Institut pour une triarticulation
sociale
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Une série au sujet du revenu de base sommaire - précédent- prochain article Comment le sens du travail peut-il être retrouvé ? Le revenu de base : pathologie et effet d’un mouvement social — VI
L’idée de revenu de base inconditionnel est capable de fasciner tant d’êtres humains, parce que ses répercussions économiques sont à peine mises à jour. Tout particulièrement dans la partie V de cette série, a été montré comment de l’eau est en fait conduite aux moulins de ceux contre lesquels les partisans du revenu de base inconditionnel veulent se défendre. La dernière partie de cette série se focalise à présent sur le motif principal du mouvement pour le revenu de base inconditionnel, à savoir, la confiance portée à la motivation « intrinsèque » comme antithèse présumée au motif de « travailler pour de l’argent ». Ce ressenti intérieur humain est-il cependant correctement appréhendé et a-t-il vraiment de la chance au moyen d’un revenu de base — ou bien faut-il que quelque chose de tout autre se produise peut être pour cela?
En 1949, le chercheur en science du comportement, Harry Harlow, explorait la motivation des singes, en introduisant dans leurs cages des puzzles mécaniques. À sa grande surprise, les singes portaient aussitôt de l’intérêt aux puzzles, quoiqu’ils n’y semblassent poussés ni par un « système corporel de motivation », ni par des motivations extérieures, telles qu’une récompense ou bien une punition. Harlow conclut à une troisième sorte de motivation (des singes), qu’il baptisa : « motivation intrinsèque ».[1] Vingt ans plus tard, le professeur de psychologie, Edward L. Deci, tomba sur les expérimentations sur les singes de Harlow et les répéta avec des hommes. Il constata, à cette occasion, que les êtres humains aussi disposaient de ce genre de motivation et que celle-ci agissait en outre plus durablement que « la motivation extrinsèque » sous forme de récompense. Sur cette différence entre motivation « intrinsèque » et celle « extrinsèque », Deci édifia ensuite une théorie « d’autodétermination dans l’organisation des processus du travail ».[2] Depuis, ce paradigme constitue une partie constitutive solide des sciences sociales et du comportement. En partant des observations de Deci, la recherche sur le comportement comprend généralement de telles activités, dont le motif se situe dans l’activité elle-même. Ainsi un enfant, par exemple, joue par amour du jeu. Comme extrinsèquement motivées sont considérées, par contre, des activités dont on s’acquitte pour un but à atteindre. Des motifs extrinsèques sont, par conséquent : la satisfaction des besoins corporels, une récompense, une reconnaissance, l’évitement des punitions, et autres. Le discours interne du mouvement pour l’AB sur un « nouveau concept du travail » suit en partie implicitement, en partie tout ouvertement, ce paradigme de la motivation intrinsèque ou extrinsèque. « Quand la motivation vient de l’intérieur, alors elle est intrinsèquement motivée — et n’a besoin d’aucune contrainte », pense, par exemple, l’ancien chef de la dm et champion du revenu de base, Götz Werner.[3] Philip Kovce et Daniel Häni voient cela de manière similaire : « La troisième force, sur laquelle écrit Herlow, est connue ce jour comme une motivation intrinsèque. Les questions que soulèvent les expérimentations de Harlow et Deci, sont les questions que pose le revenu de base inconditionnel»[4] est affirmé dans le chapitre « Je [Ich, ndtDK] et autres animaux » de leur ouvrage populaire sur le revenu de base. Car tel est l’argument : par le revenu de base, l’être humain s’acquittera de manière accrue d’activités telles qu’il pourrait se motiver intrinsèquement pour elles. Avec cela donc le travail « dépourvu de sens » serait éliminé, parce que justement seul un travail « sensé », même sans « attrait extérieur »», peut motiver les êtres humains. Ainsi donc l’idée du revenu de base est avant tout la profession de foi d’un point de vue moral, à la confiance dans la bonté en l’être humain. Les arguments économiques mis en avant ou bien même ceux relevant du droit fiscal, sont secondaires ; ils servent tout bonnement l’objectif d’en appeler à cette impulsion morale de base. Et celle-ci convainc par elle-même. Tout ce qui fut exposé dans les épisodes précédents, par contre, au sujet des conséquences catastrophiques d’un revenu de base pour la valeur monétaire, les revenus des nécessiteux, les rapports de propriété, le problème du pilotage de la production, a vis-à-vis de cela l’inconvénient d’être purement et concrètement pensé et doit nécessairement apparaître du début comme immoral vis-à-vis du point de vue des tenants du revenu de base.[5]
