclinent à la deuxième opinion seront avant tout soucieux d'élever la situation de vie, car ils se disent que si les hommes peuvent vivre convenablement, leur capacité et leur ressentir moral s'élèveront d'eux-mêmes à un niveau supérieur. On ne peut guère nier que cette deuxième opinion gagne aujourd'hui constamment du terrain. Donner encore à la première opinion une place particulière est tenu dans bien des cercles pour l'expression d'un penser tout à fait dépassé. On dit alors : celui qui doit lutter contre la plus grande misère depuis tôt le matin jusque tard le soir ne peut parvenir à développer ses facultés intellectuelles et morales. Donnez- lui d'abord du pain avant de lui parler d'affaires spirituelles.



012 - En particulier à l'égard d'une recherche comme celle de la science de l'esprit, cette dernière affirmation tourne facilement au reproche. Et ce ne sont pas les pires de notre époque qui font ce genre de reproches. Ces gens disent : k< le théosophe bon teint ne descend qu'à son corps défendant des plans du Devachan ou du Kama sur cette terre. On préfère remâcher dix mots de sancrit plutôt que de se renseigner sur la rente foncière. » C'est ce qu'on peut lire dans un livre intéressant paru il y a peu de temps, Die kulturelle Lage Europas beim Wiedererwachen des modernen Okkultismus (La situation culturelle de l'Europe au réveil de l'occultisme moderne), de G.L. Dankmar (Leipzig, Oswald Mutze, 1905).

013 - On peut facilement comprendre que le reproche se présente sous la forme suivante. On signale le fait qu'à notre époque des familles de huit personnes vivent souvent entassées dans une seule pièce où manquent même l'air et la lumière, qu'elles doivent envoyer leurs enfants à l'école dans un état de faiblesse et de faim proche de l'inanition. On dit alors : est-ce que ceux qui sont soucieux du progrès des masses ne devraient pas consacrer avant toutes choses tous leurs efforts à remédier à de telles situations ? Au lieu d'appliquer leur penser aux théories sur les mondes supérieurs de l'esprit, ils feraient mieux de se soucier de cette question : comment supprimer la détresse sociale ? « Que la théosophie descende de sa solitude glacée et se mêle aux hommes, au peuple ; qu'elle place en tête de son programme pour de bon et effectivement l'exigence morale de la fraternité universelle et qu'elle agisse selon cette exigence, sans souci aucun des conséquences ; qu'elle fasse de la parole du Christ sur l'amour du prochain un acte social et elle deviendra et demeurera à jamais un bien précieux de l'humanité.» Ainsi poursuit le livre cité plus haut.
014 - Ceux qui font à la science de l'esprit une objection de ce genre ont de bonnes intentions. Bien plus, il faut leur reconnaître qu'ils ont raison contre bien des personnes qui s'occupent des enseignements de la science de l'esprit. Il y en a sans nul doute parmi ces dernières qui veulent uniquement se préoccuper de leurs propres besoins spirituels, qui veulent uniquement savoir des choses sur la « vie supérieure », sur le destin de l'âme après la mort, etc. Et l'on n'a certainement pas non plus tort de dire qu'à notre époque il apparaît plus urgent de se réaliser dans un agir communautaire, dans les vertus de l'amour du prochain et de l'action caritative que de cultiver dans une solitude étrangère au monde on ne sait trop quelles facultés supérieures qui sommeillent en l'être humain. Ceux qui recherchent cela avant tout pourraient bien passer pour des hommes d'un égoïsme raffiné qui préfèrent le propre bien-être de leur âme aux vertus humaines en général. On peut non moins souvent entendre indiquer que seuls peuvent s'intéresser à une quête spirituelle comme celle de la science de l'esprit des gens pour qui « cela va bien » et qui peuvent ainsi consacrer leurs « loisirs » à ce genre de choses. Mais celui qui doit s'activer physiquement du matin au soir pour un salaire de misère, on ne saurait vouloir le contenter avec des formules comme l'unité universelle de tous les hommes, la « vie supérieure » et autres choses semblables.


015 - Beaucoup de fautes sont certainement commises dans la direction indiquée, même par des êtres en quête de la science de l'esprit. Mais il n'est pas moins exact qu'une vie bien comprise de la science de l'esprit doit conduire l'homme, même en tant qu'individu, aux vertus d'un travail dévoué et d'un agir utile à la communauté. En tout cas, la science de l'esprit ne saurait empêcher personne d'être un homme aussi bon que le sont d'autres hommes qui ne savent rien et ne veulent rien savoir de la science de l'esprit. Mais tout cela ne touche en aucune façon à l'essentiel en ce qui concerne la « question sociale ». C'est que, pour arriver à cet essentiel, beaucoup plus de choses sont nécessaires que ce que veulent bien admettre les adversaires de la quête de la science de l'esprit. Il sera concédé sans difficulté à ces adversaires que l'on peut réaliser beaucoup de choses avec les moyens qui sont proposés de bien des côtés pour améliorer la condition sociale des hommes. Tel parti veut ceci, tel autre cela. Plus d'une de ces exigences des partis s'avère bientôt n'être qu'une chimère pour celui qui pense clairement ; mais plus d'une renferme aussi certainement le noyau le meilleur.
016 - Owen, qui vécut de 1771 à 1858 et fut sans aucun doute l'un des réformateurs sociaux les plus nobles, a sans cesse insisté sur le fait que l'homme est déterminé par l'environnement dans lequel il grandit, que le caractère de l'homme n'est pas formé par lui-même, mais par les conditions de vie dans lesquelles il se développe. Il ne saurait nullement être question de contester la  justesse aveuglante qui caractérise ces affirmations. Et encore moins de les traiter avec un haussement d'épaules méprisant, bien qu'elles soient plus ou moins évidentes. Bien au contraire, nous admettrons sans difficultés que beaucoup de choses pourront s'améliorer si l'on s'oriente dans la vie publique d'après ce genre de connaissances. Mais c'est aussi la raison pour laquelle la science de l'esprit n'empêchera personne de prendre part aux oeuvres de progrès humain qui veulent, dans le sens de ces connaissances, instaurer un sort meilleur des classes opprimées et souffrant de la misère.

017 - Seulement, la science de l'esprit doit aller plus en profondeur. En effet, on ne pourra jamais réaliser un progrès décisif par des moyens de ce genre. Celui qui ne l'admet pas n'a jamais discerné clairement d'où viennent les conditions de vie dans lesquelles se trouvent les hommes. En effet, dans toute la mesure où la vie de l'homme dépend de ces conditions, celles-ci sont elles-mêmes l'oeuvre des hommes. Ou alors, qui a donc pris les dispositions qui font que l'un est pauvre, l'autre riche ? Ce sont pourtant bien d'autres hommes ! Que ces « autres hommes » aient la plupart du temps vécu avant ceux qui prospèrent ou ne prospèrent pas dans ces conditions ne change vraiment rien à cette situation. Les souffrances que la nature elle-même impose à l'homme n'entrent qu'indirectement en ligne de compte pour la situation sociale. Ces souffrances-ci doivent bien sûr être atténuées par l'agir de l'homme ou être totalement éliminées. Si ce qui est nécessaire dans ce domaine ne se produit pas, la faute n'en revient quand même qu'aux institutions humaines. Une connaissance en profondeur des choses enseigne que tous les maux que l'on peut à juste titre qualifier de sociaux proviennent aussi des actes humains. Certes, de ce point de vue ce n'est pas l'individu qui est l'« artisan de son propre bonheur », mais c'est l'humanité tout entière.

018 - Autant ceci est certain, autant il est vrai également qu'à une large échelle aucune partie importante de l'humanité, aucune caste ni aucune classe ne cause avec de mauvaises intentions la souffrance d'une autre partie. Tout ce que l'on affirme en ce sens repose sur un simple manque de perspicacité. Bien que ceci aussi soit en fait une vérité évidente, il faut cependant l'exprimer. Car même si ces choses peuvent être facilement discernées par l'entendement, dans la vie pratique on ne se comporte tout de même pas dans leur sens. Tous ceux qui exploitent leurs contemporains préféreraient naturellement de beaucoup que les victimes de leur exploitation n'aient pas à souffrir. On irait loin si non seulement on trouvait cela évident, mais qu'on oriente d'après cela ses impressions et ses sentiments.

019 - Bon, mais où peuvent bien mener des affirmations de ce genre ? C'est sans-nul doute-ce-qu'objectera-plus  d'un «-penseur-social faut-il ue l'exploité ait à l'égard de l'exploiteur des sentiments bienveillants ? N'est-il pas que trop compréhensible que le premier haïsse le second et qu'à partir de cette haine il soit conduit à prendre parti ? Ce serait quand même vraiment une mauvaise potion — c'est ce qu'on objectera encore — que d'inciter l'opprimé à l'amour du prochain à l'égard de l'oppresseur, un peu dans l'esprit de la parole du grand Bouddha : « la haine n'est pas vaincue par la haine, mais seulement par l'amour. »

020 - Et pourtant seule la connaissance qui prend ceci pour point de départ conduit à l'époque actuelle à un véritable « penser social ». Et c'est précisément là que l'orientation de la science de l'esprit entre en jeu. Elle ne peut en effet pas coller à la surface des choses, il lui faut au contraire pénétrer en profondeur. C'est 'pourquoi elle ne peut pas en rester à montrer que de la misère est créée par telles ou telles conditions, au contraire il lui faut pénétrer jusqu'à la connaissance seule féconde de ce par quoi ces conditions ont été et sont encore constamment créées. Et face à ces interrogations profondes la plupart des théories sociales s'avèrent justement n'être que de « grises théories », voire de simples formules rhétoriques.


021 - Tant que l'on en reste à la surface avec son penser, on attribue aux conditions, et très généralement à ce qui est extérieur un pouvoir tout à fait faux. Ces conditions ne sont en effet que l'expression d'une vie intérieure. Et de même que seul comprend le corps humain celui qui sait que celui-ci est l'expression de l'âme, de même seul peut apprécier à sa juste mesure ce qui relève de l'organisation extérieure de la vie celui qui discerne clairement que celle-ci n'est rien d'autre que l'œuvre créée par les âmes humaines qui y incarnent leurs sentiments, leurs dispositions intérieures et leurs pensées. Les conditions dans lesquelles on vit sont créées par les autres hommes ; et on n'en créera jamais de meilleures soi-même si l'on ne part pas d'autres pensées, dispositions intérieures et sentiments que ceux des hommes qui les ont créés.

022 - Examinons ces choses dans le détail. Extérieurement, celui qui paraîtra être l'oppresseur, c'est celui qui a un train de vie fastueux, peut rouler en première classe dans les chemins de fer, etc. Et celui qui apparaîtra comme l'opprimé, c'est celui qui est obligé de porter un mauvais habit et de rouler en quatrième classe. Il n'est cependant pas besoin d'être un individu sans pitié, ni un réactionnaire ou autre chose de ce genre, pour comprendre et penser clairement ce qui suit. Personne n'est opprimé ni exploité par le fait que je porte tel ou tel habit, mais seulement par le fait que je rémunère insuffisamment l'ouvrier qui me confectionne l'habit. L'ouvrier pauvre qui acquiert pour_une petite somme d’argent son_méchant  habit est vis-à-vis de son contemporain exactement dans la même situation, sous ce rapport, que le riche qui se fait faire un habit de meilleure qualité. Que je sois riche ou pauvre, j'exploite autrui quand j'achète des objets qui ne sont pas suffisamment payés. En réalité, personne ne devrait qualifier qui que ce soit d'autre d'oppresseur, car il devrait d'abord commencer par se regarder soi-même. S'il le fait attentivement, il découvrira aussi bientôt en lui-même l'« oppresseur ». Est-ce que le travail que tu es obligé de livrer à un homme aisé ne l'est qu'à celui-ci en échange du mauvais salaire ? Non, celui qui est assis à côté de toi et qui se plaint avec toi de l'oppression se procure le travail de tes mains exactement aux mêmes conditions que l'homme aisé contre lequel vous vous retournez tous deux. Que l'on y réfléchisse à fond, et l'on trouvera d'autres points d'appui pour le « penser social » que ceux qui sont en usage.
023 - Si l'on réfléchit dans cette direction, il apparaîtra avant tout que l'on doit totalement séparer les concepts de « riche » et d'« exploiteur ». Le fait d'être aujourd'hui riche ou pauvre dépend de vos capacités personnelles ou de celles de vos ancêtres ou de tout autre chose. Mais que l'on soit un exploiteur de la force de travail des autres, cela n'a absolument rien à voir avec ces choses. Tout au moins pas directement. Mais cela a beaucoup à voir avec autre chose. À savoir avec le fait que nos institutions et les conditions qui nous entourent sont fondées sur l'intérêt personnel. Il faut penser ces choses de façon très claire, sinon on en arrivera à une appréhension tout à fait fausse de ce qui est dit ici. Si j'acquiers aujourd'hui un habit, il apparaît tout naturel, dans les conditions ambiantes, que je l'acquière aussi bon marché que possible. C'est-à-dire que je ne considère que moi-même. Mais par là est indiqué le point de vue qui domine notre vie tout entière. Or on pourra ici faire facilement une objection. On peut dire : est-ce que les partis et les personnalités qui pensent socialement ne sont pas précisément là pour remédier à ce mal ? Est-ce qu'on ne s'efforce pas de protéger le « travail » ? Est-ce que les classes ouvrières et leurs représentants ne revendiquent pas des augmentations de salaire et des réductions du temps de travail ? On a déjà dit plus haut que du point de vue du temps présent il n'y a strictement rien à objecter à ce genre de revendications et de mesures. Nous ne voulons pas non plus nous faire l'avocat des revendications d'aucun des partis existants. Dans le détail n'entre en ligne de compte, pour le point de vue dont il s'agit ici, aucune prise de parti, ni « pour », ni « contre ». Ce genre de prise de position est pour l'instant totalement étrangère au mode de réflexion de la science de l'esprit.



