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Article paru dans Les nouvelles de la société anthroposophique en France.
Novembre-Décembre 2012

Rudolf Steiner et le revenu de base (2)
par Enno Schmidt et Daniel Häni
(FG : Traducteur non cité)

La question de la compatibilité de l’idée d’un revenu de base inconditionnel avec la pensée de Rudolf Steiner est l’objet de débats au sein du milieu anthroposophique. Dans ce cadre, Enno Schmidt et Daniel Häni, promoteurs anthroposophes de cette idée, ont rédigé les lignes qui suivent.


Lorsque Götz Werner est présenté à la télévision en tant qu’anthroposophe, cela sonne comme quelque chose d’intéressant. Mais la question du revenu de base est controversée parmi les anthroposophes : Est-ce un chemin juste ? Ne barre-t-il pas la route à la tri-articulation sociale ? N’est-il pas une illusion ? On se demande alors ce que Rudolf Steiner a dit à ce sujet. Il existe des déclarations qui peuvent orienter vers un revenu de base, d’autres qui présentent un contexte d’où le revenu de base ne semble pas découler en premier lieu.
La capacité de Steiner pour parvenir à de nouvelles solutions dans de nouveaux contextes est cependant évidente et toujours surprenante. Qui aurait eu l’idée, après l’incendie du Goetheanum, construit en bois avec conscience, amour et sagesse, de refaire le travail en béton ? Les anthroposophes les plus engagés auraient justement mené une guerre sainte contre une telle proposition – construire un bâtiment avec la bave d’Ahriman ! – s’il ne s’était pas agi d’une proposition venant de Rudolf Steiner lui-même.


Nous ne savons pas ce que Rudolf Steiner aurait dit au sujet d’un revenu de base. Il a cependant dit certaines choses qui évoquent le revenu de base. Elles sont assez frappantes :
« Ce qui est avant tout nécessaire, ce n’est pas le bavardage théosophique, c’est une amélioration des conditions d’existence. »
« Le cours du développement va dans la direction d’un travail totalement libre. Personne ne peut refuser ou changer ce chemin. Tout comme le travailleur grec travaillait sous la contrainte de son maître, tout comme le travailleur actuel travaille sous la contrainte du salaire, à l’avenir seule existera la liberté du travail. Travail et salaire seront absolument séparés à l’avenir. »
« Celui qui travaille pour lui-même doit peu à peu succomber à l’égoïsme. » Cette
déclaration suit celle-ci : « La victoire (sur l’égoïsme) est concrètement impossible lorsque la quantité de bien-être et de malheur de l’individu est déterminée par son travail. »
« Dans l’organisme social, on peut tout aussi peu vivre de son propre travail, qu’on peut se manger soi-même pour se nourrir. »
« Il ne faut pas chercher à transformer le processus économique pour que la force de travail humaine puisse obtenir des droits, mais dans cette direction : comment extraire cette force de travail du processus économique pour qu’elle puisse être déterminée par des forces sociales qui lui retirent son caractère de marchandise ? »
« Ce qui donnera sa valeur au travail, c’est qu’il ne sera plus rémunéré. Car ce vers quoi il faut œuvrer, de manière raisonnable bien sûr, non de manière bolchévique, c’est : séparer le travail de l’acquisition des moyens d’existence. ( ... ) Lorsque quelqu’un n’est plus rémunéré pour son travail, l’argent perd sa valeur en tant qu’instrument de pouvoir pour le travail. Il n’y a pas d’autre façon pour lutter contre l’abus qui est exercé au moyen de l’argent que d’organiser la structure sociale de telle sorte que personne ne puisse être rémunéré pour son travail et que l’acquisition des moyens d’existence provienne d’un tout autre côté. Alors vous ne pourrez plus faire travailler quelqu’un sous la contrainte de l’argent. ( ... ) À l’avenir, l’argent ne devra plus être un équivalent pour la force de travail humaine, mais uniquement pour des marchandises mortes. »
« La socialisation doit reposer sur la libre initiative des facultés individuelles et sur la libre compréhension qui est accordée aux productions des facultés individuelles ; il n’existe pas d’autre socialisation. »
« Vous devez devenir bons ! ( ... ) De telles injonctions n’ont, en réalité, pas beaucoup plus de valeur que de dire : si ma belle-mère avait quatre roues et un timon à l’avant, elle serait un omnibus. »
« Si l’être humain doit rester humain, l’impulsion au travail doit résider en lui- même. »
« À l’avenir, nous travaillerons pour nos semblables, parce qu’ils ont besoin de notre travail. C’est pour cela que nous travaillerons. Nous vêtirons notre prochain, nous lui procurerons ce dont il a besoin par une activité absolument libre. Le salaire doit en être totalement séparé. »

(Toutes les citations sont tirées de la sélection proposée par Peter Selg dans Die Arbeit des Einzelnen und der Geist der Gemeinschaft, Verlag am Goetheanum, 2007).