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Institut pour une triarticulation sociale
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Jean-Marc Decressonnière - L ' «approche anthroposophique»
Utopie sociale ou technologie sociale?
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5 Développement vers une économie associative ?

5.1 La revendication émancipatrice de l'approche NPI
Le développement d'organisations selon le modèle de phases du NPI est lié à la revendication normative de promouvoir le développement humain par des conditions cadres adéquates dans les entreprises et d'œuvrer ainsi à la réalisation d'une société plus humaine. Dans ce contexte, on peut distinguer trois niveaux de développement interdépendants :

1er niveau micro : développement humain individuel

2ème niveau méso : développement des entreprises

3e niveau macro : développement sociétal.

Dans ce qui suit, en un premier pas devrait être présenté comment le pendant entre ces étendues de développement est conceptualisé dans l'apport du NPI, pour alors mesurer ce concept holistique de développement ensuite à l'aune de son propre critère, le concept d'ordre économique associatif.

Lievegoed considère le développement de l'humanité comme la condition préalable décisive pour faire face à/maîtriser l'avenir.474 Il considère l'être humain comme "un être qui ne peut se développer que s'il peut aussi être créatif dans son travail et (...) assumer des responsabilités, qui travaille avec d'autres pour un objectif commun, créant ainsi une communauté fondée sur une vrai humanité avec les autres "475 . Cette image de l'humain sous-tend le concept de la phase d'intégration 476 , qui est marqué par la recherche d'une intégration du travail et du développement humain 477 , afin que les humains puissent aussi trouver l'épanouissement de leur vie dans leur situation de travail 478 .

Par suite du déploiement des sous-systèmes sociaux, les entreprises, en tant qu'unités sociales matures, "pourront alors également remplir leurs tâches dans une société post-industrielle se développant, une société dans laquelle les problèmes culturels, moraux et politiques seront mis en avant "479 . D'après Livegoed, cette société future exprimera le concept de la triarticulation de l'organisme social de R.

474 Cf. Lievegoed 1974, p. 15.
475 Lievegoed 1974, p. 19.
476 Cf. Lievegoed 1974, p. 19.
477 Cf. Lievegoed 1974, p. 94.
478 Cf. Lievegoed 1974, p. 64.

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Steiner. 480 En luttant pour intégrer le sous-système social des entreprises, une voie commune vers un nouveau niveau de coexistence sociale est ouverte sur la base d'une formation du comportement humain. 481
Selon Lievegoed, la société industrielle actuelle est caractérisée par la position dominante de la vie économique. 482 A cet égard, les gestionnaires doivent être considérés comme les porteurs de la culture de leur temps. Leur tâche, dit-il, est de donner l'exemple dans leurs organisations et d'ouvrir la voie au renouveau social. 483 La qualité d'une coopération de confiance conduirait à des relations associatives entre les entreprises et pénétrerait au-delà de la vie économique dans les deux autres sous-systèmes sociaux, la vie juridique et la vie économique. 484

Cette référence sociétale du développement de l'entreprise se concrétise avec l'élargissement du concept de développement du NPI à la phase d'association. Glasl considère également le développement des entreprises comme une condition importante pour un développement actif de la société dans son ensemble, basé sur la conscience et la responsabilité de l'individu. 485 C'est un chemin qui favorise le dépoiement spirituel, psychique/d'âme et corporel de l'humain 486 et qui conduit ainsi à l'utilisation des meilleures particularités chez les humains : "le soutien mutuel, la prévoyance et l'anticipation dans la responsabilité commune". 487 Selon Glasl, l'approche NPI montre ainsi "comment un organisme social peut utiliser ses propres forces pour trouver une voie vers une émancipation croissante et responsabilité sociale" 488.
En ce que la conscience éthique développée dans la phase d'intégration dépasse les limites de l'entreprise dans la phase d'association, 489 peuvent, selon la conviction de Glasl,être établit désormais des relations de partenariat à long terme et fiables, fondées

