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Johannes Kiersch - L’ÉSOTÉRISME INDIVIDUALISÉ DE RUDOLF STEINER AUTREFOIS ET MAINTENANT
À propos du développement de l'Université libre pour la science de l’esprit   retour au sommaire


4. Fondation et édification de la Freie Hochschule für Geistwissenschaft (Université libre pour une science de l’esprit) jusqu'en mars 1925


Les anthroposophes connaissent bien le risque que Rudolf Steiner prit lorsqu'il décida, à l'automne 1923, de prendre la présidence de la Société anthroposophique universelle et avec cela ne pas être seulement actif comme maître spirituel, mais de porter personnellement la responsabilité de toute l'organisation aussi du travail exotérique de cette association. Il ne pouvait pas être sûr que le monde spirituel accepterait cette décision et y resterait ouvert. Il s'est ensuite avéré, dans la richesse historiquement unique de l'inspiration qu'il a reçue au cours des derniers mois restant, que son courage et sa confiance avaient été conformes à la réalité. Les révélations du monde spirituel continuèrent à affluer. Le Mouvement anthroposophique et la Société anthroposophique ont pu être unis. Un « train ésotérique » entra avec cela dans la société. L'anthroposophie était désormais administrée dans cette société, pas seulement de manière traditionnelle, mais elle pouvait être faite/pratiquée 72.

 

Depuis lors, les événements qui y sont associés ont été présentés et commentés de diverses façons.73 Ils ne doivent pas être rapportés ici de façon chronologique ou systématique. Nous nous limitons à la reproduction des déclarations de Steiner, d'où l'on peut déduire ses intentions, notamment en ce qui concerne la création de la Freie Hochschule für Geistwissenschaft.

Dans le discours d'ouverture de la conférence de Noël du 24 décembre 1923, Steiner donne un premier aperçu du projet de « Statuts » pour la fondation de la Société anthroposophique universelle et donne les noms de ses collaborateurs les plus proches qui formeront avec lui le nouveau conseil d'administration selon sa proposition : Albert Steffen, Marie Steiner, Ita Wegman, Elisabeth Vreede et Guenther Wachsmuth.


72 Voir notamment la conférence du 5.9.1924, GA 238 (1974), p. 11 et suivantes.

73 Voir la littérature citée dans Prokofieff 2002, p. 1051.

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On remarque qu'il a la parité des hommes et des femmes,exactement en accord avec le principe qu'il a formulé dans le contexte de l'ésotérisme précoce: que « dans la pensée de l'union de forces spirituelles masculines et féminines », serait à trouver ce qui serait le créateur dans l'avenir, devrait en fait être l'efficace » 74.

 Dès le début de son activité de fonction, il résout maintenant le problème de l'interaction du mouvement spirituel et de l'organisation sensible et physique, soulevé à maintes reprises depuis 1904. Comme pour la « Fondation » de 1911, il renonce à toute hiérarchie jugée indispensable jusqu' à nos jours dans les associations occultes de type traditionnel et dans les communautés religieuses, ainsi qu' à chaque sorte de pouvoir de direction. Le conseil d'administration de la société dispose - avant tout, mais pas seulement - de l'autorité de la coopération/collaboration inspirante de Rudolf Steiner. Mais il n'a aucune prétention au pouvoir. Rudolf Steiner le considère comme un organe de l'initiative; le Goetheanum est donc considéré conformément comme un lieu de travail qui invite les gens à travailler ensemble. Lors de la conférence d'ouverture de la conférence de Noël, le conseil d'administration se voit comme un groupe de personnes qui disent là : « Nous voulons faire quelque chose ici au Goetheanum et nous allons entrer en échange par ceci ou cela que nous faisons, avec ceux qui le veulent individuellement ou en groupe ». Ce comité ne voulait être rien d’autre qu’ « un groupe d'initiative pour la chose anthroposophique » .75

Se rattachant à cela, et également déjà dans la conférence d’ouverture, Rudolf Steiner s’approche de la question de savoir comment seraient à façonner les relations de travail auxquelles aspire le comité au Goetheanum avec les porteurs anthroposophiques d'initiative dans le monde entier.


74 GA 93, p. 289, cf. les descriptions détaillées du problème de la polarité de genre dans la tradition maçonnique dans les conférences du 23.10.1905 et 2.1.1906, GA 93. Ceci inclut également une note de Marie von Sivers dans la conférence du 9.4.1906:"La signification future de la franc-maçonnerie réside dans la coopération occulte de l'homme et de la femme. Les excès de la culture masculine doivent être réprimés par les pouvoirs occultes des femmes." (Cité après Wiesberger 1997, p. 179)

75 GA 260 (1994), p. 53. Rudolf Steiner parle également de l'"Initiativ-Vorstand" (contrairement à un "Verwaltungsvorstand") dans la conférence du 29.3.1924 à Prague (GA 260a, 5.183 et 188), de même dans la Nbl. du 6.4.1924 (voir annexe 1) et dans l'heure de classe B (GA 270/1, p. 145 et suivantes).

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Naturellement, le comité central doit œuvrer de Dornach, mais en même temps le coup d’œil s’oriente de manière très décisive aux activités correspondantes dans d'autres lieux : « De la vie doit donc entrer dans toute la chose : ce n'est pas un conseil d'administration bureaucratiquement dispersé et éparpillé dans le monde entier, mais pour les différents groupes des fonctionnaires responsables qui proviennent des groupes eux-mêmes, mais qui auront à tout moment la possibilité de se sentir dans la plus pleine mesure comme membres également justifiés du conseil d'administration, mais qui est localisé à Dornach. Trois jours plus tard, au début du débat sur les « Statuts », Rudolf Steiner clarifie ce qui a été dit en insistant une fois de plus sur la fonction d’initiative du « comité exécutif » de Dornach - il parle ici d'« initiative centrale » -, mais se réfère alors au supplément aux membres de l'hebdomadaire « Das Goetheanum », dont il se promet « une perpétuelle action vers l’extérieur du comité ».77 En tant qu'organe nécessaire de l'effet polaire opposé de l'étranger au Goetheanum, il propose un cercle de « correspondants du conseil d'administration », « qui assumeraient l'obligation volontaire de nous écrire ici chaque semaine une lettre sur ce qu'ils trouvent remarquable dehors dans le monde dans la vie spirituelle et qui pourrait intéresser la Société anthroposophique ». ( Plus tard suit la proposition complémentaire qu’Albert Steffen pourrait quand même publier un choix de ces lettres dans l’hebdomadaire, ce à quoi Steffen souscrit.)78 Ces correspondants formeraient « en une certaine mesure le comité exécutif (NDT : Kräftevorstand : lit. Comité de forces) externe entièrement équivalent au comité exécutif central » à Dornach.79 Avec cela – et cela apparait de signification porteuse d’avenir - Rudolf Steiner relie à nouveau une image de la vie organique : celle de la circulation sanguine. (En ce qui concerne l'image du cœur dans le système circulatoire d'une perspective médicale : Kümmell 2006. Sur cela aussi Michaela Glöckler dans Glöckler/Heine 2010, p. 12,26s., 31s.) « .... Vous savez, on a pas seulement besoin d’œuvrer à des forces de circulation sanguine qui agissent centrifuges, mais aussi à de telles qui œuvrent centripète, œuvrent en retour à nouveau. Et c'est pourquoi devrait être aussi veiller à ce qu'un nombre de membres s’unissent, dans une certaine mesure, étroitement avec leur âme avec le comité dans tout ce qui concerne pas seulement la Société anthroposophique dans le sens étroit, mais peut concerner toute la vie spirituelle du présent en pendant avec l’activité de la Société anthroposophique, qu'un certain nombre de membres, en étroite communauté d’âmeavec le Conseil d'administration, devrait être médiateur/transmetteur de ce qui se passe à l'extérieur dans le monde.