024 - On peut introduire autant d'améliorations que l'on veut pour protéger Tune ou l'autre catégorie de travailleurs, et de ce fait contribuer énormément à élever le niveau de vie de tel ou tel groupe d'hommes, la nature de l'exploitation n'en est pas atténuée pour autant. Car celle-ci tient au fait qu'un homme acquiert les produits du travail d'un autre dans l'optique de l'intérêt personnel. Que je possède peu ou beaucoup, si je me sers de ce que je possède pour satisfaire mon intérêt personnel, il est inévitable que l'autre soit exploité de ce fait. Même si j'assure son travail, mais que je garde ce point de vue, ce qui est fait alors n'est que pure apparence. Si je paie le travail de l'autre plus cher, il faut aussi qu'il paie le mien plus cher, si l'on ne veut pas que par la meilleure situation de l'un soit produite la moins bonne situation de l'autre.


025 - Nous allons mentionner ici un autre exemple dans un but explicatif. Si j'achète une usine pour gagner au moyen de celle-ci le plus d'argent possible pour moi, je veillerai à maintenir les forces de travail aussi bon marché que possible, etc. Tout ce qui se passera sera dans l'optique de l'intérêt personnel. Mais si j'achète cette usine dans l'optique de pourvoir le mieux possible aux besoins de deux cents personnes, toutes les mesures que je prendrai auront une autre coloration. Dans la pratique le premier cas ne pourra certes aujourd'hui pas précisément se distinguer beaucoup du deuxième. Mais cela tient uniquement au fait que l'individu désintéressé n'a pas beaucoup de moyens au sein d'une communauté qui est construite par ailleurs sur l'intérêt personnel. Il en irait tout autrement si le travail désintéressé était général.


026 - Celui qui pense « de façon pratique » va naturellement estimer que personne ne peut par une simple « bonne disposition » se procurer la possibilité de fournir à ses ouvriers de meilleures conditions de salaire. Car, dirat-il, par la bienveillance on n'augmente quand même pas le bénéfice produit par ses marchandises et sans cela on ne peut pas non plus procurer à l'ouvrier de meilleures conditions. Et il importe justement là de voir que cette objection est une complète erreur. Tous les intérêts et de ce fait toutes les conditions de vie changent lorsqu'au moment de l'acquisition d'une chose on n'a pas en vue soi-même, mais les autres. À quoi est obligé de veiller celui qui ne peut servir que son bien-être personnel ? Bien sûr au fait de gagner le plus possible. Il ne peut nullement prendre en considération la façon dont les autres doivent travailler pour satisfaire ses besoins. Il est donc obligé par là de déployer ses forces dans la lutte pour la vie. Si je fonde une entreprise qui est censée me rapporter autant que possible, je ne demande pas de quelle façon sont mises en mouvement les forces de travail qui travaillent pour moi. Si ce n'est pas moi qui entre le moins du monde en ligne de compte, mais seulement le point de vue suivant : comment mon travail est-il utile aux autres ?, alors tout change. Rien ne m'obligera alors à —entreprendre-quoi que ce soit-qui soit préjudiciable à un-autre. Je mets-alors mes forces non à mon service, mais au service des autres. Et cela a pour conséquence un tout autre déploiement des forces et des facultés des hommes. Nous allons évoquer à la fin de cet essai comment cela transforme les conditions de vie dans la pratique.
027 - On peut qualifier en un certain sens Robert Owen de génie de l'action sociale pratique. Deux facultés étaient présentes en lui, qui peuvent assurément justifier cette qualification : un regard expérimenté porté sur les institutions d'utilité sociale et un noble amour de l'homme. Il suffit d'observer ce qu'il a produit grâce à ces deux facultés pour en apprécier de façon juste toute l'importance. Il créa à New Lanark des installations industrielles modèles et y occupa les ouvriers d'une façon telle qu'ils n'avaient pas seulement une existence digne d'un être humain sous l'angle matériel, mais qu'ils vivaient aussi dans des conditions morales satisfaisantes. Les personnes qui étaient rassemblées là étaient pour une part dans la déchéance, adonnées à la boisson. Il y inséra des éléments meilleurs qui agirent sur les autres par leur exemple. Et on obtint ainsi les résultats les plus favorables qui soient. Ce qu'Owen a réussi là interdit de le mettre sur le même plan que d'autres « réformateurs universels » plus ou moins rêveurs — que l'on appelle des utopistes. C'est qu'il se tint dans le cadre des institutions réalisables dans la pratique dont tout homme hostile à la rêverie peut malgré tout supposer qu'elles élimineraient du monde la misère humaine, tout d'abord dans un certain domaine limité. C'est aussi une forme de pensée qui n'est pas non-pratique que d'avoir confiance qu'un petit domaine de ce genre pourrait servir de modèle et qu'à partir de lui pourrait peu à peu s'amorcer une évolution saine du sort de l'homme du point de vue social.

 


028 - C'est probablement ainsi qu'Owen lui-même pensait. Aussi se risqua-t- il à faire un pas de plus dans la voie où il s'était engagé. En 1824, il entreprit de créer une sorte de petit État modèle sur le territoire de l'Indiana, en Amérique du Nord. Il acheta une contrée où il voulait fonder une communauté humaine reposant sur la liberté et l'égalité. Toutes les dispositions furent prises pour rendre impossibles l'exploitation et l'asservissement. Celui qui se charge d'une tâche de cette nature doit posséder les plus belles vertus sociales : l'aspiration à faire le bonheur de ses semblables et la foi en la bonté de la nature humaine. Il doit être d'avis que le désir de travailler se développera de lui-même au sein de cette nature humaine si la récompense de ce travail paraît assurée par des institutions adéquates.
Cette foi était si fortement présente en Owen qu'il fallut des expériences vraiment mauvaises pour l'ébranler.

029 - Et... ces mauvaises expériences se produisirent _effectivement. Après de longs et nobles efforts, Owen dut reconnaître que « la réalisation de colonies de ce genre ne peut jamais qu'échouer si l'on n'a pas transformé préalablement les mœurs dans leur ensemble ; et qu'il serait plus valable d'agir sur l'humanité par la voie théorique que par celle de la pratique. » Le réformateur social a été contraint à une opinion de ce genre par le fait qu'il se trouva suffisamment de gens peu désireux de travailler qui voulaient se décharger du travail sur leurs compagnons, d'où il s'ensuivit nécessairement conflit, lutte et pour finir la banqueroute de la colonie.
030 - L'expérience d'Owen peut être instructive pour tous ceux qui veulent réellement apprendre. Elle peut servir de pont entre toutes les institutions créées artificiellement et pensées artificiellement pour le salut de l'humanité et un travail social fécond, qui tient compte de la réalité véritable.
031 - Par l'expérience qu'il fit, Owen put être guéri définitivement de la
t croyance que toute misère humaine n'est produite que par les « mauvaises institutions » dans lesquelles vivent les hommes et que la bonté de la nature humaine se manifestera bien d'elle-même si l'on améliore ces institutions. Il lui fallut se convaincre que l'on ne peut vraiment maintenir de bonnes institutions que si les hommes qui y sont impliqués sont portés à les maintenir de par leur nature intérieure, s'ils y sont attachés avec un intérêt chaleureux.

 

 


032 - Or on pourrait d'emblée penser qu'il est nécessaire de préparer de façon théorique les hommes auxquels on veut procurer des institutions de ce genre. Par exemple en leur exposant clairement que les mesures envisagées sont justes et conformes au but recherché. Un homme non prévenu sera tenté de lire quelque chose de ce genre dans l'aveu fait par Owen. Et pourtant, on ne peut parvenir à un résultat vraiment pratique qu'en allant plus profondément dans le sujet. Il faut progresser de la simple croyance en la bonté de la nature humaine, qui a abusé Owen, à une véritable connaissance de l'homme. — Toute clarté que pourraient jamais acquérir les hommes sur le fait que des institutions quelconques sont adéquates au but recherché et peuvent être bénéfiques à l'humanité, toute clarté de ce genre ne peut pas conduire à la longue au but que l'on souhaite atteindre. Car cette claire compréhension ne pourra susciter en l'homme l'impulsion de travailler si de l'autre côté se manifestent en lui les pulsions fondées sur l'égoïsme. Cet égoïsme fait tout simplement partie d'emblée de la nature humaine. Et cela conduit à ce qu'il se manifeste dans le sentiment de l'être humain lorsque celui-ci est censé vivre et travailler avec d'autres hommes au sein de la société. Cela entraîne avec une certaine nécessité à ce que dans la pratique la plupart des gens tiendront pour la meilleure institution sociale celle par laquelle "individu peut le mieux satisfaire ses besoins. Ainsi, sous l'influence des sentiments égoïstes, la question sociale prend tout naturellement la forme suivante : quelles dispositions sociales faut-il prendre pour que chacun puisse avoir pour soi le produit de son travail ? Et en particulier à notre époque qui pense de façon matérialiste peu de gens seulement tiennent compte d'un autre présupposé. Que de fois on entend exprimer comme une vérité évidente qu'un ordre social qui veut se fonder sur la bienveillance et la compassion est une absurdité. On tient bien plutôt compte du fait que l'ensemble d'une communauté humaine atteint le maximum de prospérité quand l'individu peut aussi empocher le produit « complet » ou le plus grand possible de son travail.

 


033 - Or c'est exactement l'inverse que nous enseigne l'occultisme qui est fondé sur une connaissance plus profonde de l'homme et du monde. Il montre précisément que toute la misère humaine est uniquement une conséquence de l'égoïsme et que dans une communauté humaine il est absolument inévitable que doivent apparaître à un moment quelconque la misère, la pauvreté et la détresse si cette communauté repose d'une façon quelconque sur l'égoïsme. Il faut à vrai dire pour percevoir cela des connaissances plus profondes que celles qui naviguent ici et là sous le pavillon de la science sociale. En effet, cette « science sociale » ne tient compte que de l'aspect extérieur de la vie humaine, mais pas des forces situées plus en profondeur. Bien plus, il est même très difficile d'éveiller chez la plupart de nos contemporains ne serait-ce que le sentiment que l'on puisse parler de forces de ce genre situées plus en profondeur. Ils considèrent celui qui s'aventure d'une façon quelconque à leur parler de telles choses comme un rêveur dépourvu de sens pratique. Or il ne saurait être question ici ne serait- ce que de faire l'essai d'exposer une théorie sociale fondée sur des forces situées plus en profondeur. Car pour cela un ouvrage détaillé serait nécessaire. On ne peut faire qu'une chose : on peut indiquer quelles sont les lois véritables du travail en commun entre les hommes et montrer quelles considérations sociales raisonnables en découlent pour celui qui connaît ces lois. Seul peut parvenir à comprendre totalement le problème celui qui acquiert une conception du monde fondée sur l'occultisme. Et c'est bien évidemment à faire connaître une conception du monde de ce genre que travaille cette revue dans son ensemble. On ne peut pas l'attendre d'un unique article sur la « question sociale ». Tout ce que celui-ci peut se donner pour tâche est de jeter une brève lumière sur cette question à partir de l'occultisme. Il se trouvera bien tout de même des personnes susceptibles de reconnaître par leur sentiment la justesse de ce qui va être exposé ici très brièvement et qu'il ne nous est pas possible de développer dans tous les détails.
035 -Eh bien, la loi sociale fondamentale qui est indiquée par l'occultisme est la suivante : « La santé d'une collectivité d'êtres humains travaillant ensemble est d'autant plus grande que l'individu revendique moins pour lui-même les produits de ses actes de travail, c'est-à-dire qu'il abandonne une plus grande part de ces produits à ceux qui travaillent avec lui et que ses besoins sont davantage satisfaits non pas par ses actes de travail, mais par les actes de travail des autres membres de la collectivité. » Toutes les institutions au sein d'une collectivité d'êtres humains qui contreviennent à cette loi doivent à la longue engendrer en un point quelconque la misère et la détresse. Cette loi sociale fondamentale est valable pour la vie sociale avec une exclusivité et une nécessité que l'on retrouve seulement pour quelque loi naturelle que ce soit en ce qui concerne quelque domaine précis que ce soit où s'exercent les effets de la nature. Mais on n'est pas autorisé à croire qu'il suffit de laisser agir cette loi comme une loi morale générale ou de vouloir la transformer en la disposition d'esprit portant chacun à travailler au service de ses contemporains. Non, dans la réalité, la loi ne vit comme elle est censée vivre que si une collectivité d'hommes réussit à créer des institutions telles que jamais personne ne puisse revendiquer pour lui-même les fruits de son propre travail et qu'au contraire ceux-ci profitent aussi intégralement que possible à la collectivité. Lui-même doit en retour être entretenu par le travail de ses semblables. Ce qui importe, c'est donc que travailler pour ses semblables et obtenir un certain revenu soient deux choses totalement séparées l'une de l'autre.

036 - Ceux qui s'imaginent être des « hommes de la pratique » ne feront que sourire de cet « idéalisme à vous faire dresser les cheveux sur la tête » — l'occultiste n'a pas d'illusions à ce sujet. Et pourtant, la loi ci-dessus est plus pratique que toute autre espèce de loi qui ait jamais été pensée ou réalisée par des « hommes de la pratique ». En effet, celui qui étudie réellement la vie peut trouver que toute communauté humaine qui existe quelque part ou qui a jamais existé a deux sortes d'institutions. L'une de ces sortes correspond à cette loi, l'autre y contredit. En effet, il doit en être ainsi, tout à fait indépendamment de ce que les hommes le veuillent ou non. En effet, toute collectivité se désagrégerait sur le champ si le travail des individus ne venait abonder l'ensemble. Mais l'égoïsme humain s'est aussi de tout temps mis en travers de cette loi. Il a cherché à tirer du travail le plus grand profit possible pour l'individu. Et seul ce qui procède ainsi de l'égoïsme a eu de tout temps pour conséquence la détresse, la pauvreté et la misère. Cela ne signifie donc rien d'autre sinon que doit toujours s'avérer non-pratique la partie des institutions humaines qui est mise sur pied par les « hommes de la pratique » sous la forme que l'on prend en compte son propre égoïsme ou celui d'autrui.

 


037 - Or il ne peut néanmoins pas seulement s'agir bien sûr que l'on voie le bien-fondé d'une loi telle que celle-ci, mais la véritable pratique commence avec cette question : comment peut-on la faire passer dans la réalité ? Il est clair que cette loi ne dit rien de moins que ceci : le bien de l'humanité est d'autant plus grand que l'égoïsme est plus petit. Pour la faire passer dans la réalité on est donc tributaire de ce que l'on ait affaire à des hommes qui parviennent à sortir de l'égoïsme. Mais c'est tout à fait impossible dans la pratique si la mesure de bien et de mal-être de l'individu est déterminée en fonction de son travail. Celui qui travaille pour lui-même doit peu à peu succomber à l'égoïsme. Seul celui qui travaille entièrement pour les autres peut devenir petit à petit un travailleur non égoïste.

