triarticulation

Institut pour une triarticulation sociale
(contenu spécifique au site français)
Conditions d'utilisation.

Accueil

 

Deutsch EnglishDutchSkandinaviskFrançais ItalianoEspañolPortuguês (Brasileiro)Russisch
Recherche
 contact   BLOG  impressum 
triarticulation

Institut pour une triarticulation sociale
(contenu spécifique au site français)
Conditions d'utilisation.

Accueil

 

Deutsch EnglishDutchSkandinaviskFrançais ItalianoEspañolPortuguês (Brasileiro)Russisch
Recherche
 contact   BLOG  impressum 
Traduction de Daniel Kmiecik, revue par FG
version allemande

Idées archétypes du social

Udo Hermannstorfer

Octobre 2014

paru dans Sozialimpulse 4/2014

Pourquoi des humains comme nous sont-ils si séduits par l’idée de la Dreigliederung ?  Sommes-nous fixés sur elle parce qu’elle est devenue notre manière personnelle de voir préférée ou bien dans la mesure où nous sommes reliés à l’anthroposophie, et que simplement la Dreigliederung en fait partie ? Ce serait très insatisfaisant. Qu’est-ce qui la rend aussi encore si actuelle, si saillante, après presque cent ans, comme quelque chose qui va largement au-delà de tout ce qui est personnel ? De quoi s’agit-il au cœur de cette idée de la Dreigliederung ?

Avec le thème Dreigliederung de l’organisme social, il s’agit d’un nouvel ordonnancement des relations sociales, non seulement des êtres humains entre eux, mais aussi dans le rapport à la Terre et au Cosmos. Le fondement pour cela repose dans le contexte d’évolution, que nous avons actuellement atteint en tant qu’humains.

Des énergies environnantes aux vertus individuelles

Dans le passé les êtres humains ont grandi en sortant d’un ordonnancement global, dans lequel tout formait encore une unité et tout avait sa place. Depuis le premier moment le devenir individuel de l’être humain fut pourtant prédisposé dans ce Cosmos. Progressivement une différenciation commença, qui laisse reconnaître deux mouvements ; les forces périphériques pénètrent dans une certaine mesure dans l’être humain et inversement, celui-ci devient toujours plus éveillé et autonome, jusqu’à ce qu'il soit en situation de remettre en question son rapport l’ordre cosmique jusqu'à présent. L’être humain libéral commence à revendiquer une place active dans l’ordre social.

Ce puissant double mouvement — le mouvement provenant de la périphérie en bas vers l’être humain et le mouvement, qui émane de l’humain qui devient de plus en plus éveillé — repose à la base de toute évolution. Et cela vaut aussi socialement, reporté sur des communautés : au commencement dominent les énergies communautaires — les forces sociales périphériques — puis elles se retirent, les forces de l’individu deviennent plus éveillées, s’effondrent elles-mêmes au centre — jusqu’à un point de revirement, à partir duquel l’ancien ne se laisse plus maintenir. Si l’humain est devenu une première fois éveillé, cela ne se laisse plus inverser. À partir du moment où l’autonomie s’éveille, on ne parvient plus « à remettre l’esprit (génie) dans le flacon (bouteille)». Mais avec cela doit aussi se modifier fondamentalement quelque chose dans la structure relationnelle sociale.

Deux conditions pour un changement

Ce revirement a deux conditions — l'une est : il doit être humainement possible que des humains particuliers commencent à poser ces questions. La Dreigliederung n’est pas seulement quelque chose pour l’Allemagne, pour la Suisse, pour l’Europe centrale, pour l’Europe, pour le monde occidental. Elle doit aussi être accessible à des humains qui viennent de traditions tout autres. C’est un thème qui anime beaucoup d’entre nous. Cela vaut pour tout développement spirituel : quelque chose, qui fut une fois élaboré et compris, se tient désormais à la disposition de l’humanité entière. Mais pour que cela puisse être utilisé, l’être humain doit être totalement arrivé sur la Terre. Ce moment d’être-arrivé sur la Terre, auquel nous ont mené les Lumières et que nous acclamons ainsi comme un sentiment de liberté, provoque d’un autre côté, l’étiolement du spirituel agissant depuis la périphérie : on en arrive à la monstrueuse antinomie que notre cheminement en direction de l’illumination intérieure s’avance d’abord en étant accompagné d’un obscurcissement des forces spirituelles dans le monde.

