X : La loi hollandaise permet de fonder une école
indépendante lorsqu'on y est sérieusement décidé.
Serait-il possible, si nous ne pouvions pas obtenir
d'argent en Hollande d'une autre façon, d'édifier une
école indépendante avec les subventions de l'État, à
la condition que nous puissions être entièrement
libres et garder l'enseignement entre nos mains ?
Rudolf Steiner : Dans cette question, il y a un point
que je ne comprends pas bien, un autre qui me paraît
douteux. Je ne comprends pas bien que l'on ne puisse
pas trouver d'argent en Hollande pour une école
véritablement libre. Pardonnez-moi, c'est peut-être
naïf de ma part, mais je n'arrive pas bien à
comprendre cela. Car il me semble tout de même que si
l'enthousiasme est assez grand, il est alors possible
tout au moins de commencer. Il n'y a pas besoin de
tant d'argent que cela pour commencer.
Le deuxième point qui me paraît douteux c'est qu'on
puisse réussir à le faire avec des subventions de
l'État. Car que l'État se laisse* enlever l'exercice
Le texte porte ici un « nicht » que nous supprimons,
en accord avec l'éditeur de l'édition allemande, car
le sens demande à l'évidence sa suppression. L'éditeur
allemand a l'intention de le supprimer lors de la
prochaine réédition. (N. d. T.)
de son droit de regard sur l'école s'il donne des
subventions, c'est cela qui me paraît bien douteux. Je
ne crois donc pas qu'on puisse fonder une école
véritablement libre avec des subventions, c'est-à-dire
sous la surveillance de l'État. Ce fut aussi à
Stuttgart un coup de chance, aimerais-je dire, que
l'École Waldorf ait été fondée tout juste avant que
l'Assemblée nationale de la République ait adopté une
loi scolaire sous l'égide de laquelle la fondation
d'une telle école était impossible, car, n'est-ce pas,
nous perdons toujours plus de liberté à mesure que le
libéralisme se répand. Et il est probable
qu'aujourd'hui, où le progrès règne en maître en
Allemagne, l'École Waldorf de Stuttgart ne pourrait
précisément plus être fondée. Mais elle a été fondée
avant. Et maintenant — voici que le monde a
aujourd'hui les yeux sur l'École Waldorf et on la
laissera subsister jusqu'à ce que le mouvement qui a
créé ce qu'on appelle l'école élémentaire soit assez
fort pour qu'on lui enlève au nom d'un fanatisme
quelconque ses quatre premières classes. J'espère que
nous pourrons l'empêcher, mais nous allons dans ce
domaine aussi vers des temps terribles. Et c'est
pourquoi j'insiste aussi fréquemment sur le fait qu'il
est nécessaire de faire sans tarder ce qui doit avoir
lieu ; car il se répand sur le monde une vague qui va
tout à fait dans le sens de l'État coercitif. Et il en
est réellement ainsi que la civilisation occidentale
s'expose au danger d'être un jour tout simplement
submergée par une civilisation plus ou moins asiatique
qui aura alors quelque chose de spirituel. Cela, les
hommes ne veulent pas le voir, mais les choses en
viendront jusque là.
N'est-ce pas, la chose en est seulement plus ou
moins retardée lorsqu'on croit pouvoir tout d'abord
faire appel aux subventions de l'État. Pour ma part,
je n'en attendrais pas grand chose. Mais quelqu'un a
peut-être une autre opinion. Je vous prie d'exprimer
aujourd'hui très librement toutes vos opinions.
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