038 - Une condition est nécessaire pour cela. Quand un homme travaille pour un autre il faut qu'il trouve en cet autre la raison d'être de son travail ; et si quelqu'un est censé travailler pour la collectivité, il faut qu'il éprouve et ressente la valeur, l'entité et la signification de cette collectivité. Il ne le peut que si la collectivité est encore tout autre chose qu'une somme plus ou moins vague d'individus. Elle doit être emplie d'un véritable esprit auquel chacun ait part. Elle doit être telle que chacun se dise : elle est juste, et je veux qu'elle soit ainsi. La collectivité doit avoir une mission spirituelle ; et chaque individu doit avoir la volonté de contribuer à ce que cette mission soit remplie. Aucune des idées abstraites et vagues de progrès dont on parle habituellement ne peut constituer une mission de ce genre. Quand elle est seule à régner, un individu travaillera ici, ou un groupe là, sans qu'ils aient la vue d'ensemble sur une utilité de leur travail autre que le fait qu'eux ou les leurs, ou encore peut-être les intérêts auxquels ils sont tout particulièrement attachés y trouvent leur compte. Cet esprit de la collectivité doit être vivant jusque dans le moindre de ses membres.


039 - De tout temps, ce qui était bon n'a prospéré que là où était d'une manière quelconque dans sa plénitude une vie de l'esprit de la collectivité comme celle que nous avons évoquée. Le citoyen d'une ville grecque de l'Antiquité, et même encore celui d'une ville libre du Moyen Âge avait à tout le moins quelque chose comme un sentiment obscur d'un esprit collectif de cette nature. Le fait que, par exemple, les institutions correspondantes n'étaient possibles dans la Grèce antique que parce qu'on avait une armée d'esclaves qui accomplissaient le travail pour les « citoyens libres » et qui y étaient portés non par l'esprit de la collectivité, mais par la contrainte de leurs maîtres ne constitue pas une objection à cette affirmation. Cet exemple peut seulement nous apprendre que la vie de l'homme est soumise à une évolution. Actuellement, l'humanité est précisément arrivée à une étape de celle-ci où une solution  de la question sociale comme celle qui prévalait dans la Grèce antique n'est plus possible. Même auprès des Grecs les plus nobles, l'esclavage ne passait pas pour une injustice, mais pour une nécessité de la vie. C'est pourquoi, par exemple, le grand Platon pouvait proposer un idéal de l'État où l'esprit de la collectivité arrive à sa pleine réalisation par le fait que la majorité que constituent les hommes qui travaillent est contrainte au travail par le petit nombre des hommes qui ont la vue d'ensemble. Mais la tâche du temps présent est de placer les hommes dans une situation où chacun accomplit du travail pour la collectivité à partir de sa propre impulsion intérieure.
040 - C'est pourquoi personne ne doit songer à chercher une solution de la question sociale valable pour tous les temps, mais seulement à la forme que doit prendre son penser et son agir sociaux eu égard aux besoins immédiats du présent dans lequel il vit. D'une façon générale, aucun individu ne peut aujourd'hui inventer ni faire passer dans la réalité quoi que ce soit de théorique qui pourrait en tant que tel résoudre la question sociale. Il lui faudrait pour ce faire avoir le pouvoir de contraindre un certain nombre d'hommes à se plier aux conditions créées par lui. Cela ne fait aucun doute : si Owen avait eu le pouvoir et la volonté de contraindre tous les hommes de sa colonie au travail qui leur incombait, la chose aurait pu marcher. Mais à notre époque il ne saurait précisément être question d'une contrainte de ce genre. Il faut que soit instaurée la possibilité que chacun fasse par son libre vouloir ce qu'il est appelé à faire en fonction de ses aptitudes et de ses forces. Mais c'est précisément la raison pour laquelle il ne peut absolument jamais s'agir de ce que l'on doive agir sur les hommes « de façon théorique » au sens de la conviction exprimée par Owen qui a été mentionnée plus haut, qu'on leur communique un simple point de vue sur la façon dont on peut organiser au mieux les conditions économiques. Une théorie économique toute sèche ne peut jamais être une impulsion de lutte contre les forces de l'égoïsme. Une théorie économique de ce genre peut un certain temps donner aux masses un certain élan qui, en apparence, ressemble à de l'idéalisme. Mais à la longue, ce genre de théories ne peut être utile à personne. Celui qui inocule ce genre de théories à une masse d'hommes sans lui donner autre chose qui soit vraiment spirituel, pèche contre le sens véritable de l'évolution humaine.


041 - La seule chose qui puisse être une aide, c'est une vision du monde spirituelle qui par elle-même, par ce qu'elle est en mesure de proposer, entre dans la vie des pensées, des sentiments, de la volonté, bref de toute l'âme de l'homme. La foi qu'a eue Owen en la bonté de la nature humaine n'est juste que pour une part, mais pour l'autre part c'est une des pires illusions. Elle est juste dans la mesure où sommeille en chaque homme un « soi supérieur » qui peut être éveillé. Mais il ne peut être délivré de son sommeil que par une conception du monde qui a les qualités mentionnées plus haut. Si l'on place des hommes dans des institutions telles qu'Owen les a inventées, la communauté s'épanouira sous les formes les plus belles. Mais si l'on réunit des hommes qui n'ont pas une conception du monde de cette nature, ce qu'il y a de bon dans les institutions ne pourra manquer de dégénérer à plus ou moins brève échéance dé façon absolument inévitable en quelque chose de mauvais. Chez des hommes qui n'ont pas de conception du monde orientée vers l'esprit, les institutions qui justement favorisent le bien-être matériel doivent en effet nécessairement produire aussi une intensification de l'égoïsme et de ce fait engendrer peu à peu détresse, misère et pauvreté. Cette parole est vraie dans sa signification la plus profonde : on ne peut venir en aide qu'à l'individu en lui procurant du pain ; on ne procure du pain à une collectivité qu'en l'aidant à accéder à une conception du monde. Car cela ne servirait non plus à rien de procurer du pain à chaque individu d'une collectivité. Au bout de quelque temps, la chose prendrait quand même nécessairement la forme que beaucoup de gens n'auraient de nouveau pas de pain.

042 - La connaissance de ces principes enlève il est vrai bien des illusions à certaines personnes qui aimeraient se poser en bienfaiteurs du peuple. Car elle fait du travail pour le bien de la société une affaire singulièrement difficile. Et de plus, une affaire où dans certains cas les succès ne se composent que de tout petits succès partiels mis bout à bout. La plus grande part de ce qu'aujourd'hui des partis entiers font passer pour des remèdes dans la vie sociale perd de sa valeur, s'avère n'être que duperie et discours, sans connaissance suffisante de la vie humaine. Aucun parlement, aucune démocratie, aucune agitation de masse, rien de tout cela ne peut avoir de signification, pour celui qui plonge son regard dans les profondeurs, si cela fait offense à la loi exprimée plus haut. Et toute chose de ce genre peut avoir une action favorable si cela se place dans le sens de cette loi. C'est une grave illusion que de croire que de quelconques députés d'un peuple dans un quelconque parlement peuvent contribuer à la santé de l'humanité si leur agir n'est pas disposé dans le sens de la loi sociale fondamentale.

043 - Partout où cette loi se manifeste, partout où quelqu'un agit en son sens, dans la mesure où cela lui est possible à la place qui est la sienne dans la communauté des hommes, de bons effets sont produits, même à une échelle aussi petite soit-elle dans le cas individuel. Et un progrès social bénéfique de l'ensemble ne se compose que d'actions individuelles qui sont produites de cette façon. Certes, il arrive aussi que dans des cas isolés _si d'assez grandes communautés humaines possèdent une disposition particulière permettant en une seule fois de parvenir avec son aide, en allant dans la direction indiquée, à un assez grand succès. Elles rendront possible qu'avec son aide l'humanité accomplisse pour ainsi dire dans l'évolution sociale un bond qualitatif, un saut. L'occultisme connaît des communautés humaines de cette nature ; mais sa tâche ne peut être de parler publiquement de ce genre de choses. Et il existe aussi des moyens de préparer de plus grandes masses d'hommes à un tel saut qui peut même être fait dans un avenir tout à fait proche. Mais ce que chacun peut faire, c'est d'agir dans son domaine au sens de la loi énoncée ci-dessus. Il n'existe pas de situation au monde où un homme ne puisse le faire, qu'elle soit en apparence aussi insignifiante ou aussi influente qu'on voudra.




Le plus important, c'est certain, est en vérité que chacun cherche les chemins menant à une conception du monde qui tende à une véritable connaissance de l'esprit. L'orientation d'esprit anthroposophique peut devenir une conception de cette nature pour tous les hommes, si elle se développe de plus en plus de la façon qui correspond à son contenu et aux possibilités qu'elle recèle. Grâce à elle, l'homme peut apprendre qu'il n'est pas né par hasard en un lieu quelconque et à une époque quelconque, mais qu'il est placé de façon nécessaire par la loi de causalité spirituelle, le karma, à l'endroit où il se trouve. Il peut comprendre que son destin l'a placé pour des raisons bien fondées dans la communauté d'hommes au sein de laquelle il est. Il peut se rendre compte aussi que ses facultés ne lui sont pas échues par un hasard aveugle, mais qu'elles ont un sens au sein de la loi de causalité.


Et il peut comprendre tout cela de façon telle que cette compréhension ne reste pas une simple affaire prosaïque de la raison, mais qu'elle emplisse peu à peu toute son âme de vie intérieure.

Le sentiment naîtra en lui qu'il accomplit un acte ayant un sens supérieur lorsqu'il travaille dans le sens de sa place dans le monde et dans le sens de ses facultés. Comprendre cela ne suscitera pas un idéalisme exsangue, mais une impulsion puissante de toutes ses forces et il considérera cet agir dans une telle direction comme quelque chose d'aussi évident que dans un autre domaine le manger et le boire. Et il connaîtra en outre le sens qui est lié à la communauté humaine à laquelle il appartient. Il comprendra les conditions dans lesquelles sa communauté humaine se situe par rapport à d'autres ; et ainsi les esprits individuels de ces communautés s'uniront pour former une image spirituelle, orientée vers un but, de la mission unitaire qui est celle du genre humain tout entier. Puis sa connaissance pourra passer du genre humain au sens de l'existence terrestre tout entière. Seul celui qui ne s'intéresse pas à la conception du monde allant dans cette direction peut mettre en doute qu'elle doive agir comme cela est indiqué ici. À- l'époque actuelle il n'y a certes chez la plupart des hommes guère de goût à s'intéresser à ce genre de choses. Mais la véritable forme de représentation de la science de l'esprit ne saurait manquer de gagner des cercles toujours plus vastes. Et dans la mesure où elle le fera, les hommes trouveront les mesures justes susceptibles de réaliser le progrès social. On ne peut pas mettre cela en doute en prétendant que jusqu'à présent aucune vision du monde n'a fait naître le bonheur de l'humanité. Selon les lois de l'évolution de l'humanité, ne pouvait apparaître à aucun moment antérieur ce qui est désormais possible : mettre à la disposition de tous les hommes une conception du monde ayant la perspective du succès dans la pratique tel qu'il a été indiqué.

 

Jusqu'à présent, les conceptions du monde n'étaient accessibles qu'à des groupes d'hommes isolés. Mais ce qui s'est produit de bon jusqu'ici dans le genre humain procède néanmoins de ces conceptions du monde. Seule une conception du monde qui peut saisir toutes les âmes et enflammer en elles la vie intérieure peut conduire à la santé de l'ensemble. Mais la forme de représentation de la science de l'esprit sera en mesure de le faire partout où elle est en accord avec ses orientations internes. Il ne faut naturellement pas se contenter de regarder la forme que ce mode de représentation a déjà prise ; pour reconnaître la justesse de ce qui a été dit, il est nécessaire de voir que la science de l'esprit a encore besoin de se développer pour atteindre la grande mission civilisatrice qui est la sienne.
Jusqu'à présent elle ne peut pour plusieurs raisons pas encore présenter le visage qu'elle montrera un jour. L'une de ces raisons est qu'il lui faut d'abord prendre pied quelque part. Il lui faut donc de ce fait s'adresser à un groupe humain particulier. Cela ne peut naturellement pas être un autre que celui qui, par la forme spécifique de son évolution, aspire à une solution nouvelle des énigmes du monde et qui, de par la formation antérieure des personnes qui y sont réunies, peuvent avoir pour cette solution de la compréhension et de l'intérêt. Bien évidemment, la science de l'esprit doit pour l'instant revêtir ses propositions du langage qui est adapté au groupe humain qui vient d'être caractérisé. Dans la mesure où les conditions continueront à en être données, la science de l'esprit trouvera aussi les formes d'expression adaptées à d'autres cercles encore. Seul celui qui veut absolument avoir des dogmes rigides et achevés peut croire que la forme sous laquelle est actuellement proposée la science de l'esprit est durable, voire la seule possible. Précisément parce qu'il ne peut s'agir pour la science de l'esprit de rester pure théorie ou de satisfaire un pur désir de savoir, elle doit travailler lentement de cette façon. Fait justement partie de ses buts l'aspect pratique, tel qu'il a été caractérisé, du progrès de l'humanité. Mais elle ne peut mettre en œuvre ce progrès de l'humanité qu'en en créant les conditions véritables. Et ces conditions ne peuvent pas être suscitées autrement qu'en conquérant un homme après l'autre. C'est seulement si les hommes le veulent que le monde avance. Mais pour qu'ils le veuillent le travail intérieur de l'âme est nécessaire pour chacun. Et celui-ci ne peut être accompli que pas à pas. Si ce n'était pas le cas, la théosophie elle aussi produirait des chimères dans le domaine social et ne ferait pas de travail pratique. Il sera prochainement question d'aspects supplémentaires de ce sujet.
(Cet essai fut publié avec la mention « à suivre », mais aucune suite ne parut (N.d.T.).)

In Rudolf Steiner Oeuvres complètes 34, pp. 191-221, Rudolf Steiner-Nachlassverwaltung, Dornach, 1960..