Le sens social du travail Ce n’est pourtant pas parce que les forces humaines de motivation intérieures doivent être abjurées qu’est déclinée ici l’introduction d’un revenu de base, mais au contraire parce que ces mêmes forces ne pourraient jamais en arriver à se déployer. Que l’être humain soit fondamentalement en situation de se motiver pour des actions sociales, cela est ici vastement et pleinement admis. Mais ce qui sera contesté, c’est, premièrement, que le mystère de la volonté humaine est ainsi seulement approché — ne serait-ce même encore observé avec une acuité à peine suffisante — par la mise en opposition de pulsions « intérieures » et « extérieures, pour pouvoir en retirer des conclusions pour une institution de la société digne de l’être humain. Secondement, n’est pas compréhensible pourquoi de telles activités, dont l’être humain s’acquitte par amour pour elles/de sa propre volonté, sont aussi automatiquement des activités pleines de sens dans le contexte d’une économie de division/partage du travail. Admettons, par exemple, qu’un être humain est intrinsèquement motivé pour transformer l’amidon du maïs en dextrose. Cette activité, en tant que telle, vue économiquement, est ni sensée, ni dépourvue de sens. À un moment déterminé, quand une demande correspondante est existante et que d’autres besoins ne requièrent pas plus d’attention, elle est sensée. Dès que, par exemple, le marché est saturé ou bien qu’il en est revenu à d’autres genres de sucres, elle peut déjà être de nouveau dépourvue de sens. C’est précisément la nature de l’économie mondiale du partage/division du travail qui fait que le sens d’une activité n’est plus à découvrir à l’intérieur de celle-ci. Rudolf Steiner tente d’illustrer cela dans son Cours d’économie nationale en recourant à l’exemple de l’activité de fitness [entretien de la condition physique, ndtDK] sur un vélo d’appartement : le pédalage sert tout d’abord l’entraînement personnel. C’est certes fatigant, mais ce n’est pas un travail. Admettons encore que ce vélo d’appartement actionne en plus une machine, qui de son côté réalise une opération dans le processus de production d’une marchandise, laquelle est demandée en correspondance — alors ce pédalage est un travail. Dans les deux cas, l’activité engagée est la même, d’elle-même on ne peut donc pas conclure si elle est sensée ou pas en considération de la société. Le sens du travail ne repose donc pas dans l’activité en tant que telle, au contraire ce sens lui est octroyé seulement par l’organisation de la vie communautaire.[6] L’exemple du vélo d’appartement est bien choisi, parce qu’il met en évidence les deux orientations possibles d’activité de l’effort humain : l’effort peut avoir un sens pour celui qui l’accomplit, dans ce cas sous la forme de son édification musculaire. Mais aussi, abstraction faite de ce sens, tandis que l’activité est insérée dans l’ensemble du processus d’économie politique, de sorte qu’elle en reçoit un second sens, un sens social celui-là. La difficulté lors du jugement sur la « valeur » du travail se trouve à présent dans le fait que ces deux orientations du regard sont foncièrement importantes selon l’économie de peuple. L’activité a certes un sens social direct seulement dans la mesure où elle sert les besoins d’autres êtres humains par son raccordement dans la division/partage du travail. Pourtant son effet rétroactif sur le travailleur lui-même est économiquement relevant : soit que l’être humain est renforcé par son travail, affaibli ou même ruiné, cela détermine quelles forces il apportera à nouveau pour d’autres, respectivement, ce qu’il « coûtera » à nouveau à la communauté. On pourrait désigner cet aspect, le « rayonnement en retour » du travail sur le travailleur.
