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Institut pour une triarticulation sociale
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Collection: 02 - L’organisme social



Sujet: Unité au printemps, différenciation en automne

 

Les références : Rudolf Steiner Oeuvres complètes 223 3e conférence





Traducteur: Marcel Bideau.
Version plus littérale
Editeur: CENTRE TRIADES 1983


Dornach, lundi de Pâques, 2 avril 1923


NOUS ne devons pas sous-estimer l'importance qu'il y a pour l'humanité à orienter toute son attention vers le temps de chaque fête cardinale. Si à l'époque présente la célébration des fêtes religieuses est plutôt affaire d'habitude, il n'en fut pas toujours ainsi ; il y eut des époques où la conscience des hommes s'unissait à tout le déroulement de l'année ; au début de l'année, ils se sentaient pris dans le cours du temps au point de se dire : Nous connaissons en ce moment un certain degré de chaleur ou de froid, telles ou telles conditions atmosphériques, flore et faune en sont à tel ou tel point de leur croissance. — Et ils participaient aux transformations, aux métamorphoses progressives que connaît la nature. Tandis que leur conscience s'unissait. aux phénomènes naturels, ils participaient à tout cela en orientant en quelque sorte leur conscience vers le temps d'une fête donnée, disons par exemple qu'au début de l'année, en raison de ce qu'ils ressentaient en liaison avec la fin de l'hiver, ils s'orientaient vers le temps de Pâques ; ou bien en automne, avec la vie qui s'éteint, vers le temps de Noël. Les âmes alors s'emplissaient des sentiments qui s'exprimaient précisément dans la manière particulière dont on se situait par rapport aux fêtes.
Ainsi on participait au déroulement de l'année, et cette
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participation était en réalité une spiritualisation de ce qu'autour de soi non seulement on voyait et entendait, mais aussi vivait avec tout son être. Le cours de l'année était vécu comme le déroulement d'une vie organique, de même que par exemple chez l'être humain, quand il est enfant, on met les manifestations de l'âme enfantine en relation avec les mouvements malhabiles de l'enfant, avec son élocution imparfaite. De même que l'on met en relation un certain vécu de l'âme enfantine avec le changement de dentition, d'autres avec des modifications ultérieures du corps, de même on voyait l'esprit à l'œuvre dans les modifications de la nature extérieure. C'était une croissance et une décroissance.
Or tout cela est en relation avec toute la manière dont l'homme, en tant qu'être terrestre, se ressent au sein de l'univers. Aussi peut-on dire ceci : à l'époque où, au début de notre ère, on commença à célébrer le souvenir de l'événement du Golgotha — qui devint ensuite la fête de Pâques —, à l'époque où la fête de Pâques était vécue intensément, où l'on participait au cours de l'année comme je viens de le décrire, l'important était que les hommes avaient le sentiment que leur propre vie était étroitement unie au monde physique et à l'esprit qui l'anime. Ils sentaient que pour atteindre à la plénitude de leur vie, ils avaient besoin de contempler en esprit la mise au tombeau et la résurrection, l'image grandiose de l'événement du Golgotha.
Une conscience emplie d'images comme celles-là est pour l'homme une source d'inspirations. Il n'est pas toujours conscient de ces inspirations, mais c'est un mystère de l'évolution de l'humanité que de l'attitude religieuse qui naît de la présence des phénomènes de l'univers résultent des inspirations qui fécondent la vie entière. Disons-nous d'abord que durant une certaine période, pendant le Moyen Age, les hommes qui orientaient la vie spirituelle étaient les prêtres ; c'était à eux qu'il revenait surtout entre autres
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de régler les fêtes, de donner le ton dans la célébration des fêtes. Le clergé était au sein de l'humanité le corps constitué qui plaçait les fêtes sous le regard du reste de l'humanité, des laïcs, et qui donnait aux fêtes leur contenu. Par là, le clergé ressentait avec une particulière intensité le contenu de ces fêtes. L'état dans lequel les âmes étaient transportées du fait des inspirations nées de ces fêtes s'exprimait ensuite dans tous les autres aspects de la vie de l'âme.