 

76 GA 260, P. 56.

77 Ebenda, p. 107 et suivantes.

78 Ebenda, p. 200 f.

79 Ébène, p. 109.

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 Par cela nous arrivons à une constitution pleinement libre de la Société anthroposophique reposant sur la libre circulation/le libre échange. Nous arrivons par cela que de chaquedirection [pensé est bien de chacune des deux directions] sortent des impulsions.80 Il propose concrètement en rattachement qui pourrait former le cercle extérieur des correspondants : en première ligne, Joseph van Leer, l'homme d'affaires international d'expérience qui a généreusement soutenu le « Congrès Ouest-Est » de 1922 et qui vient de prendre des responsabilités importantes dans le domaine de la future Weleda,81 ainsi qu’alors Henry Monges, Harry Collison, Millicent Mackenzie, Karl Ingerö, Willem Zeylmans d'Emmichoven, Alice Sauerwein, Emmelina de Renzis, Charlotte Ferreri, Lina Schwarz, Ludwig Polzer-Hoditz, Carl Unger, Emil Leinhas, Hans Büchenbacher : Des humains donc, qui se tiennent debout avec les deux jambes dans la vie publique, mais qui se sont avérés en même temps en tant comme porteurs anthroposophiques de responsabilités. Certains d'entre eux appartiennent, en tant que secrétaires généraux respectivement représentants de groupes, en même temps au cercle susmentionné des fonctionnaires mandatés de l’extérieur, d'autres non. Et d'autre part, tous les fonctionnaires ne sont pas invités à agir en tant que « correspondants » .82

Dès le début du congrès de Noël, Rudolf Steiner envisage deux cercles de personnes absolument différents qui, dans le sens d’une collaboration des initiatives d’après l’image de la circulation sanguine, devraient entrer en échange avec le comité central de Dornach: les fonctionnaires délégués par les sociétés des pays et d'autres groupements et les « correspondants ». Il s'intéresse aux rapports humains concrets dans les pays et domaines de travail particuliers, à ce qui a déjà été amener en l’état avec succès, comme dans « l'art théosophique » de la « Fondation » de 1911, et les facultés personnelles particulières de personnes particulières qu'il connaît bien. De cette manière, - pour le temps limité de son action terrestre -, il résout le problème de l'équilibre des forces entre le centre et la périphérie, un problème qui devient virulent aussitôt après sa mort et nécessite toujours de nouveau de nouvelles solutions jusqu' à nos jours.

 

80 ibid. 5,108.

81 M. Treichler in Platon 2003, p. 434f.

82 Lindenberg a commis une erreur sur ce point en 1997, p. 864.

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En pendant avec cela, il explique le rapport entre les trois classes de l'université et les sections,83 établi que le Comité et les directeurs de section - en tant que « co-conseillers »- forment ensemble la direction du Goetheanum84, et ajoute pour expliquer comment le conseil d'administration, la direction de l'université et le collège diffèrent fonctionnellement les uns des autres. ».

Déjà après la pose solennelle de la pierre de fondation, le 25 décembre et le début de l'assemblée constitutive, qui comprend la présentation des représentants des pays et quelques rapports, une réunion du nouveau conseil d'administration à lieu avec les secrétaires généraux entrants aura lieu en début d'après-midi pour échanger sur des « statuts » publiés la veille. A cette occasion Willem Zeylmans van Emmichoven, Secrétaire général des Pays-Bas, demande si les sociétés particulières de pays ont quelque chose à voir avec les demandes d'admission à la Freie Hochschule für Geistwissenschaft (Ecole libre de sciences de l’esprit) citées au § 5 des « Statuts ». Rudolf Steiner indique clairement que la direction de l'université procéderait totalement autonome à cet égard, qu'elle prendrait les admissions comme une « chose ésotérique » indépendamment des sociétés de pays, qu'elles devraient se limiter à une fonction purement protectrice vis-à-vis de l'université et qu'il aurait en vue que les membres des classes dans les différents pays auraient leurs propres organes de direction. En détail, il dit:

Parmi les choses qui y sont traitées, il y aura naturellement aussi que l'on entre en liaison pas seulement avec les fonctionnaires, mais aussi avec les membres qui ici ou là fournissent ce travail. Et alors des membres des première, deuxième et troisième classe du Goetheanum seront partout par nomination de la direction du Goetheanum. Par quels chemins ils le deviendront, cela dépendra entièrement du cas individuel; car ce sera essentiellement une sorte de chose ésotérique, mais ce sera une chose ésotérique traitée au sens moderne du terme.

 

83 GA 260, p. 112 et suivantes.

84 ibid. p. 126.

85 Ebenda, p. 131.

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Maintenant, une fois que cette chose sera en cours, il s’en établira que dans les différentes Sociétés de pays sont des membres qui appartiennent à l'une des classes du Goetheanum. Pour ceux-ci une direction propre sera alors nommée par le Goetheanum dans les pays concernés, de sorte que l’on ai délimité les choses territorialement afin que cela n’aille pas à la dérive (NDT : ins Uferlose : lit. Au dépourvu de rivage). Donc cette affaire – je l’expliquerais encore au cours du congrès - sera donc essentiellement effectuée par la direction du Goetheanum lui-même. Vous avez le point 7 pour cela : « L’institution de l’Université libre incombe tout d'abord à Rudolf Steiner, qui a à nommer ses collaborateurs et son éventuel successeur » 86.

 

Le lendemain, un grand sujet supplémentaire retentit : « Nous devons être clairs sur le fait que tout de suite à notre société incombera la tâche de mettre en relation le plus grand public possible avec un véritable, vrai ésotérisme ». A cette fin, il est nécessaire d'éviter tout ce qui ressemble à toute association conventionnelle et de veiller à ce « que les cœurs puissent sonner ensemble sans que les têtes ne se heurtent ».87 Comment cela est-il à penser ? Tout « véritable ésotérisme » n'était-il pas de tous temps lié à des règles strictes de tenue au secret, à ce que les francs-maçons décrivent comme la « discipline des arcanes », la stricte protection de contenus sacrés de la profanation ? L'effet de ces contenus dans la vie ne dépend-il pas de leur secret, comme le souligne Rudolf Steiner encore une fois strict dans sa dernière heure de classe? Où se termine l'espace public et où commence l'ésotérisme ?