Mais un second pas est encore nécessaire : pas seulement le Je se développant, doit s’élever et se placer sur lui-même — quelque chose doit aussi venir à sa rencontre, que nous appelons le Soi supérieur. C’est très joliment présenté dans le conte ( 1 ) de Goethe, ou bien chez Rudolf Steiner dans ses Drames-Mystères ( 2 ). Dans le conte, il est parlé d’un temple souterrain — les grandes énergies d’organisation sont encore souterraines, chez elles dans le Temple, elles ne sont pas encore publiquement disponibles. Ensuite se produit un nouvel appel — « Le temps est échu » —  lancé par des humains qui, au moyen de leur expérience terrestre, ont atteint un tel stade de conscience qu’ils sont suffisamment éveillés pour entendre l'appel qui vient à leur rencontre depuis le temple. Ce qui autrefois ne pouvait être conscient que dans l’obscurité des Mystères, peut et doit devenir public.

 

Nous, tels que nous sommes devenus avec toutes nos faiblesses, nous ne sommes pas le couronnement de l’humanité. Avec cela c’est quelque chose de beaucoup plus d'humanité qui est pensé, mais qui peut s’exprimer concrètement d’abord seulement en l’individu. « Des facultés sommeillent en tout être humain par lesquelles il peut acquérir des connaissances des mondes supérieurs ». Rudolf Steiner place cet axiome au début de son œuvre « Comment acquiert-on des connaissances des mondes supérieurs ? ( 3 ) Schiller exprima cela à sa façon dans ses « Lettres esthétiques » ( 4 ). Dans le moment où l’être humain est parvenu totalement à lui-même, il n'a pas le droit d'en rester à ce qu'il est devenu, mais il a besoin maintenant d’un pressentiment de ce qu’il peut devenir.

Comment les conditions sociales doivent-elles maintenant être créées de sorte que ces développements puissent s’accomplir ? Personne ne peut ordonner quelque chose comme cela à ses semblables ou bien l’exiger d’eux, mais nous pouvons créer des conditions, sous lesquelles ce à quoi nous tentons justement d'évoquer devienne un fait.

Du devenu au devenant

Vu ainsi on ne devrait pas fixer ce que nous appelons la Dreigliederung en éléments isolés, mais au contraire les rapporter à cette situation de base. L’embase de la Dreigliederung sociale doit contribuer à ce ce que la structure relationnelle des humains se transforme d’une manière que les structures de forces qu’a déterminées le passé et qui nous ont maintenus comme de l’extérieur, soient remplacées par des forces en devenir.

« La Dreigliederung demande : comment peut-il naître du neuf ? Comment des processus se laissent-ils initier, qui engendrent telle ou telle solution ?

Des formes modernes dans le social doivent stimuler à un devenir constant.  Elles ne doivent pas se coaguler dans le passé. Cela doit en arriver à un tournant qui sort le Je de la disponibilité à la communauté et en fait le point de départ de configurations relationnelles sociales. Les changements structurels nécessaires pour cela des institutions sociales, on les nomme en le récapitulant par « Dreigliederung de l’organisme social » : l’ancienne unité centralisée se brise, afin que le neuf puisse naître.

Dans l’observation de la désagrégation, on peut reconnaître que la structure sociétale n’est pas homogène, mais l’unité englobe trois qualités relationnelles différentes s’interpénétrant :

Sphère de liberté (vie de l’esprit)

Dans le domaine de la liberté, de l’individualité, dans lequel l’individuel fait pencher la balance, nous sommes totalement placés ou remis à nous-mêmes. Le thème liberté n’est en cela aucune invitation à la subjectivité, mais au renvoi à l’autonomie personnelle pour la propre organisation de la vie. Personne ne peut ici disposer d’autrui, on ne peut que s'associer spontanément.

Cela mène à une perte d’accord collectif dans ce domaine, puisque des évolutions individuelles ne peuvent pas survenir du même pas, mais elles produisent de la diversité. Nous ne sommes pas encore habitués à savoir faire avec : dans la sphère de liberté de la vie de l’esprit, l’individualité devrait être déterminante. C’est pourquoi on ne doit pas rester seul, on peut nouer de multiples relations, mais le point de départ de celles-ci sont les impulsions à agir du Je.

