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Institut pour une triarticulation sociale
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Une réponse à la question  :
pourquoi Rudolf Steiner
nous a-t-il rendu si difficile
de le comprendre ?

par Lutz von Lölhöffel
(accentuations du texte par l'auteur)
(trad. F. Germani, v. 01 - 10/10/2021)


1 - Au paragraphe 19 de la conférence de Dornach du 28.12.1914 (1re dans GA 275 = L'art à la lumière de la sagesse des Mystères), édition allemande 1966, page 26, il est dit :
"On entend si souvent : Oui, les livres que nous offre la science de l'esprit moderne sont écrits difficiles, ils exigent que l'on fasse un réel effort, que l'on devienne actif dans le développement de ses forces d'âme, afin de vivre complètement dans cette science de l'esprit. - Des personnes "bienveillantes" - et je mets cela entre guillemets - cherchent toujours à faciliter la tâche de leurs semblables dans les passages difficiles et, si possible, - et je ne mets pas de guillemets ici -, elles veulent banaliser ce qui est écrit dans un style un peu difficile. Mais il est dans la nature de la science de l'esprit qu'elle pose des exigences à l'activité de la vie de l'âme, que dans une certaine mesure on ne vienne pas facilement à la reconnaissance de la science de l'esprit, car dans cette science de l'esprit, il ne s'agit pas seulement de prendre ceci ou cela, il s'agit de savoir comment on peut l'absorber qu'on l'absorbe par l'effort, par l'activité de l'âme, qu'on doit, pour ainsi dire, pardonnez l'expression moins polie, travailler à la sueur de son âme pour le bien spirituel-scientifique. Cela appartient, pardonnez l'expression mécanique, à l'entreprise spirituelle-scientifique."
Cependant, le "style difficile" n'est pas le seul moyen utilisé par Rudolf Steiner pour alourdir la compréhension des contenus spirituels-scientifiques. En les expliquant, il utilise à plusieurs reprises des mots différents pour expliquer les mêmes faits et utilise souvent le même mot pour désigner des choses très différentes. De plus, il a l'habitude de répartir les différents aspects d'une affaire déterminée sur plusieurs passages, qu'il faut rassembler afin de saisir ce sujet aussi complètement que possible et avancer vers sa (vraie) compréhension - pour trouver ce qu'il a voulu communiquer et ne pas rester collé sur une seule formulation.

2 - Un passage, peut-être plus connu que celui cité ci-dessus, figure déjà au paragraphe 21 de la conférence aux membres de Nuremberg du 3.12.1911 (n° 7,2 dans GA 130 = Le christianisme ésotérique et la direction spirituelle de l'humanité), édition 1995, pages 194 au milieu et 195 ci-dessus :
"Pour ceux qui ont entendu, des conférences comme elles ont tout de suite été données, je tiens à préciser que j'ai présenté autrement ces processus graduels d'un autre point de vue, tant à Munich qu'à Stuttgart. Mais c'est la même chose. Ce n'est que ce qui devrait maintenant être présenté en rattachement aux trois grandes forces de l'humanité, la foi, l'amour et l'espérance, qui a été présenté là par référence directe aux éléments de la vie de l'âme humaine. Mais c'est tout à fait la même chose, et je le fais exprès de cette manière, pour que les anthroposophes s'habituent à aborder la chose plutôt que les mots. Lorsque nous verrons que les choses peuvent être caractérisées sous les aspects les plus divers, alors nous ne jurerons plus par les mots, mais nous nous efforcerons d'approcher la chose et de la prendre de telle sorte que nous sachions que les mots qui caractérisent les choses sous les aspects les plus divers ne sont censés signifier rien d'autre que des approximations précises de la chose elle-même. Nous approchons de la chose par rien de moins que par jurer sur les mots une fois prononcés, mais seulement en ce que nous amenons en harmonie ce qui est dit dans les temps successifs, de même que nous apprenons à connaitre un arbre seulement en le prenant non d'un seul côté, mais des côtés les plus variés."