La référence de Rudolf Steiner à la nécessaire harmonie des cœurs attire l'attention sur le fait qu'il ne s'agit pas ici d'une sorte de séparation de district, qui pourrait s’orienter à des contenus. Le fait que les cycles de conférences anthroposophiques générales jusqu'alors secrètes soient donnés libres à la vente, même s'ils ne devraient pas être distribués/comercialisés par l'intermédiaire du commerce du livre,88 est un premier grand pas, mais quand même un geste démonstratif, qui n' a guère pu être évité par de nombreux cas de distributions non autorisées et par l'échange de toute façon généralisé de copies erronées.


86 ibid. p. 80.

87 ibid, p. 92.

88 Dans un premier temps, l’ésotérisme professionnel des cours spécialisés, tels que les cours internes d'enseignants, de médecins et de prêtres, continuera à être diffusé seulement l’obligation au secret. (ibid, 5 152)

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Est-ce que Rudolf Steiner pense que ses élèves aient encore à se soucier plus intensivement que cela s’est passé dans les innombrables conférences, congrès, entreprises artistiques, stages des années précédentes de ce que nous appelons aujourd'hui le « travail public » ? Ne rejette-t-il pas explicitement l'« agitation » pour la bonne cause?89 Peut-être pense-t-il quand même davantage à l'amélioration de l'accessibilité des institutions anthroposophiques? Ou à introduire dans le discours public des sujets qui, jusqu'alors, n'avaient été abordés qu' à huis clos ou en réserve, comme cela se passe dans le système académique des Églises et unions ou - aujourd'hui plus que jadis - dans les médias ? Et comment tout cela serait-il a « relier » à l'ésotérisme?

 

Il est d’une grande aide, pour répondre à de telles questions, de clarifier comment Rudolf Steiner, à partir de la conférence de Noël place la Freie Hochschule für Geistwissenschaft dans l'espace de conscience de la Société anthroposophique, mais aussi dans le grand public. L'université est expressément mentionnée dans les « statuts » accessibles au public. Leur existence n'est pas un secret - à la différence de l'ésotérisme précoce dont, en règle générale, pas une fois les membres de la Société Théosophique en savaient quelque chose. Son édification en trois classes est décrite, sa division en sections, sa direction. (Le fait qu'après la Seconde Guerre mondiale, au moins en Allemagne, l'existence de l'université, le sens et la nature de ses activités ont été complètement dissimulés en de nombreux endroits semble être un fait qui ne se tient pas en accord aux intentions initiales de Rudolf Steiner.) Rudolf Steiner annonce régulièrement dans le bulletin d'information destiné aux membres de la Société anthroposophique, où il a donné des heures de classe et partage des informations plus détaillées là-dessus.90 Lorsqu'il informe les anthroposophes de Dornach encore plus en détail après le début des admissions pour la première classe, il établi que l'université « ne sera pas une société secrète ».


89 GA 260a (1987), p. 123, en référence à la Lettre des membres du 27 janvier 1924.

90 Ainsi au sujet des deux classes à Prague avec l'annonce qu'il y avait plus de cent membres admis à la première classe (Nbl, 13.4.1924, GA 260 a, p. 198), sur les deux heures du cours d'agriculture à Koberwitz:"J'ai montré comment le chemin de la connaissance spirituelle et des expériences spirituelles peut être compris pendant le passage de l'observation sensuelle à l'observation spirituelle par le travail intérieur de l'âme" (Nbl, 22.6.1924, GA 260a, p. 318), et sur "une heure de classe de la section pédagogique générale" au cours de Berne (Nbl., 27.4.1924, p. 62).

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« Elle veillera à ce que l’on puisse toujours savoir dans un large environnement, ce qu’elle fait ».91 Quelques jours auparavant, il avait déjà écrit dans la feuille d'information sur les différentes manières de travailler dans la société et l'université. Dans la Société anthroposophique, « l'être humain » apprendrait à connaitre « tout d'abord le monde spirituel sous forme d'idées ». « Mais il y aura des personnalités qui voudront prendre part aux descriptions du monde spirituel, qui monteront de la forme des idées à des formes d'expression qui sont empruntées au monde spirituel lui-même. Et se trouveront aussi de tels qui veulent apprendre à connaître les chemins dans le monde spirituel afin de les parcourir avec leur propre âme.

  Les trois classes de ‘l'école’ seront là pour de telles personnalités. Là les travaux atteindront progressivement un degré d'ésotérisme de plus en plus élevé. ‘L’école’ introduira le participant dans les domaines de la vie de l’esprit qui ne pourront pas être manifestés par la forme des idées. Chez eux intervient la nécessité de trouver des moyens d'expression pour les imaginations, les inspirations et les intuitions ».92

 

Rudolf Steiner s'exprime encore plus clairement quelques mois plus tard, après que les huit premières heures de classes aient eu lieu. Maintenant, il va même jusqu'à reproduire aussi le contenu des heures de base jusqu'aux images et aux expressions idiomatiques pour les personnes qui n'appartiennent pas à l'université. L'essai se termine par une phrase de poids : « Ce qui est dit ici de façon exotérique sera développé de manière ésotérique dans l'école ».93

 

Encore une fois, nous rencontrons ici la polarité du devenir et du devenu, de la vie et de la forme que nous avions devant nous dans l'ésotérisme précoce. Rudolf Steiner reprend ici ce qu'il a déjà représenté dans une heure de leçon de l'ancienne école ésotérique :

Il est toujours bon de devenir clair vis-à-vis de soi-même, au début d'une heure ésotérique, sur ce que signifie réellement une heure ésotérique. Ce  dont nous traitons en une telle heure ne diffère pas en fait matériellement de ce que nous entendons en une heure exotérique. Aussi tout ce qui sera expliqué dans une heure exotérique est sous l'influence de ces êtres élevés que nous nommons comme maîtres de la sagesse et du concert des sensations/sentiments.


