Institut pour une triarticulation sociale
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Œuvres complètes de Rudolf Steiner - GA339

Anthroposophie, tri-articulation sociale et art de la parole




QUATRIÈME CONFÉRENCE, Dornach, 14 octobre 1921  
  VIERTER VORTRAG Dornach, 14. Oktober 1921

 


 

Les références Rudolf Steiner Œuvres complètes ga 339  063-083 1984  14/10/1921



Original





Trad. F. G. v. 03 - 25/08/2024 Editeur: SITE



Compte tenu de la complexité du propos, j'ai maintenu mes surlignements dans l'allemand comme aide à la lecture.


Quelques points de vue sur la compréhension de la démocratie en Suisse. Digression sur les conditions en Allemagne et à cela comment la tri-articulation devrait être représentée- en Angleterre et en Amérique. Particularités du système politique suisse: la Suisse comme un «centre de gravité du monde" se basant sur le franc suisse, pourtant pas sur la vie de l’esprit ; sur la politique, qui n’en est pas une, sur le développement de la règle de droit d’Etat - vie de l’esprit, liberté et la vie de l’Etat. , Sur la relation entre l'orateur et le public. Sur l'humour et le contenu émotionnel d’un discours. Certaines propriétés de l'orateur formé: .. effort sur soi-même et sensations pour celui-ci ; Antipathie envers discours, des discours propre, sympathie pour la parole de l'autre -. Sur le débattre à l'exemple de Bismarck et quelques conclusions.


Einige Gesichtspunkte zum Demokratieverständnis in der Schweiz. Exkurs über die Verhältnisse in Deutschland und dazu, wie die Dreigliederung in England und Amerika vertreten werden müßte. Besonderheiten des schweizerischen Staatswesens: Die Schweiz als ein «Schwerpunkt der Welt», basierend auf dem Schweizer Franken, nicht jedoch auf dem Geistesleben; über die Politik, die keine ist; zur Entwicklung der Rechtsstaatlichkeit. — Geistesleben, Freiheit und Staatsleben. Zum Verhältnis zwischen Redner und Publikum. Über Humor und Stimmungsgehalt einer Rede. Einige Eigenschaften des geschulten Redners: Selbstüberwindung und Gefühl für diese; Antipathie gegenüber dem eigenen Reden, Sympathie für das Reden anderer. — Über das Debattieren am Beispiel Bismarcks und einige Schlußfolgerungen.




Hier, j'ai essayé de développer la manière de traiter la première partie d'une conférence de triarticulation devant un certain public, et j'ai rendu attentif qu'il est notamment nécessaire, de susciter une sensation pour le caractère particulier de la vie de l'esprit placée sur soi-même. Dans la seconde partie, il s'agira de faire comprendre d'abord à une humanité d'aujourd'hui qu'il peut exister quelque chose comme un contexte démocratique-politique qui a à tendre à l'égalité. Car, en fait — et on doit y réfléchir, notamment lorsqu'on se prépare à un tel exposé — c'est le cas que l'humain d'aujourd'hui n'a pas le moindre sentiment pour une telle structure d'état, qui est construite sur le droit comme son véritable fondement. Et cette partie, la partie politico-étatique de la conférence, sera particulièrement difficile à traiter dans les conditions suisses. Et il s'agira tout particulièrement de ce que les orateurs qui veulent représenter la triarticulation de l'organisme social à l'intérieur des conditions suisses, partent des conditions suisse donc déterminées, et particulièrement parce que lors de la partie médiane, la juridique-étatique, porte attention à comment on a à parler à partir des conditions suisses. En effet, en général, la situation est la suivante : en raison des conditions de l'évolution récente de l'humanité, la vie étatique proprement dite, qui devait s'exercer dans l'État de droit, a disparu pour l'essentiel, et ce qui se vit dans l'État est en fait une conjonction chaotique des éléments spirituels de l'existence humaine et des éléments économiques. On pourrait dire que dans les États modernes, les éléments spirituels et éléments économiques se sont peu à peu soudés les uns dans les autres, et que la vie étatique proprement dite s'est écroulée entre-temps, en fait a disparu.

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Gestern versuchte ich zu entwickeln, wie man den ersten Teil eines Dreigliederungsvortrags vor einem gewissen Publikum behandeln könnte, und ich machte darauf aufmerksam, daß es namentlich not­wendig ist, eine Empfindung hervorzurufen für den besonderen Cha­rakter des auf sich selbst gestellten Geisteslebens. Im zweiten Teil wird es sich darum handeln, überhaupt einer gegenwärtigen Menschheit erst begreiflich zu machen, daß es so etwas geben kann wie einen demokra­tisch-politischen Zusammenhang, der Gleichheit anzustreben hat. Denn eigentlich — und das muß man bedenken, namentlich wenn man sich für einen solchen Vortrag vorbereitet — ist das der Fall, daß der gegenwärtige Mensch gar keine Empfindung hat für ein solches Staats­gebilde, das auf das Recht als auf sein eigentliches Fundament aufge­baut ist. Und dieser Teil, der politisch-staatliche Teil des Vortrags, er wird ganz besonders schwierig zu behandeln sein innerhalb der schwei­zerischen Verhältnisse. Und es wird sich ganz besonders darum han­deln, daß die Redner, welche innerhalb der schweizerischen Verhält­nisse die Dreigliederung des sozialen Organismus vertreten wollen, ge­rade von den also bedingten schweizerischen Verhältnissen ausgehen, und besonders darum, daß sie bei dem mittleren, dem rechtlich-staat­lichen Teil, Rücksicht darauf nehmen, wie man aus den schweizerischen Verhältnissen heraus zu reden hat. Denn die Sache liegt ja im allge­meinen so: Durch die Verhältnisse der neueren Menschheitsentwicke­lung ist das eigentliche Staatsleben als solches, das sich eigentlich im Rechtsstaat ausleben sollte, im wesentlichen verschwunden, und was sich im Staate auslebt, ist eigentlich ein chaotisches Zusammensein der geistigen Elemente des menschlichen Daseins und der wirtschaftlichen Elemente. Man könnte sagen: In den modernen Staaten haben sich all­mählich die geistigen Elemente und die wirtschaftlichen Elemente durcheinandergeschweißt, und das eigentliche Staatsleben ist zwi­schendurch eben heruntergefallen, eigentlich verschwunden.

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Cela est particulièrement remarquable à l'intérieur des conditions/rapports suisses. Là nous avons partout à faire avec une, en son façonnement propre, impossible, apparente démocratisation de la vie spirituelle et avec une démocratisation de la vie de l'économie, et avec cela, que les gens croient que ce mélange apparemment démocratisé de vie de l'esprit et de la vie de l’économie, ce serait une démocratie. Et parce qu'ils se sont forgés leur conception de la démocratie à partir de ce mélange, parce qu'ils ont une conception complètement fictive de la démocratie, il est si difficile de parler de démocratie réelle aux Suisses. En fait, ce sont les Suisses qui comprennent le moins la vraie démocratie.

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Dies ist besonders innerhalb der schweizerischen Verhältnisse bemerkbar. Da haben wir es überall zu tun mit einer in ihren eigentlichen Ausgestaltungen unmöglichen, scheinbaren Demokratisierung des gei­stigen Lebens und mit einer Demokratisierung des Wirtschaftslebens, und damit, daß die Leute glauben, dieses scheinbar demokratisierte Gemisch von Geistesleben und Wirtschaftsleben, das wäre eine Demo­kratie. Und da sie sich ihre Vorstellung von Demokratie gebildet ha­ben aus dieser Mischung heraus, da sie also eine vollständige Schein­vorstellung von Demokratie haben, so ist es so schwierig gerade zu den Schweizern von wirklicher Demokratie zu sprechen. Eigentlich ver­stehen gerade von wirklicher Demokratie die Schweizer am alleraller­wenigsten.

En Suisse, on réfléchit sur comment on devrait démocratiser les écoles. C'est à peu près comme si on réfléchissait et qu'on devait recevoir une représentation, à partir de concepts réels, de la façon de faire d'une botte un bon couvre-chef. Et c'est de la même manière que sont traités ici les étatiques concepts dits démocratiques. Il ne sert à rien de parler de ces choses, j'aimerais dire, discrètement, pour parler poliment, lorsque l'on s'adresse principalement aux Suisses, car alors nous ne pourrions pas nous entendre. On ne s'entend jamais bien dans la courtoisie à propos de telles choses. Eh bien, c'est tout de suite pour cela qu'il est nécessaire de discuter de la notion de droit et d'égalité des humains devant une population telle que celle de la Suisse.

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Man denkt in der Schweiz darüber nach, wie man die Schulen demo­kratisieren soll. Das ist ungefähr so, als wenn man darüber nachden­ken und aus wirklichen, wahren Begriffen heraus eine Vorstellung davon bekommen sollte, wie man einen Stiefel zu einer guten Kopfbe­deckung macht. Und in ähnlicher Weise werden hier die staatlichen sogenannten demokratischen Begriffe behandelt. Es nützt ja nichts, über diese Dinge, ich möchte sagen, leisetreterisch zu sprechen, um, wenn man hauptsächlich vor Schweizern spricht, höflich zu sprechen; denn dann würden wir uns doch nicht verstehen können. In der Höf­lichkeit über solche Dinge kann man sich ja niemals ordentlich ver­stehen. Nun, gerade deshalb ist es notwendig, den Begriff des Rechts und der Gleichheit der Menschen vor einer solchen Bevölkerung zu erörtern, wie es die schweizerische ist.

On doit là absolument s'habituer, si l'on veut être actif sur le plan oratoire, à parler différemment sur chaque terrain. Lorsque l'on parlait de la triarticulation en Allemagne, comme ce fut le cas à partir d'avril 1919, on parlait dans des conditions tout à fait différentes de celles d'ici en Suisse, et aussi dans des conditions tout à fait différentes de celles dans lesquelles on peut parler de la triarticulation en Angleterre ou en Amérique. Tout de suite en ce printemps-là, en avril 1919, juste après la révolution allemande, tous les milieux allemands, aussi bien prolétariens que bourgeois, les uns naturellement plus révolutionnaires, les autres résignés, étaient convaincus que quelque chose de nouveau devait venir.

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Man muß sich da durchaus angewöhnen, wenn man rednerisch aktiv sein will, auf jedem Boden anders zu sprechen. Wenn man, wie es der Fall war vom April 1919 ab, in Deutschland über die Dreiglie­derung sprach, sprach man unter ganz anderen Verhältnissen als etwa hier in der Schweiz, und auch unter so ganz anderen Verhältnissen, als in England oder in Amerika von der Dreigliederung gesprochen werden kann. Gerade in jenem Frühling, im April 1919, unmittelbar nach der deutschen Revolution, waren in Deutschland alle, sowohl proletarische wie bürgerliche Kreise, die einen natürlich mehr revolu­tionär, die anderen resignierend, davon überzeugt, daß irgend etwas Neues kommen müsse.

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Et c'est dans ce sentiment que l'on parlait, en fait, de la nécessité de quelque chose de nouveau. On s'adressait alors à des gens relativement préparés, et on pouvait bien sûr parler en Allemagne d'une manière tout à fait différente de celle dont on peut parler aujourd'hui. En Allemagne aussi, il y a un monde entre aujourd'hui et le printemps 1919. Aujourd'hui, on peut tout au plus espérer susciter en Allemagne, par quelque chose qui fait écho/résonne à la triarticulation, une représentation de la manière dont la vie spirituelle en tant que telle peut être organisée de manière autonome et devrait en fait être organisée aujourd'hui tout de suite sous les conditions telles qu'elles sont en Allemagne, de la manière dont la vie juridique interne pourrait aussi être organisée dans certaines conditions. Mais on ne peut naturellement pas parler aujourd'hui en Allemagne d'un façonnement de la vie de l'économie entièrement conforme à la triarticulation, car la vie de l'économie en Allemagne est effectivement quelque chose qui est soumis à des mesures de contrainte, à des pressions et ainsi de suite, qui ne peut pas se mouvoir librement, qui ne peut pas avoir aucunes pensées sur sa propre libre mobilité. C'est par exemple très frappant dans les façons très différentes de vie, disons, de « Futurum » et du « Jour qui vient ». Le « Jour qui vient » se tient au milieu dedans, comme s'il était dans une camisole de force, et a pour tâche de travailler dans de telles conditions ; le « Futurum », tel qu'il se développe ici en Suisse, doit justement travailler avec les conditions suisses, dont nous aurons encore un peu plus à parler dans un instant. Un discours doit donc être conçu différemment selon qu'il est prononcé ici en Suisse ou en Allemagne, selon qu'il est prononcé en tel ou tel temps.


Und in diese Empfindung hinein, daß irgend etwas Neues kommen müsse, sprach man ja eigentlich. Man sprach doch damals zu verhältnismäßig vorbereiteten Leuten, und man konnte natürlich damals auch in Deutschland ganz anders sprechen, als man etwa heute sprechen kann. Zwischen heute und dem Frühling 1919 liegt ja auch in Deutschland eine Welt. Heute kann man höchstens hoffen, in Deutschland mit irgend etwas, was an Dreigliederung an­klingt, eine Vorstellung davon hervorzurufen, wie das geistige Leben als solches selbständig gestaltet werden kann und eigentlich gerade unter solchen Verhältnissen, wie sie in Deutschland sind, heute gestal­tet werden müßte, wie unter gewissen Verhältnissen auch das inner­staatlich-rechtliche Leben gestaltet werden könnte. Aber man kann natürlich heute in Deutschland nicht von einer völlig im Sinne der Dreigliederung gelegenen Gestaltung des Wirtschaftslebens sprechen, denn das Wirtschaftsleben in Deutschland ist ja tatsächlich etwas, was unter Zwangsmaßregeln, unter Druck und so weiter steht, was sich nicht frei bewegen kann, was keine Gedanken haben kann über seine eigene freie Beweglichkeit. Es ist dies zum Beispiel ganz auffällig in der ganz verschiedenen Art des Lebens, sagen wir, des «Futurum» und des «Kommenden Tages». Der «Kommende Tag» steht mitten drin, so wie wenn er in einer Zwangsjacke wäre, und hat die Aufgabe, unter solchen Verhältnissen zu arbeiten; das «Futurum», wie es sich hier in der Schweiz entwickelt, muß eben mit schweizerischen Ver­hältnissen arbeiten, über die wir ja gleich noch etwas mehr werden zu sprechen haben. Es ist also durchaus eine Rede verschieden zu gestal­ten, ob sie hier in der Schweiz, ob sie in Deutschland, ob sie zu dieser oder jener Zeit gehalten wird.

En Angleterre, en Amérique, on devrait naturellement parler nouveau tout autrement. C'est donc ce qui peut être fait d'abord d'ici en rapport à l'Angleterre et l'Amérique, quand même une sorte de substitut, car déjà par exemple « Les points essentiels de la question sociale » : il est bon qu'ils soient traduits, bon qu'ils soient diffusés partout ; mais, comme je l'ai dit dès le début, ce qui serait vraiment correct, ce qui serait finalement correct, ce serait que pour l'Amérique et aussi pour l'Angleterre les « points essentiels » soient écrits tout autrement que pour l'Europe centrale et aussi pour la Suisse.

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In England, in Amerika müßte man natürlich wieder ganz anders sprechen. Es ist ja, was zunächst von hier aus in bezug auf England und Amerika gemacht werden kann, doch nur eine Art Surrogat, denn schon zum Beispiel «Die Kernpunkte der sozialen Frage»: es ist gut, wenn sie übersetzt werden, gut, wenn sie überall verbreitet werden; aber, was ich von Anfang an gesagt habe, das wirklich Richtige, das letztlich Richtige wäre, wenn für Amerika und auch für England die «Kernpunkte» ganz anders geschrieben würden als für Mitteleuropa und auch für die Schweiz.

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Pour l'Europe centrale et la Suisse, ils peuvent être rédigés tels quels, littéralement et conformément à la phrase, mais pour l'Angleterre et l'Amérique, ils devraient être rédigés tout à fait différemment, car on y parle à des humains qui ont tout d'abord le contraire de ce qui existait en Allemagne, par exemple en avril 1919. En Allemagne, l'opinion était disponible que quelque chose de nouveau devait arriver et qu'il fallait d'abord savoir ce qu'était cette nouveauté. On n'avait pas la force de le comprendre, mais on avait d'abord le sentiment qu'il fallait savoir ce qui pourrait être quelque chose de synthétiquement raisonnablement nouveau. Naturellement, dans toute la région d'Angleterre et d'Amérique, il n'y a même pas le moindre sentiment à ce sujet. Il n'y a que le sentiment : Comment peut-on fixer l'ancien, le sauver ? Que doit-on faire pour que l'ancien reste bien solide ? Car l'ancien est bon ! Il n'y a rien à changer à l'ancien. - Je sais bien sûr que si l'on exprime une telle chose, on peut rétorquer : Oui, mais il y a tant de mouvements progressistes dans les régions occidentales ! - Mais ces mouvements progressistes, peu importe qu'ils soient nouveaux dans leur contenu, sont tous réactionnaires et conservateurs dans leur direction. Il faut donc d'abord faire naître le sentiment que les choses ne peuvent pas continuer comme cela a été jusqu'à présent.