 

 

Wer gegenwärtig mit offenen Augen die Welt um sich herum betrachtet, der sieht überall das sich mächtig erheben, was man die « soziale Frage » nennt. Diejenigen, welche es mit dem Leben ernst nehmen, müssen in irgendeiner Art sich Gedanken über das machen, was mit dieser Frage zusammenhängt. Und wie selbstverständlich muß es erscheinen, daß eine solche Vorstellungsart, welche zu ihren Aufgaben die höchsten Menschheitsideale gemacht hat, irgendwie ein Verhältnis gewinnen muß zu den sozialen Anforderungen. Eine solche Vorstellungsart will aber die geisteswissenschaftliche für die Gegenwart sein. Deshalb ist es nur natürlich, wenn nach diesem Verhältnis gefragt wird.

Nun kann es zunächst den Eindruck machen, als ob die Geisteswissenschaft nichts Besonderes nach dieser Richtung hin zu sagen hätte. Man wird als ihren hervorstechendsten Charakterzug zunächst die Verinnerlichung des Seelenlebens und die Erweckung des Blickes für eine geistige Welt erkennen. Selbst solche, die sich nur flüchtig mit den Ideen bekannt machen, welche durch geisteswissenschaftlich orientierte Redner und Schriftsteller Verbreitung finden, werden bei unbefangener Betrachtung dieses Streben erkennen können. Schwieriger ist es aber einzusehen, daß dieses Streben gegenwärtig eine praktische Bedeutung habe. Und insbesondere kann nicht leicht dessen Zusammenhang mit der sozialen Frage einleuchtend werden. Was soll, so wird mancher fragen, eine Lehre den sozialen Übelständen helfen, die sich mit « Wiederverkörperung », mit « Karma », mit der « übersinnlichen Welt », mit der « Entstehung des Menschen » und so weiter befaßt? Eine solche Gedankenrichtung scheint von aller Wirklichkeit hinweg in ferne Wolkenhöhen zu fliegen, während jetzt doch ein jeder dringend nötig hätte, sein ganzes Denken zusammenzunehmen, um den Aufgaben zu genügen, welche die irdische Wirklichkeit stellt.

Von all den verschiedenen Meinungen, die gegenwärtig in bezug auf die Geisteswissenschaft notwendig hervortreten müssen, seien hier zwei verzeichnet. Die eine besteht darin, daß man sie als den Ausdruck einer zügellosen Phantastik ansieht. Es ist ganz natürlich, daß eine solche Ansicht besteht. Und sie sollte am wenigsten für den geisteswissenschaftlich Strebenden etwas Unbegreifliches haben. Jedes Gespräch in seiner Umgebung, alles, was um ihn herum vorgeht, was den Menschen Lust und Freude macht, alles das kann ihn darüber belehren, daß er zunächst eine für viele geradezu närrische Sprache führt. Zu diesem Verständnis seiner Umgebung muß er dann allerdings die unbedingte Sicherheit hinzubringen, daß er auf dem rechten Wege ist. Sonst könnte er kaum aufrecht stehen, wenn er sich den Widerstreit seiner Vorstellungen mit denen so vieler anderer klar macht, die zu den Unterrichteten und Denkenden gehören. Hat er die rechte Sicherheit, kennt er die Wahrheit und Tragkraft seiner Ansicht, dann sagt er sich: ich weiß ganz gut, daß ich gegenwärtig als Phantast angesehen werden kann, und es ist mir einleuchtend, warum das so ist; aber die Wahrheit muß wirken, auch wenn sie verlacht und verhöhnt wird, und ihre Wirkung hängt nicht ab von den Meinungen, die man über sie hat, sondern von ihrer gediegenen Grundlage.

Die andere Meinung, von welcher die Geisteswissenschaft betroffen wird, ist die, daß ihre Gedanken zwar schön und befriedigend seien, daß sie aber nur für das innere Seelenleben, nicht für den praktischen Lebenskampf einen Wert haben können. Selbst solche, welche zur Stillung ihrer geistigen Bedürfnisse nach der geisteswissenschaftlichen Nahrung verlangen, können nur zu leicht versucht sein, sich zu sagen: Ja, aber wie der sozialen Not, dem materiellen Elend beizukommen ist, darüber kann diese Gedankenwelt doch keine Aufklärung geben. - Nun beruht aber gerade diese Meinung auf einem vollständigen Verkennen der wirklichen Tatsachen des Lebens, und vor allen Dingen auf einem Mißverständnisse gegenüber den Früchten der geisteswissenschaftlichen Vorstellungsart.

Man fragt nämlich fast ausschließlich: was lehrt die Geisteswissenschaft? Wie kann man beweisen, was sie behauptet? Und man sucht dann die Frucht in dem Gefühl der Befriedigung, die man aus den Lehren schöpfen kann. Das ist natürlich so selbstverständlich wie möglich. Man muß ja zunächst eine Empfindung für die Wahrheit von Behauptungen erhalten, die einem gegenübertreten. Die wahre Frucht der Geisteswissenschaft darf aber darinnen nicht gesucht werden. Diese Frucht zeigt sich nämlich erst dann, wenn der geisteswissenschaftlich Gesinnte an die Aufgaben des praktischen Lebens herantritt. Es kommt darauf an, ob ihm die Geisteswissenschaft etwas hilft, diese Aufgaben einsichtsvoll zu ergreifen und mit Verständnis die Mittel und Wege zur Lösung zu suchen. Wer im Leben wirken will, muß das Leben erst verstehen. Hier liegt der Kernpunkt der Sache. Solange man dabei stehen bleibt, zu fragen: was lehrt die Geisteswissenschaft, kann man diese Lehren zu « hoch » für das praktische Leben finden. Wenn man aber darauf das Augenmerk richtet, welche Schulung das Denken und Fühlen durch diese Lehren erfährt, dann wird man aufhören, solchen Einwand zu machen. So absonderlich es für die oberflächliche Auffassung erscheinen mag, es ist doch richtig: die scheinbar im Wolkenkuckucksheim schwebenden geisteswissenschaftlichen Gedanken bilden den Blick aus für eine richtige Führung des alltäglichen Lebens. Und die Geisteswissenschaft schärft gerade dadurch das Verständnis für die sozialen Forderungen, daß sie den Geist erst in die lichten Höhen des Übersinnlichen führt. So widerspruchsvoll das erscheint, so wahr ist es.

Es soll einmal an einem Beispiele gezeigt werden, was damit gemeint ist. Ein ungemein interessantes Buch ist in der letzten Zeit erschienen: « Als Arbeiter in Amerika » (Berlin K. Siegismund). Es hat zum Verfasser den Regierungsrat Kolb, der es unternommen hat, monatelang als gewöhnlicher Arbeiter in Amerika zuzubringen. Dadurch hat er sich ein Urteil über Menschen und Leben angeeignet, wie es ihm offenbar ebensowenig der Bildungsweg hätte geben können, durch den er Regierungsrat geworden ist, noch auch die Erfahrungen, welche er auf diesem Posten und auf all den Stellen hat sammeln können, die man einnimmt, bevor man Regierungsrat wird. Er war somit jahrelang an einer verhältnismäßig verantwortungsvollen Stelle, und erst, als er aus dieser herausgetreten ist und - kurze Zeit - in fernem Lande gelebt hat, lernt er das Leben so kennen, daß er in seinem Buche den folgenden beherzigenswerten Satz schreibt: « Wie oft hatte ich früher, wenn ich einen gesunden Mann betteln sah, mit moralischer Entrüstung gefragt: Warum arbeitet der Lump nicht? Jetzt wußte ichs. In der Theorie sieht sichs eben anders an, als in der Praxis, und selbst mit den unerfreulichsten Kategorien der Nationalökonomie hantiert sichs am Studiertisch ganz erträglich. » Nun soll hier nicht das geringste Mißverständnis hervorgerufen werden. Die vollkommenste Anerkennung muß dem Manne entgegengebracht werden, der es sich abgewonnen hat, aus behaglicher Lebenslage herauszutreten, und in einer Brauerei und Fahrradfabrik schwer zu arbeiten. Die Hochschätzung dieser Tat soll vorerst möglichst stark betont werden, damit nicht der Glaube erweckt werde, es solle der Mann abfälliger Kritik unterworfen werden. - Aber für jeden, der sehen will, ist unbedingt klar, daß alle Schulung, alle Wissenschaft, die der Mann durchgemacht hat, ihm kein Urteil über das Leben gegeben haben. Man versuche es sich doch klar zu machen, was damit zugestanden ist: Man kann alles lernen, was einen gegenwärtig befähigt, verhältnismäßig leitende Stellen einzunehmen: und man kann dabei dem Leben, auf das man wirken soll, ganz ferne stehen. - Ist das nicht so, als wenn man in irgendeiner Schule für den Brückenbau ausgebildet würde, und dann, wenn man vor die Aufgabe tritt, eine Brücke zu bauen, man nichts davon verstehe? Doch nein: es ist nicht ganz so. Wer sich für den Brückenbau schlecht vorbereitet, dem wird sein Mangel bald klar werden, wenn er an die Praxis herantritt. Er wird sich als Pfuscher erweisen und überall zurückgewiesen werden. Wer sich aber für das Wirken im sozialen Leben schlecht vorbereitet, dessen Mängel können sich nicht so schnell erweisen. Schlecht gebaute Brücken stürzen ein; und dem Befangensten ist dann klar, daß der Brückenbauer ein Pfuscher war. Was aber im sozialen Wirken verpfuscht wird, das zeigt sich nur darinnen, daß die Mitmenschen darunter leiden. Und für den Zusammenhang dieses Leidens mit dem Pfuschertum hat man nicht so leicht ein Auge wie für das Verhältnis zwischen Brückeneinsturz und unfähigem Baumeister. - « Ja, aber », wird man sagen, « was hat denn das alles mit der Geisteswissenschaft zu tun? Glaubt der geisteswissenschaftlich Gesinnte etwa gar, daß seine Lehren dem Regierungsrat Kolb ein besseres Verständnis des Lebens beigebracht hätten? Was hätte es ihm genützt, wenn er etwas von < Wiederverkörperung >, < Karma > und allen < übersinnlichen Welten > gewußt hätte? Niemand wird doch behaupten wollen, daß die Ideen über planetarische Systeme und höhere Welten den genannten Regierungsrat hätten davor bewahren können, eines Tages sich gestehen zu müssen, < daß es sich mit den unerfreulichsten Kategorien der Nationalökonomie am Studiertische ganz gut hantiere > . » Der geisteswissenschaftlich Gesinnte kann nun wirklich - wie Lessing in einem bestimmten Falle antworten: « Ich bin dieser Niemand >, ich behaupte es geradezu. » Nur muß man das nicht so verstehen, als ob jemand mit der Lehre von der « Wiederverkörperung », oder dem Wissen vom « Karma » sich sozial richtig betätigen könne. Das wäre natürlich naiv. Die Sache geht selbstverständlich nicht so, daß man diejenigen, welche zu Regierungsräten bestimmt sind, statt sie zu Schmoller, Wagner oder Brentano auf die Universität zu schicken, auf die « Geheimlehre » der Blavatsky verweist. - Worauf es ankommt, ist aber dieses: wird eine nationalökonomische Theorie, welche von einem geisteswissenschaftlich Gesinnten herrührt, eine solche sein, mit der sich am Studiertische gut hantieren läßt, die aber dem wirklichen Leben gegenüber versagt? Und das eben wird sie nicht sein. Wann hält eine Theorie dem Leben gegenüber nicht stand? Wenn sie durch ein Denken hervorgebracht ist, das nicht für das Leben geschult ist. Nun sind aber die Lehren der Geisteswissenschaft ebenso die wirklichen Gesetze des Lebens, wie die Lehren der Elektrizität diejenigen einer Fabrik für elektrische Apparate sind. Wer eine solche Fabrik einrichten will, muß zuerst wahre Elektrizitätslehre sich aneignen. Und wer im Leben wirken will, der muß die Gesetze des Lebens kennenlernen. So fern aber scheinbar die Lehren der Geisteswissenschaft dem Leben stehen, so nahe sind sie ihm in Wahrheit. Dem oberflächlichen Blick erscheinen sie weltfremd; dem wahren Verständnis erschließen sie das Leben. Man zieht sich nicht aus bloßer Neugierde zurück in « geisteswissenschaftliche Zirkel », um da allerlei « interessante » Aufschlüsse über jenseitige Welten zu erhalten, sondern man trainiert da sein Denken, Fühlen und Wollen an den « ewigen Gesetzen des Daseins », um herauszutreten in das Leben, und mit hellem, klarem Blick dieses Leben zu verstehen. Die geisteswissenschaftlichen Lehren sind ein Umweg zu einem lebensvollen Denken, Urteilen und Empfinden. Die geisteswissenschaftliche Bewegung wird erst in ihrem rechten Geleise sein, wenn man das voll einsehen wird. Rechtes Handeln entspringt aus rechtem Denken; und unrechtes Handeln entspringt aus verkehrtem Denken oder aus der Gedankenlosigkeit. Wer überhaupt daran glauben will, daß auf sozialem Gebiete etwas Gutes gewirkt werden kann, der muß zugeben, daß es von den menschlichen Fähigkeiten abhängt, solches Gute zu wirken. Durch die Ideen der Geisteswissenschaft hindurch sich arbeiten, bedeutet Steigerung der Fähigkeiten zu sozialem Wirken. Es handelt sich in dieser Beziehung nicht allein darum, welche Gedanken man durch die Geisteswissenschaft aufnimmt, sondern darum, was man aus seinem Denken durch sie macht.