91 Conférence du 30.1.1924, GA 260a, 5,128.

92 Nbl., 20.1.1924, GA 260a, p. 108f.

93 Nbl. 20.4.1924, GA 260a, p. 203, voir annexe 1.

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Mais ce que nous vivons dans une heure ésotérique est sous l'influence entièrement directe des maîtres sublimes, et sera communiqué seulement sous leur influence immédiate et leur pleine responsabilité. C'est pourquoi il s'agit moins de ce que nous recevons à entendre d’après la matière dans une heure ésotérique, mais beaucoup plus que nos âmes vivent quelque chose. Comment l'âme se comporte à ce qui lui afflue de courants spirituels, c'est ce qui importe. L'humeur/l’ambiance de l'âme avant et après une heure ésotérique doit être tout à fait différente. Et il n'est pas du tout essentiel, si l'âme ait toujours actuel ce qui a été vécu dans une heure ésotérique, mais elle doit avoir le sentiment qu'elle a pris quelque chose avec elle. Ce doit être comme quand une machine électrisée est chargée avec de l'électricité une fois et pas une autre fois. Comme on connaît son nom, il faut porter dans l’âme ce qui est reçu dans l'heure ésotérique. N’est-ce pas, on connait le nom, aussitôt qu'on sera questionné après cela, même si on ne se le répète pas toujours. Ainsi, le courant de la vie ésotérique doit toujours reposer dans l'âme. La vie ésotérique va alors toujours plus approfondir notre âme, et cela est nécessaire pour la période à venir.94

 

L'exotériquement dit est fixé et peut rester, comme il est ; l'ésotérique se développant continue de vivre. Il se transforme avec le temps dans l’exercice poursuivi dans la pratique. Il n'y a pas de différence significative entre les deux en rapport au contenu de la pensée.

La direction dans laquelle nous avons à chercher ici est particulièrement évidente dans les heures de classe elles-mêmes. Au début de la première heure, Rudolf Steiner indique sur le sérieux exigé par la situation actuelle. Au cours des dernières années, l'université a été menacée par des tentatives d'introduire en elle des choses qui ne correspondaient pas à son essence; elle devrait maintenant être retourner à sa tâche propre « en tant qu'institution ésotérique ». Rudolf Steiner appel alors aussi au nécessaire « sérieux » dans la deuxième heure, et en même temps au motif du « devenir » hors du vieil ésotérisme.


94 GA 266/1 (1995), p. 281, cf. également les remarques critiques de Steiner sur une "Anthroposophie du livre de cuisine" consolidées dans les recettes dans la conférence du 28 février 1923, GA 257, p. 131, et dans la conférence du 3 mars 1923, GA 257, p. 180.

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Chacun qui veut faire partie de la classe devrait se dire : « N'y a-t-il pas pour moi quelque chose que je peux faire - maintenant que la Société anthroposophique a été fondée nouvelle - autrement que j'ai fait les choses dans le passé ? Ne pourrais-je pas introduire quelque chose de nouveau dans ma vie comme anthroposophe ? Ne pourrais-je pas changer la façon, dont j’ai œuvré autrefois, par ce que j’introduise un quelque nouveau particulier ? ».95

En cela, serait à lutter contre « le vieux ronron », contre la « vanité », contre les nombreux « mensonges de vie » de notre existence moderne. D’efforts de la sorte pourrait se former l’ambiance, de laquelle la collaboration dans la classe gagnerait sa force.96 Les qualités morales et de telles de la vie de la Gemüt (NDT : paisible vie intérieure serait une tentative de traduction), la mentalité intérieure sont donc ce qui compte dans le domaine ésotérique de l'université.

Au cours de la quatrième heure, ces qualités sont caractérisées encore plus en détail. Rudolf Steiner illustre ce qu'il pense par un récit exemplaire de « vieilles traditions ésotériques ». Il est parlé là d'un disciple des mystères qui a atteint une première étape de maturité intérieure et qui est « entré dans une relation avec le monde spirituel », qui est caractérisée par le fait que l’on « accepte correctement les communications du monde spirituel conformément au sensations ». Le maître ésotérique lui dit : « Tu dois des paroles que je t'adresse au nom des dieux, tout ton penser, tout ton sentir, tout ton vouloir. Tu dois amener en vis-à-vis de ce que je te dis, tout l'enthousiasme de ton âme, toute la chaleur intérieure, toute la chaleur intérieure, tout le feu intérieur. Tu dois amener en vis-à-vis ta pleine vigilance; une vigilance aussi forte que tu peux la déployer dans ta vie de l'âme. Mais il est une force de l'âme à laquelle je ne fais pas appel chez toi au début, pas du tout appel : c'est ta mémoire.... Je suis satisfait quand demain déjà tu as... oublié ce que je te dis. ... A chaque jour cela devrait être nouveau et fraichement vivant ».97 La vertu de la « modestie » serait nécessaire pour cela, la faculté « d'entendre derrière les mots », la capacité de garder le silence. « .... nous devrions développer cette humeur/ambiance que l'ésotérisme doit d'abord se vivre lui-même dans le tissage sans paroles de l'âme avant qu'il puisse être vu intérieurement en nous comme mûri »98.

 

De même, certaines formulations de la onzième heure de classe, où est parlé de la méditation des mantras, sont tout aussi révélatrices.

95 GA 270/1, P. 28.

96 ibid. p. 29.

97 ibid. p. 64.

98 Ébène, p. 68.

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« Le vrai méditer, le véritable exercice de l'âme, cela ne réside pas dans le contenu théorique, intellectuel d'un vers de méditation, cela repose dans le caractère mantrique. Le caractère mantrique est donné par ce que le sens se dissout en situation et événement... ».99 Rudolf Steiner conduit ici très clairement ses élèves à l'expérience de seuil, qu'il a caractérisée en 1917 dans « Von Seelenräseln » (« Des énigmes de l’âme ») avec les mots : « Et de l'expérience prudente que [l'âme] peut avoir avec les différentes représentations frontières, se particularise le sentiment/la sensation général/e d'un monde spirituel en une perception multiple du même ».100

Les qualités d'humeur/d’ambiance et l'implication existentielle sont donc ce qui distingue « l'ésotérisme réel et véritable » de la « sphère publique » exotérique. L'activité exotérique, comme elle sera promue par les membres de l'université dans la vie, se meut dans les formes de pensée de la raison liée aux sens. Ici est le champ de la libre confrontation intellectuelle, des différentes façons de voir, des arguments avec lesquels « les têtes s'affrontent ». 101 Dans le domaine de l'ésotérisme, il s’agit que « les cœurs puissent sonner ensemble ». Cela exige chaque/ces faculté plus profondes de l'âme humaine, sur lesquelles les considérations méthodiques des heures de classe nous rendent si fortement attentifs. Partout où ces facultés prennent place, sont à espérer des effets pacificateurs sur la lutte des têtes. Mais aussi l'activité exotérique de l'âme est indispensable. Là où ont lieu des conflits intellectuels libres, sans entraves de diktats centralisateurs, le travail ésotérique sera protégé contre les déraillements fantastiques, le dogmatisme, l'adhésion rigide à des traditions dépassées, les vanités, les fausses revendications et les cliques. « La plus grande publicité pensable » et « l’ésotérisme réel, véritable » - tout de suite là où ils sont consciemment séparés - ne s'excluent pas l’un l’autre. Ils s'entraident et se renforcent mutuellement.

