Biens communs et tri-articulation

Institut pour une tri-articulation sociale
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Qu'est ce qu'un "bien commun" ?

Dans un premier temps il s'agit de collecter les utilisation possibles de la notion, puis de voir si elle existe dans l’œuvre de R. Steiner ou des chercheurs en tri-articulation sociale.

I - A quoi donc utilise-t-on la notion de "bien commun"?

En 2012, une recherche internet donnait entre autres :

" (...) biens communs de l’humanité (comme l’eau, l’espace, le génome humain, le patrimoine génétique des plantes et des animaux mais aussi le patrimoine culturel public, les informations dites du domaine public, les idées, les faits bruts) Philippe Quéau, Club de Rome)

"(…) et finalement de tout le monde : car plutôt que de s'accumuler dans la bulle et finalement disparaître, l'argent aurait pu être mieux réparti et servir le bien commun."

"Disposer d'une certaine richesse, ce n'est pas simplement avoir des droits sur les biens et les services disponibles, c'est aussi une responsabilité. Et la possession de richesses ne créera jamais de détriment à la société si elle est utilisée pour le bien commun. Il serait bon que les possédants soulèvent un peu le voile sur l'usage qu'ils font de leurs richesses."

"Pour en sortir, il faut prêter l'oreille à ceux qui s'occupent des biens communs. C'est facile parce que chaque bien commun a ses défenseurs et qu'il y a une multitude de biens communs : à commencer par l'air, l'eau, la terre, l'énergie, la biodiversité, le climat, mais aussi les connaissances, les savoirs-faire, l'éducation, la recherche, le droit, la justice, la paix, le silence, la beauté, … Tout ce qui fait que le monde peut devenir celui dans lequel nous voulons vivre et dans lequel nos enfants et leurs enfants aimeront vivre. Ces biens communs, nous les avons reçus gratuitement et nous devons les retransmettre gratuitement en les entretenant et les améliorant si possible. Comme la part de récolte que nous conservons pour semer et assurer la récolte suivante, une part de l'argent mis de côté doit être régulièrement recyclée dans les actions visant au ressourcement des biens communs." (Article P. Leconte Revue Empan Février 2012)

"La République, bien commun des Français." (Commentateur non identifié, présidentielles 2012)

"Alors que l’épargne devrait être un bien commun de l’humanité au service d’un mieux être collectif, elle est devenue l’outil de ses maux."

"Ces levées de fonds collaboratives ont toutes une thématique précise reliée à la notion de bien commun : la terre, l’énergie, l’habitat. D’autres devraient voir le jour sur des thématiques telles que la culture, l’eau ou les savoir-faire." (Rapport activité NEF 2011)

"La City est la place financière de l'Europe. Veillons à ne pas affaiblir ce bien commun." ( tribune dans le journal Le Monde du MEP britanique Jo Johnson , 12/2011)

 Liens abordant la notion (état 2012) :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Bien_commun 
http://fr.wikipedia.org/wiki/Trag%C3%A9die_des_biens_communs
http://www.framablog.org/index.php/post/2010/04/30/les-biens-communs-espoir-politique
http://lipietz.net/spip.php?article2344
http://www.dailymotion.com/video/x5fc3a_appel-d-edgar-morin-pour-les-biens_webcam?fbc=962
http://alternatives-economiques.fr/blogs/gadrey/2012/04/24/des-biens-publics-aux-biens-communs

 II - Synthèse ?

Une notion pour le moins large, si large qu'utilisée pour des choses, et par des acteurs, aux projets parfois contradictoires.

III - Dans la littérature de la tri-articulation?

Un certain nombre de choses sur "l'économie du bien commun" de Christian Felber surtout. Surtout sur ce en quoi elle converge avec des visions d'avenir issues de la tri-articulation.

IV - Chez R. Steiner...

Lorsque je commençais à m'intéresser à la question en 2012, la notion ne me disait rien dans ce que je connaissais de l’œuvre de R. Steiner. Depuis, à l'un ou l'autre endroit, j'ai croisé le terme  allemand "Gemeinwohl" correspondant, mais pas suffisamment dans le sens actuel. Il est vrai qu'il y a cent ans, la vie philosophique progressiste, ou morale et religieuse traditionnelle, n'était pas encore confrontée à la puissance technologique (industrialisation) et à la marchandisation actuelle (globalisation). L'émergence d'un prolétariat, était la première étape sociale, de la misère écologique actuelle. Sous cet aspect, l'aspiration à des biens communs, ne pourrait-il pas aussi être vu comme un substitut civil et laïque du sentiment religieux , voire d'une recherche philosophique non encore aboutie empruntant d'abord à un passé plus lointain ?