 

 

Gewiß muß zugegeben werden, daß innerhalb der Kreise selbst, die sich der Geisteswissenschaft widmen, noch nicht allzuviel von einer Arbeit gerade in dieser Hinsicht zu merken ist. Und ebensowenig kann geleugnet werden, daß gerade deshalb die der Geisteswissenschaft Fernstehenden noch allen Grund haben, die obigen Behauptungen zu bezweifeln. Aber es darf auch nicht außer acht gelassen werden, daß die geisteswissenschaftliche Bewegung in gegenwärtiger Auffassung erst im Anfange ihrer Wirksamkeit steht. Ihr weiterer Fortschritt wird darinnen bestehen, daß sie sich einführt in alle praktischen Gebiete des Lebens. Dann wird sich beispielsweise für die « soziale Frage » zeigen, daß an Stelle von Theorien, « mit denen sich am Studiertische ganz gut hantieren » läßt, solche treten werden, welche die Einsicht befähigen, unbefangen das Leben zu beurteilen, und dem Willen die Richtung zu solchem Handeln geben, daß Heil und Segen für die Mitmenschen entspringt. Gar mancher wird sagen, gerade am Falle Kolb zeige es sich, daß der Hinweis auf die Geisteswissenschaft überflüssig sei. Es wäre nur notwendig, daß die Leute, die sich für irgendeinen Beruf vorbereiten, ihre Theorien nicht bloß in der Studierstube lernten, sondern daß sie mit dem Leben zusammengebracht würden, daß sie neben der theoretischen auch eine praktische Anleitung erhielten. Denn sobald Kolb sich das Leben ansah, genügte doch auch das, was er gelernt hatte, um zu einer anderen Meinung zu kommen, als er früher hatte. - Nein, es genügt nicht, weil der Mangel tiefer liegt. Wenn einer sieht, daß er mit einer mangelhaften Vorbildung nur Brücken bauen kann, die einstürzen, so hat er sich damit noch lange nicht die Fähigkeit erworben, solche zu bauen, die nicht einstürzen. Er muß sich zu letzterem erst eine wirklich fruchtbare Vorbildung aneignen. Sicherlich braucht man nichts weiter, als sich die sozialen Verhältnisse nur anzusehen, auch wenn man eine noch so unzulängliche Theorie hat über die Grundgesetze des Lebens, und man wird nicht mehr jedem gegenüber, der nicht arbeitet, sagen: « warum arbeitet der Lump nicht? ». Man kann dann aus den Verhältnissen heraus verstehen, warum ein solcher nicht arbeitet. Aber hat man damit schon gelernt, wie die Verhältnisse zum Gedeihen der Menschen zu gestalten sind? Zweifellos haben alle die gutwilligen Menschen, welche ihre Pläne aufgetischt haben über Verbesserung des Menschenloses, nicht geurteilt wie der Regierungsrat Kolb vor seiner Amerikafahrt. Sie waren alle doch wohl auch vor solcher Expedition der Überzeugung, daß nicht jeder, dem es schlecht geht, abzufertigen sei mit der Phrase « warum arbeitet der Lump nicht? ». Sind deshalb alle ihre sozialen Reformvorschläge fruchtbar? Nein, das können sie schon deshalb nicht sein, weil sie so vielfach einander widersprechen. Und man wird deshalb ein Recht haben, zu sagen, daß wohl auch des Regierungsrates Kolb positive Reformpläne nach seiner Bekehrung nicht sonderlich viel Wirkung haben können. Das eben ist der Irrtum unserer Zeit in dieser Beziehung, daß sich ein jeder für befähigt hält, das Leben zu verstehen, auch wenn er sich nichts mit den Grundgesetzen des Lebens zu schaffen gemacht hat, wenn er sein Denken nicht erst geschult hat, um die wahren Kräfte des Lebens zu sehen. Und Geisteswissenschaft ist Schulung für eine gesunde Beurteilung des Lebens, weil sie dem Leben auf den Grund geht. Es hilft gar nichts, zu sehen, daß die Verhältnisse den Menschen in ungünstige Lebenslagen bringen, in denen er verkommt: man muß die Kräfte kennen lernen, durch welche günstige Verhältnisse geschaffen werden. Und das können unsere nationalökonomisch Gebildeten aus einem ähnlichen Grund nicht, aus dem keiner rechnen kann, der nichts vom Einmaleins weiß. Stellet einen solchen vor noch so viele Zahlenreihen hin: das Anschauen wird ihm nichts nützen. Stellt den, dessen Denken nichts versteht von den Grundkräften des sozialen Lebens, vor die Wirklichkeit: er mag noch so eindringlich beschreiben, was er sieht; wie sich die sozialen Kräfte verschlingen zum Wohl oder zum Unheil der Menschen, darüber kann er doch nichts ausmachen.

In unserer Zeit ist eine Lebensauffassung notwendig, welche zu den wahren Quellen des Lebens hinführt. Und eine solche Lebensauffassung kann die Geisteswissenschaft sein. Wenn alle diejenigen, welche sich eine Meinung bilden wollen über das, was « sozial nottut », zuerst durch die Lebenslehre der Geisteswissenschaft gehen wollten, dann kämen wir weiter. - Der Einwand, daß diejenigen, die sich der Geisteswissenschaft widmen, heute bloß « reden » und nicht « handeln », kann ebensowenig gelten, wie derjenige, daß sich ja auch die geisteswissenschaftlichen Meinungen noch nicht erprobt haben, sich also vielleicht ebenso als graue Theorie entpuppen könnten, wie die Nationalökonomie des Herrn Kolb. Der erste Einwand bedeutet aus dem Grunde nichts, weil man « handeln » selbstverständlich so lange nicht kann, als einem die Wege zum Handeln versperrt sind. Lasset einen Seelenkenner noch so gut wissen, was ein Vater tun müsse in der Erziehung seiner Kinder; er kann nicht « handeln », wenn ihn der Vater nicht zum Erzieher bestellt. In dieser Beziehung muß in Geduld gewartet werden, bis das « Reden » der geisteswissenschaftlich Arbeitenden denen, welche die Macht zum « Handeln » haben, die Einsicht gebracht hat. Und das wird geschehen. Der andere Einwand ist nicht minder belanglos. Und er kann überhaupt nur von solchen erhoben werden, die unbekannt sind mit dem Grundwesen der geisteswissenschaftlichen Wahrheiten. Wer sie kennt, der weiß, daß sie gar nicht so zustande kommen, wie etwas, das man « ausprobiert ». Die Gesetze des Menschenheiles sind nämlich ebenso sicher in die Urgrundlage der Menschenseele gelegt, wie das Einmaleins da hineingelegt ist. Man muß nur tief genug hinuntersteigen in diese Urgrundlage der menschlichen Seele. Gewiß, man kann anschaulich machen, was so eingezeichnet ist in die Seele, wie man anschaulich machen kann, daß zweimal zwei vier ist, wenn man vier Bohnen in zwei Gruppen nebeneinander legt. Aber wer wollte behaupten, daß sich die Wahrheit « Zweimal zwei ist vier » erst an den Bohnen « erproben » muß. Es verhält sich nämlich durchaus so: wer die geisteswissenschaftliche Wahrheit bezweifelt, der hat sie noch nicht erkannt, wie nur ein solcher bezweifeln könnte, daß « zweimal zwei vier ist », der es noch nicht erkannt hat. So sehr sich auch beides unterscheidet, weil das letztere so einfach, das erstere so kompliziert ist: die Ähnlichkeit in anderer Beziehung ist doch vorhanden. Allerdings kann das nicht eingesehen werden, solange man nicht in die Geisteswissenschaft selbst eindringt. Deshalb kann auch für den Nichtkenner der Geisteswissenschaft kein « Beweis » für diese Tatsache erbracht werden. Mann kann nur sagen: lernet die Geisteswissenschaft erst kennen, und ihr werdet auch über all das klar sein.

Der wichtige Beruf der Geisteswissenschaft in unserer Zeit wird sich zeigen, wenn sie ein Sauerteig in allem Leben geworden sein wird. Solange dieser Weg ins Leben noch nicht im vollen Sinne des Wortes betreten werden kann, sind die geisteswissenschaftlich Gesinnten erst im Anfang ihres Wirkens. Und solange werden sie wohl auch den Vorwurf hören müssen, daß ihre Lehren lebensfeindlich seien. Ja, sie sind, wie die Eisenbahn feindlich war einem Leben, das nur die Postkutsche als das « Lebenswahre » anzusehen vermochte. Sie sind so feindlich, wie die Zukunft feindlich der Vergangenheit ist.

Im folgenden soll auf einiges Besondere in dem Verhältnis von « Geisteswissenschaft und soziale Frage » eingegangen werden.
Zwei Ansichten stehen einander gegenüber in bezug auf die « soziale Frage ». Die eine sieht die Ursachen des Guten und Schlimmen im sozialen Leben mehr in den Menschen, die andere hauptsächlich in den Verhältnissen, innerhalb welcher die Menschen leben. Die Vertreter der ersteren Meinung werden dadurch den Fortschritt fördern wollen, daß sie die geistige und physische Tüchtigkeit der Menschen und ihr moralisches Fühlen zu heben trachten; diejenigen, welche zur zweiten Anschauung neigen, werden dagegen vor allem darauf bedacht sein, die Lebenslage zu heben, denn sie sagen sich, wenn die Menschen auskömmlich leben können, dann wird ihre Tüchtigkeit und ihr sittliches Empfinden von selbst auf einen höheren Stand sich bringen. Man kann wohl kaum leugnen, daß die zweite Ansicht heute stetig an Boden gewinnt. In vielen Kreisen gilt es als der Ausdruck eines ganz rückständigen Denkens, wenn man die erstere Anschauung noch besonders betont. Es wird da gesagt: wer vom frühen Morgen bis zum späten Abend mit der bittersten Not zu kämpfen hat, der kann zu einer Entwickelung seiner geistigen und moralischen Kräfte nicht kommen. Gebet einem solchen erst Brot, bevor ihr ihm von geistigen Angelegenheiten redet.

Insbesondere einem solchen Streben wie dem geisteswissenschaftlichen gegenüber spitzt sich die letztere Behauptung leicht zu einem Vorwurfe zu. Und es sind nicht die Schlechtesten in unserer Zeit, welche dergleichen Vorwürfe erheben. Solche sagen wohl: « Der waschechte Theosoph steigt sehr ungern von den devachanischen und kamischen Ebenen auf diese Erde herab. Man kaut lieber zehn Sanskritworte, ehe man sich darüber unterrichtet, was die Grundrente ist. » So ist zu lesen in einem vor kurzem erschienenen interessanten Buche « Die kulturelle Lage Europas beim Wiedererwachen des modernen Okkultismus » von G. L. Dankmar (Leipzig, Oswald Mutze, 1905).

Naheliegend ist es, den Vorwurf in der folgenden Form zu erheben. Man weist darauf hin, daß in unserer Zeit oftmals Familien von acht Köpfen in einer einzigen Stube zusammengepfercht sind, daß solchen Luft und Licht selbst fehlen, daß sie ihre Kinder zur Schule in einem Zustande schicken müssen, so daß Schwäche und Hunger sie zusammenbrechen lassen. Dann sagt man: müssen diejenigen, welche auf den Massenfortschritt bedacht sind, nicht vor allem ihr ganzes Streben darauf verwenden, in solchen Verhältnissen Abhilfe zu schaffen ? Statt ihr Denken auf die Lehren der höheren Geisteswelten sollten sie es auf die Frage lenken: wie sind die sozialen Notstände zu heben? « Steige die Theosophie aus ihrer eisigen Einsamkeit hinab unter Menschen, unter das Volk; stelle sie im Ernste und in Wahrheit die ethische Forderung der allgemeinen Brüderlichkeit an die Spitze ihres Programms, und handle sie, unbekümmert um alle Konsequenzen, danach; mache sie das Wort Christi von der Nächstenliebe zur sozialen Tat und sie wird köstlich unverlierbares Menschheitseigentum werden und bleiben. » So heißt es in obengenanntem Buche weiter.

Diejenigen, welche einen solchen Einwand gegen die Geisteswissenschaft erheben, meinen es gut. Ja, es soll ihnen sogar zugestanden werden, daß sie gegenüber vielen recht haben, die sich mit den geisteswissenschaftlichen Lehren beschäftigen. Zweifellos sind unter den letzeren solche, die nur für ihre eigenen geistigen Bedürfnisse sorgen wollen, die nur etwas wissen wollen über das « höhere Leben », über das Schicksal der Seele nach dem Tode usw. - Und man hat gewiß auch nicht unrecht, wenn man sagt, in der gegenwärtigen Zeit erscheint es nötiger, in gemeinnützigem Wirken, in den Tugenden der Nächstenliebe und Menschenwohlfahrt sich zu entfalten, als in weltfremder Einsamkeit irgendwelche in der Seele schlummernden höheren Fähigkeiten zu pflegen. Die letzteres vor allem wollen, könnten als Menschen von einer verfeinerten Selbstsucht gelten, denen das eigene Seelenwohl über den allgemeinen menschlichen Tugenden steht. - Nicht minder kann man hören, wie darauf hingewiesen wird, dass für ein geistiges Streben, wie es das geisteswissenschaftliche ist, doch nur Menschen Interesse haben können, denen es « gut geht », und welche daher ihre « müßige Zeit » solchen Dingen widmen können. Wer aber vom Morgen bis zum Abend für elenden Lohn seine Hände rühren muß, den soll man nicht abspeisen wollen mit Redensarten von allgemeiner Menscheneinheit, von « höherem Leben » und ähnlichen Dingen.

Gewiß ist, daß in der angedeuteten Richtung auch von geisteswissenschaftlich Strebenden mancherlei gesündigt wird. Aber nicht minder richtig ist, daß gut verstandenes geisteswissenschaftliches Leben den Menschen auch als Einzelnen zu den Tugenden der opferwilligen Arbeit und des gemeinnützigen Wirkens führen muß. Jedenfalls wird die Geisteswissenschaft niemand hindern können, ein ebenso guter Mensch zu sein wie andere es sind, die nichts von Geisteswissenschaft wissen oder wissen wollen. - Aber das alles berührt ja in bezug auf die « soziale Frage » gar nicht die Hauptsache. Um zu dieser Hauptsache vorzudringen, ist eben durchaus mehr notwendig, als die Gegner des geisteswissenschaftlichen Strebens zugeben wollen. Ohne weiteres soll diesen Gegner ja zugestanden werden, daß mit den Mitteln, welche von mancher Seite zur Verbesserung der sozialen Menschenlage vorgeschlagen werden, viel zu erreichen ist. Die eine Partei will das, die andere jenes. Mancherlei von solchen Parteiforderungen erweist sich dem klar Denkenden bald als Hirngespinst; manches aber enthält gewiß auch den allerbesten Kern.