Une clarification remarquable supplémentaire du concept de l'université se donne maintenant de la pratique des admissions, qui a lieu dans les semaines après le  congrès de Noël.


99 GA 270/2, p. 41, Emphasis J. K.

100 GA 21 (1983), P. 22.

101 Pensez à la célèbre note de Rudolf Steiner:"La lutte n'est pas le mal dans le domaine spirituel, c'est l'élément de la vie". (Reportage 1918, numéro d'archive NB 101, cité par H. Wiesberger dans "Beiträge zur Rudolf Steiner-Gesamtausgabe", n° 105, Michaeli 1990)

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 Déjà pendant de l'assemblée de fondation, le 28 décembre 1923, Rudolf Steiner expliquait le § 5 des statuts qui caractérise l'université, le Goetheanum, comme « un [!] centre » de l’activité de la Société anthroposophique, et appelle les membres réunis à saisir ce Goetheanum comme « l'âme du mouvement anthroposophique ». Il indique clairement que pour « monter » dans la formation ésotérique, il s’agit moins de compétence intellectuelle ou spécialisée sinon exigée dans la vie, mais du « des facultés de sentir, des immédiates facultés de comprendre l’ésotérique et l’occulte » et de qualités morales. En ce qui concerne l’articulation de l'université en sections, elle ne suit pas un schématisme abstrait, mais a lieu « à partir des sphères de fait déjà existantes », c'est-à-dire comme déjà lors de la formation des départements dans la « Fondation » de 1911. Après la présentation des directeurs de section,102 il s'agit de la forme de la demande/candidature et du délai d'attente avant l'admission à la première classe introduits dans les « Statuts ». Karl Ingerö (Norvège) demande : « ‘un temps à déterminer par la direction du Goetheanum’, est-ce individuel ou général ? » Rudolf Steiner répond :

Entièrement individuel, entièrement individuel. N'est-ce pas, si vous vous représentez comment la chose viendra en l’état : on devient membre de la Société anthroposophique par sa volonté, ou on l’est déjà, mais on l' a déjà été ; c'est pourquoi pour la plupart des gens assis ici, les antécédents sont déjà disponibles. Maintenant c'est marqué ici « sur demande », ce qui signifie: vous exprimez votre volonté de devenir membre de l'école. Et c'est maintenant la direction du Goetheanum qui décide si cela peut déjà être dans l’instant présent ou en premier dans un futur.103

 

Cette réponse correspond à la situation que les participants de l’assemblée de fondation et les premiers candidats après le congrès Noël étaient pour la plupart bien connus de Rudolf Steiner, de sorte que l'admission n'a pas nécessité une procédure formalisée.


102 GA 260, p. 143 et suivantes.

103 ébène, 5 146.

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Vers la fin du congrès, suit encore une invitation remarquablement diffuse en à se tourner non bureaucratiquement « avec un quelque message écrit ou oral », mais quand même mieux avec un écrit, une « petite lettre » personnellement à Rudolf Steiner.104 Ce n'est qu'après le congrès qu'il sera alors précisé qu'il serait « préférable de recommander » aux personnes entrées nouvellement dans la Société anthroposophique de « rester dans la Société anthroposophique pendant deux ans » et de faire alors une demande d'admission à l'université. « Cela ne peut évidemment pas s'appliquer à ceux qui sont déjà.... devenu des têtes couvertes de mousse dans la société anthroposophique ».105 Évidemment, la période de deux ans ne sera visiblement pas strictement exigée ici. « Naturellement, nous ne serons pas pédants en cela. Bien entendu, de plus jeunes membre mûrs qui ont le plein enthousiasme pour l'anthroposophie pourront évidement aussi être dans cette première classe. Il s'agira partout plus de l'action intérieure que de l'extérieure ».106

 

Les candidatures des premières semaines qui sont conservées dans les archives de l'administration du legs Rudolf Steiner et dans les archives du Goetheanum ne répondent pas du tout aux exigences précises ultérieures. Elles consistent souvent en une seule phrase dans un ton très personnel, qui ne fait que formuler la demande d’admission. (Voir facsimile, annexe 3.) Ce n'est qu' à l'automne 1924 que Rudolf Steiner passe à des formes d'admission plus strictes et solennelles.

Dans ce contexte, il est remarquable que l'obligation stricte de représentation, qui est plus tard soulignée à maintes reprises, y compris dans les heures de classe, n'apparaît que plusieurs semaines après le congrès de Noël. Rudolf Steiner se montre déçu que beaucoup des nombreuses demandes d'admission en première classe reçues entre-temps se limitent à la demande d’avoir la permission de pouvoir écouter « aussi les conférences le vendredi ». Le 30 janvier, il profitera de l'occasion pour donner une conférence détaillée sur les différentes pondérations de l'appartenance à la Société anthroposophique d'une part, et à l’université d'autre part. Il rappelle encore une fois que la Société anthroposophique a des tâches publiques et plaide pour « la plus grande largeur de cœur possible » lors de l’admission, que l’on n’aurait pas la permission de laisser au bon vouloir d’un fonctionnaire particulier.107


104 31.12.1923, GA 260, p. 222 et suivantes.

105 Conférence du 18.1.1924, GA 260a, p. 101.

106 GA 260a, p. 101 f.

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 C'est pourquoi il serait à tolérer que les individus s’occupent entièrement pour eux-mêmes des « enseignements de l'anthroposophie », d'autres participent davantage à la vie de branche anthroposophique. D’autres revendications relatives à la représentation externe de l'anthroposophie dépassant cela on n’aurait « en fait immédiatement pas ».108

Cependant, il serait maintenant aussi nécessaire de gérer/d’administer le bien d'enseignement, et les membres de la classe sont interpelés ici. Pour cela, un double facteur serait nécessaire : la bonne volonté/disposition à travailler avec la direction de l'université dans un esprit de confiance et la bonne volonté de représenter l'anthroposophie devant le monde, non seulement de la représenter (NDT : vertreten), mais aussi de la « représenter » (NDT : repräsentieren) . « Évidemment, chacun ne peut pas la représenter dans sa totalité - ce n'est pas nécessaire, ni même utile - mais dans un quelque domaine, il le peut. Mais alors il doit effectivement être une personnalité qui se place pleinement sur le sol, je ne dis pas maintenant de la confiance qui est nécessaire pour l'anthroposophie, mais de la confiance qui est nécessaire pour l'administration de la cause anthroposophique ».109

Il semble remarquable que Rudolf Steiner en vienne ici pour la première fois à parler du poids de l'obligation de représentation, a mettre en avant en même temps avec une semblable insistance l’obligation à un travail commun plein de confiance avec la direction de l’université. « Les directeurs ne pourront pas être réduits en esclavage. Ils ne peuvent pas être forcés de travailler avec ceux avec qui ils ne veulent pas travailler parce qu'ils ne le peuvent pas. Il doit donc y avoir une possibilité que la direction de la Freie Hochschule für Geistwissenschaft dise à ceux qui ne se trouvent pas dans être des représentants de la cause anthroposophique : « tu es évidemment le bienvenus dans la Société anthroposophique universelle, mais tu ne peux malheureusement pas être membre de la première classe ». Il en va de même « quand des membres de l'école sera simplement agi contre la direction ».110


107 ibid. p. 115, déjà au cours du congrès de Noël, il avait souligné d'un œil critique la tendance à la condescendance des membres. J'ai, par exemple, appris à connaître une section qui m'a conseillé de lire tel ou tel livre. Certaines personnes qui étaient déjà membres n'avaient même pas le droit de lire ma <théosophie> parce qu'elles n'étaient pas jugées aptes." (GA 260,5,154)

108 GA 260a, p. 122.

109 ibid. p. 124.