L'usage courant du "concept" de bien commun semble généralement intervenir, concernant les facettes d'un bien apparenté à la vie, c'est à dire, dès lors que ce bien est en jeu dans un processus vital. Plus exactement encore lorsqu'un fluide entre en jeu. L'air est, par excellence, un tel bien que nous prenons et rendons sans cesse aux autres. L'eau quant à elle, a cette caractéristique de pouvoir prendre forme solide (terre-glace) tout comme aérienne (vapeur d'eau). C'est d'ailleurs bien autour de l'eau se frayant un chemin en des contenants terrestres que l'on a le plus cherché à développer cette notion de bien commun. Lorsque l'on parle de la terre (agricole) comme d'un bien commun, notons au passage qu'il s'agit là aussi, la plupart du temps, de son aspect qualitatif, à savoir sa fertilité, sa structure en fait qui là aussi est un agencement vivant optimum de minéral - végétal- micro-animal, d'eau, d'air et de chaleur s'auto-régulant alors.

Quel ne fut pas l'étonnement de mon interlocutrice lorsqu'une fois on m'interrogea en tant que paysan sur ce "bien commun" qu'est la terre et que je répondis en parlant surface plutôt que de cet aspect qualitatif. Car en effet, notons à contrario, que c'est pour sa part "matérielle", quand elle est proche de la terre que l'eau peut être saisie, appropriée et vendue : de la bouteille au barrage et conduites forcées en passant par le remorquage d'iceberg. En fait, elle est soumise alors à l'habituel traitement de tout objet matériel, surface terrestre comprise et soumise soit au pouvoir tout court (politique), soit au pouvoir de l'argent (abandon du droit politique au marché= économie actuelle). En fait c'est bien par le sol "surface", où  nous posons donc nos pieds, que se fait le truchement de l'humanité au globe terrestre, via l'organisation que se donnent, sur Terre, les individus incarnés. Et c'est là que l'on peut découvrir qu'au fond, les "biens communs", mis à part leur caractère d'aspiration intérieure, seraient tout au plus un slogan (politique ou publicitaire) à défaut du concept sûr qui pourrait revêtir par là une valeur scientifique ou juridique. Des tentatives fournies jusqu'à présent, pas grand chose ne semble sortir. Sauf peut être à travers les études de Elinor Ostrom, que je devrais peut être étudier davantage. Mais d'après les résumés que j'en ai eu, si elle montre que souvent ces gestions par communautés, sont plus efficaces que celle par l'état, c'est une évidence première et primaire pour qui fréquente l’œuvre de R. Steiner. Lui descend bien plus loin dans l'histoire des anciens communs dont des traces existent jusque dans le droit anglo-saxon moderne, quand ils ont quasiment disparus dans celui, romain, dominant dans les pays latins. Et ce n'est donc pas pour rien que les francophones qui ont de telles aspirations, soient conduit à chercher soit dans la sphère anglophone, soit dans la sphère "saxone" (la Saxe est une région germanophone encore aujourd'hui). Et ses perspectives sont donc bien plus larges en terme de réponses.

Là intervient mon hypothèse : le concept n'existerait pas chez R. Steiner, ou serait même un non-concept et je vais essayer d'expliquer pourquoi.

Ceux qui sont familiers de la terminologie de la science de l'esprit d'orientation anthroposophique auront reconnu que derrière l'usage des éléments aristotéliciens (terre, eau, air, feu) se trouve aussi les niveaux de réalité fonctionnelle du matériel-physique (terre), vital-éthérique (eau), psychique-astral (air), penser-individuel (feu), etc... Cela pourrait d'ailleurs servir pour examiner plus avant les sentiments qui amènent à utiliser la notion de biens communs pour des questions de patrimoine génétique (toute la question des semences par exemple), mais aussi, surtout et d'abord, tout ce qui est propriété intellectuelle. Car qu'est en fait l'activité intellectuelle de l'être humain sur Terre sinon cette activité rendue possible à chacun une fois l'essentiel de son organisme physique formé, une partie des forces éthérique (de vie) donc libres pour cela après la puberté ?
C'est évidemment vite survolé et mériterait de plus amples développements, mais c'est un des aspects où l'on recours souvent aussi aux "biens communs". R. Steiner en tant qu'auteur, quand à lui, non seulement les accepte (30 années à l'époque), mais surtout, les met aussi en avant comme possibilité d'évolution pour la propriété tout court. Il va de soi, qu'il en va là surtout de la propriété de ce qui ne se consomme pas rapidement. Pas le sandwich ou la robe, voir l'auto ou peut être même le jet privé, comme marchandises à juste titre. Mais le foncier et l'entreprise. L'habitat lui pose des problèmes n'ayant pas été poussés suffisamment loin à l'époque. Dit autrement, dans l'équilibre individu-humanité, trente ans de droits privés (privatifs des autres) sur une œuvre après décès de l'auteur, suffisent amplement. Il dit même qu'il serait personnellement prêt à moins.
Maintenant, après ce dernier complément d'inventaire, mon hypothèse.