Sphère d’égalité (droit)

La seconde sphère concerne le plan du droit. Ici c’est le genre de relations entre humains qui sont régulées. C’est peut-être le domaine le plus compliqué, car la caractéristique pertinente pour cette sphère d’un « centre » n’est pas simple à comprendre. Seules des polarités se laissent décrire de manière non équivoque. Le centre par contre est prédisposé au rythme, il doit toujours de nouveau être en premier établit et est en mutation constante de ce fait.

Le juridique à toujours une tendance à des conventions — que ce soit des conventions strictes, comme des lois ou contrats, ou bien de banals accords verbaux entre intéressés, rien n’y joue un rôle aussi essentiel : il s’agit toujours d’y trouver ensemble deux intérêts ou plus. Sur ce point, le droit sert aussi la liberté. Il en va pourtant autrement, lorsqu’il s’agit de réglementations qui concernent tout le monde. La participation au processus démocratique surgit à la place de l’autonomie individuelle. On doit être de plus en plus au clair sur le fait que là où de telles réglementations sont absolument pertinentes, c’est là où justement, ce n’est plus l’individu qui importe, mais ce que tous veulent placer ensemble à la base de leur relation comme mesure du droit. Cette participation au processus social se tient sous le point de vue de l’égalité.

Sphère de fraternité  (économie)

Le troisième domaine — la vie de l'économie, là où nous travaillons les uns pour les autres —, s’ouvre peut-être le plus difficilement à notre compréhension. Actuellement dans cette sphère, dans laquelle tout devrait survenir sous le point de vue principal de la fraternité, la liberté est par trop dominante : car comme auparavant, l’économie est organisée sous le point de vue de la libéralité de l’économie du marché. Une conscience de responsabilité sociale spéciale ne serait pas indispensable ici, puisque les forces du marché amèneraient d’elles-mêmes un ordre correspondant.

La question de l’émergence de la conscience de responsabilité dans l’économie en est un aspect. Rudolf Steiner insiste sur un autre aspect, lorsqu’il insiste sur le fait qu’il ne faut pas seulement une autre disposition d’esprit, mais au contraire, savoir comment nous devons créer des structures qui ne permettent pas qu’on en arrive à un débordement du Je. De telles « associations » sont indispensables afin qu’avec cela des expériences individuelles puissent se condenser principalement en un jugement social et mener aux nécessaires mesures correctrices. Celui qui ne peut rien voir de fondé en droit là-dedans, mettra aussitôt en garde contre une économie planifiée et mise en tutelle, si l’on n’a aux lèvres que le mot « économie associative ».

Cela a mené au fait que durant longtemps, nous ne fûmes pas en situation de poser les questions économiques correctes. Aujourd’hui encore, nous avons des difficultés avec cela : devons-nous importer des légumes du tiers-monde ou bien encourager la production des nôtres ? Personne ne connaît les réponses correctes à ces questions. Sur une voie libérale, chacun pour soi, nous n’en trouverons pas non plus. De l’urgence de poser ces questions s’instaurent toutes les formes de coopération possibles. Mais lorsqu’on voit de quels genres sont les propositions de solution, il n’y a encore rien de satisfaisant là dedans.

Beaucoup et bien la majorité d’entre nous, se sentent chez eux dans le domaine de la liberté, ce qui se laisse aisément comprendre — mais ce qui mènerait à un abandon des deux autres domaines. Il est nonobstant important qu'ils ne nous échappent pas des mains. Et puisque nous ne sommes plus protégés par les anciennes formes de communauté du passé, il est décisif de découvrir comment d’une manière correcte on peut en arriver à une nouvelle liaison de ces deux domaines.

La question vers le Je supérieur

Avec tout cela émergent de nombreuses questions profondes, par exemple celle de la compréhension de l'humain en devenir, — un thème central du Christianisme, sans que l’aspect futur du Soi spirituel reste, selon moi, totalement « en l’air ». Sans l’acte du Christ nous ne pourrions voir dans le Je qu’une escalade (NDT « Übersteigerung”, exagération, exacerbation) de la personnalité, avec une mise en danger sur une échelle graduée ouverte vers le haut : personne ne connaît pour l'instant tout ce qu’il y a dans cette « boîte de Pandore », dont la surface à l’air si anodine. Mais lorsqu’on l’ouvre un peu, alors toutes sortes de maux en surgissent, mais pas ce qu’on espère. Sans une réponse à la question du Soi supérieur, on ne peut pas répondre d’une manière moderne à la question de la configuration de la vie sociale commune. Dans la discussion on rétorque toujours qu’il s’agirait ici de conceptions du monde, qui en tant qu’affaires privées, devraient être tenues hors des tâches de configuration sociale. Mais c’est justement l’inverse, il s’agit de questions que l’on ne peut pas repousser, mais qu’on doit au contraire mettre en mouvement. Et lorsque nous nous en préoccupons sérieusement, des questions supplémentaires émergent encore…