On n'aurait pas eu au Moyen Age la scolastique, la philosophie de Thomas d'Aquin, ni celle d'Albert le Grand et d'autres scolastiques si cette philosophie, cette conception du monde, avec toutes ses conséquences dans la vie sociale, n'avait pas été inspirée précisément par la pensée maîtresse en honneur dans l'Eglise, la pensée de Pâques. Dans la contemplation du Christ descendant des hauteurs, qui pour un temps mène sur terre la vie des hommes et connaît ensuite la résurrection, était présente l'impulsion de l'âme qui devait aboutir au rapport si particulier entre foi et science, entre connaissance et révélation, ce rapport qui est précisément celui de la scolastique. Que soit au pouvoir de l'homme la seule connaissance du monde sensible, que tout ce qui se rapporte au monde suprasensible doive être acquis par le moyen de la révélation, c'était là une conception déterminée pour l'essentiel par la pensée de Pâques, telle qu'elle se rattachait à la pensée de Noël.
Et si le monde d'idées constituant la science actuelle est à son tour exactement et en tous points un résultat de la scolastique, comme je l'ai souvent exposé ici, il faut dire ceci : la connaissance scientifique de l'époque présente est à son insu et pour l'essentiel comme une véritable empreinte de la pensée de Pâques telle qu'elle régna dans les premiers siècles du Moyen Age, avant de s'affaiblir au cours de l'évolution spirituelle de l'humanité et de s'estomper vers la fin du Moyen Age et à l'époque moderne. Regardons comment la science emploie sous le vêtement des idées ce
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qui aujourd'hui est répandu partout et domine toute notre civilisation, voyons comment la science applique ses idées : elle les applique à la nature morte. Elle ne croit pas pouvoir s'élever au-dessus de la nature morte. C'est un résultat de l'inspiration suscitée par le regard qui se fixe sur la mise au tombeau. Et aussi longtemps qu'à la mise au tombeau on put associer la résurrection comme quelque chose vers quoi on levait les yeux, on ajouta la révélation du monde suprasensible à la seule connaissance du monde extérieur procurée par les sens. A mesure que s'imposa l'idée qu'il convenait de poser la résurrection comme un miracle, inexplicable et par conséquent injustifiable, on laissa de côté la révélation, et avec elle le monde suprasensible. Les idées scientifiques d'aujourd'hui sont, pour ainsi dire, uniquement inspirées par l'idée du Vendredi saint, non par celle du dimanche de Pâques.
Il faut distinguer cette relation profonde : ce qui est inspiré aux hommes, c'est toujours ce que dans l'atmosphère de la fête cardinale ils vivent en face de la nature. Il faut discerner cette relation entre cette source d'inspirations et ce qui s'exprime dans tous les aspects de la vie humaine. D'abord bien saisir quel lien intime existe entre la manière dont les hommes participent au déroulement de l'année et ce qu'ils pensent, ce qu'ils ressentent et ce qu'ils veulent ; alors on discerne également combien il serait important de parvenir par exemple à faire de la fête de l'automne, de la Saint-Michel, une réalité ; à faire de cette fête, à partir de ses arrière-plans spirituels, ésotériques, quelque chose qui, passant dans la conscience des hommes, agirait comme une source d'inspirations. Si la pensée de Pâques recevait une coloration nouvelle, parce qu'à la pensée : il a été mis au tombeau et il est ressuscité — s'associerait cette autre pensée, humaine cette fois : il est ressuscité et il est permis de le mettre au tombeau sans qu'il périsse —, si cette pensée de Michaël pouvait prendre vie,
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quelle immense importance pourrait revêtir un événement de cette nature pour tout ce que les hommes éprouvent, ressentent et veulent ! Comme tout cela pourrait pénétrer l'ensemble des structures sociales et y vivre !
Les hommes espèrent beaucoup d'un renouvellement de la vie sociale ; mais il ne faut rien attendre de toutes ces discussions, pas plus que d'aucune institution qui se réfère au seul monde sensible, extérieur ; un renouvellement ne pourra venir que si une puissante pensée inspiratrice s'empare de l'humanité, la traverse — une pensée par laquelle on sentira, on ressentira le lien direct entre le spirituel et ses valeurs morales d'une part, et d'autre part le sensible dans la nature. Les hommes d'aujourd'hui cherchent la lumière du soleil comme des vers de terre qui vivent sous la surface du sol, dirais-je, alors qu'il faut, pour trouver cette lumière, émerger au-dessus du sol. Toutes les dispositions qu'on prend aujourd'hui, toutes les idées de réforme ne peuvent en réalité mener à rien ; on n'arrivera à rien sinon par le puissant impact d'une impulsion puisée à l'esprit. Car il faut être au clair là-dessus : la pensée de Pâques prendrait une coloration nouvelle si elle trouvait son complément dans la pensée de Michaël.