La perte du sentiment de sécurité cosmique Cela étant l’industrialisation, et dans une mesure renforcée ensuite ce qu’on appelle « l’informatisation », ont assurément mené au fait qu’aujourd’hui, pour l’essentiel, le second sens du travail est de reste. Plus la division/partage du travail progresse, plus les activités deviennent donc inévitables et moins on peut affirmer que le travail a aussi un sens pour le travailleur lui-même. L’effet du travail sur l’être humain est même devenu négatif, d’autant plus qu’il est fortement médiatisé par des processus machinaux ou selon le cas, digitaux, en agressant de plus en plus le travailleur. Dans la mesure donc où l’activité, en tant que telle est envisagée, l’être humain doit nécessairement et véritablement développer une haine de plus en plus forte de son travail. Que cette relation ne soit pas souvent vue avec la clarté nécessaire par les scientifiques et pédagogues sociaux, cela tient tout bonnement au fait que la chose se trouve précisément différente pour ces mêmes professions et que l’on y croit pouvoir conclure généralement à partir de ses expériences personnelles. Pour la grande partie des êtres humains, en effet, l’avènement d’une forme économique moderne signifie néanmoins que leur activité en tant que telle est devenue dénuée de sens dans la même mesure que son sens social gagnait en importance. Il n’en fut pas toujours ainsi. Lorsque dans les temps primitifs, l’agriculteur labourait le champ, le forgeron battait le fer ou le berger faisait paître les moutons, l’être humain se trouvait dans un contexte cosmique. Qu’à cette occasion, finalement il produisait une marchandise, ce n’était là que l’effet annexe d’un événement beaucoup plus global. L’observation de la croissance végétale, le travail du fer, la vie menée en compagnie des animaux, avaient aussi un sens, à côté du but économique qui se manifestait ou se révélait dans l’activité elle-même. Et si après coup, personne n’eût mangé de pain, personne n’eût acheté de fer à cheval ni personne n’eût porté de manteau de laine, cela n’eût pas été tout à fait en vain, parce que se tenir actifs dans la nature en tant que tel c’est déjà quelque chose de sensé en soi. Aujourd’hui il en va tout autrement. Être assis devant une caisse quadrangulaire et presser des touches avec les doigts, cela est dépourvu de sens pour le Cosmos. Par surcroît, cela agit sur le corps en rendant malade et en mortifiant l’âme. Que la technique s’entende aussi de plus en plus à divertir, de sorte que maints « journaliers digitaux »[7] ainsi nommés ne perçoivent peut-être même plus du tout l’effet autodestructeur de leur activité, ne change rien à ce fait. Toutefois les activité destructrices en elles-mêmes sont souvent nécessaires pour la mise à disposition de nos revenus et sont donc foncièrement sensées au sens purement économique. Cette dissension doit tout d’abord être pleinement ressentie, avant que l’on puisse parler de l’organisation future du travail. Sens intrinsèque et sens économique du faire humain se scindent donc et se retrouvent comme des domaines de vie séparés l’un à côté de l’autre. « Se réaliser soi-même » à l’intérieur de son travail, c’est-à-dire pouvoir en découvrir, comme l’enfant qui joue, le motif dans son activité, n’est encore possible que dans très peu de domaines de vie, par exemple, dans l’art. Et à partir de l’expérience de cette scission de l’activité et de l’accomplissement d’un sens, se donnent les exigences sociales du présent : parce que l’activité dénuée de sens en tant que telle est cependant nécessaire à l’organisme économique, le temps de travail doit être démocratiquement régulé, afin que l’être humain, à côté du travail, trouve le temps pour des activités qui portent leur sens en elles-mêmes. Ces dernières se manifestent purement, c’est-à-dire, sans adjonction d’un objectif économique. Alors que dans l’œuvre d’art médiévale, travail et art étaient encore unis, aujourd’hui travail et art se trouvent l’un à côté de l’autre. Le travail a toujours le but exclusif de produire une marchandise, alors que l’art a tout aussi exclusivement le sens de replacer l’être humain dans un contexte cosmique.