Owen, der 1771 bis 1858 lebte, gewiß einer der edelsten Sozialreformatoren, hat immer wieder und wieder betont, daß der Mensch durch die Umgebung bestimmt werde, in welcher er aufwächst, daß des Menschen Charakter nicht durch ihn selbst gebildet werde, sondern durch die Lebensverhältnisse, in denen er gedeiht. Durchaus soll nicht das blendend Richtige bestritten werden, das solche Sätze haben. Und noch weniger sollen sie mit geringschätzigem Achselzucken behandelt werden, obgleich sie mehr oder weniger selbstverständlich sind. Vielmehr soll ohne weiteres zugestanden werden, daß vieles besser werden kann, wenn man im öffentlichen Leben sich nach solchen Erkenntnissen richtet. Deshalb wird aber auch die Geisteswissenschaft niemand hindern, sich an denjenigen Werken des Menschenfortschrittes zu beteiligen, die im Sinne solcher Erkenntnisse ein besseres Los der gedrückten und notleidenden Menschheitsklassen herbeiführen wollen.

Nur muß die Geisteswissenschaft tiefer gehen. Ein durchgreifender Fortschritt kann nämlich durch alle solche Mittel nimmermehr bewirkt werden. Wer das nicht zugibt, der hat sich niemals klar gemacht, woher die Lebensverhältnisse kommen, innerhalb welcher die Menschen sich befinden. So weit nämlich des Menschen Leben von diesen Verhältnissen abhängig ist, sind diese selbst von Menschen bewirkt. Oder wer hat denn die Einrichtungen getroffen, durch die der eine arm, der andere reich ist? Doch andere Menschen. Das ändert doch wahrlich nichts an dieser Sachlage, daß diese « anderen Menschen » zumeist vor denen gelebt haben, die unter den Verhältnissen gedeihen oder nicht gedeihen. Die Leiden, die dem Menschen die Natur selbst auferlegt, kommen für die soziale Lage doch nur mittelbar in Betracht. Diese Leiden müssen eben durch das menschliche Handeln gelindert, oder ganz beseitigt werden. Geschieht das nicht, was in dieser Richtung notwendig ist, so fehlt es also doch nur an den menschlichen Einrichtungen. - Ein gründliches Erkennen der Dinge lehrt, daß alle Übel, von denen mit Recht als von sozialen gesprochen werden kann, auch von den menschlichen Taten herrühren. Gewiß ist in dieser Beziehung nicht der einzelne Mensch, sicher aber die ganze Menschheit der « Schmied des eigenen Glückes ».

So gewiß aber dieses ist, so wahr ist auch, daß in größerem Umfange kein beträchtlicher Teil der Menschheit, keine Kaste oder Klasse das Leid eines anderen Teiles in böswilliger Absicht bewirkt. Alles, was in dieser Richtung behauptet wird, beruht auf bloßem Mangel an Einsicht. Trotzdem auch dies eigentlich eine selbstverständliche Wahrheit ist, muß sie doch ausgesprochen werden. Denn wenn auch solche Dinge mit dem Verstande leicht durchschaut werden, so verhält man sich doch im praktischen Leben nicht in ihrem Sinne. Jedem Ausbeuter seiner Mitmenschen wäre natürlich das liebste, wenn die Opfer seiner Ausbeutung nicht zu leiden hätten. Man käme weit, wenn man das nicht bloß selbstverständlich fände, sondern auch seine Empfindungen und Gefühle darnach einrichtete.

Ja, aber was soll man mit solchen Behauptungen anfangen? So wird zweifellos mancher « sozial Denkende » einwenden. Soll etwa gar der Ausgebeutete dem Ausbeuter mit wohlwollenden Gefühlen gegenüberstehen ? Ist es nicht zu begreiflich, wenn der erstere den letzteren haßt und aus dem Hasse heraus zu seiner Parteistellung geführt wird? Es wäre doch wahrlich ein schlechtes Rezept - so wird man weiter einwenden -, wenn der Bedrückte dem Bedrücker gegenüber an die Menschenliebe gemahnt würde, etwa im Sinne des Satzes vom großen Buddha: « Haß wird nicht durch Haß, sondern allein durch Liebe überwunden. »

Dennoch führt die Erkenntnis, die an diesen Punkt anknüpft, allein in der gegenwärtigen Zeit zu einem wirklichen « sozialen Denken ». Und hier ist es eben, wo geisteswissenschaftliche Gesinnung einsetzt. Diese kann nämlich nicht an der Oberfläche des Verständnisses haften, sondern muß in die Tiefe dringen. Deshalb kann sie nicht dabei stehen bleiben, zu zeigen, daß durch diese oder jene Verhältnisse Elend geschaffen wird, sondern sie muß zu der allein fruchtbaren Erkenntnis vordringen, wodurch diese Verhältnisse geschaffen worden sind und noch fortwährend geschaffen werden. Und gegenüber diesen tieferen Fragen erweisen sich die meisten sozialen Theorien eben nur als « graue Theorien », wenn nicht gar als bloße Redensarten.

Solange man mit seinem Denken an der Oberfläche bleibt, solange schreibt man den Verhältnissen, überhaupt dem Äußerlichen eine ganz falsche Macht zu. Diese Verhältnisse sind nämlich nur der Ausdruck eines inneren Lebens. Und so wie nur derjenige den menschlichen Körper versteht, der weiß, daß dieser der Ausdruck der Seele ist, so kann auch nur derjenige die äußeren Einrichtungen im Leben richtig beurteilen, der sich klar macht, daß diese nichts anderes sind als das Geschöpf der Menschenseelen, die ihre Empfindungen, Gesinnungen und Gedanken darin verkörpern. Die Verhältnisse, in denen man lebt, sind von den Mitmenschen geschaffen; und man wird niemals selbst bessere schaffen, wenn man nicht von anderen Gedanken, Gesinnungen und Empfindungen ausgeht, als jene Schöpfer hatten.

Man betrachte solche Dinge im einzelnen. Äußerlich wird leicht derjenige als Bedrücker erscheinen, der einen prunkvollen Haushalt führen, in der Eisenbahn die erste Klasse benützen kann usw. Und als der Bedrückte wird erscheinen, wer einen schlechten Rock tragen und vierter Klasse fahren muß. Man braucht aber kein mitleidloses Individuum, auch kein Reaktionär oder dergleichen zu sein, um mit klarem Denken doch das folgende zu verstehen. Niemand wird dadurch bedrückt und ausgebeutet, daß ich diesen oder jenen Rock trage, sondern allein dadurch, daß ich den Arbeiter, der für mich den Rock anfertigt, zu wenig entlohne. Der arme Arbeiter, der sich seinen schlechten Rock für weniges Geld erwirbt, ist nun gegenüber seinem Mitmenschen in dieser Beziehung in genau der gleichen Lage wie der Reiche, der sich den besseren Rock machen läßt. Ob ich arm bin oder reich: ich beute aus, wenn ich Dinge erwerbe, die nicht genügend bezahlt werden. Eigentlich dürfte heute keiner irgendeinen andern einen Bedrücker nennen, denn er sehe sich nur einmal selbst an. Tut er das letztere genau, so wird er in sich bald auch den « Bedrücker » entdecken. Wird denn die Arbeit, die du an den Wohlhabenden liefern mußt, nur an diesen zu dem schlechten Lohn geliefert? Nein, derjenige, der neben dir sitzt, und mit dir über Bedrückung klagt, verschafft sich deiner Hände Arbeit zu genau den gleichen Bedingungen wie der Wohlhabende, gegen den ihr euch beide wendet. Man denke das einmal durch, und man wird andere Anhaltspunkte zu « sozialem Denken » finden, als die gebräuchlichen sind.

Man wird vor allem durch ein in dieser Richtung gehendes Nachdenken darüber klar werden, daß man die Begriffe « Reich » und « Ausbeuter » vollkommen trennen muß. Ob man heute reich oder arm ist, das hängt von der persönlichen Tüchtigkeit oder von derjenigen seiner Vorfahren ab, oder von ganz anderen Dingen. Daß man Ausbeuter der Arbeitskraft anderer ist, das aber hat gar nichts mit diesen Dingen zu tun. Wenigstens nicht unmittelbar. Aber mit anderem hat es sehr viel zu tun. Nämlich damit, daß unsere Einrichtungen oder die uns umgebenden Verhältnisse auf den persönlichen Eigennutz aufgebaut sind. Man muß darüber ganz klar denken, sonst wird man zu der verkehrtesten Auffassung dessen kommen, was gesagt wird. Wenn ich heute einen Rock erwerbe, so erscheint es, nach den bestehenden Verhältnissen, ganz natürlich, daß ich ihn so billig wie nur möglich erwerbe. Das heißt: ich habe dabei nur mich im Auge. Damit ist aber der Gesichtspunkt angedeutet, welcher unser ganzes Leben beherrscht. Nun wird man leicht mit einem Einwande zur Stelle sein können. Man kann sagen: bestreben sich denn nicht eben die sozial denkenden Parteien und Persönlichkeiten, diesem Übel abzuhelfen? Bemüht man sich nicht, die « Arbeit » zu schützen? Fordern nicht die arbeitenden Klassen und ihre Vertreter, Lohnverbesserungen und Arbeitszeiteinschränkungen? Schon oben ist gesagt worden, daß von dem Standpunkte der Gegenwart auch nicht das geringste gegen solche Forderungen und Maßnahmen einwendet werden soll. Natürlich soll damit auch nicht irgendeiner der bestehenden Parteiforderungen das Wort geredet werden. Im einzelnen kommt von dem Gesichtspunkte aus, um den es sich hier handelt, keine Parteinahme, weder « für » noch « gegen » in Betracht. Solches liegt zunächst ganz außerhalb der geisteswissenschaftlichen Betrachtungsweise.

Man mag noch so viele Verbesserungen zum Schutze irgendeiner Arbeitsklasse einführen, und damit gewiß viel zur Hebung der Lebenslage dieser oder jener Menschengruppe beitragen: Das Wesen der Ausbeutung wird dadurch nicht gemildert. Denn dieses hängt davon ab, daß ein Mensch unter dem Gesichtspunkt des Eigennutzes sich die Arbeitsprodukte des anderen erwirbt. Ob ich viel oder wenig habe: bediene ich mich dessen, was ich habe, zur Befriedigung meines Eigennutzes, so muß dadurch der andere ausgebeutet werden. Selbst wenn ich bei Aufrechterhaltung dieses Gesichtspunktes seine Arbeit schütze, so ist damit nur scheinbar etwas getan. Bezahle ich die Arbeit des anderen teurer, so muß er dafür auch die meine teurer bezahlen, wenn nicht durch die Besserstellung des einen die Schlechterstellung des anderen bewirkt werden soll.

Ein anderes Beispiel soll zur Erläuterung hier angeführt werden. Wenn ich eine Fabrik kaufe, um durch dieselbe möglichst viel für mich zu erwerben, so werde ich sehen, die Arbeitskräfte so billig wie nur möglich zu erhalten usw. Alles, was geschieht, wird unter dem Gesichtspunkt des persönlichen Eigennutzes stehen. - Kaufe ich dagegen die Fabrik mit dem Gesichtspunkte, zweihundert Menschen möglichst gut zu versorgen, so werden alle meine Maßnahmen eine andere Färbung annehmen. - Praktisch wird sich heute gewiß der zweite Fall von dem ersten nicht gerade viel unterscheiden können. Das hängt aber lediglich daran, daß der einzelne Selbstlose nicht allzu viel vermag innerhalb einer Gemeinschaft, die im übrigen auf den Eigennutz aufgebaut ist. Ganz anders aber würde sich die Sache stellen, wenn die uneigennützige Arbeit eine allgemeine wäre.

Ein « praktisch » Denkender wird natürlich meinen, daß durch die bloße « gute Gesinnung » sich doch niemand die Möglichkeit verschaffen könne, seinen Arbeitern zu besseren Lohnverhältnissen zu verhelfen Denn man steigere doch durch Wohlwollen nicht das Erträgnis für seine Waren, und ohne das könne man auch für den Arbeiter keine besseren Bedingungen schaffen. - Und gerade darauf kommt es an, einzusehen, daß dieser Einwand ein vollkommener Irrtum ist. Alle Interessen und damit alle Lebensverhältnisse ändern sich, wenn man bei der Erwerbung einer Sache nicht mehr sich, sondern die anderen im Auge hat. Auf was muß jemand sehen, der nur seinem Eigenwohle dienen kann? Doch darauf, daß er möglichst viel erwerbe. Wie die anderen arbeiten müssen, um seine Bedürfnisse zu befriedigen, darauf kann er keine Rücksicht nehmen. Er muß also dadurch seine Kräfte im Kampfe ums Dasein entfalten. Begründe ich eine Unternehmung, die mir möglichst viel einbringen soll, so frage ich nicht, auf welche Art die Arbeitskräfte in Bewegung gesetzt werden, die für mich arbeiten. Komme ich aber gar nicht in Frage, sondern nur der Gesichtspunkt: wie dient meine Arbeit den anderen? so ändert sich alles. Nichts nötigt mich dann, irgend etwas zu unternehmen, was einem anderen abträglich sein kann. Ich stelle dann meine Kräfte nicht in meinen Dienst, sondern in den der anderen. Und das hat eine ganz andere Entfaltung der Kräfte und Fähigkeiten der Menschen zur Folge. Wie das die Lebensverhältnisse praktisch ändert, davon im Schluß des Aufsatzes.

Robert Owen darf in einem gewissen Sinne als ein Genie der praktischen sozialen Wirksamkeit bezeichnet werden. Zwei Eigenschaften waren bei ihm vorhanden, welche diese Bezeichnung wohl rechtfertigen mögen: ein umsichtiger Blick für sozialnützliche Einrichtungen und eine edle Menschenliebe. Man braucht nur zu betrachten, was er durch diese beiden Fähigkeiten zustande gebracht hat, um deren ganze Bedeutung richtig zu würdigen. Er schuf in New Lanark mustervolle industrielle Einrichtungen, und beschäftigte die Arbeiter dabei in einer Weise, daß sie nicht nur ein menschenwürdiges Dasein in materieller Beziehung hatten, sondern daß sie auch innerhalb moralisch befriedigender Verhältnisse lebten. Die Personen, welche da zusammengebracht wurden, waren zum Teil herabgekommen, dem Trunk ergeben. Er stellte bessere Elemente zwischen solche ein, die durch ihr Beispiel auf die andern wirkten. Und so wurden die denkbar günstigsten Ergebnisse zustande gebracht. Was Owen da gelang, macht es unmöglich, ihn mit anderen mehr oder weniger phantastischen « Weltverbesserern » sogenannten Utopisten - auf eine Stufe zu stellen. Er hielt sich eben im Rahmen praktisch ausführbarer Einrichtungen, von denen auch jeder aller Träumerei abgeneigte Mensch voraussetzen kann, daß sie zunächst auf einem gewissen beschränkten Gebiete das menschliche Elend aus der Welt schaffen würden. Auch ist es nicht unpraktisch gedacht, wenn man den Glauben hegt, daß solch ein kleines Gebiet als Muster wirken und von ihm allmählich eine gesunde Entwickelung des Menschenloses in sozialer Richtung angeregt werden könnte.