Für Mitteleuropaittleurpa und die Schweiz können sie schon ganz wörtlich und satzgemäß lauten, wie sie sind, aber für England und Amerika müßten sie eigentlich ganz anders verfaßt wer­den, denn da spricht man zu Menschen, die ja zunächst das Gegenteil von dem haben, was in Deutschland zum Beispiel im April 1919 vor­handen war. In Deutschland war die Meinung vorhanden, etwas Neues müsse kommen, und man müsse nur zunächst wissen, was dieses Neue sei. Man hatte nicht die Kraft, es zu verstehen, aber man hatte zu­nächst das Gefühl, man müsse wissen, was irgend etwas vernünftiges Neues sein könnte. Davon ist natürlich im ganzen Gebiete von Eng­land und Amerika auch nicht einmal die allergeringste Empfindung vorhanden. Da ist nur die Empfindung vorhanden: Wie kann man das Alte festlegen, retten? Was muß man tun, damit das Alte nur ja recht fest bleibt? Denn das Alte ist ja gut! An dem Alten ist ja nicht zu rütteln. — Ich weiß selbstverständlich, daß da, wenn man so etwas aus­spricht, erwidert werden kann: Ja, aber es sind doch so viele progres­sistische Bewegungen in den westlichen Gebieten! — Diese progressisti­schen Bewegungen sind aber alle, ganz gleichgültig, ob sie auch dem In­halte nach neu seien, der Führung nach durchaus reaktionär, konser­vativ. Da muß also die Empfindung davon erst hervorgerufen werden, daß es so nicht weitergeht, wie es bisher gegangen ist.

On peut absolument le remarquer à certaines questions. Prenons une question terrible, effrayante, je dirais même la plus effrayante qui ait pu surgir du point de vue purement humain, prenons la question de l'affamement de la Russie. En Allemagne - même si les opinions sont chaotiques, même si, pour des raisons d'agitation, on agit à l'encontre de ce qui serait synthétiquement raisonnable et que, pour des raisons humaines à nouveau, eest de manière évidente doit être rendu hommage à la compassion, contre ce règne de la compassion ne devrait naturellement pas du tout être parler -, à l'intérieur de l'Allemagne, on en arrive finalement, du moins dans certains cercles, à penser plus ou moins que c'est un non-sens pour l'ensemble de l'évolution de l'humanité de faire quelque chose sous forme de soutien à la famine en Russie, par des donations en quelque sorte du côté occidental. On en vient à penser que cela est très certainement même exigé du point de vue humain,

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An einzelnen Fragen kann das durchaus bemerkt werden. Nehmen wir eine furchtbare, schreckliche, ich möchte sagen, die schrecklichste Frage, die hat heraufkommen können vom rein menschlichen Stand­punkte aus, nehmen wir die Frage der Verhungerung Rußlands. In­nerhalb Deutschlands — wenn auch die Anschauungen noch so chaotisch sind, wenn auch aus Agitationsgründen gegen das gehandelt wird, was vernünftig wäre, und aus menschlichen Gründen wiederum in selbst­verständlicher Weise dem Mitleid gehuldigt wird, gegen welches Wal­ten des Mitleids natürlich gar nicht gesprochen werden soll —, inner­halb Deutschlands kommt man endlich, wenigstens in einzelnen Krei­sen, mehr oder weniger darauf, daß es ja ein Unsinn ist für den ganzen Gang der Menschheitsentwickelung, in Form von Unterstützungen für die Verhungerung Rußlands etwas zu tun, durch Schenkungen gewis­sermaßen von westlicher Seite. Man kommt darauf, daß das ganz ge­wiß vom menschlichen Standpunkte aus sogar gefordert wird,

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mais que ce qui est fait dans cette direction est tellement évident qu'on ne doit seulement donc pas dire que cela aurait quelque chose à faire avec les tâches que pose aujourd'hui la famine en Russie. En Occident, seuls quelques théoriciens - mais alors seulement sur le plan théorique - parviendront à une telle façon de voir. Il est donc naturel que l'on doive d'abord faire naître en Occident le sentiment que le monde a besoin d'un nouveau façonnement.


daß aber, was nach dieser Richtung getan wird, so selbstverständlich ist, daß man nur ja nicht sagen soll, es habe irgend etwas mit den Auf­gaben zu tun, die heute die Verhungerung Rußlands stellt. Im Westen werden höchstens einige Theoretiker — aber dann auch nur auf dem Boden des Theoretischen — zu einer solchen Anschauung kommen. Es ist also natürlich, daß man im Westen erst eine Empfindung davon hervorrufen muß, daß die Welt eine Neugestaltung braucht.

La Suisse s'est ainsi tenue là pendant la plus terrible catastrophe des temps modernes qu'elle n'y a participé qu'en théorisant - notamment par la théorie journalistique - et par ce qui a agi de l'extérieur justement sur les conditions spirituelles et économiques. C'est pourquoi la population suisse n'a pas vraiment le sentiment que quelque chose de nouveau doive venir, ni que l'ancien doive rester. Lorsque le Suisse d'aujourd'hui, selon l'une ou l'autre tendance de parti, parle de la nécessité d'une nouveauté ou de la nécessité de conserver l'ancien, on a toujours le sentiment qu'il ne fait que vous raconter ce qu'il a entendu, ce qu'il a entendu d'un côté de l'Europe centrale, ce qu'il a entendu de l'autre côté de l'Angleterre et de l'Occident. Il ne vous raconte que ce qui est rentré dans ses deux oreilles, et non ce qu'il a réellement vécu. Et c'est pourquoi il vous semble si suisse que les humains qui n'aiment pas s'engager à droite ou à gauche - et ce sont très souvent des Suisses qui font autorité aujourd'hui - disent : oui, si ceci arrive, alors cela arrive, si l'autre arrive, alors cela arrive ! Si une nouveauté arrive, les choses se déroulent ainsi, si l'ancien reste, les choses se déroulent ainsi ! - On se demande en quelque sorte ce qu'on a encore à mettre dans l'un ou l'autre plateau de la balance.

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Die Schweiz hat so dagestanden während der furchtbarsten Kata­strophe der neueren Zeit, daß sie eigentlich nur theoretisierend — näm­lich durch die journalistische Theorie — daran teilgenommen hat, und durch das, was von außen eben in die geistigen und die wirtschaftlichen Verhältnisse hereingewirkt hat. Die schweizerische Bevölkerung hat deshalb gar nicht eine eigentliche Empfindung, weder davon, daß etwas Neues kommen müsse, noch davon daß das Alte bleiben müsse. Wenn heute der Schweizer, je nach der einen oder anderen Partei­richtung davon spricht, daß ein Neues kommen müsse oder das Alte bleiben müsse, so hat man immer das Gefühl: Er erzählt einem nur, was er gehört hat, gehört hat auf der einen Seite von Mitteleuropa, gehört hat von England und dem Westen auf der anderen Seite. Er erzählt einem nur, was zu seinen beiden Ohren hineingegangen ist, und nicht, was er eigentlich erlebt hat. Und daher erscheint es einem auch als so schweizerisch, wenn diejenigen Menschen, die sich nicht gern nach rechts oder nicht gern nach links engagieren — und das sind ja maßgebende Schweizer heute sehr häufig —, daß diese Menschen sa­gen: Ja, wenn das geschieht, dann geschieht es eben so, wenn das an­dere geschieht, geschieht es eben so! Wenn ein Neues kommt, dann verläuft die Sache halt so, wenn das Alte bleibt, dann verläuft die Sache so! — Es wird gewissermaßen ausgeknobelt, was man in die eine oder andere Waagschale noch zu legen hat.

C'est ainsi : Si l'on essaie d'intéresser quelqu'un en Suisse à ce dont le monde a cruellement besoin aujourd'hui, on tombe dans le désespoir, parce que cela ne le saisi pas vraiment, parce que cela rebondit immédiatement, parce qu'en réalité, son cœur n'y est pas du tout. Cela le dégoûte trop pour que cela soit intéressant pour lui, et il a trop peu d'expérience de ces choses,

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Es ist so: Wenn man versucht, jemanden in der Schweiz zu erwär­men für das, was der Welt heute bitter notwendig ist, so gerät man in Verzweiflung, weil es ihn eigentlich gar nicht angreift, weil es gleich zurückprallt, weil er eigentlich in Wirklichkeit mit dem Herzen gar nicht dabei ist. Es ist ihm zu sehr zuwider, als daß es für ihn interes­sant sein könnte, und er hat zu wenig Erfahrung über diese Dinge,

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pour que cela lui soit n'importe comment sympathique. Il aimerait avoir la paix. Mais il aimerait quand même aussi à nouveau être suisse. Cela signifie que lorsque toutes sortes d'histoires de progrès avec « liberté » et « démocratie » résonnent de l'autre côté de la frontière, on ne peut pas dire, parce qu'on s'est toujours dit démocratique pendant de nombreux siècles, qu'on ne veut pas de la démocratie ! Bref, on a vraiment l'impression qu'en Suisse, les humains ont un canal très bien développé entre l'oreille droite et l'oreille gauche, de sorte que tout ce qui entre d'un côté ressort de l'autre sans avoir atteint l'intelligence/la raison analytique et le cœur.


als daß es ihm irgendwie sympathisch sein könnte. Er möchte Ruhe haben. Aber er möchte doch auch wiederum Schweizer sein. Das heißt: Wenn da alle möglichen Fortschrittsgeschichten mit «Freiheit» und «Demo­kratie» über die Grenze herübertönen, so kann man doch, weil man sich durch viele Jahrhunderte hindurch immerfort demokratisch ge­nannt hat, wiederum nicht sagen, man wolle die Demokratie nicht! Kurz, man hat wirklich das Gefühl, als ob in der Schweiz die Men­schen einen sehr gut ausgebauten Kanal hätten zwischen dem rechten und dem linken Ohr, so daß alles, was auf der einen Seite hineingeht, auf der anderen Seite wiederum herausgeht, ohne daß es zu Verstand und Herzen gekommen ist.

C'est pourquoi on devra attaquer au moins aux points où l'on peut montrer qu'un système d'État tel que la Suisse est vraiment quelque chose de très particulier. Et c'est quelque chose de très particulier. Car, premièrement, la Suisse est - ce qui était déjà visible pendant la guerre, si on voulait seulement le voir - une sorte de centre de gravité du monde. Et c'est justement son manque d'engagement vis-à-vis des différentes conditions mondiales qui pouvaient s'utiliser pour obtenir un juger libre et un agir libre à la ronde. Le monde attend seulement sur ce que les Suisses remarquent dans leur tête ce qu'ils remarquent dans leur poche. Dans leur poche, ils remarquent que le franc n'a en fait pas été touché par la hausse et la baisse de la valeur, par la corruption de la valeur. Les Suisses remarquent que le monde entier tourne autour du franc suisse. Les Suisses ne remarquent pas que c'est aussi le cas en relation spirituelle. Mais de même qu'ils savent apprécier le franc immobile, qui est devenu en quelque sorte le régulateur de la valeur du monde entier, de même ils devraient comprendre leur position réellement indépendante des conditions mondiales, par laquelle la Suisse pourrait effectivement être une sorte d'hypomochlion pour les conditions mondiales. Il est donc nécessaire qu'on leur rende cela compréhensible.

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Daher wird man wenigstens an den Punkten eben angreifen müs­sen, wo gezeigt werden kann, daß ja solch ein Staatswesen wie die Schweiz wirklich etwas ganz Besonderes ist. Und es ist etwas ganz Be­sonderes. Denn erstens ist die Schweiz — was schon während des Krie­ges bemerkbar war, wenn man es nur sehen wollte — etwas wie ein Schwerpunkt der Welt. Und gerade ihr Unengagiertsein gegenüber den verschiedenen Weltverhältnissen könnte sie benützen, um ein freies Urteilen und auch ein freies Handeln gegenüber ringsherum zu bekom­men. Die Welt wartet ja nur darauf, daß die Schweizer das auch in ihren Köpfen bemerken, was sie in ihrer Tasche bemerken. In ihrer Tasche bemerken sie, daß der Franken vom Auf- und Absteigen der Valuta, von der Korrumpierung der Valuta, eigentlich nicht betroffen worden ist. Daß ja die ganze Welt sich um den Schweizer Franken be­wegt, das bemerken die Schweizer. Daß das auch in geistiger Bezie­hung der Fall ist, das bemerken die Schweizer eben nicht. Aber so, wie sie den unbeweglichen Franken, der gewissermaßen der Regulator ge­worden ist der Valuta der ganzen Welt, wie sie den zu würdigen ver­stehen, so sollten sie auch ihre durch die Weltverhältnisse wirklich un­abhängige Stellung, durch die die Schweiz tatsächlich eine Art Hypo­mochlion sein könnte für die Weltverhältnisse — dies sollten die Schwei­zer verstehen. Daher ist es notwendig, daß man ihnen dies eben begreif­lich macht.

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C'est presque déjà comme ce que l'on a dû dire une fois de façon semblable sur l'Autriche. Les gens qui comprenaient un peu les choses en Autriche se demandaient souvent pourquoi cette Autriche, qui n'avait que des tendances centrifuges, se maintenait, pourquoi elle n'éclatait pas. Dans les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix, je n'ai jamais rien dit d'autre que cela : ce qui se passe en Autriche n'a pas encore d'importance pour la cohésion ou l'éclatement, mais seulement ce qui se passe tout autour. Parce que les autres - l'Allemagne, la Russie, l'Italie, la Turquie et ceux qui s'intéressent à la Turquie, la France et la Suisse elle-même -, parce que ces formations étatiques situées tout autour ne laissent pas l'Autriche se désagréger, mais la maintiennent en son sein, parce qu'aucun n'en a donné/envié un bout à l'autre ! Chacun a veillé à ce que l'autre ne reçoive rien : c'est ainsi que l'Autriche est restée unie. Elle était maintenue de l'extérieur. On pouvait le voir très clairement si l'on avait le sens pour de tels rapports. Et ce n'est que lorsque ce regard mutuel des puissances environnantes a été obscurci par le brouillard des canons pendant la guerre mondiale que l'Autriche s'est désintégrée, évidemment. Au fond, l'image dit tout.

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Es ist schon fast so, wie man es in ähnlicher Art einmal hat über Österreich sagen müssen. Leute, die etwas von den Dingen verstanden in Osterreich, die haben oftmals darüber nachgedacht, warum denn dieses Osterreich, das ja nur zentrifugale Tendenzen hatte, bestehen blieb, warum es nicht auseinandersplitterte. Ich habe in den achtziger, neunziger Jahren nie etwas anderes gesagt als: Was in Osterreich selber geschieht, das hat zunächst noch gar keine Bedeutung für das Zusam­menhalten oder Auseinandersplittern, sondern nur, was ringsherum geschieht. Weil die anderen — Deutschland, Rußland, Italien, Türkei und diejenigen, die an der Türkei interessiert sind, Frankreich und auch die Schweiz selber —, weil diese ringsherum liegenden Staatsgebilde Osterreich nicht zerfallen lassen, sondern mitten drinnen zusammen­halten, weil keiner dem anderen ein Stück davon gönnte! Jeder sorgte dafür, daß der andere ja nichts bekomme: dadurch blieb Österreich beisammen. Es wurde von außen zusammengehalten. Das konnte man sehr genau sehen, wenn man einen Sinn hatte für solche Verhältnisse. Und erst als dieses gegenseitige Beschauen der umliegenden Mächte im Weltkrieg durch den Nebel der Kanonen getrübt wurde, erst da zer­fiel Österreich, selbstverständlich. Das Bild besagt im Grunde genom­men alles.

Maintenant, pour la Suisse, c'est similaire, mais à nouveau différent. Tout autour, sont tous les intérêts possibles, mais ces intérêts ont laissé une petite tache de reste où ils ne se rencontrent pas. Et aujourd'hui, alors que l'on a une vie de l'économie mondiale, une vie de l'esprit mondiale, la chose est telle que cette petite tache est maintenue par le fait qu'elle est quelque chose de très particulier. Qu'est-ce qu'elle est en fait ? C'est quelque chose qui est maintenu à l'intérieur de ses frontières par des rapports purement politiques. C'est ce qui vous ressort de l'histoire suisse. L'histoire suisse est en apparence tout à fait politique, tout comme la pensée suisse est en apparence tout à fait démocratique. Mais aussi avec la politique, cela se comporte ainsi pour la Suisse, comme je l'ai expliqué précédemment pour la démocratie : c'est une politique qui n'en est en fait aucune, qui gère la vie de l'esprit et la vie de l'économie sur une petite tache de Terre, mais qui en réalité ne fait pas de politique du tout. Comparez ce qui est politique en Suisse et ailleurs ! Il doit parfois être fait politiquement l'une ou l'autre chose, parce qu'avec les autres

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Nun, bei der Schweiz ist es ähnlich, aber doch wiederum anders. Ringsherum sind alle möglichen Interessen, aber diese Interessen haben einen kleinen Fleck da übriggelassen, wo sie sich nicht begegnen. Und heute, wo man Weltwirtschaftsleben, Weltgeistesleben hat, da ist die Sache so, daß ja dieser kleine Fleck allerdings dadurch aufrechterhalten wird, daß er nun etwas ganz Besonderes ist. Was ist er denn eigentlich? Er ist etwas, was innerhalb seiner Grenzen durch rein politische Verhält­nisse zusammengehalten wird. Das geht Ihnen aus der schweizerischen Geschichte hervor. Die schweizerische Geschichte ist eine scheinbar ganz politische, so wie das schweizerische Denken ein scheinbar ganz demo­kratisches ist. Aber auch mit der Politik verhält es sich so für die Schweiz, wie ich es vorhin für die Demokratie auseinandergesetzt habe: Es ist eine Politik, die eigentlich keine ist, die auf einem kleinen Fleck Erde das Geistesleben und das Wirtschaftsleben verwaltet, aber eigentlich in Wirklichkeit gar nicht Politik treibt. Vergleichen Sie, was in der Schweiz und was anderwärts Politik ist! Es muß manchmal das eine oder andere politisch gemacht werden, weil man mit den anderen

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pays, on doit entrer en correspondance. Mais une véritable politique suisse - il faudrait justement mettre les choses sur la tête si l'on voulait trouver une véritable politique suisse. Il n'y en a en fait pas. De cela est justement aussi visible que l'on a créé ici une structure de pays dans laquelle la vie de l'esprit est gérée au sens politique, la vie de l'économie au sens politique, mais dans laquelle n'est en fait disponible aucun sentiment réel, aucune expérience réelle/vécu réel de l'être-là de droit.


