Les choses que l'on cultive chez nous sont vraiment
tirées de ce que j'ai appelé la connaissance de l'homme.
Et c'est précisément la caractéristique de notre école.
C'est bien pour cela aussi, au fond, que les enfants,
autant que nous pouvons le voir, aiment énormément venir
à l'école. Je ne manque jamais en effet de venir de
temps en temps à l'école et de participer . aux cours.
Nous nous efforçons de travailler à partir de la nature
de l'enfant, de telle façon que celui-ci éprouve en
quelque sorte le sentiment suivant : Je voudrais en
effet savoir, savoir faire, ce que je dois savoir et
savoir faire ici — et qu'il n'ait pas le sentiment que
cela lui est inculqué de force. Il faut évidemment y
parvenir d'une façon particulière pour chaque thème de
travail, car chacun est différent.
Et ensuite tout l'enseignement doit être imprégné d'un
certain principe éducatif. On ne peut y parvenir que si
l'enseignant est lui-même totalement présent dans la vie
de l'esprit. Il ne peut le faire s'il ne connaît pas
aussi la responsabilité vis-à-vis de la vie de l'esprit.
Mais, mes très chers auditeurs, la grande responsabilité
vis-à-vis de la vie de l'esprit, on ne la connaît que si
on ne vous l'a pas remplacée par un sentiment de
responsabilité purement extérieur. Quand on se contente
de se conformer à ce que la législation prescrit pour
chaque classe, on se croit également libre de la
nécessité de chercher et de sentir, semaine après
semaine, ce qu'on doit faire concernant le thème de
travail du moment, et comment on doit le faire. Puiser,
encore et encore, à la source vivante de l'esprit, tel
est le propre de nos enseignants. C'est là qu'il faut se
sentir responsable vis-à-vis de la vie de l'esprit.
Alors on doit savoir que la vie de l'esprit est libre,
alors l'école doit pouvoir s'administrer elle-même,
alors l'enseignant n'a pas le droit d'être un
fonctionnaire ; il doit être complètement son propre
maître ; car il reconnaît un maître plus éminent en tant
qu'une instance extérieure : la vie de l'esprit
elle-même, avec laquelle il entretient une relation
immédiate, et non à travers des autorités scolaires, des
recteurs ou des inspecteurs ou des inspecteurs généraux,
des directeurs d'étude, et ainsi de suite. La vie d'une
véritable école libre21 a besoin de cette mise en
relation directe avec les sources de la vie de l'esprit.
Car ce n'est que quand on possède en soi cette relation
que l'on peut transmettre aussi dans la salle de classe
la source de l'esprit aux enfants. C'est à cela que nous
aspirons de plus en plus, c'est cela que nous voulons.
Et nous avons nous-mêmes minutieusement vérifié mois
après mois, pendant la période où nous avons oeuvré,
comment nos principes, nos méthodes artistiques,
agissent chez les enfants. Et dans les années qui
viennent, beaucoup de choses s'accompliront déjà selon
d'autres points de vue, selon des points de vue plus
complets qu'au cours de l'année précédente. Et c'est
ainsi que nous souhaitons diriger cette école, à partir
d'une vie directe, comme il ne peut en être autrement
lorsqu'elle jaillit de fondements spirituels. Ne
craignez pas que nous voulions faire de cette école une
école idéologique et que nous voulions inculquer aux
enfants des dogmes peut-être anthroposophiques ou
autres. Cela ne nous vient pas à l'idée. Celui qui
prétendrait que nous voulons inculquer aux enfants
certaines choses qui seraient précisément des
convictions anthroposophiques ne dirait pas la vérité.
Nous voulons plutôt — précisément en vertu de ce qu'est
pour nous l'anthroposophie — développer un art
pédagogique. C'est au « comment » de la pédagogie que
nous voulons accéder à partir de notre connaissance
spirituelle. Nous ne voulons pas inculquer aux enfants
ce que nous pensons, nous croyons au contraire que la
science de l'esprit se différencie de tout autre type de
science en ceci qu'elle comble l'être humain tout
entier, qu'elle le rend habile dans tous les domaines,
surtout en ce qui concerne la façon de traiter les êtres
humains. C'est à ce « comment » que nous voulons être
attentifs, pas au « quoi ». Le « quoi » résulte des
nécessités sociales ; cela, on doit le rechercher, avec
un intérêt total, dans ce que l'homme est censé savoir
et savoir faire, s'il doit se situer dans son époque en
homme capable. Mais le « comment », comment on doit
apprendre quelque chose aux enfants, cela ne résulte que
d'une connaissance précise, profonde et pleine d'amour
de l'être humain. C'est elle qui doit régner et oeuvrer
au sein de notre école Waldorf.
[...]
Au sein de notre collège d'enseignants et dans tout ce
qui est lié à notre enseignement, nous avons besoin de
vivre en permanence dans l'amour du travail
d'enseignant, dans l'amour du soin porté aux enfants. On
y parvient par le fait que, derrière notre collège
d'enseignants et derrière tous ceux qui ont à faire avec
notre école, se tient une véritable vie spirituelle, une
vie spirituelle qui porte un regard honnête et sincère
sur l'essor et le progrès spirituel, économique,
étatique de l'humanité. On y parvient par le fait que
cette attitude pédagogique, que l'habileté dans l'art
d'enseigner, telles qu'elles doivent oeuvrer dans notre
école, sont entourées du mur que forment des parents qui
nous considèrent avec compréhension et vouent à notre
école une cordiale amitié. Si nous les avons, alors, mes
chers amis, l'oeuvre de notre école réussira ; et nous
pouvons être convaincus, mes chers auditeurs, qu'en
faisant du bien à notre école, à vos enfants, nous
faisons aussi, en même temps, du bien à toute
l'humanité, telle qu'elle doit se développer à l'avenir.
Car accomplir un véritable travail d'éducation, un
véritable travail scolaire, signifie en même temps
accomplir un sérieux et vrai travail de progrès pour
l'humanité.
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