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Institut pour une triarticulation sociale
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traduction B. P.

X. L'action en Haute Silésie
et le Congrès Ouest-Est

Haute Silésie

À la suite de l’appel au droit à l'autodétermination des peuples proclamé par Wilson, un vote populaire fut accordé à la zone industrielle de la Haute-Silésie pour décider si elle devait rester avec l'Allemagne ou passer à la Pologne. Un fort pourcentage de la population, en particulier les mineurs, avaient été Polonais, de sorte que ce qui allait sortir de la décision populaire semblait assez incertain. Une initiative du groupe local de Breslau de la Fédération pour la triarticulation donna lieu à une action audacieuse (cf. annexe). En Haute-Silésie, sur un territoire autonome, un exemple de triarticulation aurait pu faire école et permettre aux différents peuples de vivre ensemble sans que soit nécessaire un attachement national-étatique à la Pologne ou à l'Allemagne, car les organes administratifs se seraient limités à des questions de droit.

Un participant, Helmut Woitinas, raconte :

« Afin de diffuser le plus largement possible la triarticulation, le Dr Steiner avait invité une série de personnalités à Stuttgart en février 1921 pour un cours magistral préparé spécialement à cet effet, dénommé ‘Cours aux orateurs’ (GA 338). Pour la conférence du soir à Breslau, nous avions loué pour Herbert Hahn et le Dr Kolisko l'une des salles les plus grandes et les plus récentes de l’établissement appelé ‘Friedeberg’, dans le quartier chic du sud de Breslau, alors que la plupart des réunions avaient eu lieu dans les quartiers ouvriers de l'ouest. La salle, comme toujours, était pleine à craquer, l’atmosphère tendue et pleine d’attente. Nos amis travailleurs, quatre dirigeants communistes avec leurs partisans, étaient réapparus. Du haut de la galerie, Moritz Bartsch prononça tout d’abord quelques mots d'introduction, puis Herbert Hahn commença sa conférence enthousiasmante, et enfin le Dr Kolisko parla avec calme et objectivité. Nos amis travailleurs prirent aussi la parole durant la discussion qui suivit. Ce fut un grand jour, mémorable, pour notre travail ; tout se déroula parfaitement. Un des amis communistes, le plus jeune – il avait environ 35 ans – avec qui je rentrai à la maison après la conférence, mourut par la suite en prison pour ses opinions, la 'Théosophie ' entre les mains.

En 1921, la question de Haute-Silésie était devenue en Silésie un problème aigu, dangereux, en raison de l'opposition Allemands-Polonais, de la montée des nationalismes et du risque d'une confrontation violente. C’est dans ce contexte que le Dr Steiner fit cette remarque : « On pourrait donc essayer d'appliquer positivement, pratiquement, l'idée de la triarticulation dans une zone ». Là-dessus, MM. Moritz Bartsch, Walter Kühne et d'autres amis à Stuttgart organisèrent des réunions avec le Dr Steiner pour savoir si, et comment, on pourrait intervenir utilement dans la question de la Haute-Silésie. Steiner était pour, la décision fut prise et les moyens financiers nécessaires mis à disposition. L'action Haute-Silésie du mouvement pour la triarticulation était lancée. Nous installâmes un bureau à la Kaiser-Wilhelm-Strasse à Breslau dans les locaux de la Société anthroposophique, avec M. Umlauf en tant que directeur général, et Mlle Ehmeling et l'auteur de ces lignes comme collaborateurs. Nous constituâmes quatre groupes de conférenciers, en définissant leur circuit dans les différentes villes de Haute-Silésie. Chaque groupe comprenait quatre personnes, le conférencier, l’animateur, qui en même temps introduisait la soirée, et deux aides. Ceux-ci allèrent d'un endroit à l'autre pour préparer les soirées – affichage, annonces, location de salles, rencontres avec les quotidiens, etc.

1er groupe : orateur Moritz Bartsch, recteur
2
e groupe : orateur Walther Kühne, écrivain indépendant, philosophe
3
e groupe : orateur Walther Meyen, érudit privé
4
e groupe : orateur Franz Alwes, conseiller du gouvernement à la construction, conseiller d'études

Une fois les préparatifs terminés, l'action démarra, dans le but d’aider à résoudre la question de la Haute-Silésie sur la base de la triarticulation. Donc, à raison de quatre groupes de quatre hommes, nous sillonnâmes les principales villes de Haute-Silésie par les itinéraires prédéterminés, en donnant des conférences, suivies la plupart du temps de discussions dans une atmosphère tendue, se terminant généralement par une ébullition, l’emprisonnement de l'orateur et des tirs auxquels nous échappâmes de peu. Même si nos efforts ne débouchèrent pas sur un succès immédiat, parce que les antagonismes nationaux étaient trop forts, il se peut toutefois qu’ils évitèrent la confrontation violente imminente et la division de la Haute-Silésie en une partie polonaise et une partie allemande. »76 1

Le vote se conclut par un pourcentage de 60 % en faveur de l'Allemagne, mais la plus grande partie de cette précieuse industrie de charbon et de fer fut attribuée à la Pologne.

Pour la Fédération pour la triarticulation, l’action touchait ainsi à sa fin, parce qu' on ne pouvait pas s'exposer davantage à une opposition. Du côté pangermanique, Rudolf Steiner fut qualifié de traître à la patrie, une accusation grave qui ne resta pas sans conséquences. Le référendum avait été une farce (NDT : en français dans le texte). Le déroulement de cette affaire montre une fois de plus avec quelle clairvoyance R. Steiner poursuivait ses objectifs : si l’idée de la triarticulation avait été comprise, on n’aurait pas pu éliminer ce modèle, ce qui aurait fait tomber l’ancien différend entre la Pologne et l'Allemagne. De plus, le monde aurait appris quelque chose d'un tel modèle pour beaucoup d'autres situations, au lieu d’en rester à un nationalisme étroit et de chercher des solutions politiques par des divisions de territoires.