Ländern in Korrespondenz treten muß. Aber wirkliche schweizerische Politik — man müßte eben die Dinge auf den Kopf stellen, wenn man eine wirkliche schweizerische Politik finden wollte. Die gibt es eigent­lich nicht. Auch daraus ist eben ersichtlich, daß hier ein Landgebilde geschaffen worden ist, auf dem im politischen Sinne das Geistesleben, im politischen Sinne das Wirtschaftsleben verwaltet wird, in dem aber eigentlich gar nicht eine wirkliche Empfindung, ein wirkliches Erleben von dem Rechtsdasein vorhanden ist.

C'est pourquoi il s'agit ici d'insister tout particulièrement sur le fait que le droit est quelque chose que l'on ne peut pas définir, comme on ne peut pas définir le rouge ou le bleu, que le droit est quelque chose qui doit être vécu dans son indépendance, et qui doit être vécu lorsque tout humain devenu majeur prend conscience de sa condition d'humain. Il s'agira donc d'essayer d'élaborer pour des moyens suisses tout de suite ce rapport de sensibilité et de sentiment humain dans la vie de droit, que l'égalité devrait vivre dans l'humain individuel, si la vie de droit devait être-là. Tout de suite la Suisse est notamment appelée à cela - et j'aimerais dire que les anges du monde entier regardent la Suisse pour voir si ce qui se passe ici est ce qui est correct - tout de suite la Suisse est appelée à ce que, là elle, j'aimerais dire, totalement vierge en rapport à l'État de droit, a seulement un État spirituel, seulement un de l'économie, sous libération/autorisation/ouverture des vies spirituelle et de l'économie.

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Daher handelt es sich darum, daß man hier ganz besonders tief ein­schärft, daß das Recht etwas ist, was man nicht definieren kann, so wie man Rot oder Blau nicht definieren kann, daß das Recht etwas ist, was in seiner Selbständigkeit erlebt werden muß, und was erlebt werden muß, wenn sich als Mensch bewußt wird jeder mündig gewor­dene Mensch. Es wird sich also darum handeln, zu versuchen, für schweizerische Mittel gerade dieses menschliche Empfindungs- und Gefühlsverhältnis im Rechtsleben herauszuarbeiten, daß im einzelnen Menschen die Gleichheit leben müsse, wenn Rechtsleben da sein soll. Gerade die Schweiz ist nämlich dazu berufen, und ich möchte sagen: Die Engel der ganzen Welt schauen auf die Schweiz, ob hier das Rich­tige geschieht —, gerade die Schweiz ist dazu berufen, da sie, ich möchte sagen, völlig jungfräulich ist in bezug auf den Rechtsstaat, nur einen geistigen, nur einen Wirtschaftsstaat hat, einen Rechtsstaat zu schaf­fen unter Freigebung des geistigen und des Wirtschaftslebens.

C'est sur les montagnes suisses que le droit romain, qui a pénétré d'une toute autre manière en France, en Allemagne et dans d'autres pays européens, s'est en fait brisé pour le cœur des humains. Il n'est entré que dans l'aspect extérieur, mais pas dans la sensibilité des humains. C'est donc un terrain juridique vierge sur lequel tout peut être créé. Si seulement les humains parvenaient à une véritable réflexion sur le bonheur infini que représente le fait de vivre ici entre les montagnes et de pouvoir avoir sa propre volonté, indépendamment du monde entier qui tourne autour de ce petit pays. C'est tout de suite à cause de cette situation mondiale que les éléments de droit peuvent être élaborés à partir de l'humain.

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An den schweizerischen Bergen hat sich für die Herzen der Men­schen eigentlich gebrochen das römische Recht, das in ganz anderer Weise in Frankreich und in Deutschland und anderen europäischen Ländern eingezogen ist. Es ist nur in das Äußerliche hineingegangen, nicht aber in das Empfinden der Menschen. Es ist also jungfräulicher Rechtsboden, auf dem alles geschaffen werden kann. Wenn nur die Menschen zur wirklichen Besinnung kommen, was es für ein unend­liches Glück ist, hier zwischen den Bergen zu leben und einen eigenen Willen haben zu können, unabhängig von der ganzen Welt, die sich um dieses kleine Ländchen dreht. Hier können, gerade wegen dieser Weltverhältnisse, die Rechtselemente bloß aus dem Menschen heraus­gearbeitet werden.

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Je vous indique donc comment on doit intégrer la localité particulière, le lieu particulier dans la préparation d'un tel exposé, comment on doit effectivement être totalement un avec soi-même, ce qui est l'essence de la suissitude. Je peux naturellement seulement l'esquisser ici ; mais chacun qui veut parler en Suisse devrait en fait s'efforcer de comprendre entièrement quelle est la façon particulière de cette suissitude.

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Also ich deute Ihnen an, wie man die besondere Lokalität, die be­sondere Örtlichkeit in das Vorbereiten hineinbringen muß für solch einen Vortrag, wie man tatsächlich mit sich selber völlig eins sein muß, was das Wesen des Schweizertums ist. Ich kann es natürlich hier nur skizzieren; aber jeder, der in der Schweiz reden will, müßte eigentlich sich bemühen, ganz zu verstehen, welch besonderer Art dieses Schwei­zertum ist.

N'est-ce pas, vous pouvez dire : nous sommes suisses -- comme les Anglais peuvent dire : nous sommes anglais -, et tu veux maintenant nous dire comment le Suisse devrait connaître la suissitude, et tout ce que l'Anglais n'a pas de tel de sentiment, et ainsi de suite. - Certes, on peut dire cela. Mais ceux qui font partie aujourd'hui des cultivés n'ont nulle part une formation réellement vécue, nulle part une formation qui sorte de l'immédiateté du vécu. C'est pourquoi il faut insister sur ce vécu immédiat, surtout vis-à-vis du droit.

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Nicht wahr, Sie können sagen: Wir sind ja Schweizer -- so wie die Engländer sagen können: Wir sind ja Engländer —, und du willst uns jetzt sagen, wie der Schweizer das Schweizertum kennenlernen soll, und was der Engländer alles nicht hat von solcher Empfindung und so weiter. — Gewiß, das kann man sagen. Aber diejenigen, die heute zu den Gebildeten gehören, haben ja nirgends eine wirklich erlebte Bildung, nirgends eine Bildung, die heraus ist aus dem Unmittelbaren des Er­lebens. Daher muß gerade gegenüber dem Rechte auch sehr hingewie­sen werden auf dieses unmittelbare Erleben.

Nous en arrivons là à considérer comment, sous la civilisation moderne, les humains sont peu à peu entrés dans des rapports mutuels, dans des rapports sociaux, dans le domaine où le droit devrait en fait se développer. Le droit devrait se développer d'humain à humain. Et tout donc, toute la parlementarisation, n'est en fait qu'un substitut à ce qui devrait se passer d'humain à humain dans un domaine de droit véritablement correct.

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Da kommen wir zu der Betrachtung, wie die Menschen allmählich unter der neueren Zivilisation in gegenseitige Verhältnisse, in soziale Verhältnisse hineingekommen sind auf dem Gebiete, wo sich eigent­lich das Recht entwickeln sollte. Von Mensch zu Mensch sollte sich das Recht entwickeln. Und alles also, alles Parlamentarisieren ist eigent­lich im Grunde genommen nur ein Surrogat für das, was sich von Mensch zu Mensch abspielen müßte in einem wirklich richtigen Rechts­gebiete.

On a alors l'occasion, lorsqu'on réfléchit au domaine de droit, d'aborder à nouveau - mais maintenant d'une manière plus réelle - ce que sont les concepts du prolétariat et les sentiments de la bourgeoisie. Mais on peut maintenant faire passer par dessus d'une manière plus réelle dans les sentiments de la bourgeoisie, ce que le prolétariat a développé de concepts. Je dis : concepts du prolétariat, sentiments de la bourgeoisie. Vous en trouverez l'explication dans mes « Points essentiels de la question sociale ».

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Da hat man dann Gelegenheit, wenn man nun nachdenkt über das Rechtsgebiet, wiederum einzugehen — aber jetzt in einer realeren Weise einzugehen — auf dasjenige, was die Begriffe des Proletariats sind und die Empfindungen der Bourgeoisie. Man kann aber jetzt in einer reale­ren Weise dasjenige, was das Proletariat an Begriffen entwickelt hat, herüberführen in das Empfinden der Bourgeoisie. Ich sage: Begriffe des Proletariats, Empfindungen der Bourgeoisie. Die Erklärung dafür fin­den Sie in meinen «Kernpunkten der sozialen Frage».

Le prolétariat a développé, à partir des quatre concepts que j'ai développés hier ici, le sentiment/la sensation de la conscience de classe ; il doit conquérir ce qui en possession de la bourgeoisie, l'État.

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Das Proletariat hat aus den vier Begriffen, die ich gestern hier ent­wickelt habe, durchaus eben das Gefühl des Klassenbewußtseins ent­wickelt; es muß erobern, was im Besitze der Bourgeoisie ist, den Staat.

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Dans quelle mesure l'État est un véritable État de droit ou non, le prolétariat ne l'a naturellement pas compris non plus. Mais ce qui s'est développé en tant qu'État de droit est ce qui touche le moins la Suisse, c'est pourquoi elle pourrait le plus facilement comprendre sans préjugés un véritable État de droit. Ce qui s'est développé en tant qu'un véritable État de droit, cela vit donc aujourd'hui seulement entre les expressions de la vie d'âme réelle des humains dans presque tout le monde, seulement justement pas en Suisse ! Partout sinon dans le monde, ce qui est l'État de droit vit, je dirais, une existence/un être-là en sous-main, tandis que ce qui est réellement vécu d'humain à humain repose sur quelque chose de tout à fait différent, et notamment sur quelque chose de tout à fait bourgeois/civil/citoyen. On ne peut saisir ce que l'humain cherche réellement dans la vie publique, ce qu'il apporte dans toute la vie publique, ce par quoi se passe une occultation/un assombrissement de la vie de droit proprement dite, cela on peut seulement le saisir si l'on saisi un peu de l'oeil les relations concrètes.


Inwieweit der Staat nun ein wirklicher Rechtsstaat ist oder nicht, das ist natürlich dem Proletariat auch nicht klargeworden. Aber was als Rechtsstaat sich entwickelt hat, davon ist die Schweiz am allerwenig­sten berührt, daher sie am leichtesten ohne Vorurteile einen wirklichen Rechtsstaat begreifen könnte. Was sich als ein wirklicher Rechtsstaat entwickelt hat, das lebt ja nur zwischen den Äußerungen des eigent­lichen Seelenlebens der Menschen fast in der ganzen Welt heute, nur eben nicht in der Schweiz! Überall sonst in der Welt lebt eigentlich dasjenige, was Rechtsstaat ist, ein, ich möchte sagen, Unter-der-Hand­Dasein, währenddem dasjenige, was wirklich von Mensch zu Mensch erlebt wird, auf etwas ganz anderem beruht, und zwar auf etwas ganz durch und durch Bürgerlichem. Was der Mensch im öffentlichen Le­ben eigentlich sucht, was er hineinträgt in das ganze öffentliche Leben, wodurch ihm eine Verdunkelung des eigentlichen Rechtslebens ge­schieht, das kann man nur erfassen, wenn man ein wenig die konkreten Beziehungen ins Auge faßt.

Voyez-vous, la vie de l'esprit a été peu à peu absorbée par la vie de l'État. Mais la vie de l'esprit, si on la considère comme un élément construit sur soi-même, est un élément très sévère/strict, un élément vis-à-vis duquel on doit constamment préserver sa liberté, qui à cause de cela n'a pas la permission d'être organisée autrement qu'aussi dans la liberté. Laissez une fois une génération déployer plus librement sa vie de l'esprit et organiser ensuite cette vie de l'esprit comme elle l'entend : c'est l'esclavage le plus pur pour la génération suivante. La vie de l'esprit doit vraiment être libre, pas purement en théorie, mais d'après la vie. Les humains qui s'y trouvent doivent faire l'expérience de/vivre la liberté. La vie de l'esprit devient une grande tyrannie si elle se répand absolument sur la Terre, car sans qu'intervienne une organisation, elle ne peut se répandre/s'élargir, et si une organisation intervient, l'organisation devient aussitôt une tyrannie. C'est pourquoi doit continuellement être lutté en liberté, en liberté vivante, contre la tyrannie à laquelle la vie de l'esprit elle-même tend.

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Sehen Sie, das Geistesleben ist allmählich aufgesogen worden vom Staatsleben. Das Geistesleben aber ist, wenn man ihm gegenübersteht als einem Elemente, das auf sich selbst gebaut ist, ein sehr strenges Element, ein Element, demgegenüber man fortwährend seine Freiheit bewahren muß, das deshalb nicht anders als auch in der Freiheit orga­nisiert werden darf. Lassen Sie einmal eine Generation ihr Geistes­leben freier entfalten und dann dieses Geistesleben organisieren, wie sie es will: es ist die reinste Sklaverei für die nächstfolgende Generation. Das Geistesleben muß wirklich, nicht etwa bloß der Theorie nach, son­dern dem Leben nach, frei sein. Die Menschen, die darinnenstehen, müssen die Freiheit erleben. Das Geistesleben wird zur großen Tyran­nei, wenn es überhaupt auf der Erde sich ausbreitet, denn ohne daß eine Organisation eintritt, kann es sich nicht ausbreiten, und wenn eine Organisation eintritt, wird sogleich die Organisation zur Tyrannin. Daher muß fortwährend in Freiheit, in lebendiger Freiheit gekämpft werden gegen die Tyrannis, zu der das Geistesleben selber neigt.

Or, au cours des siècles récents, cette vie de l'esprit a été absorbée par la vie de l'État. Cela signifie que si l'on dépouille la vie de l'État de la toge qu'elle porte encore très fortement en

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Dieses Geistesleben ist nun im Laufe der neueren Jahrhunderte auf­gesogen worden vom Staatsleben. Das heißt: Wenn man das Staats­leben der Toga entkleidet, die es noch immer sehr stark anhat in der

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souvenir de l'ancien temps romain, bien que les juges commencent a retirer la toge, mais dans l'ensemble on peut quand même encore dire que la vie de l'état porte encore la toge ; mais si l'on fait abstraction de cette toge, si l'on regarde ce qu'il y a en dessous, c'est en fait partout la vie spirituelle contrainte qui est disponible dans l'État et dans la vie sociale de l'État. C'est la vie de l'esprit contrainte ! Contrainte, mais ne sachant pas qu'elle est contrainte, n'aspirant donc pas à la liberté, mais luttant quand même continuellement contre la contrainte. Et beaucoup de choses à l'époque la plus récente sont précisément nées de cette lutte contre l'état de contrainte de la vie de l'esprit. Toute notre vie de l'esprit public est en fait placée sous le signe de cet être-contrainte de la vie de l'esprit, et nous ne pouvons pas obtenir des conditions saines si nous n'acquérons pas le sens de l'observation de cet être contrainte de la vie de l'esprit. On doit avoir une sensation pour comment cet être-contrainte de la vie de l'esprit nous vient en vis-à-vis dans le quotidien.


Erinnerung an die alte Römerzeit, obwohl schon sogar die Richter anfangen, den Talar abzulegen, aber im ganzen kann man doch sagen, daß das Staatsleben die Toga noch anhat; aber wenn man absieht von dieser Toga, wenn man auf das sieht, was darunter ist: dann ist es eigentlich überall das verzwangte Geistesleben, das im Staate und im sozialen Leben des Staates vorhanden ist. Es ist das verzwangte Gei­stesleben! Verzwangt, aber nicht wissend, daß es verzwangt ist, daher nicht nach Freiheit strebend, aber immerhin doch gegen die Verzwangt­heit fortwährend ankämpfend. Und vieles in der neuesten Zeit ist ge­rade aus diesem Ankämpfen gegen die Verzwangtheit des Geisteslebens hervorgegangen. Unser ganzes öffentliches Geistesleben steht eigent­lich unter dem Zeichen dieser Verzwangtheit des Geisteslebens, und wir können nicht gesunde Verhältnisse gewinnen, wenn wir uns nicht einen Sinn aneignen für die Beobachtung dieser Verzwangtheit des Geisteslebens. Man muß ein Gefühl dafür haben, wie einem diese Ver­zwangtheit des Geisteslebens entgegenkommt im Alltag.

Un jour, j'ai été invité par un certain nombre de dames berlinoises qui avaient assisté à des conférences que j'avais données dans un institut, à tenir une conférence chez l'une d'entre elles, dans son appartement privé, et toute cette manifestation avait en fait pour but de contrer une certaine humeur, à l'époque assez bienveillante, chez leurs maris/hommes. N'est-ce pas, ces dames arrivaient vers midi à l'institut de formation où je donnais mes conférences. Et les hommes, lorsqu'un jour comme celui-ci arrivait - je crois que c'était une fois par semaine - disaient alors : « Eh bien, vous allez retourner dans votre établissement fou aujourd'hui ; la soupe sera à nouveau mauvaise, ou quelque chose d'autre ne sera pas en ordre ! - Et c'est là que ces dames ont voulu que je fasse une conférence sur le « Faust » de Goethe - c'est le thème qui a été choisi - et les hommes ont également été invités. J'ai donc tenu une conférence sur le « Faust » de Goethe devant ces dames et ces messieurs. Oui, les messieurs étaient un peu perplexes et disaient : « Oui, mais le <Faust> de Goethe est une science ; le <Faust> de Goethe n'est pas de l'art. L'art, c'est Blumenthal » - je cite textuellement - »là, on n'a pas besoin de faire d'efforts.