De ce fait la vie sociale s’articule en vie économique, vie juridique et vie de l’esprit. Cette articulation, celui qui voudrait contribuer en quoi que ce soit à la vie sociale doit la percer à jour, car à partir de la configuration dynamique de ces trois domaines/membres et de leurs rapports réciproques, se donne l’ordre sociétal à chaque fois concret. Comment doivent être conditionnées la vie de l’esprit et celle de la culture, afin de que de ce côté, des forces, qu’il emploie par le travail aux machines, peuvent être reconduites à l’être humain ? Comment la vie de droit doit elle être régulée, afin qu’entre les intérêts spirituels de l’individu et les intérêts économiques de la communauté, l’équilibre pourra être trouvé ? Et comment la vie économique doit-elle s’organiser afin que l’individu puisse décrypter dans l’organisme économique le sens de son activité en soi dépourvue de sens ?
Base de jugement manquante Le mouvement pour le revenu de base fait valoir qu’aujourd’hui on s’acquitte d’une multitude d’activités « dépourvues de sens » qu’on ferait mieux d’abandonner. Un tel jugement reste pourtant pleinement arbitraire aussi longtemps que l’on ne peut pas désigner les critères pour un tel partage entre « pleinement sensé » et « insensé ». Ouvertement le mouvement recourt au sentiment subjectif de nombreuses personnes que leur travail est insensé d’une manière ou d’une autre. Ce sentiment se fonde en général pourtant sur le fait que le sens est recherché en un lieu où il ne peut effectivement pas être découvert. Quant à savoir si le travail est sensé ou pas, cela ne peut plus justement être principalement jugé à partir d’une perspective individuelle. L’impulsion du mouvement pour un revenu de base, agissant apparemment d’une manière sociale, pour rendre l’organisme économique dépendant d’une activité que l’individu trouve lui-même sensée, est en vérité au plus profondément antisociale. La question sociale du présent n’a pas la teneur suivante : Comment l’être humain peut-il s’acquitter d’une activité qui le motive « intrinsèquement » ? Au contraire, elle a la teneur inverse : Comment le sens du travail, qui est là-dehors, objectivement présent, peut-il véritablement entrer dans les vues du sujet et devenir pour lui un motif ?
Le concept de liberté Sur cette question, la querelle véritable entre le mouvement pour le revenu de base et ses critiques devient évidente : la compréhension correcte de la liberté humaine. Celui qui dérive logiquement son concept de liberté de l’expérimentation sur les singes esquissée ici plus haut, tiendra pour libre celui dont l’activité est intrinsèquement motivée et pour non-libre, celui dont le motif repose dans une nécessité extérieure et apparaît dans cette acception « contraignant ». Cela étant, on ne doit certes pas mettre en doute que des êtres humains ressemblent à de multiples égards aux singes. Mais pour la clarification de la vie sociale, le renvoi à cette ressemblance simiesque est bien insuffisant. Il importerait beaucoup plus d’appréhender concrètement comment « monde extérieur » et « monde intérieur » sont véritablement déterminés chez l’être humain et dans quelle relation tous deux doivent se tenir l’un par rapport à l’autre pour que l’être humain puisse passer pour « libre » et l’ordre social comme « humainement digne ». Même un mobile prétendument « intérieur » peut être une expression du sexe, des prédispositions caractérologiques, de la socialisation et autres et dans cette mesure, contraindre tout autant qu’un soi-disant motif « extérieur » du salaire. Admettons, par exemple qu’un être humain ressente l’inclination à enseigner aux autres et devienne pour cette raison un enseignant. Ce penchant est si fort qu’il ne veut pas en retirer un salaire. Il n’a besoin que d’un revenu de base, pour pouvoir principalement survivre. Vis-à-vis de la contrainte au travail d’un système socialiste, par exemple, le travail de cet « enseignant » apparaît à présent « librement » motivé de « l’intérieur » et cela d’après la logique des partisans du revenu de base. Mais cela étant, l’être humain, au contraire du singe, n’est pas en situation d’en rester à vivre tout bonnement ses motivations intrinsèques à fond. Admettons donc que cet enseignant potentiel-là se déciderait pour un