3 - Oui, Rudolf Steiner va même jusqu'à dire qu'il formule de manière à ce que les gens soient obligés de se forger un jugement indépendant sur la série de faits qu'il présente [voir le paragraphe 7 suivant de la conférence aux membres de Stuttgart du 30.1.1923 (2e dans GA 257 = Formation anthroposophique de communauté), édition allemande 1989, page 33/34] :
"Il est donc nécessaire, lorsqu'on fait une affirmation sous responsabilité sur le champ anthroposophique, que l'on tienne compte du contexte, que l'on ne fasse donc pas, à propos de ce qui au sens strict veut se placer sur le terrain de l'anthroposophie, la remarque que l'on se forme un jugement indépendamment de ce que dit Steiner. Car s'il n'est pas sur la défensive ou contraint de corriger l'un ou l'autre, il parlera toujours de telle manière que, même lorsqu'il a parlé, l'individu est même obligé de former son propre jugement, car la possibilité de former un jugement dépendant ne lui est pas du tout donnée. Souligner cela est beaucoup plus important et essentiel pour l'ensemble de l'attitude anthroposophique que ce qui a été souligné par certains ici hier et qui, en raison de son caractère déplacé, peut donner lieu à de nombreux germes de malentendus. Il est extrêmement important que je l'évoque ici comme quelque chose qui appartient dans le principe à l'anthroposophie". (Ce en quoi, la dernière phrase se réfère à plus que le paragraphe 7 cité ici !).

4 - Encore avant 1914, à savoir dans le paragraphe 29 de la conférence aux membres de Kassel du 30.6.1909 (7e dans GA 112 = L'Évangile de Jean en relation avec les trois autres Évangiles, en particulier avec l'Évangile de Luc),         [ 2 ]
 il est dit, édition allemande 1984, page 133 en bas à 134 en haut :
"Lorsque nous comprenons la résurrection de Lazare ainsi, elle devient pour première fois pleinement transparente. Ne croyez toutefois pas que lorsque des faits spirituels-scientifiques sont communiqués, on puisse en parler si ouvertement que tout soit présenté à tout le monde aussitôt. Ce qui se cache derrière un tel fait spirituel-scientifique est communiqué sous divers déguisements et voiles. Il doit en être ainsi. Car celui qui veut saisir un tel mystère doit d'abord se frayer un chemin à travers des difficultés apparentes, afin que son esprit soit fortifié et revigoré. Et c'est précisément parce qu'il a du mal à se frayer un chemin à travers les mots qu'il atteint l'esprit derrière une telle chose..."

5 - Vers la fin du paragraphe 31 de la conférence aux membres de Dornach du 24.12.1916 (9e dans GA 173 = Considérations d'histoire du temps. Première partie) il est dit :
" ... C'est pourquoi j'insiste toujours de nouveau : je ne me laisserai jamais aller à penser parler autrement qu'en des concepts dans une certaine mesure difficiles qui font appel à l'intellect, de sorte que tout le monde soit obligé de penser avec moi, de participer à ce qui est en jeu en termes de concepts. Il est hors de question de provoquer une frénésie et d'avoir un effet sur autre chose que l'intellect si l'on prend pleinement au sérieux la cinquième période post-atlantique et ses exigences."