Nous voyons à tout cela que s’accomplit un tournant fondamental — un trans-troussement (NDT Durchstülpung) à partir de l’ancienne homogénéité, par au travers le Je, un véritable nouveau positionnement. Dreigliederung veut seulement dire au fond, suivre et aider à reconfigurer les conditions de ce nouveau positionnement.

Évolution progressive de l’âme de conscience

Tout cela ne tombe pas simplement ainsi du Ciel, mais se développe progressivement. En considération du passé, nous ne parlons pas de Dreigliederung au sens propre, bien que des processus culturels, juridiques et économiques se sont toujours joués, depuis que les êtres humains ont à faire les uns avec les autres. Il y a toujours eu la nécessité d’une régulation de ces contextes. Ce n’est pas cela qui est nouveau, au contraire, c’est la manière dont ces thèmes surgissent entre les êtres humains et fond la queue. Dans notre époque que nous nommons l’époque de l’âme de conscience, le questionnement n’est pas seulement élargi, mais transformé. Il est extrêmement important de savoir que toute époque de culture a sa propre mission. Pour cela le passé doit être d’abord récapitulé sous le nouveau point de vue, pour que ce qui est nouveau puisse montrer toute sa réalité.

Les derniers siècles servirent l’introduction du développement de l’âme de conscience. Nous sommes à présent dans la situation, à partir des forces de l’âme de conscience, de vouloir et de devoir travailler. À présent les réformes de l’ancienne homogénéité sociale ne suffisent plus. Avec l’évolution de la conscience scientifique, l’ancienne compréhension de l’esprit est allée en se perdant ; la nuit tomba, de réelles ténèbres s’interposèrent dans la relation de l’être humain au monde de l’esprit.

Dans la même mesure débuta pour cela un éveil pour le monde physique. Avec cela aussi se posa la question de l’essence de l’humain et de ses relations sociales. Ainsi se déploya une nouvelle culture qui ne conduisit pas seulement au matérialisme, mais rendit visible par-dessus cela la nécessité d’une science de l’esprit moderne appuyée sur la connaissance. Il est vrai que l’émancipation de l’individualité qui lui est liée se prend de querelle à présent avec l’idée étatique : certes, l’État contribue à ce que l’individu se libère de l’ancienne tutelle spirituelle mais il n’abandonne toujours pas ce qui se laisse décrypter dans la collusion de l’État et de la vie spirituelle au sein de l’éducation et de nombreux autres domaines. Ceci, bien que puisse être faite spirituellement pensable l'expérience de la preuve existentielle dans l’observation psychique de chacun que l’être humain n’est pas simplement attaché au matériel dans la connaissance de soi, mais en situation de se relier aussi individuellement à l’esprit.

Dans le domaine de la vie de droit la grande transformation eut lieu, avant tout sous la forme de la Révolution française, qui renversa les anciennes structures sociales. À la place d’un ordre hiérarchiquement structuré, les droits de l’être humain individuel furent élevés au rang de fondement de l’auto-organisation démocratique d’une société. Cette partie de la Révolution en resta aussi bloquée à mi-chemin, puisqu’on tient fort à l’homogénéité de l’État et qu'à cause de cela les qualités relationnelles esquissées ne peuvent pas se développer de manière autonome, comme le nécessiterait l’âme de conscience pour son évolution.

Dans le domaine de l’économie, une économie de marché fondée sur la division du travail s’est développée dans l’humanité qui engendre certes du bien-être civilisationnel, pour une partie des humains, mais en ayant à peine développé des structures et des processus pour mettre ces forces en pleine responsabilité au service du développement social.