autre travail, parce qu’après un jugement plus juste sur l’événementiel du marché, il en est arrivé à la conclusion qu’on aura besoin de lui dans la gestion d’un consortium commercial. Il s’approprie ici péniblement les facultés nécessaires pour cela, afin de pouvoir servir la société, comme cela semble être juste pour lui, après avoir pris connaissance des nécessités économiques. Dans le premier exemple, l’être humain suit ses prédispositions naturelles et agit donc à partir de la contrainte de sa nature. Pour autant que le choix de la profession corresponde à des nécessités économiques, la contrainte semble aussi agir dans le second exemple. Pourtant l’être humain agit ici sur la base d’une idée qu’il a lui-même formée et dont il a fait sa motivation — et il atteint donc ainsi un degré plus élevé de liberté que s’il avait suivi ses dispositions naturelles. Entre des nécessités économiques et l’action, se tient ici une pénétration pensante des mêmes. On ne doit pas affirmer avec cela qu’en vérité des motifs extrinsèques rendraient plus libres que ceux extrinsèques, mais au contraire seulement que cette distinction est parfaitement dénuée d’importance. On peut éventuellement aussi parler d’un acte libre dans le premier exemple — notamment quand le motif intrinsèque est passé par une corecte connaissance de soi.
Le point de vue de la recherche sur le comportement est donc parfaitement juste, car de fait la comparaison des motivations intrinsèque et extrinsèque peut être aussi bien utilisée sur un être humain comme sur un singe — mais cela seulement parce que son contenu est vide. La question de la liberté humaine n’en est même pas effleurée. Pour la clarification d’une telle question, il faudrait beaucoup plus déterminer ce qui¸ en considération du concept de liberté, peut être désigné comme monde extérieur ou respectivement, monde intérieur. Mais il se révèle alors qu’il n’est pas du tout décisif de savoir si l’être humain suit des motivations extrinsèques ou intrinsèques, mais au contraire dans quelle ampleur il se confronte aux deux et peut se conquérir un monde intérieur spécifiquement humain, en ce qu’il soulève cette motivations dans une sphère idéelle. L’événement extérieur peut bien être exactement le même — pour l’expérience de la liberté cela fait une différence de savoir si une action suit directement les nécessités ou bien seulement une connaissance de ces mêmes nécessités.[8]
L’autre côté de la liberté Un agir sur la base d’une idée qui sur la vie instinctive agit comme un idéal, le singe ne le peut pas. Toutefois, on ne devrait pas être nié que la liberté humaine peut seulement être promue par une forme sociétale telle qu’elle donne aussi à l’individu la possibilité de pouvoir suivre ses contraintes intérieures, comme le penchant à une profession d’enseignant, par exemple. Mais le vécu de tels penchants est seulement possible aussi loin qu’ils ne tombent pas en contradiction avec les penchants de ses semblables. Si ces semblables ne veulent pas du tout être instruits par lui, ils doivent malgré cela travailler plus longtemps, afin que cet « enseignant » reçoive un revenu de base, ainsi ils devraient être autorisés à objecter ceci au nom de la liberté : « Nous ne souhaitons pas être instruits par toi, nous avons au contraire besoin de ta collaboration sur d’autres domaines, afin que nous réduisions notre temps de travail pour pouvoir nous instruire nous-mêmes. » Avec cela la liberté d’épuiser la vie de ses propres penchants s’oppose aux nécessités qui en résultent que le semblable exige aussi la même liberté pour lui. Ce contexte a été caractérisé et traité dans le détail ici comme le « problème du pilotage » de l’économie. Dans cette mesure les contraintes concrètes de la vie économique ne représentent aucunement une contradiction à la liberté, mais au contraire l’autre aspect de cette même liberté. Au lieu d’opposer liberté et nécessité l’une contre l’autre, on devrait soulever la question : peut-on découvrir le lien entre motivations intrinsèque et extrinsèque lequel surmonte leur opposition ? Y as-t-il la possibilité de se placer ainsi vis-à-vis des nécessités extérieures de sorte que celles-ci, à partir de l’autre côté, comme motivations intrinsèques, se mettent à nouveau à briller intérieurement ?