479 Lievegoed 1974, p. 87.
480 Cf. Lievegoed 1974, p. 181.
Lievegoed est d'avis que ce modèle d'une société n'a pas pu être réalisé au début du siècle, c'est-à-dire du vivant de R. Steiner, car les entreprises n'étaient qu'en phase de transition entre la première (phase pionnière) et la deuxième phase de développement (phase de différenciation). Ce n'est que lorsque la phase d'intégration a été atteinte que le temps est venu de comprendre l'idée de l'organisme social triarticulé (cf. Lievegoed 1974, p. 191).
481 Cf. Lievegoed 1974, p. 193.
482 Cf. Lievegoed 1974, p. 186.
483 Cf. Lievegoed 1974, p. 186 s.
484 Cf. Lievegoed 1974, p. 187.
485 Cf. Glasl 1987, p. 95.
486 Cf. Glasl 1987, p. 86.
487 Cf. Glasl/Lievegoed 1993, p. 204.
488 Cf. Glasl/Lievegoed 1993, p. 203.
489 Cf. Glasl/Lievegoed 1993, p. 203.

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la compensention d'intérêts 490 à la place de la pe sée de combat économique ordinaire jusque là. 491 Ainsi le développement de la phase d'association permettra aux entreprises de faire face activement aux grands conflits actuels et futurs, c'est-à-dire de s'ouvrir fondamentalement aux problèmes macroéconomiques (vie de l'économie), macro-politiques (vie de droit) et macro-culturels (vie de l'esprit) 493 et de les traiter de manière constructive. 494 Intégrées dans des biotopes d'entreprise orientés vers les utilités sociétales,495 selon Glasl, les entreprises "ne pourront plus facilement se soustraire à leur part de responsabilité écologique et économique et sociale globale". 496

Glasl voit donc l'ouverture de l'entreprise à son environnement dans la phase associative 497 comme le germe d'un renouveau de la vie économique au sens de la vision d'une économie associative 498 développée par R. Steiner - une perspective de développement social qui, compte tenu de la diffusion croissante du concept de Lean Management, se concrétiserait de plus en plus. 499
Je le ferai.
Dans les exposés des explications de Lievegoed et de Glasl jusqu'à présent se laisse reconnaitre la logique suivante : Le développement des organisations (méso-niveau) de la phase pionnière à la phase d'intégration et d'association en passant par la phase de différenciation est à la fois le résultat et la condition du développement individuel des personnes (micro-niveau) dans les entreprises. Dans la phase d'intégration, ce développement humain individuel conduit à l'épanouissement de la vérité, de la responsabilité sociale et de l'humanité avec les autres. 501 Sur la base de cette action socio-éthique, un changement peut enfin avoir lieu au niveau sociétal (niveau macro), passant d'une "économie de combat" concentrée sur l'intérêt personnel à une "économie de coopération". 502

490 Cf. Glasl/Lievegoed 1993, p. 116.
491 Cf. Glasl/Lievegoed 1993, p. 99.
492 Cf. Glasl/Lievegoed 1993, p. 190.
493 Cf. Glasl/Lievegoed 1993, p. 99.
494 Cf. Glasl/Lievegoed 1993, p. 192.
495 Cf. Glasl/Lievegoed 1993, p. 188.
496 Cf. Glasl/Lievegoed 1993, p. 99.
497 Cf. Glasl/Lievegoed 1993, p. 99.
498 Cf. Glasl 1994c, p. 36 s.
499 Cf. Glasl 1995, p. 68 et suivantes.
500 Cf. Hasper/Glasl 1988, p. 16.
501 Cf. Lievegoed 1974, p. 187.
502 Cf. Glasl 1987, p. 88.
Comme expliqué ci-dessus (voir section 4.3), Glasl conceptualise ces implications macro-sociétales du développement des entreprises comme une phase de développement indépendante (phase d'association).

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Cette approche du NPI est-elle à la hauteur de sa prétention d'être un pionnier de l'ordre économique associatif au sens de Steiner ? Il existe des parallèles avec les idées de Steiner en ce qui concerne la mise en réseau des entreprises tout au long de la chaîne de valeur, telle qu'elle est mise en œuvre dans le concept de lean management (ou dans la phase d'association). Conformément aux principes du Lean Thinking, le Lean Management est un retour à l'objectif initial de l'activité entrepreneuriale : les besoins des personnes. Celles-ci constituent le point de référence du flux de valeur qui passe par les différentes entreprises. La satisfaction des besoins des clients peut être mieux servie si, comme l'expliquent Womack et Jones, la "guerre froide industrielle "503 qui a prévalu jusqu'à présent entre les entreprises alignées le long du flux de creation de valeur cède la place à une collaboration coopérative fondée sur la confiance mutuelle.504 Glasl voit le principe d'association réalisé dans cette intégration orientée vers le client de la chaîne de valeur dans un réseau d'entreprises.505