Une mise en articulation [Gliederung] qui n’est pas achevée

La mise en articulation nécessaire de l’unité sociale originelle est jusqu’à présent incomplète. Quelques-uns des entrecroisements mènent à des situations qui endommagent véhémentement un développement social sain et qui nous préoccupent intensément pour cette raison dans le mouvement de la Dreigliederung.

1. Le droit de propriété foncière et d’entreprise en vigueur. Le droit de propriété est un droit de disposer sans qu’à peine on soit apte à agir. Mais peut-on disposer du sol, que la nature met en bloc à la disposition de toute une communauté humaine, en le louant ou l’achetant ou le vendant et avec cela en privatisant aussi la rente foncière ? — À partir de toutes autres raisons la question se pose aussi pour les entreprises. Car les entreprises sont des communautés de travail. Peut-on négocier une entreprise comme on négocie un objet ? — nos réglementations de la propriété pour le foncier et les entreprises sont les causes originelles responsables de nombreux problèmes sociaux — avant tout dans la question de la juste répartition. Comment doit être remis en ordre et structuré le droit de propriété, de sorte que non seulement de telles nuisances soient écartées, mais que plus encore la propriété puisse mener à un assainissement des conditions sociales ?

2. Avec le problème de la propriété est reliée la question des réglementations du travail. Les règlements et contrats et de travail existant s’appuient largement sur la propriété du capital investi. Avec cela les rapports de travail ne peuvent pas se développer sur le terrain de l’égalité et du partage au moyen de la reconnaissance, mais deviennent, dans le meilleur des cas une guerre des tarifs.  Avec cela le travail devient un article mercantile du marché du travail et donc vénal. L’organisation du travail est cédée aux forces de marché de l’économie elle-même.

3. Un troisième complexe concerne les questions au sujet du rôle de l’argent. Quoique celui-ci ait perdu depuis longtemps son caractère réel et sa fonction qui devrait être un document de droit qui nous facilite l’économie, il est juridiquement considéré comme une marchandise qui peut être négociée sur les marchés financiers et devenir un instrument de pouvoir dans l’association aux droits de propriété. L’enchaînement des énergies de l’argent qui en résulte a atteint dans la crise financière un point culminant dramatique.

Tous ces trois thèmes concernent la problématique d’articulation et soulignent la nécessité de l'articulation sur les deux plans relationnels : vie de droit et économie. Il existe des questions analogues, entre droit et culture et entre économie et culture. Le penser unitaire du passé projette son ombre sur le présent parce que ces problèmes n’ont pas été conséquemment résolus, alors que le temps était échu pour ce faire. Ils doivent d’abord être résolus afin que la progression nécessaire de l’être humain à la sociabilité puisse avoir lieu.

Retourner aux pensées originelles (NDT ou archétypes)

L’une des questions les plus fréquentes dans le cadre de la discussion sur le Dreigliederung se réfère à la question de savoir si et quand une institution ou une mesure correcte correspond à l’idée archétypique de la Dreigliederung.

Tout un chacun qui veut agir pour la Dreigliederung, ne peut pas demeurer dans des exigences abstraites, mais il doit penser ces idées jusqu’au tréfonds de la vie pratique et créer des formes réelles. La question après la réalisation mène d’elle-même à la tendance à développer pour tout et chaque une représentation achevée de ce à quoi la transposition pourrait ressembler. Aussi longtemps que chacun fait cela pour soi, cela ne pose pas de problème et rend le penser vivant. Mais dès qu'apparaissent pourtant diverses représentations entre les êtres humains, la question naît de la « justesse » d’une action : pour tout, il y a des raisons correspondantes. Pour cela une remarque tirée des « Points essentiels de la question sociale » : « On s’est ainsi accommodés à vivre dans des institutions, de sorte qu’on s’en est formé des avis sur ce qu’il faut en conserver et ce qu’il faut en modifier. On s’oriente en pensées d'après les faits que l’idée doit pourtant dominer. Mais il est aujourd’hui nécessaire de voir qu’on ne peut rien gagner autrement d’un jugement qui est à la hauteur des faits, qu’en en revenant aux pensées archétypes, qui reposent au fondement de toutes les institutions. »( 5 )