Considérons de plus près cette pensée de Michaël. Regardant la pensée de Pâques, nous avons à tenir compte du fait que Pâques tombe au moment de l'année où la vie printanière lève et bourgeonne. La terre alors exhale les forces de son âme, afin que ces forces présentes dans l'environnement de la terre se pénètrent de ce qui, venant des astres, entoure la terre, du monde du cosmique extra-terrestre. La terre exhale son âme. Qu'est-ce que cela signifie ? Cela signifie que certains êtres élémentaires, qui sont dans l'aura de la terre tout comme l'air ou les forces qui assurent la croissance végétale, unissent leur être propre à l'âme que la terre exhale — cela dans les régions où règne le printemps. Ces êtres élémentaires se fondent et se perdent dans l'âme de la
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terre. Ils se désindividualisent, ils perdent leur individualité. Ils se dissolvent dans l'âme commune du globe. Au printemps, et précisément au moment de Pâques, on voit un grand nombre d'êtres élémentaires arrivés au dernier stade de l'existence individuelle qui était la leur durant l'hiver, perdre leurs contours fermes à la manière d'une nuée et se dissoudre dans l'âme commune de la terre. Je dirais ceci : ces êtres élémentaires étaient, durant la saison d'hiver, au sein de l'âme de la terre, où ils s'étaient individualisés (voir le croquis ci-dessous : hachures vertes dans le jaune). Avant que Pâques ne vienne, ils sont encore affectés d'une certaine individualité ; ils volent, ils planent en quelque sorte alentour en tant qu'entités individuelles. Durant le temps de Pâques, nous les voyons s'assembler en forme de nuages et constituer une masse indivise à l'intérieur de l'âme de la terre (voir le croquis page 49 : hachures vertes dans le jaune). Mais ce faisant, ces êtres élémentaires perdent jusqu'à un certain point leur conscience. Ils entrent dans un état semblable au sommeil. Certains animaux connaissent un sommeil hivernal ; ces esprits élémentaires connaissent un sommeil estival. Cet état est à son maximum d'intensité au temps de la Saint-Jean, où ils sont



complètement endormis. Mais après ils recommencent à s'individualiser et au temps de la Saint-Michel, fin septembre, ils apparaissent déjà au regard, dans le mouvement respiratoire par lequel la terre réaspire son souffle, comme des êtres distincts.



Or ces êtres élémentaires sont ceux dont l'homme a besoin. De tout cela il n'a certes pas conscience, mais il a néanmoins besoin d'eux pour les unir à lui, afin de pouvoir préparer son avenir. Et l'être humain pourrait unir à lui ces êtres élémentaires si, au moment d'une fête qui tomberait fin septembre, il ressentait d'une façon vivante et qui parle à l'âme comment la nature, aux approches de l'automne précisément, se modifie ; s'il pouvait ressentir la vie de la faune et de la flore régresser; certains animaux s'apprêter à chercher leur refuge pour l'hiver, les feuilles revêtir leurs nuances automnales, la nature entière se faner. Certes, le printemps est beau ; et il est beau que l'âme humaine puisse ressentir la beauté de la vie printanière dans son jaillissement. Mais pouvoir ressentir également, lorsque les feuilles
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se décolorent et prennent leurs teintes d'automne, lorsque les animaux se terrent, pouvoir sentir comment dans la mort progressive du monde sensible l'âme et l'esprit ressuscitent dans un scintillement, pouvoir ressentir comment les feuilles jaunissantes marquent le déclin de la vie, mais comment aussi le monde sensible jaunit afin que dans ce jaunissement le spirituel en tant que tel puisse vivre, pouvoir ressentir dans la chute des feuilles la montée de l'esprit, l'esprit contre-image du sensible qui s'éteint : c'est là la sensibilité à l'esprit qui à la saison d'automne devrait vivifier l'être humain dans son âme. C'est alors qu'il se préparerait de la manière juste au temps de Noël.