Motivation au moyen de la perception Admettons qu’à l’avenir le capitaliste serait compris non pas comme un propriétaire mais comme un fidéicommissaire du capital, comme cela a été expliqué dans une autre partie de cette série. Les propriétaires en seraient les citoyens qui leur feraient confiance (NDTfg : Treugeber : lit. Donneurs de confiance). Dans l’instant où la gestion du capital ne se trouverait plus en accord avec les intérêts de la communauté, elle pourrait être transférée à un autre. Admettons en dehors de cela que le temps de travail serait régulé sur le terrain démocratique et serait donc défini, avant que l’être humain entre dans la vie économique. Sur la base de cette limitation, la nécessité n’existerait plus pour personne de mettre en accord travail et sens personnel de la vie. Chacun pourrait considérer son travail tel qu’il est dans la relation sociale : une contribution désintéressée au revenu de la totalité/d’ensemble. Admettons en outre que dans les différentes branches de l’économie agissent des personnalités, qui se consacrent seulement à la tâche de réussir à établir un dialogue gagnant les entreprises et les branches, comment est à juger le devenir actuel du marché, à quel endroit du revenu doit se former à partir d’une vision économique d’ensemble à quel instant X plus de revenu du travail devra être formé, à quel endroit, par contre, de places de travail doivent être supprimées. Ainsi de la même façon qu’aujourd’hui les associations d’employeurs imposent des intérêts égoïstes, des associations naîtraient dont la tâche consisterait à surmonter inversement l’égoïsme d’entreprise directement en jugeant de la croissance ou selon le cas, de la mise à l’arrêt purement et concrètement de la production en fonction de la situation réelle de la demande. Au moyen de son être lié avec de tels contextes
de perception et de jugement agissant gagnant les
entreprises et les branches, chaque travailleur à sa place
pourrait maintenant percer à jour progressivement, comment
sa propre activité est à insérer au contexte économique
d’ensemble et quel sens social elle possède donc objectivement.
Ses motifs de vie purement personnels, il les poursuivrait à
côté du travail sur le terrain de la libre vie de l’esprit,
pour laquelle il aurait à présent de beaucoup de temps — sur
la base de la limitation démocratique du temps de travail.
Ici, dans la vie de l’esprit, il pourrait s’adonner à des
activités sensées en tant que telles. Et celles-ci lui
donneraient à nouveau la force d’exercer une activité,
seulement durant un temps limité par jour, qui n’a peut-être
même aucune valeur pour lui, mais qui est vitale pour la
communauté : du travail au sens véritable du
mot. Il pourrait se motiver pour ce travail, parce que par
ce dialogue gagnant les entreprises et les branches, il
serait pour la première fois en situation de juger son sens
objectif. Chaque être humain gagnerait ainsi une image
vivante des relations réciproques fluctuantes entre
les branches économiques, entre la consommation et la
production et pourrait orienter son activité à cela. Mais
dans cet instant serait levée l’opposition entre motivations
intrinsèque et extrinsèque.