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Et quelques phrases plus loin : « Donc, cela ne va pas qu’on vienne dans le futur et dit : « Oh, là nous faisons des choses qui ne concernent pas le conseil d'administration. Évidemment, on peut les faire, mais on ne peut pas être membre des classes. Il sera nécessaire que ce principe de cohérence d'attitude soit aussi essentiel dans notre école qu'il l'a toujours été dans tous les mystères. »111 Vers la fin de son importante conférence, Rudolf Steiner précise ses conditions aux demandes d'admission : La durée de l'adhésion à la Société anthroposophique doit être précisée, et la question de savoir si le candidat est « enclin à s'engager de quelque manière que ce soit, y compris par rapport à ce que j'ai dit aujourd'hui sur la question de la confiance, à s'engager d'une manière ou d'une autre, c'est-à-dire à s’imposer des obligations réelles en tant que membre de la classe ».112

Peu de jours plus tard, dans le cadre d'un débat sur les conditions d'admission, Rudolf Steiner a qualifié le rapport entre la direction de l'université et les membres de la classe comme une « libre relation contractuelle »113, une formulation qui émerge encore plusieurs fois à partir de là.114 En Angleterre, il parle d'un « contrat spirituel ».115 Dans la dernière heure de classe, qui place le pensé dans le contexte de « l'école ésotérique guidée et inspirée par Michael lui-même », il s’agit finalement : « d’un libre contrat idéel-spirituel ».116

 

Comme Rudolf Steiner insiste souvent sur l'obligation de représentation, il est facile de négliger la condition qui l'accompagne, à savoir l'obligation de collaboration avec la direction de l'université dans le sens d’un « libre rapport contractuel » basée sur l'ésotérisme de l'université, qui peut être résiliée à tout moment par les deux parties. Il s'avère cependant que Rudolf Steiner accordait autant d'importance à la deuxième obligation qu'à la première.

 

110 ébène, p. 126.

111 ébène, p. 127.

112 Ebène, p. 130.

113 3.2.1924, GA 260 a, p. 133.

114 Voir Nbl. 10.2.1924, GA 260 a, p. 142; conférence du 18.7.1924, GA 240, p. 15; leçon en classe du 28.6.1924 (16e heure), GA 270/2, p. 116.

115 Conférence du 12.8.1924, GA 240, p. 359; voir aussi GA 260 a, p. 359.

116 GA 270/3, p. 124 et suivantes.

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Le 2 août 1924, Rudolf Steiner a tenu la dix-neuvième heure de classe à Dornach et a déclaré qu’avec cela, "lapremière partie de cette classe de l’école serait accomplie » 117 Il suggère qu'après son voyage en Angleterre en septembre, que suivrait une deuxième et alors une troisième partie, dans laquelle les événements suprasensoriels, qui ont trait aux destins du mouvement anthroposophique, qu'il a décrits dans les conférences du Karma des semaines précédentes, seraient à communiquer » .118 Par conséquent, avec le total des dix-neuf heures, nous n'aurions qu'un tiers du premier tiers de l'université à trois niveaux, comme il l'avait initialement conçue. Cela concorde avec ce que dit Rudolf Steiner au sujet des trois « degrés » qui reposent à la base des confréries traditionnelles et des six degrés supérieurs construit dessus, et qui ne se laissent pas encore être pleinement réalisés au cours de la cinquième période post-atlantéenne. 119 Se demande cependant si la formulation citée de la dix-neuvième heure, qui parle  de la première partie « de cette première classe » ne laisse pas  une autre interprétation. Se pourrait-il que Rudolf Steiner ait voulu parler de la première partie de l'école « sous la forme de cette première classe » ? Hella Wiesberger se réfère à une note de Marie Steiner de mars 1926, qui dit : « Il nous a quittés avant de pouvoir achever le travail qu'il avait commencé, avant de pouvoir nous donner ce qu'il décrivait comme la deuxième et la troisième classe. Dans la seconde, il a voulu nous donner le culte qui aurait correspondu à ce que les révélations de l'école suprasensible de Michaël [fin du XVIIIe et début du XIXe siècle] s’écoulant en imaginations. » 120 Marie Steiner semble partir bien évidemment de ce que la poursuite des heures de classe annoncée par Rudolf Steiner pour septembre n’auraient pas représenter une deuxième division de la première classe, mais plutôt la construction de la deuxième classe, le contenu de la première classe pourrait donc être considéré comme complet avec cela.121

 

117 GA 270/2.5,174.

118 ibid, p. 174, cf. les conférences du troisième livre du karma, en particulier celles des 6, 8. et 28 juillet (GA 237).

119 Conférence du 4.4.1916, GA 167, cité après Wiesberger dans GA 265, p. 132f. Wiesberger rapporte également ici que les deux départements "épistémologiques" de l'ancienne école ésotérique étaient divisés en trois et six et donc en un total de neuf classes. "Dans les trois premières années, l'accent a été mis sur les actes rituels, dans les six années suivantes, auxquels, selon la tradition, seuls quelques-uns appartenaient, seraient principalement enseigné." (Ebenda, p. 132)

120 Wiesberger 1997, p. 307.

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 Après son retour d'Angleterre, Rudolf Steiner est maintenant attendu par de nombreux invités, des centaines de personnes qui souhaitent participer aux conférences et  cours de formations (NDT ou d’exercice/entrainement) annoncées. Beaucoup d'entre eux souhaitent rejoindre l'université à cette occasion, mais ne sont pas encore suffisamment connu de Rudolf Steiner. Ainsi, maintenant avec Ita Wegman, à côtés de tous les autres fardeaux, il mène une pléthore d'entretiens d'admission, dans de nombreux cas, il donne à ces entretiens une forme résolument solennelle. L'un des concernés se souvient : « Le 5. IX. 24, j'ai été acceptée par R. St. dans la première classe. Après la poignée de main associée à un gage de loyauté, il m' a aussi laissé serrer la main du Dr Wegman, co-directrice de la classe, assise à côté de lui. »122 Ita Wegman rapporte : « Les admissions ont eu lieu dans l’atelier. Je devais me tenir debout à côté du Docteur, les membres ont été conduits dans l’atelier par le Dr Wachsmuth. Dr Steiner a posé quelques questions à la personne qui demandait l'admission, et quand il pouvait être admis, les mots suivants étaient prononcés par le Dr Steiner : <Si vous voulez rester fidèle à l’école de Michael, alors donnez-moi la main, donnez aussi la main à Madame le Dr Wegman, qui dirigera l’école de Michael avec moi. » Cela s'est produit au mois de septembre, peu avant la maladie de Monsieur le Docteur. Avant cela, les admissions ont eu lieu en ma présence, mais sans que je ne sois directement impliquée et sans l'acte solennel de serrer la main. »123