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Ich wurde einmal von einer Anzahl Berliner Damen, die in einem Institute von mir Vorträge angehört hatten, dann eingeladen, einen Vortrag zu halten bei einer der Damen in ihrem Privatappartement, und die ganze Veranstaltung war eigentlich dazu da, daß die Damen entgegenarbeiten wollten einer gewissen dazumal recht gutmütigen Stimmung bei ihren Männern. Nicht wahr, diese Damen kamen so etwa um zwölf Uhr in das Unterrichtsinstitut, wo ich die Vorträge hielt. Und die Männer, wenn wiederum solch ein Tag kam — ich glaube, es war einmal in der Woche —, sagten dann: Na ja, da geht Ihr halt in eure verrückte Anstalt heute wieder hin; da wird die Suppe wieder schlecht sein, oder es wird etwas anderes nicht in Ordnung sein! — Und da wollten denn diese Damen, daß ich einen Vortrag hielte über Goethes «Faust» — das wurde als Thema ausgesucht —, und dazu wurden auch die Männer eingeladen. Nun hielt ich eben einen Vortrag über Goethes «Faust» vor den Damen und Herren. Ja, die Herren waren nachher etwas verdutzt und sie sagten: «Ja, aber Goethes <Faust> ist halt eine Wissenschaft; Kunst ist ja Goethes <Faust> nicht. Kunst, das ist Blu­menthal» — ich zitiere wörtlich —, «da braucht man sich nicht anzu­strengen.

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Si l'on se donne déjà tant de mal dans la profession économique, on ne veut quand même pas aussi se donner de la peine dans la vie » ! Voyez-vous, ce qui a remplacé l'enthousiasme pour la liberté dans la vie de l'esprit se présente à nous dans la vie étatique comme un pur besoin de divertissement léger.


Wenn man sich schon im wirtschaftlichen Beruf so anstrengt, will man sich doch im Leben nicht auch noch anstrengen!» Sehen Sie, was eingezogen ist als Ersatz des Enthusiasmus für die Freiheit im Geistesleben, das tritt uns im staatlichen Leben entgegen als bloßes leichtes Unterhaltungsbedürfnis.

J'ai vu une fois à la campagne, où l'on pouvait encore bien voir ce genre de choses, comment ces vieux acteurs itinérants, qui avaient toujours avec eux ce qu'on appelait en Allemagne le sot Auguste, c'est-à-dire le Bajazzo, représentaient parfois des choses très fines. Je vis alors comment le clown, qui avait fait ses tours de clown pendant tout un temps et divertissait les gens parce qu'il s'apprêtait à représenter quelque chose de très sérieux pour lui, se débarrassait de son costume de clown et se tenait maintenant en jambières noires et en queue de pie noire. Cette image me tourne toujours dans la tête : Je vois d'abord l'homme en noir et en queue de pie, puis je vois l'homme avec le costume de clown. J'ai l'impression d'être en habit noir et en queue de pie quand je vois quelque part dans une vitrine un livre d'Einstein sur la théorie de la relativité ; et puis j'ai le clown devant moi quand j'ai à côté un livre de Moszkowski sur la théorie de la relativité. Car effectivement, dans la vie extérieure, il y a bien des choses qui sont Maja : mais on ne pourrait pas imaginer qu'à l'intérieur, toute cette pédanterie de penseur puisse se présenter autrement qu'en pantalon noir et en queue de pie bien taillée, c'est-à-dire dans la théorie de la relativité. Et encore une fois, il est désagréable de se plier à des raisonnements aussi stricts, à des raisonnements aussi conséquents, qui sont déjà vraiment coupés comme une queue de pie bien ajustée ; cela doit aussi se présenter aux gens d'une autre manière. C'est ainsi que le clown philosophe Alexander Moszkowski, particulièrement doué pour le feuilletonesque, s'y met et écrit un gros livre. Tous les gens en costume de clown apprennent désormais dans ce livre ce qui est né en queue de pie ! Vous voyez, on ne peut pas faire autrement aujourd'hui que de traduire les choses en ce qu'on n'a pas besoin de faire d'efforts, en ce qu'on n'a pas besoin non plus de déployer beaucoup d'enthousiasme.

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Ich habe einmal auf dem Lande gesehen, wo man so etwas noch gut sehen konnte, wie diese alten herumziehenden Schauspieler, die im­mer, in Deutschland nannte man es den Dummen August, also den Bajazzo bei sich hatten, wie diese manchmal ganz feine Sachen dar­stellten. Da sah ich, wie der Clown, der nun seine Clownkunststücke eine ganze Zeit hindurch gemacht und die Leute unterhalten hatte, weil er nun daranging, etwas für ihn sehr Ernstes darzustellen, das Clown­kostüm abwarf und nun in schwarzen Beinkleidern und schwarzem Frack dastand. Mir dreht sich dieses Bild immer um: Ich sehe dann zuerst den Mann in schwarzen Beinkleidern und schwarzem Frack, und hinterher sehe ich den Mann mit dem Clownkostüm. Mir kommt es so vor wie schwarzes Beinkleid und Frack, wenn ich irgendwo in einem Schaufenster ein Buch von Einstein über die Relativitätstheorie sehe; und dann habe ich den Clown vor mir, wenn ich daneben ein Buch von Moszkowski über die Relativitätstheorie vor mir habe. Denn tatsächlich, im äußeren Leben ist ja manches Maja: Aber man könnte sich gar nicht denken, daß innerlich die ganze Denkerpedanterie anders auftreten könnte als in schwarzem Beinkleid und in wohlgeschnittenem Frack, will sagen, in der Relativitätstheorie. Und wiederum: Es ist unangenehm, sich so strengen Gedankengängen, so konsequenten Ge­dankengängen zu fügen, die schon wirklich so geschnitten sind wie ein gutsitzender Frack; das muß den Leuten auch anders entgegentreten. Da macht sich denn der als Philosophenclown feuilletonistisch ganz besonders begabte Alexander Moszkowski daran und schreibt ein dickes Buch. Aus dem lernen nun alle Leute in Feuilletonform, im Clown­kostüm, was im Frack geboren worden ist! Sehen Sie, man kann gar nicht anders heute, als die Dinge herüber zu übersetzen in dasjenige, wobei man sich nicht anzustrengen braucht, wobei man auch keinen großen Enthusiasmus zu entfalten braucht.

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En effet, si l'on veut parler de concepts de droit, doit être lutté/combattu à mesure de l' émotion/du sentiment, cette ambiance/humeur générale, car là, l'humain, avec toutes ses valeurs intérieures, se présente comme un égal de l'autre humain. Et ce qui ne laisse pas monter les concepts de droit, c'est ce que j'aimerais dire, c'est ce qui est à la mesure d'Alexandre-Moszkovski! On doit chercher partout les choses au concret.

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Gegen diese allgemeine Stimmung muß nämlich empfindungsge­mäß angekämpft werden, wenn man über Rechtsbegriffe sprechen will, denn da tritt der Mensch mit seinem ganzen inneren Werte als ein Gleicher den anderen Menschen gegenüber. Und dasjenige, was die Rechtsbegriffe nicht heraufkommen läßt, das ist das, ja, ich möchte sagen, Alexander-Moszkowskimäßige! Man muß überall die Dinge beim Konkreten aufsuchen.

Naturellement, je ne dis absolument pas qu'on a maintenant besoin, quand on parle sur des concepts de droit, de parler de queue de pie et de costume de clown, mais j'aimerais montrer comment on doit obtenir les concepts élastiques pour ces choses, comment on doit vraiment indiquer sur l'un quand on indique sur l'autre, et aussi comment on doit pouvoir disposer d'abord en soi-même pour avoir alors la périodicité/facilité nécessaire de parler devant les humains.

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Ich sage natürlich durchaus nicht, daß man nun nötig hat, wenn man über Rechtsbegriffe spricht, von Frack und Clownkostüm zu spre­chen, aber ich möchte zeigen, wie man die Begriffe für diese Dinge elastisch bekommen muß, wie man wirklich auf das eine hinweisen muß, wenn man auf das andere hinweist; auch wie man disponieren können muß, zuerst in sich selber, um dann die nötige Geläufigkeit zu haben, vor den Menschen zu sprechen.

Et c'est aussi encore pour une autre raison que l'orateur d'aujourd'hui doit savoir quelque chose comme cela. La plupart du temps, il est condamné à prendre la parole le soir lorsqu'il a quelque chose d'intéressant pour l'avenir. C'est-à-dire qu'il a à remplir le temps dans lequel les gens aimeraient être dans la salle de concert ou au théâtre. Il doit donc être absolument clair avec soi qu'il s'adresse à un public qui serait mieux à sa place, selon la constitution du temps, s'il était dans la salle de concert, au théâtre ou encore ailleurs, mais il n'est n fait pas à sa place là en bas pour écouter un orateur qui parle de choses d'avenir. Il faut être clair sur ce que l'on fait, jusque dans les détails.

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Und auch noch aus einem anderen Grunde muß der heutige Redner so etwas wissen. Er ist ja zumeist dazu verurteilt, wenn er für etwas Zukunftswürdiges zu sprechen hat, abends zu sprechen. Das heißt, er hat diejenige Zeit auszufüllen, in der eigentlich die Leute im Konzert­saal oder im Theater sein möchten. Er muß sich also durchaus klar sein darüber, daß er zu einem Publikum spricht, das besser an seinem Platze wäre, der Zeitverfassung nach, wenn es im Konzertsaal oder im Thea­ter wäre, oder noch woanders, aber nicht eigentlich an seinem Platz ist da unten, wo es zuhören soll, wenn oben ein Redner von zukunfts­würdigen Dingen spricht. Man muß sich klar sein, was man eigentlich tut, bis in die Einzelheiten hinein.

Que fait-on donc en fait quand on parle devant un tel public, devant lequel on est aujourd'hui le plus souvent condamné à parler ? En fait, on lui gâche littéralement l'estomac! Un discours sérieux a en effet la particularité d'être hostile à la pepsine, d'empêcher la pepsine, le suc gastrique, d'agir. Un discours sérieux rend l'estomac acide. Et ce n'est que lorsque l'on est d'humeur à prononcer un discours sérieux de façon à le faire, du moins intérieurement, avec l'humour qu'il faut, que l'on aide le suc gastrique. Il faut faire un discours avec une certaine aisance intérieure, avec une certaine modulation, avec un certain enthousiasme, et alors on aide le suc gastrique.

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Was tut man denn eigentlich, wenn man vor einem solchen Publi­kum spricht, vor dem zu sprechen man heute zumeist verurteilt ist? Man verdirbt ja diesem Publikum eigentlich in ganz wörtlichem Sinne den Magen! Eine ernste Rede hat nämlich die Eigentümlichkeit, daß sie dem Pepsin feindlich ist, daß sie das Pepsin, den Magensaft nicht zur Wirksamkeit kommen läßt. Eine ernste Rede macht den Magen sauer. Und nur wenn man selber in der ganzen Stimmung ist, eine ernste Rede so vorzubringen, daß man, weigstens innerlich, sie mit dem nö­tigen Humor vorbringt, dann hilft man dem Magensaft wieder. Man muß mit einer gewissen inneren Leichtigkeit eine Rede vorbringen, mit einer gewissen Modulation, mit einer gewissen Begeisterung, dann hilft man dem Magensaft.

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Et puis, à nouveau, on rééquilibre ce qu'on fait à l'estomac dans le temps où nous avons le plus souvent à parler aujourd'hui. C'est pourquoi il est vraiment plus souvent travaillé pour les spécialistes de l'estomac que pour la triarticulation de l'organisme social quand les humains, en toute pesanteur, avec toute intérieure pression vers l'extérieur, en une forme pédante, parlent aux humains sur la triarticulation. Cela doit se passer avec facilité, avec évidence, sinon on ne travaille pas pour la triarticulation, mais pour les spécialistes de l'estomac. Mais il n'y a seulement pas encore de statistiques sur combien de gens qui, après avoir écouté des conférences pédantes, doivent aller chez le spécialiste de l'estomac! En effet, si l'on avait une fois une statistique sur ces choses, on serait étonné du pourcentage d'enthousiastes auditeurs de conférences du temps actuel dans les cercles de patients des spécialistes de l'estomac.


Und dann gleicht man das wiederum aus, was man dem Magen zufügt in der Zeit, in der wir heute zumeist zu reden haben. Daher ist es wirklich eher als für die Dreigliederung des sozia­len Organismus für die Magenspezialisten gearbeitet, wenn Men­schen in aller Schwere, mit allem inneren Herauspressen, in pedan­tischer Form über die Dreigliederung zu den Menschen sprechen. Das muß mit Leichtigkeit, mit Selbstverständlichkeit geschehen, sonst ar­beitet man nicht für die Dreigliederung, sondern für die Magenspe­zialisten. Es gibt nur noch keine Statistik darüber, wie viele Leute, nachdem sie pedantische Vorträge angehört haben, zu den Magenspe­zialisten gehen müssen! Wenn man einmal eine Statistik über diese Dinge hätte, würde man nämlich erstaunt sein darüber, welcher Pro­zentsatz in den Patientenkreisen der Magenspezialisten eifrige Vor­tragszuhörer der heutigen Zeit abgeben.

Je dois d'ores et déjà attirer l'attention sur ces choses, car le temps approche où on doit connaître comment l'humain vit réellement : comment le sérieux affecte son estomac, comment l'humour agit sur son suc gastrique, comment, disons-nous, le vin est une sorte de cynique qui ne prend pas au sérieux toute l'organisation humaine, mais qui joue avec elle. Ainsi, si l'on abordait l'organisation de l'humain non pas avec les concept-whichivaschi de la science actuelle, mais avec des concepts humains, on envisagerait absolument ce que maintenant, aussi pour un effet organique, presque chimique, provoque chez l'humain chaque mot et chaque contexte de mot.

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Ich muß schon auf diese Dinge auch aufmerksam machen, denn es naht sich die Zeit, wo man kennen muß, wie eigentlich der Mensch lebt: wie Ernst auf seinen Magen, wie Humor auf seinen Magensaft wirkt, wie zum Beispiel, sagen wir, der Wein eine Art Zyniker ist, der die ganze menschliche Organisation nicht ernst nimmt, sondern mit ihr spielt. Und so könnte man, wenn man nicht mit den Wischiwaschi-begriffen der heutigen Wissenschaft, sondern mit menschlichen Begrif­fen an die menschliche Organisation heranginge, durchaus einsehen, was nun auch für eine organische Wirkung, fast chemische Wirkung, jedes Wort und jeder Wortzusammenhang beim Menschen hervorruft.

Savoir de telles choses vous rend aussi le discours plus facile. Tandis que l'on a sinon un mur devant soi vis-à-vis de l'auditoire, ce mur cesse d'être quand, dans un discours pédant, on voit toujours à travers comment le suc gastrique s'écoule et finit par devenir acide dans l'estomac, attaque les parois de l'estomac. On a parfois l'occasion de le voir. Il y en a moins dans les salles des universités, où les étudiants s'aident en n'écoutant pas.

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Solche Dinge zu wissen, erleichtert einem auch das Reden. Wäh­rend man sonst eine Mauer vor sich hat gegenüber dem Publikum, hört diese Mauer auf zu sein, wenn man gewissermaßen bei einer pe­dantischen Rede immer durchsieht, wie der Magensaft träufelt und endlich sauer wird im Magen, die Magenwände angreift. Man hat schon zuweilen Gelegenheit, das zu sehen. In Hörsälen der Universi­täten ja weniger; da helfen sich die Studenten dadurch, daß sie nicht zuhören.

Mais vous voyez d'après ce que je dis, combien la parole dépend de l'humeur, combien la préparation de l'ambiance, la prise en main de l'humeur, a plus d'importance que la préparation littérale.

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Sie sehen aber daraus, was ich so sage, wieviel beim Reden von der Stimmung abhängt, wieviel mehr Bedeutung das Vorbereiten der Stim­mung, das In-die-Hand-Nehmen der Stimmung hat, als das wort­wörtliche Vorbereiten.

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Celui qui s'est souvent préparé à l'humeur n'a alors plus besoin de se préparer au mot de telle sorte qu'au moment opportun, il se fait tout de suite justement destructeur du suc gastrique en se préparant trop bien.


Wer oftmals sich für die Stimmung vorbereitet hat, der hat dann gar nicht mehr nötig, sich für das Wortwörtliche so vorzubereiten, daß er sich im entsprechenden Moment durch das zu gute wortwörtliche Vorbereiten eben zum Verderber des Magensaftes gerade macht.

Vous voyez, pour un orateur bien formé — si je puis m'exprimer ainsi —, il y a plusieurs choses, et je tiens à le dire tout de suite ici, parce que la confrontation des concepts de droit exige justement beaucoup de choses qu'il faut caractériser dans ce sens. J'aimerais le dire tout de suite maintenant avant de parler demain de l'enchevêtrement des éléments économiques dans le discours.

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Sehen Sie, zu einem — wenn ich mich jetzt so ausdrücken darf — richtig geschulten Redner gehört verschiedenes; und ich möchte es ge­rade an dieser Stelle vorbringen, weil das Auseinandersetzen der Rechtsbegriffe gerade vieles fordert, was man nach dieser Richtung charakterisieren muß. Ich möchte es gerade jetzt vorbringen, bevor ich dann wohl morgen zu der Hineinverwebung der Wirtschaftsele­mente in das Reden sprechen möchte.

Un anthroposophe a amené une fois dans la salle de la Maison des architectes à Berlin Max Dessoir, que vous connaissez peut-être déjà, lors d'une soirée où je devais donner une conférence. Cet ami de Max Dessoir dit ensuite: Ah! le Dessoir n'est pas allé avec ! — Je lui ai demandé comment il avait aimé le discours; il m'a répondu: Oui, vous savez, je suis moi-même un orateur; et celui qui est un orateur ne sait pas écouter correctement, il n'a pas de jugement sur ce que dit l'autre! -- Eh bien, je n'avais pas besoin de me porter un jugement sur Dessoir, car j'avais d'autres occasions de porter un jugement, même si je n'eusse pas porté un jugement sur cette parole; car je ne pouvais pas savoir si c'était vrai, ou si Dessoir, comme d'habitude, avait menti encore cette fois. Maintenant, supposons que c'était vrai, qu'est-ce que cela prouverait ? Pour que, en tout cas, celui qui a une telle opinion ne puisse jamais devenir un véritable orateur. En effet, celui qui aime parler, qui aime s'écouter, et qui donne beaucoup à ce qu'il dit ne peut jamais devenir un vrai orateur. En fait, un vrai orateur doit toujours faire un certain dépassement s'il devrait parler, et il doit clairement sentir clairement ce dépassement. Il doit avant toutes choses préférer entendre le pire orateur étranger plutôt que de vouloir parler soi-même.