Toutefois, cette évaluation exprime une compréhension réductionniste de ce que Steiner entendait par économie associative. Lorsque Glasl souligne que le concept de Lean Management offre "les idées directrices et les valeurs dont nous avons besoin en Europe pour que notre économie soit compétitive sur les marchés mondiaux "506 et appelle à sa mise en œuvre rapide "avant qu'il ne soit trop tard pour l'Europe ! "507 , il ne reconnaît pas que Steiner avait précisément pour but de contrer l'économie capitaliste compétitive par un ordre économique alternatif plus approprié dans lequel l'ensemble des relations économiques sont coordonnées par association. Contrairement à Steiner, l'approche NPI ne soulève pas la question du système. Au lieu de cela, les associations sont conceptualisées dans le cadre du système d'économie de marché en vigueur et peuvent donc être instrumentalisées dans le but de renforcer la compétitivité. Cela n'exprime qu'une compréhension unidimensionnelle et donc réductionniste du concept d'association de Steiner. L'approche NPI comprend l'association exclusivement comme une intégration verticale de la chaîne de valeur. Steiner, en revanche, conçoit l'association comme une institution dans laquelle, par dessus

503 Womack/Jones 1997, p. 351.
504 Cf. Womack/Jones 1997, p. 351 et suivantes.
505 Cf. Glasl 1994c, p.36 et suivantes.
506 Glasl 1994a, p. 19.
507 Glasl 1994a, p. 19.
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cette dimension (verticale), dans une même mesure les relations (horizontales) entre les entreprises d'un secteur ainsi que les relations entre les secteurs seront réglés.508
La rupture de réflexion de l'approche NPI devant la logique tacitement assumée du système économique dominant est clairement exprimée dans la figure suivante (voir Fig. 24). L'association d'entreprises s'avère être une stratégie concurrentielle inhérente au système.509


Personne ne peut ignorer la compétitivité,
c'est devenir maigre ou crève !

Figure 24 : La logique de la concurrence/compétition 510



En raison de l'acceptation inconditionnelle des structures données du système économique, l'approche NPI doit échouer dans sa prétention à vouloir résoudre l'ensemble des problèmes sociaux. Comme le montre clairement l'exemple du chômage, le calcul selon lequel tout ira bien grâce au comportement altruiste des gens ne fonctionne pas. Les problèmes du marché du travail sont exacerbés par la mise en œuvre du concept de lean management, dans lequel Glasl voit la phase d'intégration et d'association comme une réalité. Comme le disent sobrement Womack et Jones, par Lean

508 Cf. section 3.3.2
509 Cf. Glasl 1995, p. 69.
Si l'accent est mis sur la qualité harmonieuse de la coopération basée sur la confiance et le partenariat entre les entreprises lean appartenant à une chaîne de valeur, qui constituent une "communauté de destin" (Glasl/Lievegoed 1993, p. 188), les relations moins harmonieuses (mais donc non moins fatidiques) du réseau d'entreprises lean avec ses concurrents ne sont pas prises en compte. En conséquence, le nouveau fondement éthique de l'action économique reste économiquement raccourci : "économie de coopération" en interne, pour être d'autant plus efficace en externe dans l'"économie de combat".

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management toujours plus d'"emplois" tombent, car dans un monde où les ressources sont limitées, il n'y a pas de fin aux améliorations. 511 Dans une industrie gonflée, cependant, la réduction des effectifs est inévitable.512 Jones se justifie par le fait que, tragiquement, il y aura des problèmes macrosociaux bien plus importants si les entreprises ne se développent pas en entreprises allégées : 513 "Si nos industries ne se convertissent pas, elles ne seront plus compétitives et disparaîtront complètement. 514 " Glasl est également conscient des effets de la gestion allégée sur le marché du travail. 515 Mais contrairement à Jones, il lui reste aussi à donner une réponse à ce problème.