121 Par souci d'exhaustivité, il convient de noter que la tradition selon laquelle Rudolf Steiner voulait limiter à trente-six la seconde classe de l'université et à douze le nombre des participants à la troisième classe, ne peut être considérée comme certaine. Christoph Lindenberg la considère comme une contrefaçon (Lindenberg 1990 et 1997, p. 881), ainsi que Heinz Matile et Andreas Meister (1997). D'une part, elle contredit aussi clairement l'attente d'Ita Wegman selon laquelle l'édification des deuxième et troisième classes aurait empêché un sur-remplissage de la première classe (1W dans la Nbl., 16.8.1925,5.129) et, plus loin, les déclarations de Rudolf Steiner citées plus haut sur les membres des trois classes, que l'on trouverait "partout" (GA 260, p. 80). D'autre part, Emil Leinhas et Günther Schubert rapportent que seulement douze personnes appartiennent au troisième département de l'école ésotérique précoce de Rudolf Steiner (Wiesberger 1997, p. 23).

122 Wolfgang Moldenhauer à Kurt Franz David, 15.11.1972. Goeth Archive.

123 IW à Steffen, 16.3.1926, dans EZ III, p. 66. La lettre de Wegman à Toni Völker du 25 septembre 1925 montre déjà une situation très similaire (voir annexe 15). A Torquay le 12 et à Londres le 24 août 1924, Rudolf Steiner dit que "les candidats à l'université devraient se tourner vers Guenther Wachsmuth et s'inscrire auprès de moi par son intermédiaire" (GA 240, p. 97 et GA 260 a, p. 374). Wachsmuth tenta plus tard de relativiser la description de Wegman (G. u.V., 25.4.1930, p. 74, Archiv Goeth.) à ce sujet.

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C'est seulement maintenant que Rudolf Steiner parle sans réserve de l'admission à la « Michaelschule »(« Ecole de Michaël) et donne clairement beaucoup plus de poids à la participation d'Ita Wegman. Derrière cette modification de la procédure se cache un fait qui a été découvert dans les grandes lignes par la biographie de Wegman en quatre volumes d'Emanuel Zeylmans van Emmichoven mais qui n'a pas encore fait l'objet d'un examen approfondi et, surtout, qui n'a pas encore été bien accueilli. C'est pourquoi nous avons donc à inclure ici comment la collaboration entre Rudolf Steiner et Ita Wegman s'est développée au cours des ans.124

Il s'agit de sujets que Rudolf Steiner a toujours traités avec la discipline ésotérique la plus stricte et qu'il n'a même pas abordés explicitement dans le cercle du Comité du Congrès de Noël, mais qui doivent être mentionnés ici d'une manière appropriée pour que les dimensions profondes des événements ne restent pas complètement occultées.

 

La collaboration d'Ita Wegman avec Rudolf Steiner était basée sur des destins qui ont un arrière-plan historique profond et ne peut être déchiffrée sans malentendus que si l'on tient compte de la façon dont Steiner a abordé méthodiquement les arrière-plans karmiques de la destinée humaine et comment il voulait savoir traité ses propos là-dessus.

 

Tout d'abord, il est important de rappeler un état de fait concernant la méthodologie particulière de la recherche anthroposophique en général. Dans sa principale oeuvre sur la théorie de la science, le livre "Von Seelenrätseln" (1917), Steiner caractérise la recherche empirique du genre habituel, qu'il y subsume sous le terme "anthropologie", et l'"anthroposophie", qui naît des perceptions suprasensibles comme deux champs de discours complètement séparés, qui se rejoignent sans contradiction dans une « philosophie sur l’humain » médiatrice, et peuvent se compléter et se stimuler mutuellement, mais qui sont aussi différents dans leur approche que le noir et le blanc.

 

124 A ce sujet, M. Glöckler dans Plato 2003, EZ I-III et Selg 2002,2004,2005 a et b, 2007.

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L'image anthroposophique de l'humain sera peinte « par des moyens complètement différents » de ceux de l'anthropologie.125 La signification de cette référence a été jusqu' à présent complètement sous-estimée dans la réception de Steiner, tant chez les partisans de l'anthroposophie que chez ses opposants. Les déclarations de Steiner sur un « monde spirituel » et ses relations avec le monde de la perception sensorielle ont été perçues par certains comme des connaissances factuelles vérifiées empiriquement, par d'autres comme les résultats d’une dogmatique irrationnelle. Quiconque veut éviter les deux malentendus devra prendre le plus grand soin possible dans l'étude de ce en quoi consistent réellement les « moyens complètement différents » de la recherche anthroposophique.126 Des problèmes particuliers se posent notamment en ce qui concerne la recherche de Rudolf Steiner sur le karma.

La tentative de Steiner de parler sur des "exercices pratiques du karma" déjà au début de ses activités d'enseignement dans la Société Théosophique, en 1902, est restée bloquée à la première tentative. Trop grande était l’inhibition de ses auditeurs vis-à-vis une telle entreprise entièrement inhabituelle.127 Dans des conférences et dans sa « Théosophie » de 1904, il décrit alors d’abord les approches/accès intellectuels/par les pensées de la réalité des vies terrestres répétées. Dans cinq des vingt-deux éditions de ce livre, qui ont été publiées de son vivant, il a précisé des passages particuliers et ajouté de nombreux ajouts au chapitre « Réincarnation de l'Esprit et destin » lors de la nouvelle édition de 1918, sans qu’il ai mis l'accent sur un cours particulier de destin.128 Il aurait, écrit-il, voulu seulement montrer ici comment une « observation ordinaire orientée par la pensée » conduit à la représentation de causes karmiques, aussi quand cette représentation reste en cela « dans une certaine mesure telle une silhouette », pour ainsi dire donc esquissée de l'extérieur et encore sans contenu saisissable.129

Ce n'est qu'en 1910 que son approche du grand thème se concrétise à deux égards: sous une forme artistique à travers le premier drame mystère, dans lequel les protagonistes Jean et Marie parviennent de manière indépendante à prendre connaissance d'une ancienne existence partagée et peu de mois plus tard, également historiquement parlant dans la série de conférences de Stuttgart sur « l'histoire occulte ».