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Ein Anthroposoph brachte einmal in den Architektenhaussaal in Berlin den Ihnen ja vielleicht auch schon bekannten Max Dessoir mit an einem Abend, wo ich dort einen Vortrag zu halten hatte. Dieser da­malige Freund des Max Dessoir sagte hinterher: Ach, der Dessoir ging doch nicht mit! — Ich fragte ihn, wie ihm der Vortrag gefallen habe; da sagte er: Ja, wissen Sie, ich bin selbst ein Redner; und derjenige, der selbst ein Redner ist, der kann nicht richtig zuhören, der hat kein Ur­teil über das, was der andere redet! — Nun, ich hatte nicht nötig, mir über Dessoir ein Urteil zu bilden nach dieser Aussage, denn dazu hatte ich andere Urteilsbildungsgelegenheiten, würde mir auch kein Urteil gebildet haben nach dieser Aussage: denn ich konnte gar nicht wissen, ob es wirklich wahr ist, oder ob der Dessoir, wie sonst, auch diesmal gelogen hat. Nun aber, nehmen wir an, es wäre wahr gewesen: Wofür wäre das ein Beweis? Dafür, daß jedenfalls derjenige, der solche An­sicht hat, niemals ein richtiger Redner werden kann. Denn niemals kann derjenige ein richtiger Redner werden, der gerne redet, und der sich selbst gerne hört, und der auf sein eigenes Reden besonders viel gibt. Ein richtiger Redner muß eigentlich immer eine gewisse Überwindung durchmachen, wenn er reden soll, und er muß diese Überwindung deutlich fühlen. Er muß vor allen Dingen selbst den schlechtesten fremden Redner lieber hören wollen, als daß er selber sprechen will.

Je sais très exactement ce que je dis avec cette chose, et je sais très exactement à quel point c'est difficile pour certains d'entre vous de me croire, mais c'est comme ça.

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Ich weiß sehr genau, was ich mit dieser Sache sage, und weiß sehr genau, wie schwer es manchem von Ihnen ist, das gerade mir zu glauben, aber es ist so.

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J' admet qu'il y a d'autres plaisirs dans le monde que d'écouter de mauvais orateurs. Mais en tout cas, il ne faut pas que ces autres plaisirs majeurs incluent le fait de parler soi-même. Il faut même avoir une certaine envie d'écouter les autres. Il faut aimer écouter les autres, car c'est en écoutant que l'on devient un orateur, pas en aimant parler. En parlant, on obtient une certaine familiarité, mais cela doit se dérouler instinctivement. Ce qui fait de vous un orateur, c'est d'écouter, de développer une oreille attentive aux particularités des autres orateurs, même s'ils sont de mauvais orateurs. C'est pourquoi, à quiconque me demande comment il se prépare le mieux à devenir un bon orateur dans une certaine direction, je répondrai: qu'il écoute, mais surtout qu'il lise — j'ai expliqué la différence entre écouter et lire — qu'il écoute et qu'il lise — on peut le faire, car il est absurde que les discours soient imprimés — les discours des autres ! Ce n'est qu'ainsi que l'on obtiendra ce fort sentiment d'aversion à l'égard de son propre discours. Et cette aversion pour parler, c'est en fait ce qui vous permet de vraiment parler en conséquence. C'est extrêmement important. Et pour ceux qui n'arrivent pas à considérer leur propre discours avec antipathie, il est bon qu'ils gardent au moins la fièvre des lampes/le trac, car sans trac et avec sympathie pour le propre discours, c'est en fait quelque chose dont on devrait s'abstenir, car cela n'agit pas bien dans le monde en toutes circonstances. Cela agit à la sclérotisation du discours, à l'ossification, à l'encapsulation, pour ensuite faire partie de ce qui gâche la prédication aux gens.


Ich gebe zwar zu, daß es andere Vergnügungen gibt in der Welt, als schlechten Rednern zuzuhören. Aber es darf jedenfalls zu diesen anderen größeren Vergnügungen nicht das gehören, selber zu sprechen. Man muß sogar einen gewissen Drang haben, andere zu hören. Man muß gerne anderen zuhören, denn durch das Zuhören wird man eigentlich ein Redner, nicht durch die Liebe zum eigenen Reden. Durch das eigene Reden bekommt man eine gewisse Geläufig­keit; das muß aber instinktiv verlaufen. Was einen zum Redner macht, das ist eigentlich das Zuhören, das Entwickeln eines Ohres für die be­sonderen Eigentümlichkeiten der anderen Redner, und selbst wenn sie schlechte Redner sind. Daher werde ich jedem, der mich frägt, wie er sich am besten vorbereite, nach einer gewissen Richtung hin ein guter Redner zu werden, antworten: Er höre, aber insbesondere er lese — ich habe den Unterschied zwischen Hören und Lesen auseinanderge­setzt -- er höre und lese — man kann das ja auch; denn der Unfug be­steht einmal, daß die Reden gedruckt werden — die Reden von anderen! Man wird nur auf diese Art jenes starke Gefühl bekommen der Abnei­gung gegen das eigene Reden. Und diese Abneigung gegen das eigene Reden ist es eigentlich, die es einem ermöglicht, eben entsprechend wirklich zu reden. Das ist außerordentlich wichtig. Und bei den Men­schen, die es doch nicht zustande kriegen das eigene Reden mit Anti­pathie zu betrachten, bei denen ist es gut, wenn sie wenigstens das Lampenfieber sich bewahren, denn ohne Lampenfieber und mit Sym­pathie für das eigene Reden sich hinstellen und reden, das ist eigentlich etwas, das man unterlassen sollte, denn es wirkt unter allen Umstän­den nicht gut in der Welt. Es wirkt zur Sklerotisierung der Rede, zur Verknöcherung, zur Verkapselung der Rede und gehört dann eben zu dem, was den Leuten die Predigt verdirbt.

Vous voyez, je ne vous parlerais en vérité pas du discours dans le sens de l'objet de ce cours, si je devais vous énumérer ici les lois du discours à partir d'une vieille rhétorique ou d'une vieille rhétorique reconstituée, mais je veux vous déposé dans le cœur de pleine expérience ce qu'il faut toujours avoir dans le cœur si l'on veut œuvrer sur ses semblables en parlant.

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Sehen Sie, ich würde Ihnen wahrhaftig nicht im Sinne der Aufgabe dieses Kurses über das Reden sprechen, wenn ich aus irgendeiner alten Rhetorik oder aus nachgebildeten alten rhetorischen Reden heraus Ihnen hier Redegesetze aufzählen würde, sondern ich will Ihnen aus voller Erfahrung heraus ans Herz legen, was man eigentlich immer im Herzen haben soll, wenn man durch Reden auf seine Mitmenschen wirken will.

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Certes, les choses changent dans une certaine mesure lorsque l'on est obligé d'échanger, c'est-à-dire lorsqu'il y a, j'aimerais dire, un certain rapport de droit entre humain et humain dans la discussion. Mais aujourd'hui, dans la discussion où l'on pourrait le plus bellement apprendre le rapport de droit, cette projection des concepts de droit généraux dans le rapport qui existe entre humain et humain dans la discussion, dans le rapport de parole, dans le rapport de phrase, ne vaut presque pas du tout. Là il s'agit vraiment, que lors de la discussion, on n'est pas amoureux de sa propre façon de penser, de sa propre façon de ressentir, mais que dans la discussion, on se sent en fait antipathique de ce que l'on aimerait dire soi-même et que l'on remonte. Alors on le peut notamment si l'on comprend comment contenir sa propre opinion, aussi sa propre colère ou sa propre agitation, et si l'on peut se glisser/ramper/faufiler dans les autres. C'est ainsi que cela sera aussi fructueux dans le débat où quelque chose doit être rejeté. Bien sûr, on ne peut pas dire ce que dit l'autre, mais on peut prendre de l'autre ce dont on a besoin pour un débat efficace.

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Gewiß, einigermaßen ändern sich die Dinge, wenn man zur Wech­selrede gezwungen ist, wenn also, ich möchte sagen, ein gewisses Rechts­verhältnis auftritt zwischen Mensch und Mensch in der Diskussion. Aber in der Diskussion, an der man gerade das Rechtsverhältnis am schönsten lernen könnte, macht sich heute fast gar nicht dieses Hin­einprojizieren der allgemeinen Rechtsbegriffe in das Verhältnis, das zwischen Mensch und Mensch in der Diskussion, im Wortverhältnis, im Satzverhältnis besteht, geltend. Da handelt es sich wirklich darum, daß man dann bei der Diskussion nicht verliebt ist in seine eigene Art zu denken, in seine Art zu empfinden, sondern daß man in der Diskus­sion eigentlich antipathisch empfindet, was man selber zu etwas sagen möchte und das man heraufholt. Dann kann man das nämlich, wenn man seine eigene Meinung, auch seinen eigenen Ärger oder die eigene Aufgeregtheit zurückzudämmen versteht und hinüberkriechen kann in den anderen. So wird das fruchtbar auch in der Debatte, wo etwas zurückgewiesen werden muß. Man kann natürlich nicht dasselbe sagen, was der andere sagt, aber man kann von dem anderen das nehmen, was man gerade zu einer wirksamen Debatte braucht.

Voici un exemple flagrant. Il est raconté dans le dernier numéro de la «Triarticulation»; je l'ai vécu il y a plus de vingt ans. Le député Rickert a prononcé un discours devant le Reichstag allemand dans lequel il a reproché à Bismarck de changer d'orientation politique. Il a rappelé que Bismarck était allé quelque temps avec les libéraux, puis s'est tourné vers les conservateurs, et il a prononcé un discours très efficace qu'il a résumé en disant que la politique de Bismarck revenait à tourner le manteau au vent. Eh bien, vous pouvez imaginer comment cela se produit dans la sensation d'un auditorium, d'une institution de bavardage — eh bien, l'expression allemande n'est pas bonne lorsqu'on en a besoin, mais pour le Parlement, la traduction allemande correcte est déjà une institution de bavardage —, intérieurement, émotionnellement, lorsqu'on a besoin d'une telle image. Mais Bismarck s'est levé et a dit au député Rickert — d'abord avec une certaine supériorité — ce qu'il avait à dire, puis il s'est glissé/faufiler dans le député Rickert, comme il le faisait toujours dans des cas semblables, et il a dit:

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Ein ganz eklatantes Beispiel ist das Folgende. Es ist erzählt in der letzten Nummer der «Dreigliederung»; ich habe es vor mehr als zwan­zig Jahren erlebt. Der Abgeordnete Rickert hielt im deutschen Reichs­tag eine Rede, in der er Bismarck vorwarf, daß er die Richtung seiner Politik ändere. Er wies darauf hin, wie Bismarck eine Zeitlang mit den Liberalen gegangen ist, sich nachher nach den Konservativen gewendet hat, und hielt eine sehr wirksame Rede, die er zusammenfaßte in das Bild, daß die Bismarcksche Politik darauf hinausliefe, den Mantel nach dem Winde zu drehen. Nun, Sie können sich denken, wie das in der Empfindung eines Auditoriums, noch dazu einer Schwatzanstalt — nun, der deutsche Ausdruck ist nicht gut, wenn man ihn braucht, aber fur Parlament ist die richtige deutsche Übersetzung schon Schwatz­anstalt —, innerlich, empfindungsgemäß wirkt, wenn solch ein Bild gebraucht wird. Bismarck aber stellte sich hin und hielt nun dem Abge­ordneten Rickert die Dinge entgegen — zunächst mit einer gewissen Überlegenheit —, die er zu sagen hatte; und dann kroch er in den Ab­geordneten Rickert hinein, wie er das in ähnlichen Fällen immer tat, und sagte:

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le député Rickert m'a reproché de tourner mon manteau au vent. Mais faire de la politique, c'est comme naviguer. Je voudrais savoir comment diriger correctement si l'on ne veut pas tourner au gré du vent! Il va de soi qu'un vrai marin, comme un vrai homme politique, doit gouverner en fonction du vent, s'il ne veut pas faire lui-même du vent !


Der Abgeordnete Rickert hat mir vorgeworfen, daß ich den Mantel nach dem Winde drehe. Aber Politik treiben ist so etwas, wie auf der See fahren. Ich möchte wissen, wie man eigentlich richtig steuern sollte, wenn man sich nicht nach dem Winde drehen will! Ein richtiger Seefahrer muß sich, wie ein richtiger Politiker, beim Steuern selbstverständlich nach dem Winde richten, wenn er nicht etwa selbst Wind machen will!

Vous voyez: l'image est saisie, tournée de telle sorte qu'elle renvoie la flèche sur le tireur. Dans le débat, il s'agit de prendre les choses, de faire sortir les choses de l'orateur lui-même. S'il s'agit d'un tableau plus simple, c'est tout à fait compréhensible. Mais on pourra aussi le faire de façon très sérieuse : chercher chez l'adversaire ce qui, à partir de l'adversaire, déchire/effiloche la chose elle-même ! En règle générale, il ne sert à rien d'opposer ses propres raisons à celles de l'adversaire.

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Sie sehen: Das Bild ist aufgegriffen, so gewendet, daß es nun tat­sächlich den Pfeil auf den Schützen zurückschlägt. Es handelt sich in der Debatte darum, die Dinge aufzunehmen, aus dem Redner selber heraus die Dinge zu holen. Wenn es sich um ein leichteres Bild handelt, ist ja die Sache begreiflich. Aber man wird das auch ganz im Seriösen tun können: aufsuchen bei dem Gegner, was aus dem Gegner heraus selber die Sache zerfasert! In der Regel wird es nicht viel nützen, wenn man seine eigenen Gründe den Gründen des Gegners einfach entgegen­setzt.

Lors d'un débat, on devrait pouvoir être dans l'humeur suivante : à l'instant où le débat devrait commencer, on devrait être capable d'éliminer tout ce que l'on savait jusqu'à présent, de rejeter tout cela dans l'inconscient et de ne savoir que ce que vient de dire l'orateur auquel on doit répondre, puis de laisser s'exercer loyalement son talent de rectification sur ce que l'orateur a dit. Faire preuve de talent de correction ! Dans le débat, il s'agit de prendre directement en compte ce que dit l'orateur et de ne pas simplement opposer ce que l'on savait déjà depuis longtemps. Si l'on se contente d'opposer ce que l'on savait déjà depuis longtemps, comme c'est le cas dans la plupart des débats, le débat est vraiment sans résultat, vraiment sans résultat. En fait, on ne peut jamais réfuter quelqu'un dans un débat. Il faut seulement savoir qu'on ne peut jamais réfuter quelqu'un dans un débat, mais qu'on peut seulement montrer qu'un orateur se contredit lui-même ou contredit la réalité. On ne peut que répondre à ce qu'il a dit. Et cela, tout de suite lorsque ce sera développé comme principe, sera d'une importance capitale pour les débats, pour les discussions.

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Bei der Debatte sollte man eigentlich in folgender Stimmung sein können: Man sollte in dem Augenblick, wo die Debatte losgehen soll, eigentlich alles, was man bisher gewußt hat, ausschalten können, das alles ins Unbewußte hinunterdrängen, und eigentlich nur wissen, was der Redner, dem man zu erwidern hat, eben gesagt hat, und dann red­lich sein Zurechtrückungstalent über das, was der Redner gesagt hat, walten lassen. Das Zurechtrückungstalent walten lassen! In der De­batte handelt es sich darum, unmittelbar aufzunehmen, was der Red­ner sagt, und nicht einfach das, was man schon vor längerer Zeit ge­wußt hat, eben einfach entgegenzustellen. Wenn man das, was man schon vor längerer Zeit gewußt hat, einfach entgegenstellt, wie es bei den meisten Debatten geht, so geht die Debatte eigentlich wirklich er­gebnislos aus, tatsächlich ergebnislos. Man kann ja eigentlich nie je­manden in einer Diskussion widerlegen. Man muß sich dessen nur be­wußt sein, daß man nie jemanden in einer Debatte widerlegen kann, sondern man kann nur zeigen, daß ein Redner entweder sich selbst oder der Wirklichkeit widerspricht. Man kann nur eingehen auf das, was er gesagt hat. Und das wird gerade, wenn es als Grundsatz entwickelt wird, für Debatten, für Diskussionen von einer außerordentlichen Wichtigkeit sein.

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Si, au cours du débat, quelqu'un veut seulement dire ce qu'il sait déjà, cela n'aura certainement pas d'importance de le dire après l'orateur.


Wenn einer in der Debatte nur das sagen will, was er schon gewußt hat, dann wird es sicher gar keine Bedeutung haben, daß er es nach dem Redner vorbringt.

Cela m'a un jour paru particulièrement instructif, aimerais-je dire. Lors de mon dernier voyage en Hollande, j'ai été invité à donner une conférence sur l'anthroposophie à la Société philosophique de l'université d'Amsterdam. Le président n'était évidemment pas d'accord avec moi sur ce point. Il ne fait aucun doute que lorsqu'il interviendra dans le débat, il dira quelque chose de tout à fait différent de ce que je dis. Mais il était tout aussi clair qu'en fin de compte, ce qu'il disait n'avait aucune importance par rapport à mon discours, et que mon discours n'aurait aucune influence particulière sur ce qu'il allait dire, d'après ce qu'il savait de toute façon. C'est pourquoi j'ai trouvé qu'il l'a fait très habilement: il a présenté ce qu'il avait à dire en premier lieu, non pas après le débat, mais bien avant! Il aurait aussi pu présenter dès le début ce qu'il a ajouté à ce qu'il a dit plus tard au cours du débat, cela n'aurait rien changé.