En résumé, il faut dire que le modèle de développement du NPI, mesuré à sa propre aune, est insuffisant. En ignorant les contraintes systémiques structurelles de l'économie de marché capitaliste, il ne peut pas réussir à montrer la voie d'une évolution vers une économie associative. Alors que l'approche de la réforme sociale de Steiner visant à surmonter le capitalisme 516 commence par "ce qui est en dehors de l'individu humain", 517 notamment par la conception des institutions sociétales, 518 l'approche NPI voit la solution des problèmes sociétaux principalement dans le changement moral de la conscience des gens vers des idéaux altruistes et solidaires. Dans ce contexte, il s'avère moins liée dans son essence à l'approche de science sociale de Steiner, c'est-à-dire l'"approche anthroposophique" au sens propre, qu'à l'éthique de la vertu

510 Extrait de Brugger/Glasl 1994, p. 25.
511 Cf. Womack/Jones 1997, p. 328.
Selon les promesses infiniment optimistes de Womack et Jones, le travail humain est "réduit" de moitié simplement en transformant la production de masse en un système allégé (cf. Womack/Jones 1997, p. 327). En outre, la "cure d'amaigrissement" (op. cit. p. 9) ouvre la perspective d'un nouveau doublement de la productivité dans un délai de deux à trois ans (op. cit. p. 32). Womack et Jones recommandent que le personnel excédentaire soit réduit dès le début et que le personnel restant bénéficie d'une garantie d'emploi (loc. cit. p. 328 et p. 349 et suiv.).
512 Cf. Heuser/Lamparter 1997.
513 Cf. Jones 1994, p. 27.
514 Jones 1994, p. 27.
515 Cf. Glasl 1995, p. 52.
516 Cf. Steiner 1989a, p. 67.
517 Steiner 1992, p. 40.
518 Cf. Steiner 1992, p. 40.
Steiner qualifie d'étranger à la vie le schéma d'argumentation éthique standard qui sous-tend implicitement l'approche NPI, à savoir que des personnes bonnes et désintéressées mèneraient à des conditions sociales correspondantes meilleures (cf. Steiner 1979, p. 153). Comme il l'explique, "les gens ne manquent pas aujourd'hui qui disent : notre économie sera bonne, terriblement bonne, si vous devenez bons. Vous devez devenir bons ! (...) Mais de tels jugements ne valent en fait pas beaucoup plus que cela : si ma belle-mère avait quatre roues et un timon à l'avant, elle serait un omnibus, - car la condition préalable ne se tient en fait pas mieux à la conséquence en un meilleur pendant/rapport, seulement exprimée de façon un peu plus radicale" (Steiner 1979, p. 153).

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des enseignements sociaux écclésiaux. 519 À cet égard, l'appellation "anthroposophique" de l'approche NPI, qui suggère un accord avec Steiner, est trompeuse/conduit dans l'erreur.

5.2 Les implications socio-technologiques de l'approche NPI


Comme expliqué dans la section précédente, l'approche NPI fait abstraction du contexte social de l'activité économique. Elle projette ainsi le développement des entreprises dans un monde sain et sans conflits d'intérêts. Dans cette section, le modèle de la phase de développement du NPI sera maintenant ramené à la réalité du système économique dominant et, dans le contexte de la constitution capitaliste des entreprises, sera considéré sous l'angle du conflit d'intérêts structurel entre le capital et le travail.

Afin de pouvoir exploiter son capital de manière rentable, l'entrepreneur capitaliste dépend du facteur de production qu'est le travail, qu'il achète sur le marché du travail. 520 Toutefois, par le biais du contrat de travail, il n'acquiert pas encore une prestation de travail clairement définie, mais seulement une capacité/un patrimoine de travail abstrait. 521 Le travail doit d'abord encore être extrait de cette capacité de travail. 522 Au regard du conflit d'intérêts structurel entre l'entrepreneur (profit) et de l'employé/occupé (salaire réduisant le profit), la transformation de la capacité de travail achetée sur le marché du travail en prestation de travail concrètement délivrée 523 se présente comme un problème de contrôle. 524
Les stratégies de contrôle managérial différenciées en sociologie industrielle pour établir et garantir la conformité des actions des salariés avec les objectifs d'entreprise spécifiés axés sur l'utilisation du capital 525 peuvent être systématisées comme suit en utilisant la typologie des phases de développement de l'approche NPI (voir figure 25).
519 Cf. Rauscher 1988, p. 42 et suiv.
520 Cf. section 3.1.2.
521 Cf. Krell 1994, p. 15.
522 Cf. Müller-Jentsch 1997, p. 247.
523 Cf. Bruch 1997, p. 186 et suivantes.
524 Cf. Krell 1996, p. 28.
Dans le cadre de la nouvelle économie institutionnelle, ce problème de contrôle est expliqué comme un problème d'opportunisme dans la relation entre le principal et les agents (cf. Ebers/Gotsch 1995, p. 195).
525 Cf. Krell 1994, p. 16 et suivantes.

