En fin de compte, le mouvement de l’école Waldorf est
lié au mouvement pour la tri-articulation sociale. Le
mouvement de l’école Waldorf est seulement pensable
dans une libre vie de l’esprit. Ce que nous avons
d’abord trouvé comme intérêt de la pensée n’est pas
passé à un intérêt volontaire. Quand nous avons tenté
de mettre en pratique le seul moyen d’aller au-delà de
l’Europe du Centre, la fondation de l’Union mondiale
des écoles 4°, la fondation de l’Union mondiale des
écoles qui devait embrasser tout le mode civilisé a
échoué. La tentative de secouer la foi qu’avaient les
gens dans la nécessité d’un autre système scolaire, ce
que nous avons tenté de faire sous la forme de l’Union
mondiale des écoles a connu un lamentable fiasco. On
se sent si affreusement repoussé quand on fait appel à
la volonté. Je ne parle pas ici de lancer un appel
financier. Nous manquons d’argent mais nous manquons
beaucoup plus de volonté. L’intérêt des gens n’est pas
assez profond, sinon cet intérêt s'étendrait aux
domaines qui conviennent. [
Nous avons pu fonder l'école Waldorf. Monsieur
Stockmeyeen a lu le décret42 dont le résultat est qu'à
la date de Pâques 1925, nous perdrons la première
classe et progressivement les quatre classes
inférieures. Nous n'aurions guère pu les fonder
ailleurs. Avec la fondation de l'école Waldorf a été
saisi le moment opportun où il était possible de faire
une chose pareille. C'est toujours pour nous
l'occasion de désigner quelque chose comme l'action de
puissantes forces de décadence, quand l'enseignement
est livré ä un schématisme général. On peut toujours ä
nouveau dire comment ce qui est donné dans la
constitution de l'école primaire est arrivé ä sa phase
ultime, on peut le dire : dans le système scolaire de
Lounatcharski en Russie soviétique c'est désormais
réalisé ! Les gens pensent là-bas comme ils penseront
chez nous quand on appliquera cela dans toutes ses
conséquences. La misère dans l'Est de l'Europe est ce
qui résulte du fait qu'une telle manière de penser
portant sur des écoles non libres trouve ses voies
dans la pratique.
Pour susciter aujourd'hui l'enthousiasme avec des
discours tels que les gens sentent ruisseler dans
leurs âmes le sang spirituel, et sentir : Il faut
qu'un grand nombre de personnes qui comprennent cela
s'investissent, il faut répandre une opinion publique
—, avec de tels discours, je dois dire, quand j'ai
toujours pu passer au cours des vingt dernières années
de la diffusion de l'idée spirituelle ä un langage qui
ne faisait pas seulement appel aux coeurs dans un sens
théorique, mais aussi aux coeurs en tant qu'organes de
volonté —,] je me sentais ainsi dans la Société
anthroposophique, plus tard aussi dans d’autres
sociétés, tel que je me disais : est-ce que ces
gens n’ont pas d’oreilles ? — Il semble qu’on
n’ait pas su entendre ce qui devait passer des paroles
aux actes. Assister au fiasco de l’Union mondiale des
écoles était une chose qui pouvait mener au désespoir.
Les chiffres du budget scolaire parlent par
eux-mêmes ; mais ce qui va au-delà du langage des
chiffres, c’est ce qu’il faudrait souligner :
c’est la souffrance immense que l’on éprouve
aujourd’hui quand on se heurte au manque d’intérêt qui
existe dans de très vastes cercles. C’est là que nous
sommes obligés de nous dire : Certes, dans ces
cercles, l’intérêt existe pour une chose comme l’école
Waldorf, mais il faut aussi que l’intérêt pour les
bases qui ont été données à l’école Waldorf se répande
de façon beaucoup plus intense que cela ne se
manifeste aujourd’hui d’une façon ou d’une autre.