Inspiré par la science spirituelle anthroposophique, l'homme devrait se pénétrer de cette vérité que sa vie spirituelle sur terre est en relation avec la vie physique déclinante. Tandis que nous pensons, la matière de notre système nerveux se détruit. La pensée se libère de la matière qui périt. La genèse des pensées, la lumière dans l'âme quand les idées s'allument, le sentiment naissant dans tout l'organisme d'être apparenté aux feuilles jaunissantes, au feuillage qui se flétrit et à la végétation qui se dessèche, ce sentiment que l'existence spirituelle de l'homme est apparentée à l'existence spirituelle de la nature : voilà qui peut donner à l'homme l'impulsion qui renforce sa volonté, l'impulsion qui dit à l'homme : Pénètre d'esprit ta volonté.
Pénétrant d'esprit sa volonté, l'homme devient alors participant de l'action de Michaël sur terre. Et lorsqu'à l'approche de l'automne il vit ainsi avec la nature et qu'il connaît cette communion, qu'il exprime cette communion en donnant à une fête le contenu correspondant, il peut alors vraiment ressentir qu'il apporte son complément à l'atmosphère de Pâques. Mais autre chose encore s'éclaire à ses yeux. Voyez-vous, ce qu'aujourd'hui l'homme pense, ressent et veut, c'est inspiration de l'atmosphère de Pâques, une atmosphère exclusive et qui en outre a perdu de sa force.
Cette atmosphère est pour l'essentiel le résultat de la vie naissante, jaillissante, qui fait que tout se dissout dans une sorte d'unité panthéiste. L'être humain est tout adonné à l'unité de la nature, à l'unité de l'univers en général. Telle est bien aujourd'hui chez nous la structure de la vie de l'esprit. On veut tout ramener à une unité. Ou bien on est un adepte du pan-esprit, ou bien on est un adepte de la pan-nature : dans le premier cas on est un moniste spiritualiste, dans l'autre un moniste matérialiste. On englobe tout dans un grand tout indéterminé. Cela relève essentiellement de l'atmosphère de printemps.
Si l'on plonge le regard dans le climat de l'automne avec la montée de l'élément spirituel qui se libère (en jaune sur le croquis) tandis que la vie sensible se flétrit et, si je puis dire, retombe goutte à goutte (en rouge), alors la perspective s'ouvre sur l'esprit en tant que tel, sur le sensible en tant que tel.



La plante qui croît au printemps renferme en elle dans sa vie florissante cet élément spirituel, mêlé au sensible, le tout constituant une unité. Au contraire, la plante qui se
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flétrit laisse tomber ses feuilles et l'esprit s'en dégage et monte : on a d'un côté l'esprit, l'esprit invisible, suprasensible, et de l'autre l'élément matériel qui s'en détache et tombe. Qu'on imagine un récipient contenant un liquide homogène dans lequel une substance quelconque est en solution ; par un procédé quelconque, on obtient qu'un dépôt se forme, masse trouble qui tombe dans le fond. Les deux éléments jusque-là unis l'un à l'autre, qui formaient un tout, on les a maintenant à part.
C'est le propre du printemps que de tout confondre en une masse indifférenciée, imprécise. Le spectacle qu'offre l'automne à la contemplation, si seulement on sait le regarder, si l'on sait percevoir le contraste avec le spectacle offert par le printemps, il nous rend attentifs à la manière dont d'un côté l'esprit agit et de l'autre le physique, le matériel. Naturellement, il ne faut pas s'arrêter exclusivement à l'un ou à l'autre. La pensée de Pâques en effet ne perd pas de sa valeur si on lui adjoint la pensée de Michaël. On a d'un côté la pensée de Pâques, où tout se présente, dirais-je, dans une sorte de mélange panthéiste, dans une unité. On a ensuite les éléments différenciés, mais la différenciation ne s'accomplit pas d'une manière arbitraire, irrégulière, chaotique. C'est un processus bien réglé que nous avons, absolument. Représentez-vous ce déroulement cyclique : assemblage, mélange d'éléments les uns dans les autres, naissance d'une unité, puis un état intermédiaire où la différenciation se produit, différenciation complète ; puis à nouveau ce qui était différencié se perdant dans l'unitaire, et ainsi de suite. Vous voyez toujours, outre ces deux états, un troisième état : vous voyez là le rythme entre différencié et indifférencié, en quelque sorte rythme entre inspiration du résultat de la différenciation et nouvelle expiration. C'est un rythme que vous voyez, un état intermédiaire, le physique, la matière, puis le spirituel ; une interaction du physique-matériel et de l'esprit : l'âme.
