C'est là une chose sur laquelle il importe de ne pas
se leurrer : la civilisation moderne, engagée à une
vitesse croissante sur la pente du matérialisme, porte
préjudice à la nature spirituelle de l'homme, et
signifie pour lui un relâchement progressif du lien
avec son ange. Or voici ce qu'il en est : c'est
précisément à l'approche du minuit de l'existence que
l'homme doit, par l'intermédiaire de son ange, établir
un lien avec l'archange. Et si, dans le monde
spirituel, le lien de l'homme avec l'ange doit, comme
il le peut, être réciproque, il faut que l'homme se
soit nourri d'un contenu spirituel, en d'autres
termes, qu'il donne une coloration religieuse à ses
impulsions morales.
06013 - Le danger qui menace l'homme contemporain est
donc, si l'évolution actuelle poursuit sa pente, le
relâchement de son lien avec l'ange, entraînant une
incapacité à établir un rapport intime avec
l'archange. Or l'archange travaille à son retour vers
l'incarnation physique suivante. L'archange travaille
tout spécialement à l'élaboration des forces qui vont
ramener l'être humain au sein d'un peuple particulier.
06014 - Or ce qui se passe depuis déjà des siècles,
c'est que chez certains hommes, dont la vie intérieure
manque de spiritualité, le lien avec l'archange se
développe d'une manière unilatérale ; l'homme est
alors incapable de lier organiquement son âme et sa
vie intérieure à la vie d'un peuple ; il est comme
importé de l'extérieur, inséré par, disons,
l'ordonnance universelle, dans un peuple donné, dont
la direction revient à l'archange correspondant. Notre
époque, avec sa mise en valeur si déséquilibrée des
causes nationales, restera incompréhensible tant que
les motifs réels en resteront secrets, à savoir que,
depuis quelque temps, les âmes qui s'incarnent ont des
liens très lâches avec leur ange, et n'ont, de ce
fait, pas de lien intérieur avec l'archange, que',
partant, elles ne peuvent que s'implanter de
l'extérieur dans la vie d'un peuple ; la vie de ce
peuple n'est alors en eux qu'une impulsion sans âme ;
et ce ne sont que des instincts extérieurs, des
obédiences linguistiques, et toutes sortes de
tendances cocardières qui lient ces hommes à un peuple
particulier. Dans les cas, fort rares, où c'est son
âme qui s'est engagée
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dans la vie d'un peuple, l'être humain ne va pas
tomber dans le chauvinisme, dans l'exclusivisme
nationaliste : bien au contraire, ce sont les forces
fécondes de l'âme du peuple qu'il va prendre à son
propre compte, individualiser, développer. Mais il
n'ira pas se faire le champion cocardier du peuple
auquel il appartient. Il en prendra la tonalité
particulière, et ses faits et gestes d'être humain en
seront imprégnés, mais il ignorera les fanfaronnades,
surtout sur le mode agressif.
06015 - Or que voit-on de nos jours ? Précisément cela
: le nationalisme devient principe politique à
l'échelle mondiale, faisant fortement obstacle à
l'évolution de l'humanité ; la cause, il faut la
chercher dans ce que je viens d'évoquer. En effet,
lors du minuit de l'existence — (qu'il ne faut pas
considérer comme un instant ponctuel, mais comme une
longue période qui le précède et le suit) —, lorsque
le lien qui alors s'établit n'est pas imprégné d'âme,
c'est-à-dire qu'on n'a pas franchi la mort en étant
imprégné d'une ferveur religieuse véritablement
spirituelle, et non pas nominale, — et bien,
l'archange ne peut agir que sur l'élément végétal du
cosmos et ce qui en deviendra élément végétal humain.
Cela signifie que, dans ce cas-là, l'archange ne peut
intervenir qu'à travers des forces profondément
enfouies dans le subconscient de l'homme, — des forces
végétatives, qui règlent les modalités respiratoires,
elles-mêmes modifiées par les circonstances
linguistiques ; en d'autres termes, il ne peut
intervenir qu'à travers ce qui se grave sur un mode
végétatif par le langage dans l'organisation humaine.
Ce qui se passe alors, c'est que l'être humain, dès sa
plus tendre enfance, se lie au cours de sa croissance
de manière tout extérieure au langage qu'il apprend.
Alors que s'il avait pu, par l'intermédiaire de son
ange, lier intérieurement son âme à l'archange, son
âme se fût elle aussi liée au langage, il eût en
quelque sorte perçu le génie d'un langage, et n'eût
pas été condamné à une perception extérieure de ses
mécanismes, comme c'est si souvent le cas de nos
jours.
06016 - Oui, nous voyons aujourd'hui à quel point les
hommes ne sont à certains égards qu'une empreinte
mécanique de la langue et qu'en somme, non seulement
ils portent en leur être le ton général propre à
celle-ci, mais ont vraiment l'air d'être sa réplique :
l'expression du visage devient l'expression du
caractère d'une langue. Les caractères nationaux, tels
qu'ils nous apparaissent aujourd'hui dans les
physionomies particulières propres aux différents
peuples, sont le fait d'une intervention extérieure
des archanges sur les hommes.
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