6 - Dans la conférence aux membres de Vienne du 1.10.1923 (n° II,4 dans GA 223 = Le cycle de l'année en tant que processus respiratoire de la Terre et les quatre grands temps de fête [I] + L'anthroposophie et l'esprit humain [II] Édition allemande 1990, le paragraphe 13 (page 155 milieu à 156 haut) est écrit ce qui suit :
"Si vous lisez un livre anthroposophique, pour mon compte même si vous lisez un cycle, et que vous le lisez de telle manière que votre lecture ressemble à la lecture d'un autre livre, que votre lecture est aussi abstraite que la lecture d'un autre livre, alors vous n'avez pas vraiment besoin de lire de la littérature anthroposophique. Je vous conseillerais plutôt de lire des livres de cuisine ou des manuels techniques ou autres, car ils seront plus utiles, ou un manuel sur la meilleure façon de faire des affaires. Lire des livres anthroposophiques ou écouter des conférences anthroposophiques n'a de sens que si l'on est conscient que pour absorber ces résultats, il faut s'accorder tout à fait différemment que pour les autres résultats. Cela apparaît déjà dans le fait que ces humains-là qui se considèrent aujourd'hui comme particulièrement intelligents considèrent néanmoins cette littérature anthroposophique comme une folie. Oui, ils doivent avoir des raisons de considérer cela comme une folie. Les raisons sont les suivantes : tout le reste dit autrement, tout le reste nous présente le monde autrement. Nous ne pouvons pas nous laisser abuser par ces anthroposophes qui présentent le monde d'une manière totalement différente ! - Oui, ce qui vient au monde comme résultats anthroposophiques est différent de ce que l'on nous dit aujourd'hui. Je dois dire que la politique parfois suivie par certains de nos amis, qui consiste à embellir l'Anthroposophie aux yeux du monde en la présentant comme s'il n'y avait pas de contradictions avec les opinions triviales des autres, n'est pas vraiment correcte, bien qu'on la rencontre sans cesse. On a besoin d'une autre attitude, une orientation de l'âme complètement différente, si l'on veut vraiment considérer ce que dit l'anthroposophie comme plausible, compréhensible, intelligent et non pas fou".

7 - Maintenant, j'aimerais apporter un exemple. Il s'agit de la formulation des "trois parlements" dans "l'organisme social".
Ce lecteur qui ne connait pas les premiers paragraphes de ce document de travail et qui n'a pas étudié comment cela pourrait être pensé avec les parlements est peut-être tenté de prendre ce passage au pied de la lettre, de le citer comme le résultat de la recherche de l'esprit. Cela conduit alors à du travail personnel manquant de fond ! - à des malentendus parmi ceux qui entendent ou lisent (seulement) cette citation.
Dans la conférence publique de Berne : "Les fondements réels d'une Société des Nations dans les forces économiques, juridiques et spirituelles des peuples" (1re dans GA 329 = La libération de l'être humain comme base d'une réorganisation sociale - ancienne pensée et nouvelle volonté sociale) du 11.3.1919 (édition allemande 1985) Rudolf Steiner parle au paragraphe 26 du fait "qu'il faut distinguer dans un organisme social trois sources de vie humaine tout à fait différentes et originelles. Ces trois sources originelles de la vie humaine, elles se rejoignent tout naturellement dans l'organisme social, elles travaillent ensemble."
Puis, au début du paragraphe 30, il est dit :
"Cette triarticulation de l'organisme social n'a pas provoqué une quelconque pensée abstraite, cette triarticulation est là." Des citateurs hâtifs pourraient maintenant penser que cela signifie que "la triarticulation" existe déjà, alors que ce passage fait seulement référence aux "trois sources".
 Si l'on poursuit la lecture, il en résulte que :
"Et la question peut seulement être : comment réguler de manière appropriée cette triarticulation, pour qu'il en sorte non pas un organisme social malade, mais un organisme social sain ?". Et ceux qui ont encore des doutes n'ont qu'à lire la suite : "Ensuite - et je ne peux évidemment citer que des résultats dans ces indications - une observation impartiale de l'organisme social conduit à dire : C'est précisément la mauvaise appréciation de cette différence radicale des trois sources de la vie sociale au cours du développement historique récent qui a conduit à la discussion dans laquelle nous sommes déjà engagés aujourd'hui, et dans laquelle nous serons de plus en plus engagés. D'une manière illégitime, au cours des derniers temps, ces trois courants [sources] de l'interaction humaine ont été mélangés."
Au paragraphe 48, nous arrivons maintenant à l'endroit où apparaissent les mots "trois parlements". Il y est dit (page 37 ci-dessus) :
"La vie économique d'un organisme social triarticulé pourra se vivre tout de suite aussi à l'intérieur de rapports économiques qui ne sont pas faits par des rapports étatiques, mais par des êtres humains qui se développent/grandissent hors de tels territoires où il n'y a pas un parlement, mais où sont trois parlements, un parlement spirituel, un économique et un d'état, dans lesquels il n'y a pas une administration, mais trois administrations qui œuvrent ensemble. Ce n'est qu'à partir de tels territoires que pourront en grandir des humains qui pourront alors jouer le rôle correct dans une organisation intergouvernementale. …"                 [ 3 ]
 Il s'agit de remarquer ici qu'il est distingué entre des comités/aréopages qui établissent des règles respectivement émettent des prescriptions et des administrations. Les administrations seraient seulement les "organes exécutifs". Seulement nous sommes habitués au fait qu'ils émettent également des règlements (ordonnances), bien que ce ne soit pas du tout la tâche d'"organes exécutifs". Si l'on fait donc une distinction appropriée, il apparaît clairement qu'avec les "trois parlements" sont pensés des comités donnant des prescriptions, et que ceux-ci ne doivent pas être issus d'élections de la population, mais doivent être formés de personnes compétentes dans les domaines différenciés. Seul le "parlement d'État" pourrait voir le jour sur la voie à d'élections générales. La question de savoir si cela est souhaitable ou si les décisions du peuple en la matière ne sont pas la meilleure solution (comme Rudolf Steiner l'entendait) est examinée dans mon document de travail n° 5027a (Parlement ou procédure référendaire dans le membre "vie de droit" ?).
En ce qui concerne l'International (aujourd'hui "Nations unies"), il est dit ensuite au paragraphe 49 (page 37 au milieu) :
" ... Tous ces rapports seront aussi placés sur une base saine dans le domaine international, lorsque la base saine se sera d'abord produite dans le territoire social particulier. De ces territoires sociaux particuliers émergera alors l'être humain qui pourra contribuer de manière adéquate à la vie internationale.