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Dans le déroulement de la vie de la nature, vous apprenez à voir la nature pénétrée par la triade originelle : matière, esprit, âme.
L'important, c'est de ne pas en rester à la rêverie communément répandue selon laquelle il faudrait tout ramener à une unité. A procéder ainsi — que cette unité soit de nature spirituelle ou de nature matérielle —, on ramène tout à l'indétermination de la nuit cosmique. On dit que la nuit tous les chats sont gris ; dans le monisme spirituel, toutes les idées sont grises, dans le monisme matérialiste également. Ce ne sont là que différences dans la manière de ressentir les choses. Pour qui voit les choses de plus haut, ce n'est pas cela qui compte. L'important, c'est que les êtres humains que nous sommes puissent s'unir au devenir de l'univers de telle sorte qu'ils soient en mesure de suivre la transition vivante de l'unité à la triade, et de là le retour de la triade à l'unité. Si, apportant de cette façon à la pensée de Pâques le complément de la pensée de la Saint-Michel, nous nous mettons à même de ressentir de façon juste la présence dans tout ce qui existe de la triade originelle, alors nous l'accueillerons dans notre âme, alors nous serons en mesure de comprendre que toute notre vie repose effectivement sur l'activité et l'interaction de triades originelles. Et puis, si nous avons la fête de Michaël avec les inspirations qu'elle nous apporte, nous aurons pour la fête de Pâques conçue jusqu'à présent trop étroitement, avec les idées qu'elle a inspirées dans le passé — nous aurons une inspiration, une impulsion spirituelle puisée dans la nature ; cette impulsion nous permettra d'introduire, dans toute la vie que nous pouvons observer et à laquelle nous pouvons donner forme, l'impulsion de la tripartition. Et c'est de l'introduction de cette impulsion que dépend uniquement, en dernière analyse, la réponse à cette question : pourrons-nous transformer en forces de renouveau les forces de déclin présentes dans l'évolution de l'humanité ?
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On aimerait dire que lorsqu'il a été question de l'impulsion de la tripartition dans la vie sociale, ce fut en quelque sorte une épreuve : la pensée michaélique était-elle déjà assez forte pour que l'on sente qu'une impulsion de cette nature découlait directement des forces qui donnent ses formes à notre temps ? C'était une épreuve de l'âme humaine : la pensée michaélique serait-elle assez forte chez un certain nombre d'êtres humains ? Eh bien, l'épreuve s'est soldée par un échec. Cette pensée n'est pas encore assez forte, ne fût-ce que chez un petit nombre d'êtres, pour être vraiment ressentie dans toute sa force et sa vigueur comme apte à créer des formes adéquates à notre temps. Et il ne sera guère possible d'unir les âmes au service des forces nouvelles de régénération aux forces cosmiques créatrices de formes depuis les origines — comme ce serait nécessaire — si une source d'inspirations comme une fête solennelle de Michaël ne parvient pas à se faire jour, si par conséquent une impulsion créatrice de formes nouvelles ne peut pas monter des profondeurs de la vie ésotérique.
S'il existait dans la Société anthroposophique, au lieu de membres passifs, ne fût-ce qu'un petit nombre de membres actifs, on pourrait se livrer à des réflexions sur une idée comme celle-là. L'essentiel de la Société anthroposophique réside certes dans le fait que des impulsions y sont mises en oeuvre, mais que les membres tiennent principalement à prendre part à ce qui se fait ; qu'ils orientent bien les forces de leur âme et de leur réflexion vers ce qui se déroule, mais que l'activité de l'âme de chacun ne se lie pas aux impulsions qui traversent notre époque. C'est pourquoi, compte tenu de l'actuelle composition du mouvement anthroposophique, on ne peut évidemment pas dire que ce que j'appelle ici une impulsion ésotérique puisse être envisagé comme facteur d'activité. Mais il faut quand même comprendre comment procède la marche de l'évolution de l'humanité, comprendre que les forces puissantes qui portent l'évolution
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de l'humanité n'ont pas leur source dans des discours superficiels, mais viennent, aimerais-je dire, de tout autres horizons.
