Si dans une région les relations culturelles
s’autonomisent, on ne verra jamais ce domaine culturel
donner lieu à aucun fait de guerre. On peut observer
cela jusque dans le détail. Les intérêts culturels ne
peuvent donner lieu à des conflits que si la vie de
l'état s’en mêle.
Là encore, seule l’expérience permet de juger
vraiment, mais il n’est pas nécessaire que les
expériences soient de grande envergure pour être
significatives. On a pu observer, par exemple, à
condition d’avoir l’œil dessus, qu’en Hongrie, à
l’époque où la vie de l’état ne s’était pas encore
mêlée de tout dans les régions germanophones, dans les
nombreuses régions peuplées d’Allemands, les gens dont
les enfants étaient bien entendu allemands envoyaient
ceux-ci dans des écoles où l’on parlait l’allemand,
tandis que les Magyars habitant des régions allemandes
envoyaient les leurs dans les écoles magyares et
vice-versa : les Allemands habitant des régions
où il y avait des écoles magyares envoyaient leurs
enfants là où il y avait des écoles allemandes. Cet
échange d’enfants se pratiquait librement.
Il s’agissait d’un libre échange linguistique de biens
culturels, de même qu’on peut cultiver le libre
échange d’autres biens culturels de pays à pays, de
ville à ville. Ce libre échange du patrimoine culturel
des langues était pour la nation hongroise synonyme de
paix durable dans toutes les régions où il se
pratiquait. L’échange en question portait la marque
des tendances nationales profondes. Tout changea
lorsque l'état s’en mêla.
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