En matière de "biens communs", Steiner n'a pas besoin de faire appel au sentiment que nous aurions des biens en commun quand ce ne serait pas le cas pour d'autres, parce qu'il pose le problème autrement.
Il semble dire trois choses:
1- l'usage de la surface terrestre est à répartir entre tous. Et par conséquent, cette surface serait aussi un bien commun jusque dans sa plus physique réalité spatiale. Il n'établit pas ce seuil que nous sous entendons confusément entre réalité terrestre et éthérique
2- même si la surface terrestre est le support de l'économie, elle n'en relève pas, et donc en aucun cas de l'argent (pour lui stricte abstraction des marchandises ou des moyens pour en produire (pour des raisons de technique monétaire). Elle n'est pas un produit de l'activité d'être humains et donc pas une marchandise.Tout comme d'ailleurs les matières premières qu'elle recèle avant la mise en valeur. Il va encore plus loin quand il indique très clairement qu'il parle du sol comme exemple pour les moyens de production. A leur sujet, il lui arrive même d'utiliser l'expression qu'ils "n'appartiennent à personne" ! ou bien à tous (car l'ensemble de la société y contribue même si ce n'est pas comptabilisé). Mais il les place en même temps entre les mains des entrepreneurs comme "propriété non vendable-achetable" (ou propriété intellectuelle non monnayable, mais transférable par droit). C'est évidemment une question complexe que je laisserai de côté ici. L'affirmation concernant le sol est déjà suffisamment éloignée comme cela de nos représentations ordinaires.
En cela il développe les conséquences d'une pensée ou d'une approche tri-articulée de la vie en société et invite notre humanité, pour peu qu'elle soit fatiguée de l'esprit de rapine et de querelle, à envisager les choses différemment. Y aspirer ne suffit pas !
3- chacun doit pouvoir être "propriétaire" pleinement pour pouvoir mettre en valeur pleinement. Cela n'est pas à prendre comme un slogan électoral, mais pour ce que ça signifie structurellement dans l'organisation sociale. La location actuelle, est un détournement des valeurs créés par les capables,  à des pas forcément capables. Et comme en plus l'argent contient actuellement des possibilités d'accès à des droits, voire une main mise sur les esprits...). Ce dernier point est bien sûr résumé très rapidement, mais doit être précisé ici. Puisque si nous parlons de "biens communs", c'est bien que tous ensembles, nous revendiquons aussi quelque chose de l'ordre du bien privé, de la propriété comme condition pour ce que nous pouvons apporter aux autres. Tout un programme de recherches et de tentatives n'est ce pas ? Peut être qu'alors la question devient en fait celle de la tension entre le commun et le privé,  entre l'individu et la collectivité. C'est la question depuis longtemps déjà de toute politique, de tout gouvernant, et donc en démocratie de tout un chacun, et le commun n'est alors en réalité qu'une demi-vérité, un aspect devant lui même problématique si son pendant n'est pas simultanément observé et pris en considération. Il ne peut être seul une catégorie en soi. Nous aspirons tous à un commun apaisé, mais l'aspiration ne suffit pas à des règles d'organisation sociale en ce sens. Tout le monde en convient, rêvant pourtant de biens communs.

En 2012, je posais cette hypothèse que je viens d'affiner un peu plus de 6 ans plus tard. Je la maintiens encore comme telle car il faudrait évidemment approfondir plus loin.

Une réflexion encore.
Je parle d'une pensée tri-articulée chez Steiner parce que je pense que s'il insiste tant, donne tant d'exemples, si souvent, en matière sociale, pour que soit distingué trois domaines de cette vie en commun, ne serait-ce pas pour rendre attentifs ses interlocuteurs qu'une grande partie de leurs malheurs proviendrait du fait qu'ils ne les distinguent pas lorsqu'ils abordent un problème. Il affirme aussi à plusieurs reprises, que l'humanité sera, par les faits, le cours de l'histoire, amenée à distinguer, ce qui de toute façon se distinguera dans l'organisation sociale par sa nécessité propre, objective, mais alors sans véritable conscience, par des chaos, des révolutions, des guerres. Un prophète de malheur seulement ?
Ses analyses, aujourd'hui très souvent partagées par bouts, devaient être très difficiles à comprendre pour ses auditeurs de l'époque, ses propositions, par contre n'ont pas la même notoriété. Étrange n'est-ce pas ? En réalité, elles touchent aujourd'hui encore, des intérêt encore biens plus puissants qu'alors.
Aussi je me demande parfois s'il y a quelque chose à gagner, dans le domaine de l'esprit, à laisser la place à des contingences comme notre désir de puissance (souvent aussi bien intentionné) qui fraie sa voie dans le politique, ou par le biais de l'argent. Cela ne signifie pas que ces phénomènes n'aient pas a être pensés dans le domaine de l'esprit, bien au contraire. Qu'un tabou règne entre humains égaux dans la sphère politique au sujet de la propriété, ne justifie en aucun cas son extension dans la sphère spirituelle-culturelle, lieu de la liberté de chercher la réalité, qui décidément ne se résume pas à l'alternative, propriété privée - propriété collective toutes deux monnayables aujourd'hui.

7 août 2012, revu 2 décembre 2018