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Mir trat das einmal ganz besonders instruktiv, möchte ich sagen, vor Augen. Ich wurde in Holland auf meiner letzten Reise eingeladen, auch in der Philosophischen Gesellschaft der Amsterdamer Univer­sität einen Vortrag zu halten über Anthroposophie. Da war schon der Vorsitzende selbstverständlich anderer Meinung als ich. Es war gar kein Zweifel, daß er, wenn er in die Debatte eingriff, etwas ganz an­deres sagen werde als ich. Aber es war ebenso klar, daß schließlich das, was er sagte, nichts ausmachte in bezug auf meine Rede, und daß meine Rede auch keinen besonderen Einfluß haben würde auf dasjenige, was er sagen würde, aus dem, was er ja ohnedies wußte. Daher fand ich, daß er es ganz gescheit gemacht hat: Er brachte, was er zunächst vorzubrin­gen hatte, nicht etwa hinterher in der Debatte, sondern schon vorher vor! Er hätte auch das, was er nachher in der Debatte noch angefügt hat an seine vorausgehenden Worte, schon am Anfang auch gleich vor­her vorbringen können, es würde an der Sache gar nichts geändert haben.

Il ne faut pas se faire d'illusions sur ce genre de choses. Ce qui importe avant tout, c'est qu'un orateur s'implique assez, assez fortement dans les rapports humains. Mais il ne faut pas se faire d'illusions sur les rapports humains si l'on veut que les choses oeuvrent. Avant toutes choses - j'aimerais encore vous dire ça aujourd'hui, parce que ça délivrera une certaine base pour les prochaines conférences - avant toutes choses on ne devait s'adonner à aucune illusion que les discours œuvrent quand même.

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Über solche Dinge muß man sich nur keinen Illusionen hingeben. Vor allen Dingen kommt es darauf an, daß gerade ein Redner sich recht, recht stark in menschliche Verhältnisse hineinfindet. Aber über menschliche Verhältnisse darf man sich, wenn die Dinge wirken sollen, keinen Illusionen hingeben. Vor allen Dingen — das möchte ich Ihnen heute noch sagen, weil das eine gewisse Grundlage für die nächsten Vorträge abgeben wird —, vor allen Dingen soll man sich keiner Illusion darüber hingeben, daß Reden doch wirken.

Je dois toujours entrer intérieurement dans un état/une humeur humoristique effroyable lorsque des contemporains bien intentionnés répètent sans cesse : ce n'est pas les paroles qui comptent, ce sont les actes qui comptent! — J'ai entendu, dans les endroits les plus inopportuns, tant dans les conversations que dans les tribunes diverses, proclamer sans cesse : ce n'est pas les paroles qui comptent, c'est les actes qui comptent! — Dans ce qui se passe dans le monde en actes, tout dépend des paroles! Car il n'arrivera notamment pour celui qui voit à travers la chose, aucun acte, qui auparavant n'a été préparé par des mots/paroles par peu importe quelqu'un.

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Ich muß immer innerlich furchtbar in eine humoristische Stim­mung kommen, wenn gutmeinende Zeitgenossen immer wieder und wieder sagen: Auf Worte kommt es nicht an, auf Taten kommt es an! — Ich habe an den ungeeignetsten Stellen, sowohl in Zwiegesprächen wie auch von verschiedenen Podien herab, immer wieder deklamieren hö­ren: Auf Worte kommt es nicht an; auf Taten kommt es an! — Bei dem, was in der Welt an Taten geschieht, kommt alles auf die Worte an! Es geschehen nämlich für den, der die Sache durchschaut, gar keine Taten, die nicht vorher durch die Worte von irgend jemandem vorbereitet sind.

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Mais vous comprendrez que la préparation est quelque chose d'assez subtil. Car si c'est vrai, et c'est vrai qu'en fait, en parlant de façon pédante théorique principalement marxiste, on corrompt le suc gastrique des gens, et que le suc gastrique infecte le reste de l'organisme, alors vous pouvez imaginer comment les actions extérieures, qui dépendent très fortement du suc gastrique, comment il se déverse dans le reste de l'organisme lorsqu'il est dispersé, comment les actions extérieures sont les conséquences de ces mauvais discours. Et de l'autre côté, quand les gens se contentent de s'amuser, on produit continuellement du suc gastrique, qui agit en fait comme du vinaigre, et le vinaigre est un terrible hypocondriaque. Mais les gens vont continuer à entretenir, car ce qui circule dans le public aujourd'hui est un engrenage continu de plaisanteries. L'amusement d'hier n'est pas encore digéré quand l'amusement d'aujourd'hui se produit. C'est là que le suc gastrique d'hier se décompose en quelque chose de vinaigre. Aujourd'hui, l'humain est à nouveau diverti. Il peut être drôle. Mais la façon dont il s'insère dans la vie publique, c'est en fait le vinaigre hypocondriaque qui agit. Et ce vinaigre hypocondriaque, vous pouvez alors le trouver !

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Aber Sie werden verstehen, daß die Vorbereitung etwas recht Sub­tiles ist. Denn, wenn es wahr ist, und es ist wahr, daß man eigentlich dadurch, daß man pedantisch theoretisch, prinzipiell marxistisch redet, den Leuten den Magensaft verdirbt, wobei der Magensaft den übrigen Organismus infiziert, dann können Sie sich denken, wie die Taten draußen, die sehr stark vom Magensaft abhängen, wie er sich dann in den übrigen Organismus ergießt, wenn er zerstreut wird — wie die Taten draußen Folgen solcher schlechten Reden sind. Und wie auf der an­deren Seite wiederum, wenn die Leute nur als Spaßmacher auftreten, fortwährend Magensaft produziert wird, der dann eigentlich als Essig wirkt, und der Essig ist ein furchtbarer Hypochonder. Aber die Leute werden weiter unterhalten, indem das, was heute in die Öffentlichkeit fließt, ein fortwährendes Getriebe von Spaßmacherei ist. Die Spaß­macherei von gestern ist noch gar nicht verdaut, wenn die Spaßma­cherei von heute auftritt. Da verschlägt sich der Magensaft von gestern und wird etwas Essighaftes. Der Mensch wird ja heute schon wiederum unterhalten. Er kann ganz lustig sein. Aber so, wie er sich in das öffent­liche Leben hineinstellt, so ist es eigentlich der hypochondrische Essig, der da wirkt. Und diesen hypochondrischen Essig, den kann man dann finden!

Oui, dans les tavernes, ce sont les orateurs marxistes qui gâchent l'estomac des gens, et quand les gens lisent alors "En avant", c'est là où l'estomac gâté doit être redresser. C'est déjà un processus très réel. On doit savoir comment s’insère/se place dans le monde des actes le monde des discours. L'énoncé le plus faux — parce que d'une fausse sentimentalité, et tout ce qui vient d'une fausse sentimentalité est faux —, l'énoncé le plus faux à l'égard du discours est celui-ci: «Les paroles ont assez changé, laissez-moi voir enfin les actes!» Cela peut certainement se trouver à un endroit d'un drame, et là où c'est, c'est déjà à juste titre. Mais si on l'arrache de là et qu'on le place comme un dicton général, c'est peut-être juste, mais ce n'est certainement pas bon. Et nous devons apprendre à parler non quelque peu purement beau, non quelque peu apurement correct, mais aussi bon, sinon nous entraînerons les humains dans l’abîme, en tout cas nous ne pourrons rien discuter avec les gens de digne d’avenir.

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Ja, in den Wirtshäusern sind es die marxistischen Redner, die den Leuten den Magen verderben, und wenn die Leute dann den «Vorwärts» lesen, so ist dies dasjenige, woran der verdorbene Magen wieder zurechtgerückt werden muß. Das ist schon ein ganz realer Prozeß. Man muß wissen, wie sich in die Welt der Taten die Welt der Reden hineinstellt. Der unwahrste Ausspruch --- weil aus einer falschen Sentimentalität, und alles, was aus einer falschen Sentimentalität kommt, ist nämlich unwahr —, der unwahrste Ausspruch gegenüber dem Reden ist der: «Der Worte sind genug gewechselt, laßt mich auch endlich Taten sehn!» Das kann ganz gewiß stehen an einer Stelle eines Dramas, und dort, wo es steht, steht es schon zu Recht. Aber wenn es da herausgerissen und als ein allgemeines Diktum hingestellt wird, dann mag es richtig sein, aber gut ist es ganz sicher nicht. Und wir sollen lernen, nicht etwa bloß schön, nicht etwa bloß richtig, sondern auch gut zu reden, sonst bringen wir die Menschen in den Abgrund hinein, können jedenfalls nichts Zukunftswürdiges mit den Leuten besprechen.

Donc demain à trois heures.


Also morgen um drei Uhr.

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 Français seulement


QUATRIÈME CONFÉRENCE, Dornach, 14 octobre 1921

Quelques points de vue sur la compréhension de la démocratie en Suisse. Digression sur les conditions en Allemagne et à cela comment la tri-articulation devrait être représentée- en Angleterre et en Amérique. Particularités du système politique suisse: la Suisse comme un «centre de gravité du monde" se basant sur le franc suisse, pourtant pas sur la vie de l’esprit ; sur la politique, qui n’en est pas une, sur le développement de la règle de droit d’Etat - vie de l’esprit, liberté et la vie de l’Etat. , Sur la relation entre l'orateur et le public. Sur l'humour et le contenu émotionnel d’un discours. Certaines propriétés de l'orateur formé: .. effort sur soi-même et sensations pour celui-ci ; Antipathie envers discours, des discours propre, sympathie pour la parole de l'autre -. Sur le débattre à l'exemple de Bismarck et quelques conclusions.