8 - Que le sujet des "organisations internationales" soit complété ici encore par une déclaration de Rudolf Steiner tirée du paragraphe 50 de la conférence aux membres à Berne du 29.11.1917 (1re dans GA 182 = La mort comme transformation de la vie, édition allemande 1969, pages 31 bas à 32 haut), citée ici :
" ... C'est l'un des extrêmes. De l'autre côté, l'extrême dont rêvent aujourd'hui toutes sortes de soi-disant idéalistes : créer dans le monde entier, en dehors de tout ce qui est spirituel, des organisations purement programmatiques, intra- et interétatiques, grâce auxquelles les guerres sont censées être abolies. Les humains se convaincront, parce qu'ils vivent dans une telle illusion, qu'ils ne sont pas en train d'abolir ce qu'ils veulent abolir, mais plutôt de conjurer ce qu'ils veulent abolir. Il y a une bonne volonté dans ces choses. C'est ce qui doit émerger de la conscience matérialiste de l'époque, je dirais, comme un sommet politique de l'être terrestre tout entier, mais qui conduira exactement au contraire de ce qu'ils veulent obtenir avec cela."
Dans le numéro de juillet (n° 1/2/ ? 1919), un long essai du professeur de droit de Tübingen, Philipp von Heck, est paru dans "Die Tribüne - bimensuel pour l'accord social" sur le thème de la "Triarticulation de l'organisme social", dans lequel il est fait référence aux "trois parlements". La conférence publique de Rudolf Steiner à Berne le 11 mars 1919 n'a été imprimée qu'en 1943/44 dans la revue bernoise "Gegenwart". Soit l'expression des trois parlements apparaît déjà ailleurs dans l'œuvre de Rudolf Steiner et a déjà été publiée à l'époque, soit le professeur de Tübingen a participé à la Conférence internationale de la Société des Nations du 7 au 13 mars 1919 à Berne et a également entendu la conférence publique parallèle de Rudolf Steiner du 11 mars 1919 dans la salle du Grand Conseil de l'Hôtel de ville de Berne.