La source de la vie sociale En cela se distingue justement l’être humain du singe, qu’il peut surmonter la nature tandis qu’il l’éveille intérieurement de nouveau à la vie en tant que spirituel. Et avec cela débute en premier la vie sociale. Un être humain réellement libre ne se sent pas restrint/étouffé de ce qu’il suit les nécessités qui sont fondées dans son appartenance au genre humain. Il retrouve intrinsèquement de nouveau beaucoup plus les buts universels de l’humanité et aspire à mettre ses actes en accord avec eux — ceci est justement la raison pour laquelle est la permission de fonder radicalement sur la liberté humaine. Si le mouvement pour le revenu de base croit donc en la bonté de l’être humain, ainsi il devra donc aussi avoir la permission de croire que l’individu peut réellement vouloir un organisme économique mondial homogène — et donc, pour cette raison, au plus profond de lui-même, rejeter un concept subjectiviste de travail, comme ce mouvement le propage.
De la logique-concept à l’image Avec la montée de l’économie mondiale, la Terre est devenue un seul et unique organisme social. Des sensations/sentiments d’appartenance bourgeoise/citoyenne, respectivement d’économie nationale, auxquels en appelle le mouvement pour un revenu de base, ne peuvent jamais saisir la question du revenu, telle qu’elle se pose aujourd’hui. En même temps, l’être humain est descendu de la vision intuitive immédiate d’une nature traversée d’esprit à cette conscience extérieure abstraite de l’objet, comme nous la connaissons aujourd’hui. Cette conscience le rend à même d’intervenir dans la nature en l’organisant extérieurement, c’est-à-dire à produire une technique. Mais vis-à-vis de l’économie, cette même conscience est impuissante. Avec l’aide de la technique, il peut certes saisir par plan comptable et statistiquement les processus particuliers des marchandises, de sorte qu’il gagne des reproductions des processus extérieurs. Mais ces reproductions sont déjà caduques au moment même de leur naissance, parce qu’elles peuvent fondamentalement seulement se référer au passé. Celui qui veut en rester là doit spéculer sur l’avenir. Wirtschaften [tenir la maison ou mener ses affaires, ndtDK] signifie pourtant placer le passé et l’avenir dans un rapport. Et le futur, sur lequel le travail doit donc s’orienter, peut seulement être appréhendé quand les besoins changeants et les circonstances de la production résultant des conditions de valeur constamment fluctuantes s’expriment dans un tableau vivant en tant que processus d’ensemble. Ce tableau doit s’alimenter à partir de deux sources : d’une part, de ce qui est porté par les êtres humains se trouvant dans les contextes de perception et de jugement des processus économiques concrets agissant et gagnant les entreprises et les branches, d’autre part, de ce que l’être humain peut produire à partir de son activité intérieure, telle une intuition contemplative immédiate du processus économique. Si par contre l’être humain en reste seulement à la reproduction extérieure, gagnée aux statistiques, il sera renvoyé à lui-même. Alors il doit demander : « Que ferais-tu si était veillé à ton revenu ? »
Le sens retrouvé du travail La technique nous libère de l’étreinte de la nature. Nous payons un prix très élevé pour cela. Car la nature ne peut plus à présent inspirer notre activité de sorte que nous éprouvions le sens de notre travail immédiatement dans notre activité. Entre nous et la nature, s’est glissé le monde mort des machines. Ce dernier est devenu entre temps l’éducateur de l’humanité et nous inspire extrinsèquement aujourd’hui, au plus vrai sens de ce terme. Si nous ne voulons plus être poussés au travail par le pouvoir, la cupidité ou la peur et être ainsi soi-même intégrés de plus en plus au monde des machines, nous devons édifier par à travers la technique, de toutes nouvelles sortes de relations d’être humain à être humain. Celles-ci ne peuvent pas plus longtemps dépendre des contextes toutefois grandis naturellement de la famille, du sang et du peuple. Ainsi qu’autrefois l’être humain a reçu l’inspiration au travail à partir de la nature, ainsi doit-il maintenant pouvoir recevoir l’inspiration à partir de la vie sociale, des relations humaines immédiates, s’il devait rester libre. Une telle inspiration purement humaine au travail, qui peut à nouveau nous motiver nouvellement intrinsèquement, a cependant pour condition des institutions sociales entièrement concrètes. Elle survient quand nous sommes placés face à nos semblables en rapport à la mesure du temps de travail et au droit au moyen de production comme égal parmi des égaux, avons à obéir dans toutes les questions culturelles, scientifiques ou religieuses exclusivement à nos impulsions individuelles; pouvons effectuer une compensation solidaire de nos intérêts économiques opposés par une gouvernance coopérative de la répartition du travail et des ressources.