Trad. F. G. v. 03 - 25/08/2024

01
Hier, j'ai essayé de développer la manière de traiter la première partie d'une conférence de triarticulation devant un certain public, et j'ai rendu attentif qu'il est notamment nécessaire, de susciter une sensation pour le caractère particulier de la vie de l'esprit placée sur soi-même. Dans la seconde partie, il s'agira de faire comprendre d'abord à une humanité d'aujourd'hui qu'il peut exister quelque chose comme un contexte démocratique-politique qui a à tendre à l'égalité. Car, en fait — et on doit y réfléchir, notamment lorsqu'on se prépare à un tel exposé — c'est le cas que l'humain d'aujourd'hui n'a pas le moindre sentiment pour une telle structure d'état, qui est construite sur le droit comme son véritable fondement. Et cette partie, la partie politico-étatique de la conférence, sera particulièrement difficile à traiter dans les conditions suisses. Et il s'agira tout particulièrement de ce que les orateurs qui veulent représenter la triarticulation de l'organisme social à l'intérieur des conditions suisses, partent des conditions suisse donc déterminées, et particulièrement parce que lors de la partie médiane, la juridique-étatique, porte attention à comment on a à parler à partir des conditions suisses. En effet, en général, la situation est la suivante : en raison des conditions de l'évolution récente de l'humanité, la vie étatique proprement dite, qui devait s'exercer dans l'État de droit, a disparu pour l'essentiel, et ce qui se vit dans l'État est en fait une conjonction chaotique des éléments spirituels de l'existence humaine et des éléments économiques. On pourrait dire que dans les États modernes, les éléments spirituels et éléments économiques se sont peu à peu soudés les uns dans les autres, et que la vie étatique proprement dite s'est écroulée entre-temps, en fait a disparu.
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02
Cela est particulièrement remarquable à l'intérieur des conditions/rapports suisses. Là nous avons partout à faire avec une, en son façonnement propre, impossible, apparente démocratisation de la vie spirituelle et avec une démocratisation de la vie de l'économie, et avec cela, que les gens croient que ce mélange apparemment démocratisé de vie de l'esprit et de la vie de l’économie, ce serait une démocratie. Et parce qu'ils se sont forgés leur conception de la démocratie à partir de ce mélange, parce qu'ils ont une conception complètement fictive de la démocratie, il est si difficile de parler de démocratie réelle aux Suisses. En fait, ce sont les Suisses qui comprennent le moins la vraie démocratie.
03
En Suisse, on réfléchit sur comment on devrait démocratiser les écoles. C'est à peu près comme si on réfléchissait et qu'on devait recevoir une représentation, à partir de concepts réels, de la façon de faire d'une botte un bon couvre-chef. Et c'est de la même manière que sont traités ici les étatiques concepts dits démocratiques. Il ne sert à rien de parler de ces choses, j'aimerais dire, discrètement, pour parler poliment, lorsque l'on s'adresse principalement aux Suisses, car alors nous ne pourrions pas nous entendre. On ne s'entend jamais bien dans la courtoisie à propos de telles choses. Eh bien, c'est tout de suite pour cela qu'il est nécessaire de discuter de la notion de droit et d'égalité des humains devant une population telle que celle de la Suisse.
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On doit là absolument s'habituer, si l'on veut être actif sur le plan oratoire, à parler différemment sur chaque terrain. Lorsque l'on parlait de la triarticulation en Allemagne, comme ce fut le cas à partir d'avril 1919, on parlait dans des conditions tout à fait différentes de celles d'ici en Suisse, et aussi dans des conditions tout à fait différentes de celles dans lesquelles on peut parler de la triarticulation en Angleterre ou en Amérique. Tout de suite en ce printemps-là, en avril 1919, juste après la révolution allemande, tous les milieux allemands, aussi bien prolétariens que bourgeois, les uns naturellement plus révolutionnaires, les autres résignés, étaient convaincus que quelque chose de nouveau devait venir.
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Et c'est dans ce sentiment que l'on parlait, en fait, de la nécessité de quelque chose de nouveau. On s'adressait alors à des gens relativement préparés, et on pouvait bien sûr parler en Allemagne d'une manière tout à fait différente de celle dont on peut parler aujourd'hui. En Allemagne aussi, il y a un monde entre aujourd'hui et le printemps 1919. Aujourd'hui, on peut tout au plus espérer susciter en Allemagne, par quelque chose qui fait écho/résonne à la triarticulation, une représentation de la manière dont la vie spirituelle en tant que telle peut être organisée de manière autonome et devrait en fait être organisée aujourd'hui tout de suite sous les conditions telles qu'elles sont en Allemagne, de la manière dont la vie juridique interne pourrait aussi être organisée dans certaines conditions. Mais on ne peut naturellement pas parler aujourd'hui en Allemagne d'un façonnement de la vie de l'économie entièrement conforme à la triarticulation, car la vie de l'économie en Allemagne est effectivement quelque chose qui est soumis à des mesures de contrainte, à des pressions et ainsi de suite, qui ne peut pas se mouvoir librement, qui ne peut pas avoir aucunes pensées sur sa propre libre mobilité. C'est par exemple très frappant dans les façons très différentes de vie, disons, de « Futurum » et du « Jour qui vient ». Le « Jour qui vient » se tient au milieu dedans, comme s'il était dans une camisole de force, et a pour tâche de travailler dans de telles conditions ; le « Futurum », tel qu'il se développe ici en Suisse, doit justement travailler avec les conditions suisses, dont nous aurons encore un peu plus à parler dans un instant. Un discours doit donc être conçu différemment selon qu'il est prononcé ici en Suisse ou en Allemagne, selon qu'il est prononcé en tel ou tel temps.
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En Angleterre, en Amérique, on devrait naturellement parler nouveau tout autrement. C'est donc ce qui peut être fait d'abord d'ici en rapport à l'Angleterre et l'Amérique, quand même une sorte de substitut, car déjà par exemple « Les points essentiels de la question sociale » : il est bon qu'ils soient traduits, bon qu'ils soient diffusés partout ; mais, comme je l'ai dit dès le début, ce qui serait vraiment correct, ce qui serait finalement correct, ce serait que pour l'Amérique et aussi pour l'Angleterre les « points essentiels » soient écrits tout autrement que pour l'Europe centrale et aussi pour la Suisse.
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Pour l'Europe centrale et la Suisse, ils peuvent être rédigés tels quels, littéralement et conformément à la phrase, mais pour l'Angleterre et l'Amérique, ils devraient être rédigés tout à fait différemment, car on y parle à des humains qui ont tout d'abord le contraire de ce qui existait en Allemagne, par exemple en avril 1919. En Allemagne, l'opinion était disponible que quelque chose de nouveau devait arriver et qu'il fallait d'abord savoir ce qu'était cette nouveauté. On n'avait pas la force de le comprendre, mais on avait d'abord le sentiment qu'il fallait savoir ce qui pourrait être quelque chose de synthétiquement raisonnablement nouveau. Naturellement, dans toute la région d'Angleterre et d'Amérique, il n'y a même pas le moindre sentiment à ce sujet. Il n'y a que le sentiment : Comment peut-on fixer l'ancien, le sauver ? Que doit-on faire pour que l'ancien reste bien solide ? Car l'ancien est bon ! Il n'y a rien à changer à l'ancien. - Je sais bien sûr que si l'on exprime une telle chose, on peut rétorquer : Oui, mais il y a tant de mouvements progressistes dans les régions occidentales ! - Mais ces mouvements progressistes, peu importe qu'ils soient nouveaux dans leur contenu, sont tous réactionnaires et conservateurs dans leur direction. Il faut donc d'abord faire naître le sentiment que les choses ne peuvent pas continuer comme cela a été jusqu'à présent.
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On peut absolument le remarquer à certaines questions. Prenons une question terrible, effrayante, je dirais même la plus effrayante qui ait pu surgir du point de vue purement humain, prenons la question de l'affamement de la Russie. En Allemagne - même si les opinions sont chaotiques, même si, pour des raisons d'agitation, on agit à l'encontre de ce qui serait synthétiquement raisonnable et que, pour des raisons humaines à nouveau, eest de manière évidente doit être rendu hommage à la compassion, contre ce règne de la compassion ne devrait naturellement pas du tout être parler -, à l'intérieur de l'Allemagne, on en arrive finalement, du moins dans certains cercles, à penser plus ou moins que c'est un non-sens pour l'ensemble de l'évolution de l'humanité de faire quelque chose sous forme de soutien à la famine en Russie, par des donations en quelque sorte du côté occidental. On en vient à penser que cela est très certainement même exigé du point de vue humain,
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mais que ce qui est fait dans cette direction est tellement évident qu'on ne doit seulement donc pas dire que cela aurait quelque chose à faire avec les tâches que pose aujourd'hui la famine en Russie. En Occident, seuls quelques théoriciens - mais alors seulement sur le plan théorique - parviendront à une telle façon de voir. Il est donc naturel que l'on doive d'abord faire naître en Occident le sentiment que le monde a besoin d'un nouveau façonnement.
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La Suisse s'est ainsi tenue là pendant la plus terrible catastrophe des temps modernes qu'elle n'y a participé qu'en théorisant - notamment par la théorie journalistique - et par ce qui a agi de l'extérieur justement sur les conditions spirituelles et économiques. C'est pourquoi la population suisse n'a pas vraiment le sentiment que quelque chose de nouveau doive venir, ni que l'ancien doive rester. Lorsque le Suisse d'aujourd'hui, selon l'une ou l'autre tendance de parti, parle de la nécessité d'une nouveauté ou de la nécessité de conserver l'ancien, on a toujours le sentiment qu'il ne fait que vous raconter ce qu'il a entendu, ce qu'il a entendu d'un côté de l'Europe centrale, ce qu'il a entendu de l'autre côté de l'Angleterre et de l'Occident. Il ne vous raconte que ce qui est rentré dans ses deux oreilles, et non ce qu'il a réellement vécu. Et c'est pourquoi il vous semble si suisse que les humains qui n'aiment pas s'engager à droite ou à gauche - et ce sont très souvent des Suisses qui font autorité aujourd'hui - disent : oui, si ceci arrive, alors cela arrive, si l'autre arrive, alors cela arrive ! Si une nouveauté arrive, les choses se déroulent ainsi, si l'ancien reste, les choses se déroulent ainsi ! - On se demande en quelque sorte ce qu'on a encore à mettre dans l'un ou l'autre plateau de la balance.
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C'est ainsi : Si l'on essaie d'intéresser quelqu'un en Suisse à ce dont le monde a cruellement besoin aujourd'hui, on tombe dans le désespoir, parce que cela ne le saisi pas vraiment, parce que cela rebondit immédiatement, parce qu'en réalité, son cœur n'y est pas du tout. Cela le dégoûte trop pour que cela soit intéressant pour lui, et il a trop peu d'expérience de ces choses,
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pour que cela lui soit n'importe comment sympathique. Il aimerait avoir la paix. Mais il aimerait quand même aussi à nouveau être suisse. Cela signifie que lorsque toutes sortes d'histoires de progrès avec « liberté » et « démocratie » résonnent de l'autre côté de la frontière, on ne peut pas dire, parce qu'on s'est toujours dit démocratique pendant de nombreux siècles, qu'on ne veut pas de la démocratie ! Bref, on a vraiment l'impression qu'en Suisse, les humains ont un canal très bien développé entre l'oreille droite et l'oreille gauche, de sorte que tout ce qui entre d'un côté ressort de l'autre sans avoir atteint l'intelligence/la raison analytique et le cœur.
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C'est pourquoi on devra attaquer au moins aux points où l'on peut montrer qu'un système d'État tel que la Suisse est vraiment quelque chose de très particulier. Et c'est quelque chose de très particulier. Car, premièrement, la Suisse est - ce qui était déjà visible pendant la guerre, si on voulait seulement le voir - une sorte de centre de gravité du monde. Et c'est justement son manque d'engagement vis-à-vis des différentes conditions mondiales qui pouvaient s'utiliser pour obtenir un juger libre et un agir libre à la ronde. Le monde attend seulement sur ce que les Suisses remarquent dans leur tête ce qu'ils remarquent dans leur poche. Dans leur poche, ils remarquent que le franc n'a en fait pas été touché par la hausse et la baisse de la valeur, par la corruption de la valeur. Les Suisses remarquent que le monde entier tourne autour du franc suisse. Les Suisses ne remarquent pas que c'est aussi le cas en relation spirituelle. Mais de même qu'ils savent apprécier le franc immobile, qui est devenu en quelque sorte le régulateur de la valeur du monde entier, de même ils devraient comprendre leur position réellement indépendante des conditions mondiales, par laquelle la Suisse pourrait effectivement être une sorte d'hypomochlion pour les conditions mondiales. Il est donc nécessaire qu'on leur rende cela compréhensible.
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C'est presque déjà comme ce que l'on a dû dire une fois de façon semblable sur l'Autriche. Les gens qui comprenaient un peu les choses en Autriche se demandaient souvent pourquoi cette Autriche, qui n'avait que des tendances centrifuges, se maintenait, pourquoi elle n'éclatait pas. Dans les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix, je n'ai jamais rien dit d'autre que cela : ce qui se passe en Autriche n'a pas encore d'importance pour la cohésion ou l'éclatement, mais seulement ce qui se passe tout autour. Parce que les autres - l'Allemagne, la Russie, l'Italie, la Turquie et ceux qui s'intéressent à la Turquie, la France et la Suisse elle-même -, parce que ces formations étatiques situées tout autour ne laissent pas l'Autriche se désagréger, mais la maintiennent en son sein, parce qu'aucun n'en a donné/envié un bout à l'autre ! Chacun a veillé à ce que l'autre ne reçoive rien : c'est ainsi que l'Autriche est restée unie. Elle était maintenue de l'extérieur. On pouvait le voir très clairement si l'on avait le sens pour de tels rapports. Et ce n'est que lorsque ce regard mutuel des puissances environnantes a été obscurci par le brouillard des canons pendant la guerre mondiale que l'Autriche s'est désintégrée, évidemment. Au fond, l'image dit tout.
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Maintenant, pour la Suisse, c'est similaire, mais à nouveau différent. Tout autour, sont tous les intérêts possibles, mais ces intérêts ont laissé une petite tache de reste où ils ne se rencontrent pas. Et aujourd'hui, alors que l'on a une vie de l'économie mondiale, une vie de l'esprit mondiale, la chose est telle que cette petite tache est maintenue par le fait qu'elle est quelque chose de très particulier. Qu'est-ce qu'elle est en fait ? C'est quelque chose qui est maintenu à l'intérieur de ses frontières par des rapports purement politiques. C'est ce qui vous ressort de l'histoire suisse. L'histoire suisse est en apparence tout à fait politique, tout comme la pensée suisse est en apparence tout à fait démocratique. Mais aussi avec la politique, cela se comporte ainsi pour la Suisse, comme je l'ai expliqué précédemment pour la démocratie : c'est une politique qui n'en est en fait aucune, qui gère la vie de l'esprit et la vie de l'économie sur une petite tache de Terre, mais qui en réalité ne fait pas de politique du tout. Comparez ce qui est politique en Suisse et ailleurs ! Il doit parfois être fait politiquement l'une ou l'autre chose, parce qu'avec les autres
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pays, on doit entrer en correspondance. Mais une véritable politique suisse - il faudrait justement mettre les choses sur la tête si l'on voulait trouver une véritable politique suisse. Il n'y en a en fait pas. De cela est justement aussi visible que l'on a créé ici une structure de pays dans laquelle la vie de l'esprit est gérée au sens politique, la vie de l'économie au sens politique, mais dans laquelle n'est en fait disponible aucun sentiment réel, aucune expérience réelle/vécu réel de l'être-là de droit.
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C'est pourquoi il s'agit ici d'insister tout particulièrement sur le fait que le droit est quelque chose que l'on ne peut pas définir, comme on ne peut pas définir le rouge ou le bleu, que le droit est quelque chose qui doit être vécu dans son indépendance, et qui doit être vécu lorsque tout humain devenu majeur prend conscience de sa condition d'humain. Il s'agira donc d'essayer d'élaborer pour des moyens suisses tout de suite ce rapport de sensibilité et de sentiment humain dans la vie de droit, que l'égalité devrait vivre dans l'humain individuel, si la vie de droit devait être-là. Tout de suite la Suisse est notamment appelée à cela - et j'aimerais dire que les anges du monde entier regardent la Suisse pour voir si ce qui se passe ici est ce qui est correct - tout de suite la Suisse est appelée à ce que, là elle, j'aimerais dire, totalement vierge en rapport à l'État de droit, a seulement un État spirituel, seulement un de l'économie, sous libération/autorisation/ouverture des vies spirituelle et de l'économie.
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C'est sur les montagnes suisses que le droit romain, qui a pénétré d'une toute autre manière en France, en Allemagne et dans d'autres pays européens, s'est en fait brisé pour le cœur des humains. Il n'est entré que dans l'aspect extérieur, mais pas dans la sensibilité des humains. C'est donc un terrain juridique vierge sur lequel tout peut être créé. Si seulement les humains parvenaient à une véritable réflexion sur le bonheur infini que représente le fait de vivre ici entre les montagnes et de pouvoir avoir sa propre volonté, indépendamment du monde entier qui tourne autour de ce petit pays. C'est tout de suite à cause de cette situation mondiale que les éléments de droit peuvent être élaborés à partir de l'humain.
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Je vous indique donc comment on doit intégrer la localité particulière, le lieu particulier dans la préparation d'un tel exposé, comment on doit effectivement être totalement un avec soi-même, ce qui est l'essence de la suissitude. Je peux naturellement seulement l'esquisser ici ; mais chacun qui veut parler en Suisse devrait en fait s'efforcer de comprendre entièrement quelle est la façon particulière de cette suissitude.
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N'est-ce pas, vous pouvez dire : nous sommes suisses -- comme les Anglais peuvent dire : nous sommes anglais -, et tu veux maintenant nous dire comment le Suisse devrait connaître la suissitude, et tout ce que l'Anglais n'a pas de tel de sentiment, et ainsi de suite. - Certes, on peut dire cela. Mais ceux qui font partie aujourd'hui des cultivés n'ont nulle part une formation réellement vécue, nulle part une formation qui sorte de l'immédiateté du vécu. C'est pourquoi il faut insister sur ce vécu immédiat, surtout vis-à-vis du droit.
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Nous en arrivons là à considérer comment, sous la civilisation moderne, les humains sont peu à peu entrés dans des rapports mutuels, dans des rapports sociaux, dans le domaine où le droit devrait en fait se développer. Le droit devrait se développer d'humain à humain. Et tout donc, toute la parlementarisation, n'est en fait qu'un substitut à ce qui devrait se passer d'humain à humain dans un domaine de droit véritablement correct.
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On a alors l'occasion, lorsqu'on réfléchit au domaine de droit, d'aborder à nouveau - mais maintenant d'une manière plus réelle - ce que sont les concepts du prolétariat et les sentiments de la bourgeoisie. Mais on peut maintenant faire passer par dessus d'une manière plus réelle dans les sentiments de la bourgeoisie, ce que le prolétariat a développé de concepts. Je dis : concepts du prolétariat, sentiments de la bourgeoisie. Vous en trouverez l'explication dans mes « Points essentiels de la question sociale ».
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Le prolétariat a développé, à partir des quatre concepts que j'ai développés hier ici, le sentiment/la sensation de la conscience de classe ; il doit conquérir ce qui en possession de la bourgeoisie, l'État.
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Dans quelle mesure l'État est un véritable État de droit ou non, le prolétariat ne l'a naturellement pas compris non plus. Mais ce qui s'est développé en tant qu'État de droit est ce qui touche le moins la Suisse, c'est pourquoi elle pourrait le plus facilement comprendre sans préjugés un véritable État de droit. Ce qui s'est développé en tant qu'un véritable État de droit, cela vit donc aujourd'hui seulement entre les expressions de la vie d'âme réelle des humains dans presque tout le monde, seulement justement pas en Suisse ! Partout sinon dans le monde, ce qui est l'État de droit vit, je dirais, une existence/un être-là en sous-main, tandis que ce qui est réellement vécu d'humain à humain repose sur quelque chose de tout à fait différent, et notamment sur quelque chose de tout à fait bourgeois/civil/citoyen. On ne peut saisir ce que l'humain cherche réellement dans la vie publique, ce qu'il apporte dans toute la vie publique, ce par quoi se passe une occultation/un assombrissement de la vie de droit proprement dite, cela on peut seulement le saisir si l'on saisi un peu de l'oeil les relations concrètes.
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Voyez-vous, la vie de l'esprit a été peu à peu absorbée par la vie de l'État. Mais la vie de l'esprit, si on la considère comme un élément construit sur soi-même, est un élément très sévère/strict, un élément vis-à-vis duquel on doit constamment préserver sa liberté, qui à cause de cela n'a pas la permission d'être organisée autrement qu'aussi dans la liberté. Laissez une fois une génération déployer plus librement sa vie de l'esprit et organiser ensuite cette vie de l'esprit comme elle l'entend : c'est l'esclavage le plus pur pour la génération suivante. La vie de l'esprit doit vraiment être libre, pas purement en théorie, mais d'après la vie. Les humains qui s'y trouvent doivent faire l'expérience de/vivre la liberté. La vie de l'esprit devient une grande tyrannie si elle se répand absolument sur la Terre, car sans qu'intervienne une organisation, elle ne peut se répandre/s'élargir, et si une organisation intervient, l'organisation devient aussitôt une tyrannie. C'est pourquoi doit continuellement être lutté en liberté, en liberté vivante, contre la tyrannie à laquelle la vie de l'esprit elle-même tend.
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Or, au cours des siècles récents, cette vie de l'esprit a été absorbée par la vie de l'État. Cela signifie que si l'on dépouille la vie de l'État de la toge qu'elle porte encore très fortement en