Dans un lointain passé, lorsque les hommes étaient doués d'une clairvoyance originelle, instinctive, on savait cela. On ne faisait pas apprendre alors aux jeunes gens que les éléments chimiques sont au nombre de tant ; si on en découvre un nouveau en plus des 75 connus, cela fera 76 ; si on en découvre un de plus, 77, et ainsi de suite — sans qu'on puisse dire combien on en découvrira encore : le hasard fait qu'on en ajoute un aux 75 existants, un autre aux 76, et ainsi de suite. Dans ce nombre que l'on cite, il n'y a aucune réalité essentielle. Et il en est ainsi partout. Ce qui serait de nature à faire apparaître, par exemple dans la classification systématique en botanique, une sorte de triade, qui cela intéresserait-il aujourd'hui ? On découvre genre après genre, espèce après espèce. On procède par énumération, comme on le ferait pour des haricots ou des cailloux jetés à la volée. Mais le nombre est à l'oeuvre dans l'univers, et son action repose sur une réalité essentielle ; c'est dans cette réalité qu'il faut voir clair.
Reportons-nous par la pensée dans un passé récent où l'on ramenait ce que l'on connaissait de la substance à la triade Sel, Mercure, Phosphore. On percevait une triade de forces originelles, et que chaque substance isolée que l'on découvrait devait trouver sa place dans l'une des forces de la triade. Et les choses se présentent encore autrement si nous remontons encore plus haut dans le passé, où d'ailleurs, en raison aussi de la localisation des civilisations, il était plus facile de trouver cette relation à la triade ; les civilisations de l'Orient en effet étaient plus proches des zones tropicales, ce qui facilitait la tâche de l'ancienne clairvoyance. Mais aujourd'hui il est possible, dans la zone tempérée, de parvenir à ces résultats par la voie d'une clairvoyance exacte et délibérément voulue ; mais on veut

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revenir aux anciennes civilisations ! En ces temps-là on n'avait pas la distinction : printemps, été, automne, hiver. Distinguer de cette façon revient, parce qu'on est là en présence du nombre 4, à une simple énumération. S'imaginer le cours de l'année comme dominé par le nombre 4 eût été totalement impossible par exemple à la civilisation de l'Inde ancienne, parce qu'on n'y trouve rien qui rappelle les formes originelles de toute açtivité.
Lorsque j'écrivis mon ouvrage Théosophie, il ne me fut pas possible d'aligner simplement corps physique, corps éthérique, corps astral, Moi, comme on peut rassembler ces éléments lorsqu'on possède déjà la chose, lorsqu'on la perçoit en profondeur. J'ai dû procéder par groupements ternaires : corps physique, corps éthérique, corps de sensation ; première triade. Puis la triade qui est intimement unie à la première : âme de sensibilité, âme d'entendement, âme de conscience ; puis celle qui est intimement unie à la seconde : Soi-Esprit, Esprit de vie, Homme-Esprit, trois fois trois, avec une étroite imbrication (voir le schéma) par laquelle on obtient le nombre 7. Sept, c'est justement trois fois trois avec l'imbrication mentionnée. Et c'est seulement lorsqu'on considère l'homme à son stade actuel d'évolution qu'on obtient le nombre 4, qui est un nombre d'importance secondaire.

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Si l'on a en vue ce qui est efficient dans les profondeurs de l'être, ce qui revêt des formes, il faut envisager la structuration sous le signe de la triade. C'est pourquoi l'Inde ancienne voyait les choses comme suit : la saison chaude, englobant à peu près les mois d'avril, mai, juin, juillet ; la saison humide, englobant à peu près les quatre mois suivants ; enfin la saison froide, qui serait nos mois de décembre, janvier, février, mars — tout cela approximatif seulement, sans limites rigides en fonction des mois : on peut concevoir des décalages. Mais le cours de l'année était conçu sous le signe de la triade. Et ainsi l'âme humaine ferait naître en elle la disposition à observer cette triade originelle dans tout ce qui est vivant et actif, mais aussi celle à introduire organiquement cette triade dans le tissu de toutes les productions humaines, de toutes les formes créées par les hommes. On peut bien dire qu'il ne saurait exister d'idées saines sur une vie spirituelle libre, sur la vie juridique, sur la vie sociale et économique, si l'on ne perçoit jusque dans ses profondeurs ce rythme ternaire de l'activité universelle, qui doit également traverser l'activité des hommes.