Par la suite, Rudolf Steiner limita ses conférences sur des thèmes anthroposophiques. Mais il accepta l'offre de l'agence de concerts Wolf et Sachs de faire encore 50 conférences publiques dans les grandes villes allemandes, pour lesquelles elle lui garantissait des salles pleines. Avec un courage extraordinaire et une énergie tenace, il semblait vouloir forcer l'accès à l'entité allemande pour lui donner, tant que c'était encore possible, le pain de vie dont elle avait si amèrement besoin pour le maintien de sa culture.

On ne peut réellement comprendre ce courage spirituel que si l’on sait qu’il voyait clairement devant lui les forces adverses. Et véritablement : alors qu’il avait à peine effectué la moitié de cette épuisante tournée de conférences, arriva la conférence du 22 mai 1922 à Munich, lors de laquelle avait été planifié un attentat sur l'orateur. L'assistant de l'humanité y fut en danger de mort. Il dut la vie à sa présence d'esprit et à la circonspection de ses amis. On retiendra malgré tout le déroulement de cette soirée pour se rendre compte de la tension qui régnait à l’époque.

Munich était connue pour être le point de départ et le centre du mouvement national-socialiste, le fief des pangermanistes, mené par le général Ludendorff. Un an déjà avant le fameux rassemblement dans la Hofbräukeller et l’échec de sa marche sur la Feldherrnhalle munichoise, au printemps 1922, Hitler avait écrit une de ses proclamations, qui avait agité la ville. On était donc préparé à une perturbation de la conférence de Rudolf Steiner. Hans Büchenbacher, responsable de la Branche, avait donc demandé pour lui une protection policière et veillé aussi en privé à assurer un solide service d'ordre. Rudolf Steiner l'avait accompagné dans ses démarches auprès des autorités afin de se faire une image de l'atmosphère qui régnait dans la ville. Il était venu avec quelques amis de Stuttgart décidés à le protéger en cas d'urgence.

Dans la soirée, la salle était pleine, avec beaucoup de public souabe. Au milieu de la conférence, les lumières s’éteignirent, ce qui aurait dû être le signal d'alarme pour le déclenchement d’un tumulte par les étudiants engagés. Mais comme l'orateur poursuivait ses explications sérieuses sans se laisser décontenancer, ils restèrent assis comme figés, semblant avoir oublié leur mission. Quelque chose de significatif se passa durant cette pause sombre. Rudolf Steiner l’expliqua par la suite à des amis : en cas d'urgence, l'occultiste peut s'entourer d’un manteau protecteur bleu. Herbert Hahn raconta : lorsque Rudolf Steiner eut prononcé les mots : « Qui connaît l'esprit reçoit son aide », la lumière revint. Ce n’est qu’après la conférence que de jeunes hommes sautèrent sur le podium, mais plusieurs amis costauds les empêchèrent de réaliser leur plan et de provoquer une bagarre. Rudolf Steiner était sauvé, mais il partit au milieu de la nuit et annula toutes les autres conférences en Allemagne, à part à Elberfeld et à Leipzig. Il ne pouvait pas continuer à remplir sa mission au pays des poètes et des penseurs.

En revanche, on avait déjà préparé la grande conférence Ouest-Est à Vienne du 1er au 12 juin 1922 77 2. Elle devait traiter de différents domaines scientifiques en vue de la nécessaire compréhension future entre le monde occidental et celui de l'Est. C'étaient des sujets difficiles, qui devaient être présentés chaque fois devant 2000 auditeurs. Le dernier thème était la question sociale ; Rudolf Steiner exposa une fois de plus la grande importance pour l'avenir d'une société triarticulée. Les conférences approfondies de ce Congrès de Vienne Ouest-Est conserveront longtemps leur importance, quand le fossé dans lequel a sombré la culture européenne pourra être surmonté.

Congrès Ouest-Est

La conférence de Vienne sur les Éléments fondamentaux pour la solution du problème social78 3 mit un terme définitif au mouvement de triarticulation, de grande envergure et audacieux, pour le salut de l'humanité. Mais Rudolf Steiner a indiqué qu'il célébrera sa résurrection quand l'humanité sera passée par des catastrophes et des cataclysmes, et devenue ainsi plus mûre et plus réceptive.

La plus grande douleur pour le chercheur spirituel et pour tous ses élèves fut ensuite l'incendie du premier Goetheanum la veille de Nouvel An 1922-1923. Les puissances hostiles à l'esprit ne pouvaient pas supporter un bâtiment aussi merveilleux, fruit d’années de travail, entièrement en bois, avec des murs, des colonnes et des chapiteaux sculptés et avec les merveilleuses peintures des coupole, en partie exécutées par Rudolf Steiner lui-même.

Dans cette « Maison de la Parole » non seulement des inspirations étaient entrées, mais des courants de sagesse s’étaient écoulés dans le monde. Ils s’écoulaient à travers les magnifiques tableaux des vitraux colorés polis. Le bâtiment devait servir au progrès de l'humanité. Il était ouvert au monde, qui par sa destruction a perdu quelque chose d'irremplaçable.

Pour donner une idée des événements de cette nuit d'incendie, nous reproduisons en annexe un témoignage oculaire d’Emil Leinhas.

1 Cf. Beiträge zur Dreigliederung des Sozialen Organismus, 15e année, décembre 1973.

2 Rudolf Steiner, Westliche und östliche Weltgegensätzlichkeit. Stuttgart 1950.

3 Cf. note 77, conférence du 11 juin 1922.