9 - Un endroit supplémentaire où est parlé de trois parlements se trouve dans les paragraphes 42 et 51 de la conférence publique de Berne "Welchen Sinn hat die Arbeit des modernen Proletariers ?" (Quelle est la signification du travail du prolétaire moderne ?) du 17.3. 1919 (2e dans GA 329 = La libération de l'être humain comme base d'une réorganisation sociale - Vieille pensée et nouvelle volonté sociale). Cependant, cette conférence n'a été imprimée pour la première fois qu'en 1985. Il y est dit :
(42) "Ainsi, en s'impliquant dans les fondements de ces choses, on en arrive cependant à l'opinion radicale, qui s'avère pour certains inconfortable, que pour le rétablissement de nos conditions sociales, trois organisations sociales indépendantes doivent se développer côte à côte, qui travailleront ensemble de la bonne manière précisément parce qu'elles n'ont pas une centralisation uniforme/unifiée, mais sont centralisées en elles-mêmes..." : un parlement qui administre les affaires spirituelles, une administration qui sert seulement ces affaires spirituelles ; un parlement et une administration de l'État de droit, l'État politique au sens étroit ; un parlement et une administration indépendante du cycle économique pour lui-même ; en quelque sorte des États souverains côte à côte. En se tenant côte à côte, ils pourront réaliser ce que l'âme prolétarienne moderne désire, mais qui ne peut être atteint par une pure étatisation centraliste de l'ordre sociétal." (page 73 centre)
(51) "Mais pour cela, il faut d'abord que les humains se tiennent dans un juste rapport les uns aux autres. [...] Le même humain peut être en même temps dans le parlement économique, dans le parlement démocratique, dans le parlement spirituel, il devra seulement voir comment il doit toujours trouver le jugement à partir de l'objectivité des conditions provenant des différentes sources." (page 77 bas à 78 haut)
Une réponse de Rudolf Steiner à l'essai du professeur Philipp von Heck est parue dans les numéros 3/4 (août) et 5/6 (septembre) 1919 de la revue "Die Tribüne" et est maintenant publiée dans GA 24 = Aufsätze über die Dreigliederung des sozialen Organismus und zur Zeitlage. 1915-1921, édition allemande 1961, sous le titre "Über die 'Dreigliederung des sozialen Organismus' - Eine Erwiderung von Dr. Rudolf Steiner" (Sur la triarticulation de l'organisme social. Une réplique du Dr Steiner) aux pages 434 à 447.

10 - A ce propos, on peut citer encore un autre passage qui se trouve dans la conférence publique de Berne "Les bases spirituelles et scientifiques de la question sociale" du 14.10.1919 (6e dans GA 329 = La libération de l'être humain comme base d'une réorganisation sociale - ancienne pensée et nouvelle volonté sociale). Cette conférence a également été imprimée pour la première fois en 1985. Une discussion ne semble pas avoir eu lieu. Après une remarque intermédiaire du Dr Roman Boos, une longue conclusion de Rudolf Steiner a suivi. Il est dit au paragraphe 4 (page 222 de haut en bas) :
"Et maintenant, se montre tout de suite, aux diverses objections qui ont été faites, combien la pensée de fond est encore peu comprise aujourd'hui. Ainsi est, par exemple, apparu dans [ 4 ] un magazine, une longue discussion sur cette structure triarticulation de l'organisme social, et il a été dit : "Oui, il veut placer trois parlements à la place du parlement unique - un parlement spirituel, un parlement du droit et un parlement de l'économie. Mais ce dont il s'agit, c'est que dans un parlement démocratique, seules peuvent être décidées les choses que tout être humain est devenu capable de juger, qui ne nécessitent pas de connaissances spécialisées, et que précisément les choses qui nécessitent des connaissances spécialisées doivent être séparées vers dehors. Donc si, dans le domaine de la vie spirituelle et dans le domaine de la vie économique, il n'est permis d'être là aucun parlement, ainsi [parce que là] la chose est justement l'inverse. Il s'agit donc d'utiliser honnêtement le parlementarisme en le limitant au domaine dans lequel il peut vraiment se vivre correctement."
Le 28.4.1919, la brochure de Rudolf Steiner "Die Kernpunkte der sozialen Frage in den Lebensnotwendigkeiten der Gegenwart und Zukunft" (Les points clés de la question sociale dans les nécessités de la vie au présent et à l'avenir) était en vente, elle a donc pu être présentée au professeur von Heck. L'annexe de cette brochure contient l'appel "Au peuple allemand et au monde de la culture ! Dans ce texte et dans le reste du texte de la brochure, il n'est pas fait mention de trois parlements, mais l'"appel" parle clairement de trois législations et de trois administrations. Et si vous lisez attentivement le reste du texte de la brochure, vous trouverez la même chose aux paragraphes 19, 21, 25, 27 et 38 du chapitre II, ainsi qu'au paragraphe 6 du chapitre III. Trois législations dans le même État, cela a dû dépasser le patrimoine de représentations du professeur de droit.
S'il avait toutefois lu attentivement, il aurait dû lui venir que ces trois législations concernent des domaines très différents et que la législation dans les domaines de la "vie de l'esprit" et de la "vie de l'économie" doit être soignée par des experts, tout comme venir en l'état sans décision à la majorité. En outre, on constate que ces experts sont choisis d'une autre manière que par des élections de la population, c'est-à-dire qu'il n'y a pas de parlement au sens classique du terme.
La pratique de la République de Weimar et de la République fédérale d'Allemagne a montré entre-temps qu'aucune décision n'est prise au Parlement sur la base de l'opinion des députés, mais que les députés sont contraints de voter selon les ordres de la direction de leur parti ou du chef de leur groupe parlementaire. Le fait que ces instructions coïncident toujours avec les représentations des grands donateurs des milieux bancaires et économiques ne surprendra que ceux qui ne se rendent pas encore compte des énormes avantages qu'ils en retirent.
Cet exemple montre que même si le choix des mots de Rudolf Steiner est quelque peu négligé, avec de la bonne volonté et une étude attentive, il est tout à fait possible de reconnaître ce que Rudolf Steiner a voulu communiquer (*).