Le sens du travail sera retrouvé dès que l’être humain regagnera sa dignité humaine d’une triple manière.
En face de l’utopie d’une rente d’état, qui devrait simplement être « décidée », la tri-articulation des processus sociaux en une vie démocratique de droit, une vie libre de l’esprit et une vie solidaire de l’économie évoquée avec cela apparaît comparativement difficile. Malgré tout seule se donne sur ce chemin un ordonnancement de revenu grandi à l’époque informatique. Et aussitôt que ces êtres humains qui rêvent encore actuellement d’une consommation inconditionnelle, commencent à s’intéresser aux tâches pratiques du présent — en particulier au problème du pilotage de l’économie, au rapport entre les vies de l’esprit et de l’économie, l’avenir de la rente, le droit de propriété et de la régulation du temps de travail — elle a aussi une chance réelle. Aussi loin que le mouvement pour le revenu de base amène à l’expression une critique aux conditions de contrainte du présent, peut seulement être approuvée. Mais concernant les questions de détails [là où précisément où le Diable se fourre toujours ! ndtDK] quant à savoir si une amélioration se laisserait amener simplement par « un petit changement dans les conditions existantes » [9], c’est-à-dire que le gouvernement fédéral payât à chaque habitant un certain montant d’argent, on doit attirer l’attention sur le fait qu’entre une critique justifiée portant sur les circonstances présentes et une connaissance ou absolument une reconfiguration de celles-ci, il y a quand même un certain fossé. Die Drei 7-8/2018. (Traduction Daniel Kmiecik, revue par FG) - original allemand
[1] Voir Daniel H. Pink : Ce qui nous motive réellement, Introduction, Salzbourg 2010, ainsi que : https://wiki.infowiss.net/Motivation [2] Voir https://wpgs.de/fachtexte/motivation/intrinsische-und-extrinsische-motivation/ [3] https://utopia.de/dm-gruender-goetz-werner-intreview-bedingungslos-grundeinkommen-77887/ [4] Daniel Häni & Philip Kovce : Que manque-t-il quand tout est déjà là ? Zurich 2015, p.136. [5] Voir Johanens Mosmann : Le revenu de base : pathologie et effet d’un mouvement social dans Die Drei 6/2018. [6] Rudolf Steiner : CEP (GA 340), Dornach 1965, p.32. [7]Voir www.faz.net/aktuell/beruf-chance/serie-anders-arbeiten-kreativ-auf-bestellung-15477169.html [8] La clarification de la relation entre liberté et nécessité est du reste l’objet de La philosophie de la liberté (GA 4), l’œuvre principale de Rudolf Steiner. Dans cette mesure c’est donc une plaisanterie [ou aussi donc un « Welten humour », ndtDK] de l’histoire que précisément la Société anthroposophique soit perçue publiquement comme le foyer de l’utopie du revenu de base et que des anthroposophes proéminents aient promu l’introduction d’un revenu de base inconditionnel. [9] Voir Johannes Mosmann : La position politique de la Société anthroposophique, dans Communications de la Société anthroposophique 3/2018, pp.22 et suiv. — www.dreigliederung.de/essays/2018-03-002-die-politische-position-der-anthroposophischen-gesellschaft (en cours de traduction) |