Owen selbst dachte wohl so. Deshalb wagte er sich auf der betretenen Bahn noch einen weiteren Schritt vorwärts. Im Jahre 1824 ging er daran, im Gebiete Indiana in Nordamerika eine Art kleinen Musterstaates zu schaffen. Er erwarb ein Landgebiet, auf dem er eine auf Freiheit und Gleichheit gebaute menschliche Gemeinschaft begründen wollte. Alle Einrichtungen wurden so getroffen, daß Ausbeutung und Knechtung Unmöglichkeit waren. Wer an eine solche Aufgabe herantritt, muß die schönsten sozialen Tugenden mitbringen: die Sehnsucht, seine Mitmenschen glücklich zu machen, und den Glauben an die Güte der Menschennatur. Er muß der Ansicht sein, daß sich ganz von selbst innerhalb dieser Menschennatur die Lust zu arbeiten entwickeln werde, wenn der Segen dieser Arbeit durch entsprechende Einrichtungen gesichert erscheint.

In Owen war dieser Glaube so stark vorhanden, daß es schon recht schlimme Erfahrungen sein mußten, die ihn in demselben wankend werden ließen.

Und - diese schlimmen Erfahrungen traten wirklich ein. Owen mußte nach langen edlen Bemühungen zu dem Bekenntnis kommen, daß « man mit der Verwirklichung solcher Kolonien stets scheitern müsse, wenn man nicht vorher die allgemeine Sitte umgewandelt; und daß es mehr wert wäre, auf die Menschheit auf dem theoretischen Wege einzuwirken, als auf dem der Praxis ». - Zu solcher Meinung ist dieser Sozialreformer durch die Tatsache gedrängt worden, daß sich Arbeitsunlustige genug fanden, welche die Arbeit auf ihre Mitmenschen abladen wollten, wodurch Streit, Kampf und zuletzt der Bankerott der Kolonie folgen mußten.


Owens Erfahrung kann lehrreich sein für alle, die wirklich lernen wollen. Sie kann hinüberleiten von allen künstlich geschaffenen und künstlich ausgedachten Einrichtungen zum Heile der Menschheit zu fruchtbarer, mit der wahren Wirklichkeit rechnenden sozialen Arbeit. Gründlich geheilt konnte Owen sein durch seine Erfahrung von dem Glauben, daß alles Menschenelend nur bewirkt werde durch die « schlechten Einrichtungen », in denen die Menschen leben, und daß die Güte der Menschennatur schon von selbst zutage treten werde, wenn man diese Einrichtungen verbessert. Er mußte sich davon überzeugen, daß gute Einrichtungen überhaupt nur aufrecht zu erhalten sind, wenn die daran beteiligten Menschen ihrer inneren Natur nach dazu geneigt sind, sie zu erhalten, wenn diese mit warmem Anteile an ihnen hängen.

Man könnte nun zunächst daran denken, es sei notwendig, die Menschen, denen man solche Einrichtungen verschaffen will, theoretisch darauf vorzubereiten. Etwa dadurch, daß man ihnen das Richtige und Zweckentsprechende der Maßnahmen klar machte. Es liegt für einen Unbefangenen gar nicht so ferne, aus Owens Bekenntnis so etwas herauszulesen. Und dennoch kann man zu einem wirklich praktischen Ergebnis nur dadurch gelangen, daß man tiefer in die Sache eindringt. Man muß von dem bloßen Glauben an die Güte der Menschennatur, der Owen getäuscht hat, zu wirklicher Menschenkenntnis vorschreiten. - Alle Klarheit, welche die Menschen jemals darüber sich aneignen könnten, daß irgendwelche Einrichtungen zweckmäßig sind und der Menschheit zum Segen gereichen können- alle solche Klarheit kann auf die Dauer nicht zum gewünschten Ziele führen. Denn durch solch eine klare Einsicht wird der Mensch nicht die inneren Antriebe zur Arbeit gewinnen können, wenn auf der anderen Seite sich bei ihm die im Egoismus begründeten Triebe geltend machen. Dieser Egoismus ist einmal zunächst ein Teil der Menschennatur. Und das führt dazu, daß er sich im Gefühl des Menschen regt, wenn dieser innerhalb der Gesellschaft mit anderen zusammen leben und arbeiten soll. Mit einer gewissen Notwendigkeit führt dies dazu, daß in der Praxis die meisten eine solche gesellschaftliche Einrichtung für die beste halten werden, durch welche der einzelne seine Bedürfnisse am besten befriedigen kann. So bildet sich unter dem Einfluß der egoistischen Gefühle ganz naturgemäß die soziale Frage in der Form heraus: welche gesellschaftlichen Einrichtungen müssen getroffen werden, damit ein jeder für sich das Erträgnis seiner Arbeit haben kann? Und besonders in unserer materialistisch denkenden Zeit rechnen nur wenige mit einer anderen Voraussetzung. Wie oft kann man es wie eine selbstverständliche Wahrheit aussprechen hören, daß eine soziale Ordnung ein Unding sei, welche auf Wohlwollen und Menschenmitgefühl sich aufbauen will. Man rechnet vielmehr damit, daß das Ganze einer menschlichen Gemeinschaft am besten gedeihen könne, wenn der einzelne den « vollen » oder den größtmöglichen Ertrag seiner Arbeit auch einheimsen kann.

Genau das Gegenteil davon lehrt nun der Okkultismus, der auf eine tiefere Erkenntnis des Menschen und der Welt begründet ist. Er zeigt gerade, daß alles menschliche Elend lediglich eine Folge des Egoismus ist, und daß in einer Menschengemeinschaft ganz notwendig zu irgendeiner Zeit Elend, Armut und Not sich einstellen müssen, wenn diese Gemeinschaft in irgendeiner Art auf dem Egoismus beruht. Um das einzusehen, dazu gehören allerdings tiefere Erkenntnisse, als es diejenigen sind, welche da und dort unter der Flagge der sozialen Wissenschaft segeln. Diese « soziale Wissenschaft » rechnet eben nur mit der Außenseite des Menschenlebens, nicht aber mit den tiefer liegenden Kräften desselben. Ja, es ist sogar sehr schwierig, bei der Mehrzahl der gegenwärtigen Menschen in ihnen auch nur ein Gefühl davon zu erwecken, daß von solchen tiefer liegenden Kräften die Rede sein könne. Sie betrachten denjenigen als einen unpraktischen Phantasten, der ihnen mit solchen Dingen irgendwie kommt. Nun kann aber auch hier gar nicht einmal der Versuch gemacht werden, eine auf tiefer liegende Kräfte gebaute soziale Theorie zu entwickeln. Denn dazu wäre ein ausführliches Werk nötig. Nur eines kann geleistet werden: auf die wahren Gesetze des menschlichen Zusammenarbeitens kann hingewiesen und gezeigt werden, welche vernünftigen sozialen Erwägungen sich für den Kenner dieser Gesetze ergeben. Das volle Verständnis der Sache kann nur derjenige gewinnen, welcher sich eine auf den Okkultismus begründete Weltauffassung erwirbt. Und auf die Vermittlung einer solchen Weltauffassung arbeitet ja diese ganze Zeitschrift hin. Man kann sie nicht von einem einzelnen Aufsatz über die « soziale Frage » erwarten. Alles, was dieser sich zur Aufgabe machen kann, ist, vom okkulten Standpunkte aus ein Schlaglicht zu werfen auf diese Frage. Es wird ja immerhin Personen geben, welche das gefühlsmäßig in seiner Richtigkeit erkennen, was in aller Kürze vorgebracht werden soll, und welches unmöglich in aller Ausführlichkeit dargelegt werden kann.

Nun, das soziale Hauptgesetz, welches durch den Okkultismus aufgewiesen wird, ist das folgende: «Das Heil einer Gesamtheit von zusammenarbeitenden Menschen ist um so größer, je weniger der einzelne die Erträgnisse seiner Leistungen für sich beansprucht, das heißt, je mehr er von diesen Erträgnissen an seine Mitarbeiter abgibt, und je mehr seine eigenen Bedürfnisse nicht aus seinen Leistungen, sondern aus den Leistungen der anderen befriedigt werden.» Alle Einrichtungen innerhalb einer Gesamtheit von Menschen, welche diesem Gesetz widersprechen, müssen bei längerer Dauer irgendwo Elend und Not erzeugen - Dieses Hauptgesetz gilt für das soziale Leben mit einer solchen Ausschließlichkeit und Notwendigkeit, wie nur irgendein Naturgesetz in bezug auf irgendein gewisses Gebiet von Naturwirkungen gilt. Man darf aber nicht denken, daß es genüge, wenn man dieses Gesetz als ein allgemeines moralisches gelten läßt oder es etwa in die Gesinnung umsetzen wollte, daß ein jeder im Dienste seiner Mitmenschen arbeite. Nein, in der Wirklichkeit lebt das Gesetz nur so, wie es leben soll, wenn es einer Gesamtheit von Menschen gelingt, solche Einrichtungen zu schaffen, daß niemals jemand die Früchte seiner eigenen Arbeit für sich selber in Anspruch nehmen kann, sondern doch diese möglichst ohne Rest der Gesamtheit zugute kommen. Er selbst muß dafür wiederum durch die Arbeit seiner Mitmenschen erhalten werden. Worauf es also ankommt, das ist, daß für die Mitmenschen arbeiten und ein gewisses Einkommen erzielen zwei voneinander ganz getrennte Dinge seien.

Diejenigen, welche sich einbilden, « praktische Menschen » zu sein, werden - darüber gibt sich der Okkultist keiner Täuschung hin - über diesen « haarsträubenden Idealismus » nur ein Lächeln haben. Und dennoch ist das obige Gesetz praktischer als nur irgendein anderes, das jemals von « Praktikern » ausgedacht oder in die Wirklichkeit eingeführt worden ist. Wer nämlich das Leben wirklich untersucht, der kann finden, daß eine jede Menschengemeinschaft, die irgendwo existiert, oder die nur jemals existiert hat, zweierlei Einrichtungen hat. Der eine dieser beiden Teile entspricht diesem Gesetze, der andere widerspricht ihm. So muß es nämlich überall kommen, ganz gleichgültig, ob die Menschen wollen oder nicht. Jede Gesamtheit zerfiele nämlich sofort, wenn nicht die Arbeit der einzelnen dem Ganzen zufließen würde. Aber der menschliche Egoismus hat auch von jeher dieses Gesetz durchkreuzt. Er hat für den einzelnen möglichst viel aus seiner Arbeit herauszuschlagen gesucht. Und nur dasjenige, was auf diese Art aus dem Egoismus hervorgegangen ist, hat von jeher Not, Armut und Elend zur Folge gehabt. Das heißt aber doch nichts anderes, als daß immer derjenige Teil der menschlichen Einrichtungen sich als unpraktisch erweisen muß, der von den « Praktikern » auf die Art zustande gebracht wird, daß dabei entweder mit dem eigenen oder dem fremden Egoismus gerechnet wird.

Nun kann es sich aber natürlich nicht bloß darum handeln, daß man ein solches Gesetz einsieht, sondern die wirkliche Praxis beginnt mit der Frage: wie kann man es in die Wirklichkeit umsetzen? Es ist klar, daß dieses Gesetz nichts Geringeres besagt als dieses: Die Menschenwohlfahrt ist um so größer, je geringer der Egoismus ist. Man ist also bei der Umsetzung in die Wirklichkeit darauf angewiesen, daß man es mit Menschen zu tun habe, die den Weg aus dem Egoismus herausfinden. Das ist aber praktisch ganz unmöglich, wenn das Maß von Wohl und Wehe des einzelnen sich nach seiner Arbeit bestimmt. Wer für sich arbeitet, muß allmählich dem Egoismus verfallen. Nur wer ganz für die anderen arbeitet, kann nach und nach ein unegoistischer Arbeiter werden.

Dazu ist aber eine Voraussetzung notwendig. Wenn ein Mensch für einen anderen arbeitet, dann muß er in diesem anderen den Grund zu seiner Arbeit finden; und wenn jemand für die Gesamtheit arbeiten soll, dann muß er den Wert, die Wesenheit und Bedeutung dieser Gesamtheit empfinden und fühlen. Das kann er nur dann, wenn die Gesamtheit noch etwas ganz anderes ist als eine mehr oder weniger unbestimmte Summe von einzelnen Menschen. Sie muß von einem wirklichen Geiste erfüllt sein, an dem ein jeder Anteil nimmt. Sie muß so sein, daß ein jeder sich sagt: sie ist richtig, und ich will, daß sie so ist. Die Gesamtheit muß eine geistige Mission haben; und jeder einzelne muß beitragen wollen, daß diese Mission erfüllt werde. All die unbestimmten, abstrakten Fortschrittsideen, von denen man gewöhnlich redet, können eine solche Mission nicht darstellen. Wenn nur sie herrschen, so wird ein einzelner da, oder eine Gruppe dort arbeiten, ohne daß diese übersehen, wozu sonst ihre Arbeit etwas nütze ist, als daß sie und die Ihrigen, oder etwa noch die Interessen, an denen gerade sie hängen, dabei ihre Rechnung finden - Bis in den einzelsten herunter muß dieser Geist der Gesamtheit lebendig sein.