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souvenir de l'ancien temps romain, bien que les juges commencent a retirer la toge, mais dans l'ensemble on peut quand même encore dire que la vie de l'état porte encore la toge ; mais si l'on fait abstraction de cette toge, si l'on regarde ce qu'il y a en dessous, c'est en fait partout la vie spirituelle contrainte qui est disponible dans l'État et dans la vie sociale de l'État. C'est la vie de l'esprit contrainte ! Contrainte, mais ne sachant pas qu'elle est contrainte, n'aspirant donc pas à la liberté, mais luttant quand même continuellement contre la contrainte. Et beaucoup de choses à l'époque la plus récente sont précisément nées de cette lutte contre l'état de contrainte de la vie de l'esprit. Toute notre vie de l'esprit public est en fait placée sous le signe de cet être-contrainte de la vie de l'esprit, et nous ne pouvons pas obtenir des conditions saines si nous n'acquérons pas le sens de l'observation de cet être contrainte de la vie de l'esprit. On doit avoir une sensation pour comment cet être-contrainte de la vie de l'esprit nous vient en vis-à-vis dans le quotidien.
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Un jour, j'ai été invité par un certain nombre de dames berlinoises qui avaient assisté à des conférences que j'avais données dans un institut, à tenir une conférence chez l'une d'entre elles, dans son appartement privé, et toute cette manifestation avait en fait pour but de contrer une certaine humeur, à l'époque assez bienveillante, chez leurs maris/hommes. N'est-ce pas, ces dames arrivaient vers midi à l'institut de formation où je donnais mes conférences. Et les hommes, lorsqu'un jour comme celui-ci arrivait - je crois que c'était une fois par semaine - disaient alors : « Eh bien, vous allez retourner dans votre établissement fou aujourd'hui ; la soupe sera à nouveau mauvaise, ou quelque chose d'autre ne sera pas en ordre ! - Et c'est là que ces dames ont voulu que je fasse une conférence sur le « Faust » de Goethe - c'est le thème qui a été choisi - et les hommes ont également été invités. J'ai donc tenu une conférence sur le « Faust » de Goethe devant ces dames et ces messieurs. Oui, les messieurs étaient un peu perplexes et disaient : « Oui, mais le <Faust> de Goethe est une science ; le <Faust> de Goethe n'est pas de l'art. L'art, c'est Blumenthal » - je cite textuellement - »là, on n'a pas besoin de faire d'efforts.
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Si l'on se donne déjà tant de mal dans la profession économique, on ne veut quand même pas aussi se donner de la peine dans la vie » ! Voyez-vous, ce qui a remplacé l'enthousiasme pour la liberté dans la vie de l'esprit se présente à nous dans la vie étatique comme un pur besoin de divertissement léger.
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J'ai vu une fois à la campagne, où l'on pouvait encore bien voir ce genre de choses, comment ces vieux acteurs itinérants, qui avaient toujours avec eux ce qu'on appelait en Allemagne le sot Auguste, c'est-à-dire le Bajazzo, représentaient parfois des choses très fines. Je vis alors comment le clown, qui avait fait ses tours de clown pendant tout un temps et divertissait les gens parce qu'il s'apprêtait à représenter quelque chose de très sérieux pour lui, se débarrassait de son costume de clown et se tenait maintenant en jambières noires et en queue de pie noire. Cette image me tourne toujours dans la tête : Je vois d'abord l'homme en noir et en queue de pie, puis je vois l'homme avec le costume de clown. J'ai l'impression d'être en habit noir et en queue de pie quand je vois quelque part dans une vitrine un livre d'Einstein sur la théorie de la relativité ; et puis j'ai le clown devant moi quand j'ai à côté un livre de Moszkowski sur la théorie de la relativité. Car effectivement, dans la vie extérieure, il y a bien des choses qui sont Maja : mais on ne pourrait pas imaginer qu'à l'intérieur, toute cette pédanterie de penseur puisse se présenter autrement qu'en pantalon noir et en queue de pie bien taillée, c'est-à-dire dans la théorie de la relativité. Et encore une fois, il est désagréable de se plier à des raisonnements aussi stricts, à des raisonnements aussi conséquents, qui sont déjà vraiment coupés comme une queue de pie bien ajustée ; cela doit aussi se présenter aux gens d'une autre manière. C'est ainsi que le clown philosophe Alexander Moszkowski, particulièrement doué pour le feuilletonesque, s'y met et écrit un gros livre. Tous les gens en costume de clown apprennent désormais dans ce livre ce qui est né en queue de pie ! Vous voyez, on ne peut pas faire autrement aujourd'hui que de traduire les choses en ce qu'on n'a pas besoin de faire d'efforts, en ce qu'on n'a pas besoin non plus de déployer beaucoup d'enthousiasme.
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En effet, si l'on veut parler de concepts de droit, doit être lutté/combattu à mesure de l' émotion/du sentiment, cette ambiance/humeur générale, car là, l'humain, avec toutes ses valeurs intérieures, se présente comme un égal de l'autre humain. Et ce qui ne laisse pas monter les concepts de droit, c'est ce que j'aimerais dire, c'est ce qui est à la mesure d'Alexandre-Moszkovski! On doit chercher partout les choses au concret.
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Naturellement, je ne dis absolument pas qu'on a maintenant besoin, quand on parle sur des concepts de droit, de parler de queue de pie et de costume de clown, mais j'aimerais montrer comment on doit obtenir les concepts élastiques pour ces choses, comment on doit vraiment indiquer sur l'un quand on indique sur l'autre, et aussi comment on doit pouvoir disposer d'abord en soi-même pour avoir alors la périodicité/facilité nécessaire de parler devant les humains.
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Et c'est aussi encore pour une autre raison que l'orateur d'aujourd'hui doit savoir quelque chose comme cela. La plupart du temps, il est condamné à prendre la parole le soir lorsqu'il a quelque chose d'intéressant pour l'avenir. C'est-à-dire qu'il a à remplir le temps dans lequel les gens aimeraient être dans la salle de concert ou au théâtre. Il doit donc être absolument clair avec soi qu'il s'adresse à un public qui serait mieux à sa place, selon la constitution du temps, s'il était dans la salle de concert, au théâtre ou encore ailleurs, mais il n'est n fait pas à sa place là en bas pour écouter un orateur qui parle de choses d'avenir. Il faut être clair sur ce que l'on fait, jusque dans les détails.
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Que fait-on donc en fait quand on parle devant un tel public, devant lequel on est aujourd'hui le plus souvent condamné à parler ? En fait, on lui gâche littéralement l'estomac! Un discours sérieux a en effet la particularité d'être hostile à la pepsine, d'empêcher la pepsine, le suc gastrique, d'agir. Un discours sérieux rend l'estomac acide. Et ce n'est que lorsque l'on est d'humeur à prononcer un discours sérieux de façon à le faire, du moins intérieurement, avec l'humour qu'il faut, que l'on aide le suc gastrique. Il faut faire un discours avec une certaine aisance intérieure, avec une certaine modulation, avec un certain enthousiasme, et alors on aide le suc gastrique.
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Et puis, à nouveau, on rééquilibre ce qu'on fait à l'estomac dans le temps où nous avons le plus souvent à parler aujourd'hui. C'est pourquoi il est vraiment plus souvent travaillé pour les spécialistes de l'estomac que pour la triarticulation de l'organisme social quand les humains, en toute pesanteur, avec toute intérieure pression vers l'extérieur, en une forme pédante, parlent aux humains sur la triarticulation. Cela doit se passer avec facilité, avec évidence, sinon on ne travaille pas pour la triarticulation, mais pour les spécialistes de l'estomac. Mais il n'y a seulement pas encore de statistiques sur combien de gens qui, après avoir écouté des conférences pédantes, doivent aller chez le spécialiste de l'estomac! En effet, si l'on avait une fois une statistique sur ces choses, on serait étonné du pourcentage d'enthousiastes auditeurs de conférences du temps actuel dans les cercles de patients des spécialistes de l'estomac.
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Je dois d'ores et déjà attirer l'attention sur ces choses, car le temps approche où on doit connaître comment l'humain vit réellement : comment le sérieux affecte son estomac, comment l'humour agit sur son suc gastrique, comment, disons-nous, le vin est une sorte de cynique qui ne prend pas au sérieux toute l'organisation humaine, mais qui joue avec elle. Ainsi, si l'on abordait l'organisation de l'humain non pas avec les concept-whichivaschi de la science actuelle, mais avec des concepts humains, on envisagerait absolument ce que maintenant, aussi pour un effet organique, presque chimique, provoque chez l'humain chaque mot et chaque contexte de mot.
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Savoir de telles choses vous rend aussi le discours plus facile. Tandis que l'on a sinon un mur devant soi vis-à-vis de l'auditoire, ce mur cesse d'être quand, dans un discours pédant, on voit toujours à travers comment le suc gastrique s'écoule et finit par devenir acide dans l'estomac, attaque les parois de l'estomac. On a parfois l'occasion de le voir. Il y en a moins dans les salles des universités, où les étudiants s'aident en n'écoutant pas.
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Mais vous voyez d'après ce que je dis, combien la parole dépend de l'humeur, combien la préparation de l'ambiance, la prise en main de l'humeur, a plus d'importance que la préparation littérale.
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Celui qui s'est souvent préparé à l'humeur n'a alors plus besoin de se préparer au mot de telle sorte qu'au moment opportun, il se fait tout de suite justement destructeur du suc gastrique en se préparant trop bien.
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Vous voyez, pour un orateur bien formé — si je puis m'exprimer ainsi —, il y a plusieurs choses, et je tiens à le dire tout de suite ici, parce que la confrontation des concepts de droit exige justement beaucoup de choses qu'il faut caractériser dans ce sens. J'aimerais le dire tout de suite maintenant avant de parler demain de l'enchevêtrement des éléments économiques dans le discours.
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Un anthroposophe a amené une fois dans la salle de la Maison des architectes à Berlin Max Dessoir, que vous connaissez peut-être déjà, lors d'une soirée où je devais donner une conférence. Cet ami de Max Dessoir dit ensuite: Ah! le Dessoir n'est pas allé avec ! — Je lui ai demandé comment il avait aimé le discours; il m'a répondu: Oui, vous savez, je suis moi-même un orateur; et celui qui est un orateur ne sait pas écouter correctement, il n'a pas de jugement sur ce que dit l'autre! -- Eh bien, je n'avais pas besoin de me porter un jugement sur Dessoir, car j'avais d'autres occasions de porter un jugement, même si je n'eusse pas porté un jugement sur cette parole; car je ne pouvais pas savoir si c'était vrai, ou si Dessoir, comme d'habitude, avait menti encore cette fois. Maintenant, supposons que c'était vrai, qu'est-ce que cela prouverait ? Pour que, en tout cas, celui qui a une telle opinion ne puisse jamais devenir un véritable orateur. En effet, celui qui aime parler, qui aime s'écouter, et qui donne beaucoup à ce qu'il dit ne peut jamais devenir un vrai orateur. En fait, un vrai orateur doit toujours faire un certain dépassement s'il devrait parler, et il doit clairement sentir clairement ce dépassement. Il doit avant toutes choses préférer entendre le pire orateur étranger plutôt que de vouloir parler soi-même.
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Je sais très exactement ce que je dis avec cette chose, et je sais très exactement à quel point c'est difficile pour certains d'entre vous de me croire, mais c'est comme ça.
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J' admet qu'il y a d'autres plaisirs dans le monde que d'écouter de mauvais orateurs. Mais en tout cas, il ne faut pas que ces autres plaisirs majeurs incluent le fait de parler soi-même. Il faut même avoir une certaine envie d'écouter les autres. Il faut aimer écouter les autres, car c'est en écoutant que l'on devient un orateur, pas en aimant parler. En parlant, on obtient une certaine familiarité, mais cela doit se dérouler instinctivement. Ce qui fait de vous un orateur, c'est d'écouter, de développer une oreille attentive aux particularités des autres orateurs, même s'ils sont de mauvais orateurs. C'est pourquoi, à quiconque me demande comment il se prépare le mieux à devenir un bon orateur dans une certaine direction, je répondrai: qu'il écoute, mais surtout qu'il lise — j'ai expliqué la différence entre écouter et lire — qu'il écoute et qu'il lise — on peut le faire, car il est absurde que les discours soient imprimés — les discours des autres ! Ce n'est qu'ainsi que l'on obtiendra ce fort sentiment d'aversion à l'égard de son propre discours. Et cette aversion pour parler, c'est en fait ce qui vous permet de vraiment parler en conséquence. C'est extrêmement important. Et pour ceux qui n'arrivent pas à considérer leur propre discours avec antipathie, il est bon qu'ils gardent au moins la fièvre des lampes/le trac, car sans trac et avec sympathie pour le propre discours, c'est en fait quelque chose dont on devrait s'abstenir, car cela n'agit pas bien dans le monde en toutes circonstances. Cela agit à la sclérotisation du discours, à l'ossification, à l'encapsulation, pour ensuite faire partie de ce qui gâche la prédication aux gens.
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Vous voyez, je ne vous parlerais en vérité pas du discours dans le sens de l'objet de ce cours, si je devais vous énumérer ici les lois du discours à partir d'une vieille rhétorique ou d'une vieille rhétorique reconstituée, mais je veux vous déposé dans le cœur de pleine expérience ce qu'il faut toujours avoir dans le cœur si l'on veut œuvrer sur ses semblables en parlant.
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Certes, les choses changent dans une certaine mesure lorsque l'on est obligé d'échanger, c'est-à-dire lorsqu'il y a, j'aimerais dire, un certain rapport de droit entre humain et humain dans la discussion. Mais aujourd'hui, dans la discussion où l'on pourrait le plus bellement apprendre le rapport de droit, cette projection des concepts de droit généraux dans le rapport qui existe entre humain et humain dans la discussion, dans le rapport de parole, dans le rapport de phrase, ne vaut presque pas du tout. Là il s'agit vraiment, que lors de la discussion, on n'est pas amoureux de sa propre façon de penser, de sa propre façon de ressentir, mais que dans la discussion, on se sent en fait antipathique de ce que l'on aimerait dire soi-même et que l'on remonte. Alors on le peut notamment si l'on comprend comment contenir sa propre opinion, aussi sa propre colère ou sa propre agitation, et si l'on peut se glisser/ramper/faufiler dans les autres. C'est ainsi que cela sera aussi fructueux dans le débat où quelque chose doit être rejeté. Bien sûr, on ne peut pas dire ce que dit l'autre, mais on peut prendre de l'autre ce dont on a besoin pour un débat efficace.
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Voici un exemple flagrant. Il est raconté dans le dernier numéro de la «Triarticulation»; je l'ai vécu il y a plus de vingt ans. Le député Rickert a prononcé un discours devant le Reichstag allemand dans lequel il a reproché à Bismarck de changer d'orientation politique. Il a rappelé que Bismarck était allé quelque temps avec les libéraux, puis s'est tourné vers les conservateurs, et il a prononcé un discours très efficace qu'il a résumé en disant que la politique de Bismarck revenait à tourner le manteau au vent. Eh bien, vous pouvez imaginer comment cela se produit dans la sensation d'un auditorium, d'une institution de bavardage — eh bien, l'expression allemande n'est pas bonne lorsqu'on en a besoin, mais pour le Parlement, la traduction allemande correcte est déjà une institution de bavardage —, intérieurement, émotionnellement, lorsqu'on a besoin d'une telle image. Mais Bismarck s'est levé et a dit au député Rickert — d'abord avec une certaine supériorité — ce qu'il avait à dire, puis il s'est glissé/faufiler dans le député Rickert, comme il le faisait toujours dans des cas semblables, et il a dit:
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le député Rickert m'a reproché de tourner mon manteau au vent. Mais faire de la politique, c'est comme naviguer. Je voudrais savoir comment diriger correctement si l'on ne veut pas tourner au gré du vent! Il va de soi qu'un vrai marin, comme un vrai homme politique, doit gouverner en fonction du vent, s'il ne veut pas faire lui-même du vent !
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Vous voyez: l'image est saisie, tournée de telle sorte qu'elle renvoie la flèche sur le tireur. Dans le débat, il s'agit de prendre les choses, de faire sortir les choses de l'orateur lui-même. S'il s'agit d'un tableau plus simple, c'est tout à fait compréhensible. Mais on pourra aussi le faire de façon très sérieuse : chercher chez l'adversaire ce qui, à partir de l'adversaire, déchire/effiloche la chose elle-même ! En règle générale, il ne sert à rien d'opposer ses propres raisons à celles de l'adversaire.
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Lors d'un débat, on devrait pouvoir être dans l'humeur suivante : à l'instant où le débat devrait commencer, on devrait être capable d'éliminer tout ce que l'on savait jusqu'à présent, de rejeter tout cela dans l'inconscient et de ne savoir que ce que vient de dire l'orateur auquel on doit répondre, puis de laisser s'exercer loyalement son talent de rectification sur ce que l'orateur a dit. Faire preuve de talent de correction ! Dans le débat, il s'agit de prendre directement en compte ce que dit l'orateur et de ne pas simplement opposer ce que l'on savait déjà depuis longtemps. Si l'on se contente d'opposer ce que l'on savait déjà depuis longtemps, comme c'est le cas dans la plupart des débats, le débat est vraiment sans résultat, vraiment sans résultat. En fait, on ne peut jamais réfuter quelqu'un dans un débat. Il faut seulement savoir qu'on ne peut jamais réfuter quelqu'un dans un débat, mais qu'on peut seulement montrer qu'un orateur se contredit lui-même ou contredit la réalité. On ne peut que répondre à ce qu'il a dit. Et cela, tout de suite lorsque ce sera développé comme principe, sera d'une importance capitale pour les débats, pour les discussions.
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Si, au cours du débat, quelqu'un veut seulement dire ce qu'il sait déjà, cela n'aura certainement pas d'importance de le dire après l'orateur.
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Cela m'a un jour paru particulièrement instructif, aimerais-je dire. Lors de mon dernier voyage en Hollande, j'ai été invité à donner une conférence sur l'anthroposophie à la Société philosophique de l'université d'Amsterdam. Le président n'était évidemment pas d'accord avec moi sur ce point. Il ne fait aucun doute que lorsqu'il interviendra dans le débat, il dira quelque chose de tout à fait différent de ce que je dis. Mais il était tout aussi clair qu'en fin de compte, ce qu'il disait n'avait aucune importance par rapport à mon discours, et que mon discours n'aurait aucune influence particulière sur ce qu'il allait dire, d'après ce qu'il savait de toute façon. C'est pourquoi j'ai trouvé qu'il l'a fait très habilement: il a présenté ce qu'il avait à dire en premier lieu, non pas après le débat, mais bien avant! Il aurait aussi pu présenter dès le début ce qu'il a ajouté à ce qu'il a dit plus tard au cours du débat, cela n'aurait rien changé.
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Il ne faut pas se faire d'illusions sur ce genre de choses. Ce qui importe avant tout, c'est qu'un orateur s'implique assez, assez fortement dans les rapports humains. Mais il ne faut pas se faire d'illusions sur les rapports humains si l'on veut que les choses oeuvrent. Avant toutes choses - j'aimerais encore vous dire ça aujourd'hui, parce que ça délivrera une certaine base pour les prochaines conférences - avant toutes choses on ne devait s'adonner à aucune illusion que les discours œuvrent quand même.
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Je dois toujours entrer intérieurement dans un état/une humeur humoristique effroyable lorsque des contemporains bien intentionnés répètent sans cesse : ce n'est pas les paroles qui comptent, ce sont les actes qui comptent! — J'ai entendu, dans les endroits les plus inopportuns, tant dans les conversations que dans les tribunes diverses, proclamer sans cesse : ce n'est pas les paroles qui comptent, c'est les actes qui comptent! — Dans ce qui se passe dans le monde en actes, tout dépend des paroles! Car il n'arrivera notamment pour celui qui voit à travers la chose, aucun acte, qui auparavant n'a été préparé par des mots/paroles par peu importe quelqu'un.
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Mais vous comprendrez que la préparation est quelque chose d'assez subtil. Car si c'est vrai, et c'est vrai qu'en fait, en parlant de façon pédante théorique principalement marxiste, on corrompt le suc gastrique des gens, et que le suc gastrique infecte le reste de l'organisme, alors vous pouvez imaginer comment les actions extérieures, qui dépendent très fortement du suc gastrique, comment il se déverse dans le reste de l'organisme lorsqu'il est dispersé, comment les actions extérieures sont les conséquences de ces mauvais discours. Et de l'autre côté, quand les gens se contentent de s'amuser, on produit continuellement du suc gastrique, qui agit en fait comme du vinaigre, et le vinaigre est un terrible hypocondriaque. Mais les gens vont continuer à entretenir, car ce qui circule dans le public aujourd'hui est un engrenage continu de plaisanteries. L'amusement d'hier n'est pas encore digéré quand l'amusement d'aujourd'hui se produit. C'est là que le suc gastrique d'hier se décompose en quelque chose de vinaigre. Aujourd'hui, l'humain est à nouveau diverti. Il peut être drôle. Mais la façon dont il s'insère dans la vie publique, c'est en fait le vinaigre hypocondriaque qui agit. Et ce vinaigre hypocondriaque, vous pouvez alors le trouver !
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Oui, dans les tavernes, ce sont les orateurs marxistes qui gâchent l'estomac des gens, et quand les gens lisent alors "En avant", c'est là où l'estomac gâté doit être redresser. C'est déjà un processus très réel. On doit savoir comment s’insère/se place dans le monde des actes le monde des discours. L'énoncé le plus faux — parce que d'une fausse sentimentalité, et tout ce qui vient d'une fausse sentimentalité est faux —, l'énoncé le plus faux à l'égard du discours est celui-ci: «Les paroles ont assez changé, laissez-moi voir enfin les actes!» Cela peut certainement se trouver à un endroit d'un drame, et là où c'est, c'est déjà à juste titre. Mais si on l'arrache de là et qu'on le place comme un dicton général, c'est peut-être juste, mais ce n'est certainement pas bon. Et nous devons apprendre à parler non quelque peu purement beau, non quelque peu apurement correct, mais aussi bon, sinon nous entraînerons les humains dans l’abîme, en tout cas nous ne pourrons rien discuter avec les gens de digne d’avenir.

Donc demain à trois heures.

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