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Phase de développement Stratégie de contrôle
Phase pionnière Contrôle personnel
Phase de différenciation Contrôle structurel
Contrôle technique
Contrôle bureaucratique
Phase d'intégration Autorégulation internalisée
Intégration idéologique par la culture d'entreprise

Figure 25 : Stratégies de contrôle managérial dans les différentes phases de développement de l'entreprise

Dans la phase pionnière, les occupés sont soumis à un contrôle direct 526 par l'entrepreneur pionnier. Cette forme de contrôle personnel recule au profit de formes de contrôle structurelles dans la phase de différenciation. Il s'agit, d'une part, du contrôle technique à travers les contraintes de la machine et, d'autre part, du contrôle bureaucratique à travers des règles impersonnelles et des systèmes d'incitation.527 Enfin, dans la phase d'intégration, les formes de contrôle externes et directes sont remplacées par un autocontrôle indirect des employés/occupés.


Tandis que les occupés vivent le contrôle externe comme une restriction de leur liberté, et donc y résistent, le contrôle est maintenant introduit clandestinement dans les sujets 528 " afin qu'ils se croient libres, mais fonctionnent comme ils sont censés le faire ".529 Cette forme de contrôle présuppose l'identification des travailleurs avec l'entreprise, qui est établie par l'utilisation de techniques dites sociales. Il s'agit de mesures fondées sur les sentiments, les attitudes, les valeurs et les convictions des personnes 530 , et qui visent à influencer la perception et l'interprétation de la situation par les personnes de telle sorte que les objectifs de l'entreprise soient acceptés cognitivement et émotionnellement et poursuivis avec leur propre conviction 531 .

526 Cf. Krell 1996, p. 28.
527 Cf. Müller-Jentsch 1997, p. 248.
528 Cf. Neuberger 1997, p. 20.
529 Neuberger 1997, p. 20.
530 Cf. Maier 1991, p. 32.
531 Cf. Breisig 1990, p. 9.
Selon Neuberger, cette demande d'une identification totale de l'individu avec l'organisation, le "devenir un" du Je-idéal avec l'organisation-idéal (cf. Neuberger 1997, p. 24) équivaut à un "cannibalisme social" (cf. Neuberger 1990, p. 8) : l'être humain est incorporé avec corps et âme (cf. Neuberger/Kompa 1987, p. 38).

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Dans le contexte du contexte d'action capitaliste, dans lequel se déroule le développement de l'entreprise, les caractéristiques du concept de phase d'intégration ont un caractère éminemment socio-technologique : Dans la phase d'intégration idéale-typique, les personnes portent les objectifs de l'entreprise.532 Elles travaillent avec une grande autonomie 533 et portent une responsabilité entrepreneuriale commune.534 En contrepartie, elles sont tenues d'être honnêtes et sincères dans l'examen critique, l'évaluation et l'appréciation de leurs actions par rapport à ce qui est requis.535 En bref : les salariés doivent mettre le "sang de cœur" dans les objectifs de l'entreprise et faire des problèmes des clients leur "affaire de cœur".536 Le déploiement du sous-système social de l'entreprise dans la phase d'intégration se présente donc comme "une sorte d'attaque globale de l'âme des employés/preneurs de travail "537 .
Le souhait bien intentionné de l'approche NPI de donner plus de place à l'humain et au social,538 c'est-à-dire que l'homme puisse à nouveau trouver sa motivation profonde dans son travail,539 est inévitablement exploité sur le plan socio-technologique par la logique objective de l'entreprise capitaliste. Ainsi, la phase d'intégration entraîne le contraire de ce qu'elle avait prévu : elle contribue à ce que l'homme soit utilisé comme une ressource aux fins de valorisation du capital orienté au de profit/gain jusqu'au cœur de sa personnalité 540 .