Gutes ist von jeher nur dort gediehen, wo in irgendeiner Art ein solches Leben des Gesamtgeistes erfüllt war. Der einzelne Bürger einer griechischen Stadt des Altertums, ja auch derjenige einer freien Stadt im Mittelalter hatte so etwas wie wenigstens ein dunkles Gefühl von einem solchen Gesamtgeist. Es ist kein Einwand dagegen, daß zum Beispiel die entsprechenden Einrichtungen im alten Griechenland nur möglich waren, weil man ein Heer von Sklaven hatte, welche für die « freien Bürger » die Arbeit verrichteten und die dazu nicht von dem Gesamtgeist, sondern durch den Zwang ihrer Herren getrieben worden sind. - An diesem Beispiele kann man nur das eine lernen, daß das Menschenleben der Entwicklung unterliegt. Gegenwärtig ist die Menschheit eben auf einer Stufe angelangt, wo eine solche Lösung der Gesellschaftsfrage, wie sie im alten Griechenland herrschte, unmöglich ist. Selbst den edelsten Griechen galt die Sklaverei nicht als ein Unrecht, sondern als eine menschliche Notwendigkeit. Deshalb konnte zum Beispiel der große Plato ein Staatsideal aufstellen, in dem der Gesamtgeist dadurch in Erfüllung geht, daß die Mehrzahl der Arbeitsmenschen von den wenigen Einsichtsvollen zur Arbeit gezwungen werde. Die Aufgabe der Gegenwart aber ist, die Menschen in eine solche Lage zu bringen, daß ein jeder aus seinem innersten Antriebe heraus die Arbeit für die Gesamtheit leistet.

 

Deshalb soll niemand daran denken, eine für alle Zeiten gültige Lösung der sozialen Frage zu suchen, sondern lediglich daran, wie sich sein soziales Denken und Wirken mit Rücksicht auf die unmittelbaren Bedürfnisse der Gegenwart gestalten muß, in welcher er lebt. - Es kann überhaupt kein einzelner heute irgend etwas theoretisch ausdenken oder in die Wirklichkeit umsetzen, was als solches die soziale Frage lösen könnte. Dazu müßte er die Macht haben, eine Anzahl von Menschen in die von ihm geschaffenen Verhältnisse hineinzuzwingen. Es kann ja gar kein Zweifel darüber bestehen: hätte Owen die Macht oder den Willen gehabt, all die Menschen seiner Kolonie zu der ihnen zukommenden Arbeit zu zwingen, dann hätte die Sache gehen müssen. Aber um solchen Zwang kann es sich gerade in der Gegenwart nicht handeln Es muß die Möglichkeit herbeigeführt werden, daß ein jeder freiwillig tut, wozu er berufen ist nach dem Maß seiner Fähigkeiten und Kräfte. Aber gerade deshalb kann es sich nie und nimmer darum handeln, daß im Sinne des oben angeführten Owenschen Bekenntnisses so auf die Menschen « im theoretischen Sinne » einzuwirken sei, daß ihnen eine bloße Ansicht darüber vermittelt werde, wie sich die ökonomischen Verhältnisse am besten einrichten lassen. Eine nüchterne ökonomische Theorie kann niemals ein Antrieb gegen die egoistischen Mächte sein. Eine Zeitlang vermag eine solche ökonomische Theorie den Massen einen gewissen Schwung zu verleihen, der dem Scheine nach einem Idealismus ähnlich ist. Auf die Dauer aber kann eine solche Theorie niemandem nützen. Wer einer Menschenmasse eine solche Theorie einimpft, ohne ihr etwas anderes wirklich Geistiges zu geben, der versündigt sich an dem wahren Sinn der menschlichen Entwickelung.

Das, was allein helfen kann, ist eine geistige Weltanschauung, welche durch sich selbst, durch das, was sie zu bieten vermag, sich in die Gedanken, in die Gefühle, in den Willen, kurz in die ganze Seele des Menschen einlebt. Der Glaube, den Owen gehabt hat an die Güte der Menschennatur, ist nur teilweise richtig, zum anderen Teile ist er aber eine der ärgsten Illusionen. Er ist insofern richtig, als in jedem Menschen ein « höheres Selbst » schlummert, das erweckt werden kann. Aber es kann aus seinem Schlummer nur erlöst werden durch eine Weltauffassung, welche die oben genannten Eigenschaften hat. Bringt man Menschen in Einrichtungen, wie sie von Owen erdacht waren, dann wird die Gemeinschaft im schönsten Sinne gedeihen. Führt man aber Menschen zusammen, die eine solche Weltauffassung nicht haben, dann wird das Gute der Einrichtungen sich ganz notwendig nach einer kürzeren oder längeren Zeit zum Schlechten verkehren müssen. Bei Menschen ohne eine auf den Geist sich richtende Weltauffassung müssen nämlich notwendig gerade diejenigen Einrichtungen, welche den materiellen Wohlstand befördern, auch eine Steigerung des Egoismus bewirken, und damit nach und nach Not, Elend und Armut erzeugen. - Es ist eben in des Wortes ureigenster Bedeutung richtig: nur dem einzelnen kann man helfen, wenn man ihm bloß Brot verschafft; einer Gesamtheit kann man nur dadurch Brot verschaffen, daß man ihr zu einer Weltauffassung verhilft. Es würde nämlich auch das gar nichts nützen, wenn man von einer Gesamtheit jedem einzelnen Brot verschaffen wollte. Nach einiger Zeit müßte sich dann doch die Sache so gestalten, daß viele wieder kein Brot haben.

Die Erkenntnis dieser Grundsätze nimmt allerdings gewissen Leuten, die sich zu Volksbeglückern aufwerfen möchten, manche Illusion. Denn sie macht das Arbeiten am sozialen Wohle zu einer recht schwierigen Sache. Und noch dazu zu einer solchen, in der sich die Erfolge unter gewissen Verhältnissen nur aus ganz kleinen Teilerfolgen zusammensetzen lassen. Das meiste von dem, was heute ganze Parteien als Heilmittel im sozialen Leben ausgeben, verliert seinen Wert, erweist sich als eitel Täuschung und Reden, ohne genügende Kenntnis des Menschenlebens. Kein Parlament, keine Demokratie, keine Massenagitation, nichts von alledem kann für den tiefer Blickenden eine Bedeutung haben, wenn es das oben ausgesprochene Gesetz verletzt. Und alles Derartige kann dann günstig wirken, wenn es sich im Sinne dieses Gesetzes verhält. Es ist eine schlimme Illusion, zu glauben, daß irgendwelche Abgeordnete eines Volkes in irgendeinem Parlamente etwas beitragen können zum Heile der Menschheit, wenn ihr Wirken nicht im Sinne des sozialen Hauptgesetzes eingerichtet ist.

Wo immer dieses Gesetz in die Erscheinung tritt, wo immer jemand in seinem Sinne wirkt, soweit es ihm möglich ist auf dem Platze, auf den er in der Menschengemeinschaft gestellt ist: da wird Gutes erzielt, und wenn es im einzelnen Falle auch in einem noch so geringen Maße der Fall ist. Und nur aus Einzelwirkungen, welche auf solche Art zustande kommen, setzt sich ein heilsamer sozialer Gesamtfortschritt zusammen. - Allerdings kommt es auch vor, daß in einzelnen Fällen größere Menschengemeinschaften eine besondere Anlage dazu besitzen, mit ihrer Hilfe in der angedeuteten Richtung einen größeren Erfolg auf einmal zu erzielen. Es gibt auch jetzt schon bestimmte Menschengemeinschaften, in deren Anlagen sich dergleichen vorbereitet. Sie werden es möglich machen, daß mit ihrer Hilfe die Menschheit gleichsam einen Ruck, einen Sprung in sozialer Entwickelung vollbringt. Dem Okkultismus sind solche Menschengemeinschaften bekannt; es kann aber nicht seine Aufgabe sein, über derlei Dinge öffentlich zu sprechen. - Und es gibt ja auch Mittel, größere Menschenmassen zu einem solchen Sprung, der wohl gar in absehbarer Zeit gemacht werden kann, vorzubereiten. Was aber jeder tun kann, das ist, im Sinne obigen Gesetzes in seinem Bereich zu wirken. Es gibt keine Stellung eines Menschen in der Welt, innerhalb welcher man das nicht kann: sie möge anscheinend noch so unbedeutend oder noch so einflußreich sein.

Das Wichtigste ist ja allerdings, daß ein jeglicher die Wege sucht zu einer Weltauffassung, die sich auf wahre Erkenntnis des Geistes richtet. Die anthroposophische Geistesrichtung kann sich zu einer solchen Auffassung für alle Menschen herausbilden, wenn sie sich immer mehr in der Art ausgestaltet, wie es ihrem Inhalte und den in ihr vorhandenen Anlagen entspricht. Durch sie kann der Mensch erfahren, daß er nicht zufällig an irgendeinem Orte und zu irgendeiner Zeit geboren ist, sondern daß er durch das geistige Ursachengesetz, das Karma, mit Notwendigkeit an den Ort hingestellt ist, an dem er sich befindet. Er kann einsehen, daß ihn sein wohlbegründetes Schicksal in die Menschengemeinschaft hineingestellt hat, innerhalb welcher er ist. Auch von seinen Fähigkeiten kann er gewahr werden, daß sie ihm nicht durch ein blindes Ohngefähr zugefallen sind, sondern daß sie einen Sinn haben innerhalb des Ursachengesetzes.

Und er kann das alles so einsehen, daß diese Einsicht nicht eine bloße nüchterne Vernunftsache bleibt, sondern daß sie allmählich seine ganze Seele mit innerem Leben erfüllt.

Es wird ihm das Gefühl davon aufgehen, daß er einen höheren Sinn erfüllt, wenn er im Sinne seines Platzes in der Welt und im Sinne seiner Fähigkeiten arbeitet. Kein schattenhafter Idealismus wird aus dieser Einsicht folgen, sondern ein mächtiger Impuls aller seiner Kräfte, und er wird dieses Handeln in solcher Richtung als etwas so Selbstverständliches ansehen, wie in einer anderen Beziehung Essen und Trinken. Und ferner wird er den Sinn erkennen, welcher mit der Menschengemeinschaft verbunden ist, welcher er angehört. Er wird die Verhältnisse begreifen, in denen seine Menschengemeinschaft sich zu anderen stellt; und so werden sich die Einzelgeister dieser Gemeinschaften zusammenfügen zu einem geistigzielvollen Bilde von der einheitlichen Mission des ganzen Menschengeschlechtes. Und von dem Menschengeschlecht wird seine Erkenntnis hinüberschweifen können zu dem Sinne des ganzen Erdendaseins. Nur wer sich nicht auf die in dieser Richtung angedeutete Weltauffassung einläßt, kann Zweifel daran hegen, daß sie so wirken muß, wie hier angegeben wird. In heutiger Zeit ist freilich bei den meisten Menschen wenig Neigung vorhanden, sich auf so etwas einzulassen. Aber es kann nicht ausbleiben, daß die richtige geisteswissenschaftliche Vorstellungsart immer weitere Kreise zieht. Und in dem Maße, als sie das tut, werden die Menschen das Richtige treffen, um den sozialen Fortschritt zu bewirken. Man kann nicht aus dem Grunde daran Zweifel hegen, weil angeblich bis jetzt keine Weltanschauung das Glück der Menschheit herbeigeführt hat. Nach den Gesetzen der Menschheitsentwickelung konnte in keinem früheren Zeitpunkte das eintreten, was von jetzt an allmählich möglich wird: eine Weltauffassung mit der Aussicht auf den angedeuteten praktischen Erfolg allen Menschen zu übermitteln.

Die bisherigen Weltauffassungen waren nur einzelne Gruppen von Menschen zugänglich. Aber was bisher im Menschengeschlecht an Gutem geschehen ist, rührt doch von den Weltauffassungen her. Zu einem allgemeinen Heil kann nur eine solche Weltauffassung führen, die alle Seelen ergreifen und das innere Leben in ihnen entzünden kann. Das aber wird die geisteswissenschaftliche Vorstellungsart überall imstande sein, wo sie ihren Anlagen wirklich entspricht. - Natürlich darf nicht einfach der Blick auf die Gestalt gerichtet werden, welche diese Vorstellungsart bereits angenommen hat; um das Gesagte als richtig anzuerkennen, ist notwendig, einzusehen, daß sich die Geisteswissenschaft zu ihrer hohen Kulturmission erst hinaufentwickeln muß.

Bis heute kann sie das Antlitz, das sie einstmals zeigen wird, aus mehreren Gründen noch nicht aufweisen. Einer dieser Gründe ist der, daß sie erst irgendwo Fuß fassen muß. Sie muß sich deshalb an eine bestimmte Menschengruppe wenden. Das kann naturgemäß keine andere sein, als diejenige, welche durch die Eigenart ihrer Entwickelung nach einer neuen Lösung der Welträtsel Sehnsucht hat und welche durch die Vorbildung der in ihr vereinigten Personen einer solchen Lösung Verständnis und Anteil entgegenbringen kann. Selbstverständlich muß die Geisteswissenschaft ihre Verkündigungen vorläufig in eine solche Sprache kleiden, daß diese der gekennzeichneten Menschengruppe angepaßt ist. In dem Maße, als sich weiterhin die Bedingungen ergeben, wird die Geisteswissenschaft auch die Ausdrucksformen finden, um noch zu anderen Kreisen zu sprechen. Nur jemand, der durchaus fertige starre Dogmen haben will, kann glauben, daß die gegenwärtige Form der geisteswissenschaftlichen Verkündigung eine bleibende, oder etwa gar die einzig mögliche sei. - Gerade weil es sich bei der Geisteswissenschaft nicht darum handeln kann, bloß Theorie zu bleiben, oder bloß die Wißbegierde zu befriedigen, muß sie in dieser Art langsam arbeiten. Zu ihren Zielen gehört eben das charakterisierte Praktische des Menschheitsfortschrittes. Sie kann aber diesen Menschheitsfortschritt nur bewirken, wenn sie die wirklichen Bedingungen dazu schafft. Und diese Bedingungen können nicht anders herbeigeführt werden, als wenn Mensch nach Mensch erobert wird. Nur wenn die Menschen wollen, schreitet die Welt vorwärts. Daß sie aber wollen, dazu ist bei jedem die innere Seelenarbeit notwendig. Und diese kann nur Schritt für Schritt geleistet werden. Ware das nicht der Fall, so würde auch die Theosophie auf sozialem Gebiete Hirngespinste aufführen und keine praktische Arbeit tun. Auf noch weiteres einzelne soll demnächst eingegangen werden.