Je dois les références suivantes à la critique de Rüdiger Blankertz sur le livre "Le porche du monde spirituel. Ses boulons et ses charnières" par Mieke Mosmuller, paru dans le numéro 253 (Saint-Michel 2010) de "Anthroposophie. Vierteljahresschrift zur anthroposophischen Arbeit in Deutschland" (pages 266-269).
Blankertz attire l'attention sur un projet de lettre de Marie von Sivers et Rudolf Steiner (vers 1909) à un éditeur, qui ne se trouve pas dans l'édition complète, mais seulement dans le numéro de Pâques 1967 des "Contributions à l'édition complète Rudolf Steiner" (n° 17, page 6).
Blankertz écrit au préalable : "Les références nombreuses et détaillées de Rudolf Steiner à la manière d'une lecture correcte dans ses écrits peuvent être facilement découvertes si l'on ne passe pas outre les préfaces et les introductions".
Puis il est dit chez lui: "On ne retrouve pas aussi facilement son rejet brusque de toute sorte de livres auxiliaires destinés à faciliter la lecture de ses écrits. A un projet de lettre de Marie Steiner à un éditeur, dans lequel elle rejette son intention d'imprimer de tels manuels auxiliaires comme "un travail contre l'esprit de notre mouvement" - visiblement il y avait déjà un marché pour cela à l'époque - a été inséré par Rudolf Steiner de façon manuscrite :
"Par vos propos, pourtant bien intentionnés, vous livrez la critique la plus désobligeante de l'œuvre de Steiner en considérant ses écrits comme insuffisamment lisibles, alors qu'ils sont délibérément rédigés de telle sorte que seul le théosophe sérieux les lira. Les trucs populaires, que tout le monde pense commodément qu'il comprend, le Dr Steiner pourrait bien sûr les écrire aussi, s'il le voulait.'"

11 - Prenons maintenant au moins un exemple dans les "Préfaces et introductions" des livres de Rudolf Steiner
Extrait d'une préface à GA 9 = "Théosophie. Einführung in übersinnliche Welterkenntnis und Menschenbestimmung" (Théosophie. Introduction dans la connaissance du monde suprasensible et la détermination de l’humain) : La première édition a été publiée en 1904. Rudolf Steiner cite sa préface dans la préface de la troisième édition (de 1910, paragraphe 4) :
"Comme les livres sont censés être lus à notre époque, celui-ci ne peut être lu. D'une certaine manière, chaque page, voire chaque phrase, devra être élaborée par le lecteur. Cela a été recherché avec conscience. Car seulement ainsi le livre peut devenir pour le lecteur ce qu'il devrait devenir pour lui. Quiconque se contente de le lire ne l'aura pas lu du tout. Ses vérités doivent être vécues. La science de l’esprit a seulement une valeur dans ce sens."
Et le paragraphe 10 (= paragraphe final) de cette préface de la troisième édition est repris de la deuxième édition (de 1908) et dit :
"De l’autre côté, il y a le fait que beaucoup aujourd'hui rejettent le plus fortement ce dont ils ont le plus besoin. La force contraignante de nombreuses opinions, que l'on s'est forgées sur la base d'une "expérience scientifique sûre", est si grande pour certains qu'ils ne peuvent que tenir la présentation d'un livre, comme celui-ci, comme une absurdité dépourvue de sol. [ 5 ]