5.3 Conclusion
Enfin, les résultats de l'enquête sur l'approche NPI seront résumés. Tout d'abord, il a été démontré que la revendication de réforme sociale de l'approche NPI peut être considérée comme justifiée en soi. L'ordre associatif envisagé de l'économie a été jugé justifié du point de vue du principe de transsubjectivité


532 Cf. Glasl 1994c, p. 26.
La tentative d'établir l'utilité pour le client comme point focal de tous les efforts (orientation client) dissimule de manière socio-technologique l'intérêt personnel primaire à une maximisation du profit (cf. Neuberger 1995, p. 252 et Staehle 1992, p. 27).
533 Cf. Glasl 1994c, p. 26.
534 Cf. Glasl/Lievegoed 1993, p. 102.
535 Cf. Glasl 1994c, p. 27.
536 Cf. Glasl 1994c, p. 26.
537 Cf. Breisig 1990, p. 529.
538 Cf. Glasl/Lievegoed
539 Cf. Hasper/Glasl 1988, p. 52.
540 Cf. Geißler 1995, p. 93.

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alors que le système économique capitaliste dominant s'est révélé impossible à légitimer dans son noyau normatif.

Avec son modèle dialectique de phases idéales-typiques du développement de l'entreprise, l'approche NPI - dans la version originale de Lievegoed - représente un cadre conceptuel théoriquement riche pour l'analyse du développement des entreprises.541 En revanche, la tentative de Glasl de conceptualiser l'ordre économique associatif comme une (quatrième) phase du développement de l'entreprise n'est pas convaincante. D'une part, l'extension de l'approche NPI à une autre phase de développement n'est pas compatible, d'un point de vue conceptuel, avec l'idéal-type dialectique et fermé du développement de l'entreprise de Lievegoed et, d'autre part, le concept de phase associative implique une compréhension réductionniste de l'économie associative, qui est donc en contradiction avec l'approche de Steiner.

Comme nous l'avons vu, l'approche NPI ne tient pas compte du fait que les entreprises capitalistes ne sont pas en premier lieu des associations de coopération dans le but de satisfaire les besoins humains, mais qu'elles représentent avant tout des associations de domination et des sociétés de valorisation. 542 Compte tenu de cette myopie par rapport aux contraintes structurelles fondées sur le système économique dominant, l'approche NPI ne peut pas réussir à ouvrir la voie à un renouvellement de la société. Contrairement à Steiner, qui s'attaque aux questions structurelles de l'ordre économique et oppose à l'institution du marché "libre", au régime capitaliste de la propriété et à la vénalité du travail fondée sur le rapport salarial des institutions socio-économiques plus appropriées et favorables au développement humain, l'approche NPI cherche à améliorer les conditions économiques sur un plan moral en surmontant l'égoïsme des hommes. Cette perspective unilatérale et extrêmement idéaliste est fatale à l'approche NPI, car les structures systémiques de l'économie de marché capitaliste, qui ne sont pas remises en question, surmontent le développement des entreprises et des personnes qui en font partie. L'approche NPI peut donc être instrumentalisée comme une tentative d'appropriation intégrale de l'homme pour la valorisation rentable du capital. Avec ses formules d'harmonie à la fois aveuglantes et socialement romantiques, elle contribue de manière idéologique à dissimuler l'opposition structurelle d'intérêts entre le capital et le travail. Dans ce contexte, le

541 La mise à l'épreuve empirique de cette typologie des phases n'a toutefois pas pu être discutée dans le cadre de ce travail.
542 Cf. Neuberger 1997, p. 58.

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L'approche NPI, contrairement à son intention émancipatrice, peut être classée comme une technologie sociale stabilisatrice du système.

Même si l'approche NPI manque son objectif, celui-ci ne perd en aucun cas sa distinction légitimante - au contraire : l'idée de l'économie associative représente, comme il a été clairement démontré dans le cadre de ce travail, une perspective concrète pour la réforme du contexte d'action économique dominant conformément au principe régulateur de la compréhension transsubjective. Dans ce contexte, la théorie de l'économie d'entreprise peut gagner de précieuses suggestions de la science sociale anthroposophique authentique, puisque c'est quad même, conformément à la comprehension de la science de l'école d'Erlangen, sa tâche la plus noble qui est de rendre plus "synthétiquement raisonnables", à la lumière du principe de transsubjectivité, les conditions de l'action économique qui sont privées de justification. 543

543 Cf. Steinmann/Gerum 1978, p. 49.

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