revenu de base et tri-articulation
Institut pour une triarticulation sociale

 

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Une série au sujet du revenu de base                     sommaire - précédent - suivant


Le piège du revenu de base


Le revenu de base : pathologie et effet d’un mouvement social — IX


Johannes Mosmann


 

Chaque pas vers un ordre économique humain deviendra utopique si l'attitude d’esprit articulé dans l'exigence d'un revenu de base inconditionnel se propage davantage. Le mouvement du revenu de base vend la plus grande passivité possible, à savoir le souhait que l'État "nous accorde" un revenu à tous, comme un jalon dans le développement moral. Cependant, seul l'individu peut agir de façon éthique. Lui seul pourrait en vérité "accorder" quelque chose à ses semblables. Exiger un revenu de l'État ne coûte rien à personne, du moins selon la théorie. Faire dépendre son revenu du fait que son propre travail réponde réellement aux besoins de ses semblables et s'orienter inconditionnellement à leurs demande, par contre déjà. Mais c'est le stade du développement moral qui doit maintenant être franchi en ce qui concerne la séparation du travail et du revenu. Ce n'est que de ce point de vue qu'il sera possible de mettre Amazon, Glencore ou Blackrock à leur place. En transférant la responsabilité de l'économie de l'individu au « nous » abstrait de l'État-nation, le mouvement du revenu de base déconnecte l'action éthique du processus économique et laisse,  aux grands groupes, le champ libre pour des formation de nœuds tumoraux dans les vies de droit, de l’économie et de l’esprit.

 Comme nous l'avons développé dans cet écrit, l’humain ne vit pas du fruit de son travail. Le travail vaut pour les besoins des autres et génère leurs revenus, tout comme, inversement, le revenu propre sera généré par le travail des autres. Le travail et le revenu sont séparés. Si par conséquent seulement les facteurs économiques venaient à être pris en considération dans le domaine économique, de sorte que [133] par exemple, le prix se formerait dans l'échange de prestation et de contre-prestation entre des individus également justifiés, personne ne pourrait être exploité. L’État construit cependant la « personne juridique » comme un concurrent non naturel de l'individu, le « brevet » comme une prérogative/un privilège sur des produits spirituels, et rend possible un revenu fondamentalement dépourvu de prestation par la propriété achetable tout comme l'amoncellement de valeurs d'actifs absurdes. Ce n'est pas le fait de l'économie de division du travail qui cause les disparités actuelles, mais l'ingérence des États dans cette économie. Seule à une vision très superficielle semble logique de chercher la réponse à l'enchevêtrement de l'État et de l'économie dans un enchevêtrement plus profond. D'autre part, l'étape radicale consistant à libérer l'État de son enchevêtrement et à le transformer en un État de droit démocratique, c'est-à-dire en un organe administratif qui n'englobe que la vie de droit, mais non plus la vie de l’économie et la vie de l’esprit, a été soulignée ici.

L'idée d'une tri-articulation sociale ainsi esquissée peut être difficile à comprendre dans cette brièveté et peut paraître au lecteur aussi discutable que l'introduction d'un revenu de base sans conditions. Cela permettrait quand-même malgré tout que soit devenu reconnaissable que le refus/le rejet d'un revenu de base inconditionnel ne doit en aucun cas reposer sur des motifs tels qu'ils seront supposés du côté du mouvement. S’il en allait finalement réellement des idéaux associés à un revenu de base inconditionnel, une compréhension serait facilement possible. En réalité, il en va cependant du détail - le paiement de l'argent. Les idéaux cités seront simplement associés à l'argent, mais pas poursuivis en tant que tels. Si l'on s'intéressait aux idéaux, on devrait d'abord prendre connaissance de ce que les critiques d'un revenu de base inconditionnel aimeraient généralement réaliser les mêmes idéaux et à cause de cela mettre en garde contre l'introduction d'un revenu de base inconditionnel.

[134]

Les partisans d'un revenu de base inconditionnel supposent cependant que fondamentalement :

1. le critique serait en faveur du travail rémunéré

2. le critique croirait que le revenu doit servir d'incitation au travail

3. le critique voudrait assortir les prestations sociales de conditions

 Cela signifie, ce mouvement génère lui-même l'image de ses « adversaires » supposé dans le miroir duquel il aimerait apparaître. De cette façon, toute conversation sur une éventuelle réalisation des idéaux qui sont en eux-mêmes tout à fait justifiés devient impossible dès le départ. Bien sûr, il y a aussi ces experts du traditionnel qui récitent les fondements de l'économie sociale de marché quelque part dans un coin d’un canapé de droit public (service public de l’information). En contraste à ces  éternels d'hier, il est évidemment facile d'apparaître comme un pionnier de la modernité. Toutefois, comme nous l'espérons, le véritable problème du mouvement du revenu de base réside précisément dans le fait qu'il n'améliore pas les conditions/rapports qu'il critique, mais qu'il s'y emmêle plus profondément ; il fournit même le fondement de psychologie de peuple pour la manifestation définitive du système du travail lucratif.

 L'idée d'un revenu de base inconditionnel est une expression d'indignation contre le système : le travail humain devrait être libéré des contraintes de la manière actuelle de l’économie. Cette impulsion pleinement justifiée, cependant, peut seulement se servirs des modèles de représentation qui ont été introduits dans l'âme que par ce système même. Avec cela le mouvement est donc le symptôme d'une maladie du temps. La vie de l'âme est toujours moins capable de garder le représenter mobile et de le transformer selon les impulsions qu'elle trouve en elle-même. Oui, certains complexes de représentation ont atteint un tel [135] degré d'indépendance qu'ils semblent se retirer entièrement de la saisie consciente. Aussi loin qu’ils constituent la base psychologique de la diffusion de l'idée d'un revenu de base inconditionnel, certains de ces modèles et complexes de représentation ont été mis en lumière ici.

En analogie au monde du travail, la pensée s’automatise aussi. C'est là le véritable défi de la « numérisation/digitalisation ». Aussi vrai que le travail humain externe est de plus en plus remplacé par des processus mécaniques, il est aussi vrai que la consommation passive de modèles de représentation livrés numériquement relaye/remplace le travail cognitif intérieur de manière croissante. Tant que l'humain ne peut se mettre en mouvement intérieurement et se libérer de ces schémas, ses « pensées libres » ne sont rien d'autre que l'écume sur les vagues du grand courant qui pousse l'humanité devant lui. La pénétration consciente dans les contextes/pendants internes de l'organisme social tri-articulé, telle qu’il a été démontrée ici, peut, vis-à-vis de cela, être un moyen possible de dissoudre ces modèles de représentation, d'appeler à l’éveil des forces plus profondes de connaissance et de revenir ainsi à des idées pratiques.