L’interprète de la connaissance suprasensible peut absolument faire face à de telles choses sans aucune illusion. - On sera cependant facilement tenté d'exiger d'un tel interprète qu'il fournisse des preuves "irréprochables" de ce qu'il avance. Mais on ne considère pas qu'en agissant ainsi, on s'abandonne à une tromperie. Car on exige - sans en être conscient - non pas les preuves qui reposent dans la chose, mais celles que l'on veut soi-même reconnaître ou que l'on est en situation de reconnaître. L'auteur de cet écrit sait qu'il n'y a rien qui ne puisse être reconnu par tous ceux qui se trouvent sur le sol des connaissances actuelles de la nature. Il sait qu'il est possible de répondre à toutes les exigences de la science de la nature et que c'est tout de suite à cause de cela que l'on peut trouver fondé en lui-même la sorte de représentation du monde suprasensible donnée ici. Oui, c'est tout de suite le mode d'imagination authentique de science de la nature qui devrait se sentir chez lui dans cette représentation. Et celui qui pense ainsi se sentira touché par maintes discussions, d'une façon qui est caractérisée par la phrase de Goethe, profondément vraie : "Une fausse doctrine ne se laisse réfuter, car elle repose sur la conviction que le faux serait vrai". Les discussions sont dépourvues de fruit vis-à-vis de celui qui veut seulement laisser valoir des preuves qui reposent dans le sens de sa manière de penser. Celui qui familier de l’essence  du "prouver", il est clair sur ce que l'âme humaine trouve le vrai par d'autres chemins que par discussion. - C'est à partir d’une telle attitude que ce livre, même dans sa deuxième édition, est remis au public."

Document de travail n° 5723a / 22.01.11
(*) Ce document de travail a maintenant dix ans. Il semble qu'il ait évolué depuis. Mais je n'en ai pas de version plus récente et je ne peux savoir si c'est sur l'exemple, la controverse, des "trois parlements" qui est la raison de triarticulation pour sa publication sur ce site (bien que son sujet principal soit intéressant aussi).
Toujours est-il que depuis semble se confirmer effectivement  qu'il s'agit bien de modes d'expression du moment ou de constellations d'auditeurs. Lutz n'était cependant pas encore en mesure alors de profiter d'études plus exhaustives, telle que la mène par exemple S. Coiplet (et d'autres aussi), notamment sur les modes de rapports et relations entres des êtres humains dans le sens de cette triarticulation de Steiner. Elles montrent qu'ils ne sauraient être efficaces à chaque domaine social, que différenciés (libres échanges de "bons conseils" dans la vie de l'esprit, mise sur pied et application de "lois" dans celle du droit objet de l'Etat, "contrat" dans les échanges économiques). Cela ne laisse donc de place à "parlement", parlementarisme donc, que dans la vie de droit démocratique (sous une forme d'ailleurs perfectible si j'en juge les critique de Steiner vis-à-vis de celui britannique, jugé inadapté à l’Europe du centre par exemple).
Ce qui est sûr, c'est que ce concept "organique" de triarticulation (trois domaines autonomes empêchant dans leur interaction les effets destructeurs de ce que seraient leurs tendances unilatérales), reste encore difficile à penser pour beaucoup, appliqué à la vie sociale. On préfère alors encore quand même imaginer souvent une instance "chapeau" aux trois domaines. Mais celle-là, ne se trouve pas chez Steiner.