C’est une exigence à une autre manière de procéder : ne pas chercher seulement une réponse dans la justesse du « on devrait », à laquelle d’autres seront mesurés. Chaque humain a une attitude déterminée, un point de vue déterminé, a fait des expériences déterminées, chaque situation a sa particularité. La manière nouvelle de s’y prendre ne repose pas dans la comparaison de deux actions dissemblables, mais au contraire dans le vécu d’une qualité d’accord entre deux idées poussant à réaliser et une apparition concrète. Richtigkeit Entre les diverses formes d’apparition se trouve « l’image origininelle », la pensée archétype ce qui est encore totalement non configuré, encore potentiel, qui ne peut être appréhendé que dans le mouvement. Pour cela des représentations de nature reproductive ne suffisent pas, au contraire, ce sont des formes idéelles vivantes qui sont requises. Dans les relations sociales, tout est en mouvement. C’est pourquoi Rudolf Steiner attire l’attention sur le fait que dans la mise en forme sociale on ne peut aller plus loin que si l’on élargit ses propres facultés cognitives, et que l’on pousse en avant jusqu’aux qualités des imaginations, des inspirations et des intuitions. Ce n’est que de cette façon qu’on peur percer à jour ces processus mobiles et complexes. Des comparaisons normatives ne seront pas conformes à cela.

Des concepts mis en mouvement peuvent fusionner des états de fait, qui s’excluent dans leur nature représentative, en une totalité complexe. Pour rendre ceci accessible à l’expérience, on doit, d’une part, développer une conscience de ce qui est image archétype et, de l’autre, trouver les points de vue qui reposent à la base d’une action déviante. Il en résulte l’accord d’une action, harmonieuse ou dissonante. Ces images archétypes on ne les voit pas extérieurement, mais elles agissent d’une manière créative dans la découverte de l’action et sont le terrain de résonance dans la réflexion.

Devenir soi-même organe de perception

Pour pouvoir devenir coformateurs de relations sociales, nous devons percevoir et connaître et pas seulement faire des efforts statistiques. À cela se tiennent les plus violentes objections. Elles s’appuient là dessus, que notre être associé à la vie sociale nous inhibe subjectif dans notre jugement et pour cela nous fait partisan. À « l'auteur » (NDT des faits) on ne devrait pas demander s'il trouve quelque chose bien ou pas. Outrancièrement cela signifierait : que n'est seulement objectif celui qui parle sur ses choses, auxquelles il n'était pas. De cela se constitue l'exigence après des normes sociétales, qui se tiennent objectivement par-dessus l'individu et avec cela érigent une certaine manifestation temporairement au rang d'un archétype.

Ici se montre qu’il est encore totalement inhabituel de s’y prendre dans les contextes sociaux en ayant recours à la réalité des archétypes. Nous faisons erreur si nous pensons que la Dreigliederung délivre la « recette » correcte pour nos actions.  Il n’y a plus personne qui puisse nous dire ce que nous avons à faire. Mais des communautés humaines peuvent être formées, qui peuvent trouver la voie évolutive. Ne faire que courir en accompagnant sur cette voie suffit de moins en moins, si nous voulons soutenir les exigences sociales du présent.

Conditions d’un façonnement social

Mais qu’exige de nous la vie sociale d’aujourd’hui ?

  • Un être éveillé de la conscience

Sans une conscience cognitive l’être humain ne peut pas agir d’une manière responsable. Nous voulons avant cela être au clair sur le fait que ce que nous faisons et n'utilisons pas d’autres humains comme des lapins d’expérience sociale. Les humains ne sont pas des objets de la vie sociale, mais ses créateurs. Les enfants nous le montrent, en ce qu'ils opposent à notre tendance tutélaire les questions : pourquoi ? Pour quelle raison ? L’éveil qui s’en déclenche est souvent désagréable, parce que nous vivons une résistance — mais sur la durée on ne peut que gagner à la résistance.

  • Ouverture au façonnement, ouverture au résultat

Nous devons apprendre à vivre avec des structures et des processus ouverts — une ouverture au résultat signifie que c’est à la fin des efforts que l’on sait seulement ce qui est obtenu. C’est partout le cas dans le social, là où d’autres humains participent. C’est la conséquence de la reconnaissance de leur participation. Si tout était déjà achevé, pourquoi et sur quoi devrait-on en arriver au dialogue ?