De nos jours, tout ce qui se réfère à ces réalités passe pour superstition, alors qu'on tient pour haute sagesse de compter purement et simplement : 1 + 1 = 2, 2 + 1 = 3, et ainsi de suite. Or ce n'est pas ainsi que la nature procède. Mais si l'on se contente de ne porter attention qu'à un ensemble de forces confondues, par exemple la nature au printemps — ce qu'il ne faut pas négliger de voir, bien entendu ! — on ne peut pas retrouver le rythme ternaire. En revanche, lorsqu'on suit tout. le cours de l'année, lorsqu'on voit comment le trois s'articule, comment le spirituel et la vie dans le physique, dans la matière, sont présents dans la dualité, et que l'interpénétration rythmée de l'un et de l'autre donne le troisième élément, alors on perçoit ce trois dans l'un, l'un dans le trois, et l'on apprend à percevoir
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comment l'être humain lui-même peut s'insérer dans cette activité universelle : du trois au un, du un au trois.
Si la pensée d'une fête de Michaël pouvait s'éveiller au point qu'à côté de la fête de Pâques soit instaurée, dans la deuxième moitié du mois de septembre, une fête de la Saint-Michel, si à la pensée de la résurrection du dieu après la mort pouvait être associée celle de la résurrection de l'homme par la force de Michaël, il en résulterait un nouvel état de l'âme, qui serait alors capable de pénétrer l'univers, de s'unir à lui. Ainsi, par la résurrection du Christ, l'homme trouverait la force de mourir dans le Christ, c'est-à-dire d'accueillir en son âme, durant sa vie terrestre, le Christ ressuscité, afin de pouvoir mourir en lui — ce qui signifie mourir pour trouver non la mort, mais la vie.
Telle est la conscience qui naîtrait dans les profondeurs de l'être sous l'inspiration d'un service célébré à la Saint-Michel. On peut parfaitement comprendre que notre époque matérialiste, j'entends : qui est devenue prosaïque et bornée, soit fort éloignée de pareilles idées. Certes, il n'y a rien non plus à attendre de ces idées si elles restent mortes et abstraites. Mais si ce service est instauré avec tout l'enthousiasme d'autrefois, lorsqu'on instituait des fêtes, lorsqu'on avait la force de donner forme à des fêtes, on aura là une source d'inspirations, d'inspirations aussi pour toute notre vie spirituelle et sociale. Alors la vie nous offrira ce dont nous avons besoin : non pas d'un côté les abstractions de l'esprit et de l'autre la nature déspiritualisée, mais une nature habitée par l'esprit, un esprit créant les formes de la nature, l'un et l'autre étant une seule et même chose ; esprit et nature qui à leur tour fondront en une unité religion, science et art, parce que les hommes comprendront alors comment saisir la triade — dans le sens de la pensée michaélique — dans la religion, la science et l'art, afin d'unir ceux-ci d'une manière juste dans la pensée de Pâques, dans les formes que peut créer l'anthroposophie ;
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laquelle peut agir dans les domaines de la religion, de l'art, de la connaissance, et peut également différencier ce qui relève de la religion et de la connaissance. Ainsi l'impulsion anthroposophique consisterait à ressentir au moment de Pâques l'unité de la science, de la religion et de l'art ; au moment de la Saint-Michel, à ressentir comment les trois —qui ont une mère commune, Pâques — deviennent frères et soeurs et se tiennent côte à côte, mais en se complétant réciproquement. Et la pensée de Michaël, qui devrait trouver sa place comme une fête vivante dans le cours de l'année, pourrait inspirer l'ensemble de la vie humaine.
Il faudrait se pénétrer de ces pensées, qui sont de l'authentique ésotérisme, ou du moins commencer par les acquérir par la connaissance. Et si un jour le temps pouvait venir où il y aurait des personnalités effectivement agissantes, ces pensées pourraient effectivement devenir une impulsion qui, l'humanité étant ce qu'elle est, serait seule à même de mettre à la place des forces de déclin des forces de renouveau.