[Comment pense-t-on quand est donné lecture d'un texte
tel que ce décret ? On pense : Oui, peut-être
trouvera-t-on des moyens et des solutions pour faire
passer les petites classes pendant quelques années.
Même dans des cercles plus étroits, on ne pense pas
grand-chose d'autre : Peut-être aurons-nous encore
pendant quelques petites années la possibilité de
faire passer cela. Mais ce dont il s'agit, c'est que
chacun se mette ä l’œuvre aujourd’hui. ] Il faut que
le système scolaire se développe librement, comme cela
a été souligné depuis 1919. Cela ne peut, bien
entendu, pas se réaliser autrement que si, en plus des
membres de nos différentes associations, qui sont tout
à fait d’accord qu’une telle chose existe, que l’on
reçoive ce qu’ils veulent offrir, on trouve en plus
d’eux toujours plus de gens qui deviennent des membres
participant activement. Il faut d’abord que la volonté
naisse !
Je dirais que mon calcul est le suivant : si les
chiffres parlent, nous pouvons dire que nous n’avons
pas d’argent. Alors, on va de nouveau boucher un trou
tant bien que mal en faisant une collecte. Mais même
dans la méthode, nous n’avançons pas. Nous n’avançons
qu’avec la méthode que nous nous étions proposée quand
nous avions parlé de l’Union mondiale des écoles. Nous
devons avoir énergiquement foi dans le fait que ce
qu’on entreprend devienne vraiment une composante de
l’opinion publique. Pour maintenir l’école Waldorf et
pour continuer à fonder des écoles, il nous faut une
opinion publique qui devienne de plus en plus grande,
qui soit convaincue que l’esprit de l’ancien système
scolaire ne mène dans l’humanité qu’à des forces de
décadence. C’est cela qu’il nous faut. Ce n’est que si
nous pouvons nous renforcer dans l’idée de ne pas
seulement fonder, exclusivement, ici ou là une école
de plaisantins, pour pratiquer une sorte de
charlatanerie pédagogique, ce n’est que si nous nous
décidons à introduire nos principes éducatifs dans
l’opinion publique, de sorte qu’ils deviennent une
conviction intime pour des parents comme pour des gens
qui ne le sont pas, que nous avancerons !
Maintenant, pardonnez-moi si je n’évite vraiment pas,
en quelque sorte, de dire : Je sais que beaucoup
reconnaîtront comme juste ce que je viens de dire,
qu’ils le trouveront tout à fait juste, mais on ne le
reconnaîtra vraiment comme juste que si l’on fait
quelque chose ! Si l’on fait quelque chose !
C’est pourquoi il faudrait surtout veiller à ce que
nous ne fondions pas seulement des écoles à partir du
cercle des moyens que nous avons déjà, à partir de nos
branches et des bourses qu’on a déjà vidées, aussi
bien que possible nous devons nous efforcer d’agir
pour les idées, de sorte que les idées gagnent un
nombre toujours plus grand de personnes.
À cet égard, nous avons fait l’expérience opposée.
L’actuel numéro du journal pour la tri-articulation
sociale annonce qu’il sera à l’avenir une revue pour
l’anthroposophie.
Pourquoi ? Parce que les débuts très prometteurs
accomplis dans la connaissance de la tri-articulation
sociale se sont perdus dans le sable. Parce que nous
devons, au fond, revenir à ce qui était déjà notre
ligne de conduite autrefois, avant le mouvement pour
la tri-articulation. Bien qu’on ait beaucoup parlé de
la tri-articulation sociale, il en est de nouveau
ainsi que l’on tombe dans le désespoir quand on
discute avec les gens. Que cela doive devenir une
chose appelée à devenir opinion publique, c’est ce
qu’il nous faut avant tout si nous voulons avancer
avec l’école Waldorf.
Il faut bien dire que je parle de cela depuis assez
longtemps. Mais tout trouve un écho plutôt que ce que
j'ai dit aujourd’hui.
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