  • Co-façonner en coresponsabilité

Nous voulons peut-être franchir le seuil vers l’autonomie, mais continuer de nous comporter comme avant, lorsqu’on était familiarisés au fait que les affaires sociales étaient régulées par une instance supérieure. Maintenant, l’État adopte ce rôle. Pourtant de l'autre côté de ce seuil de l’autonomie, nous ne faisons que jeter un regard sur nous, au travers de toutes les tâches. Que puis-je faire ? Nous nous retrouvons dans la coresponsabilité. Coresponsabilité exige co-façonnement. Ce qui devient décisif c’est, non pas ce qu’on devrait faire, mais au contraire ce que je peux et veux faire. C’est la raison pour laquelle l’idée d’autogestion a une si grande signification : il n’est pas seulement une théorie sur le pourquoi quelqu’un devrait, en plus de son travail personnel, fournir encore un travail de communauté, mais au contraire une expression de responsabilité vécue.

  • Contribuer au lieu d’exiger

La revendication passive à l’égard de l’organisme social l’épuise ; la contribution l’enrichit. La revendication se réfère à moi-même, la contribution se tourne vers les autres et développe ainsi une sensibilité sociale. Sans le renforcement de celle-ci, les évolutions nécessaires ne pourraient jamais avoir lieu.

  • Devenir gardien de limite

Nous ne pouvons plus fixer unitairement tous les événements de la vie sociale. Mais si différentes manières de voir étaient admises, alors les communautés devraient se retirer au rôle du gardien de limite. Il ne s’agit plus maintenant de juger de l’extérieur, si quelque chose est faux ou correct, mais de flairer si quelque chose « va trop loin », franchit une certaine frontière. La qualité de gardien de frontière s’appuie sur une compréhension des archétypes. C’est une tâche d’exercice que de devenir sensible aux franchissements des limites.

  • Développer une culture de la réflexion

Un franchissement de limite ne peut être connu, que lorsque nous réfléchissons. Sans réflexion, nous perdons la faculté de détermination d’orientation. Un comportement responsable, libre, requiert une culture de réflexion adéquate.

  • Mesurer au tout

Garder la limite, réussit seulement en ce que lors de nos actions, nous interrogeons toujours le tout en arrière-plan. Avec cela retentit de nouveau le thème de l’archétype, cette fois en tant qu’image d'une communauté. Nous devons apprendre à procurer une validité au point de vue de la totalité dans les structures et les processus de la vie sociale.

Rudolf Steiner expose plus loin dans le passage déjà mentionné : « Si des sources correctes sont inexistantes, à partir desquelles les forces, qui reposent dans ces pensées archétypes, affluent toujours du nouveau à l’organisme social, alors les institutions prennent des formes, qui n’encouragent pas la vie, mais au contraire la paralysent. » ( 6 ) On ne doit pourtant avoir aucune peur vis-à-vis de cela, mais :

« Ces bouleversements n’interviendront seulement pas si l’organisme social est formé de manière à ce qu'en lui à tout moment la tendance puisse être disponible d'observer où se forme une déviation des institutions projetées par les, pensées archétypes et en même temps la possibilité existe de travailler à l’encontre de cette déviation, avant qu’elle ait acquis une force porteuse de malheur. »( 7 )

L’ouverture de la compréhension aux idées archétypes à l’œuvre dans le social et la réflexion des formes réelles d’apparition devant leur arrière-plan, forment les deux pôles d’un rythme, dont nous avons un besoin urgent de l’efficacité sur la voie de notre autonomisation hors de la surcompétence de l’État.

 

( 1 )Johann Wolfgang von Goethe, Le conte. Paru en 1795 dans la revue éditée par Friedrich Schiller « Les Heures », en tant que dernière contribution du cycle des nouvelles de Goethe « Entretiens d’émigrés allemands ».

( 2 )Rudolf Steiner : Quatre Drames-Mystères : La porte de l’initiation, l’épreuve de l’âme, le gardien du seuil, l’Éveil des âmes. GA 14.

( 3 )Phrase qui commence le GA 10.

( 4 ) Friedrich Schiller : Sur l’éducation esthétique de l’être humain, dans une série de lettre (1795) édition en livre de poche Reclam

( 5 )Rudolf Steiner, Les points essentiels de la question sociale dans Les nécessité de la vie du présent et du futur, GA 23, Dornach 1976, p.92.

( 6 )À l’endroit cité précédemment, pp.92 et suiv.

( 7 )À l’endroit cité précédemment, p.93.