125 GA 21, P. 32.

126 Détails à ce sujet à Kiersch 2010 b.

127 Voir Lindenberg 1988, p. 203.

128 Voir l'édition de "Theosophy" (Steiner 2004) annotée par Daniel Hartmann.

129 GA 9 (1955), P. 78.

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Ici certaines conditions préalables sont mentionnées dès le départ, sans lesquelles une compréhension réaliste des résultats de la recherche anthroposophique sur le karma est impensable. D'après cela, les messages sur les origines karmiques de la destinée humaine doivent être compris d'une manière complètement différente de ceux sur les résultats des recherches de type habituel liées aux sens, c'est-à-dire un savoir de faits sécurisé empiriquement.

 

En certaines relations appartient à de telles parties de la science spirituelle comme celles que nous allons maintenant contempler, la compréhension de l'âme, et non la compréhension intellectuelle, la compréhension de l'âme, qui doit même devoir être inclinée en certains endroits à écouter et accepter des indices qui deviendraient grossiers, brutaux si on voulait les forcer à des contours trop nets.130

 

Ce qui suit maintenant sont des descriptions picturales qui conduisent les auditeurs à une compréhension expérientielle/vécue des différentes situations de conscience. Steiner compte sur la "bonne volonté" des personnes présentes, qui s’occuppent depuis des années avec les vues anthroposophiques et ont atteint un niveau de compréhension plus élevé : »Ce ne sont pas des dogmes, ni des doctrines, ni de simples connaissances que nous recevons, mais par nos connaissances nous devenons d'autres humains ».131 Les auditeurs (éventuellement à l'exception possible de Marie von Sivers) ne se rendent pas compte qu'ils sont sensibilisés aux contextes du destin qui les affectent existentiellement.

Steiner esquisse d'abord quelques scènes caractéristiques de l'épopée mésopotamienne de Gilgamesh et montre comment les grandes figures de ce récit mythique peuvent être interprétées tout à fait différemment de leur « image d'ombre » ultérieure, qui, dans une certaine mesure," d’un pas plus grossier », « devenu plus physique », apparaît dans la zone culturelle grecque du IVe siècle avant J. -C., à une époque où l'on trouve déjà des humains qui peuvent être compris comme des personnes historiques dans le sens de notre temps présent.


130 GA 126, VOIR 10.

131 ébène.

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Gilgamesch et Eabani (selon la façon de lire d'aujourd'hui Enkidu), le couple exemplaire d'amis de cette épopée, apparaissent maintenant comme Alexandre de Macédoine et son professeur Aristote. Steiner attache une grande importance à l'interaction/la collaboration des deux. Ce processus de deux qui œuvrent côte à côte, dont l'un est nécessaire à l'autre, se reflète maintenant dans la quatrième période culturelle tardive, à l'époque gréco-latine, sur le plan physique ».132

Le Temple de Diana Artemis d’Éphèse apparaît ici comme une autre scène, quoique brièvement, qui selon la tradition antique a été détruite par le feu le jour de la naissance d'Alexandre le Grand. Par la suite, la culture mixte historiquement très productive de la ville égyptienne d'Alexandrie est mentionnée au début du Ve siècle après J. -C., qui a été « entièrement construite sur la personnalité ».133 C'est ainsi que nous découvrons le fait étonnant que Steiner, déjà ici, en 1910, en même temps qu'il accélère énergiquement son élan pour un ésotérisme individualisé, conduit devant les yeux de ses élèves anthroposophes les deux figures centrales des conférences du Karma de l'été 1924. Là, il montrera comment l'entéléchie d’Aristote se réincarne en Thomas d’Aquin, le philosophe donnant la mesure de la haute scolastique du XIIIe siècle. Qu'est-ce qui l'a fait parler de ces choses ?

Les lecteurs qui se méfient d'accepter sans plus tarder les messages de Rudolf Steiner comme des résultats fiables et de les considérer comme leur propre perspicacité, les lecteurs qui veulent attendre avec piété et modestie, jusqu' à ce que les résultats soient obtenus indépendamment dans des domaines de connaissances aussi exigeants que la recherche sur le karma, seront d'abord en mesure de se sentir impressionnés par l'attrait esthétique et le sens immédiatement persuasif du contexte de destin qui apparaît ici, même lorsque leur propre jugement est encore incertain. La nouvelle attention d'Aristote à l'explorable sensuel-empirique et l'assurance méthodique des processus correspondants de la cognition obscurci d'anciennes révélations, qui étaient encore poursuivies par son professeur Platon. En tant que Thomas d’Aquin, il a amené la transition vers la pensée de raison analytique à la plus haute perfection.

132 Ébène, p. 18.
133 ébène, p. 19.

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Avec cela était préparé le terrain pour la science moderne de la nature à laquelle nous devons les accomplissements de notre « monde scientifique et technique » actuel (C. F. von Weizsäcker). Vers la fin du dix-neuvième siècle, lorsque ce monde moderne est entré dans des crises fondamentales, la nécessité s'est fait sentir de développer davantage cette pensée de raison analytique de manière contemporaine et de rendre accessible à nouveau la réalité du « monde spirituel ». L'œuvre de vie de Rudolf Steiner fut donc historiquement promue/exigée avec cela. Le fondateur de l'Anthroposophie s'avère comme successeur conséquent et accomplissant des intentions d'Aristote. Apparait en lui peut-être même aussi le noyau spirituel du grand pionnier du développement de la conscience occidentale incarné sous une nouvelle forme? Personne ne peut prouver que ce pendant existe du point de vue de la recherche « anthropologique » au sens du livre « Von Seelenräseln ». Le considérer comme une hypothèse de travail fructueuse, doit être permis.134

 Un pont vers la compréhension des conférences fondamentales de 1910, dans lesquelles Steiner, pour la première fois, « descendit des rapports généraux à des détails particuliers et concrets » de la recherche sur le karma,135 résulte de la question de savoir comment la recherche de Rudolf Steiner sur les contextes karmiques a absolument commencé. Dans ses études biographiques, qui remontent aux conférences données dans les années 1950, Emil Bock faisait allusion avec tact à trois remarques incidentes au sujet d'une conversation avec le père cistercien viennois Wilhelm Neumann, dont il ressort du synopsis comment Rudolf Steiner reçoit une première indication de sa propre incarnation antérieure.136 L'incident rapelle un éclaircissement révélateur de Steiner, avec lequel il se retourne contre le discours omniprésent dans son entourage sur les anciennes incarnations.

 134 Heinz Zimmermann appelle le chemin de Steiner "de la pensée à la contemplation, de la forme à l’essence, le complément moderne d'Aristote, qui a décrit le chemin de la contemplation à la pensée, de l'être à la forme logique" (Zimmermann 2007, p. 18).
135 GA 126, P. 9.
136 "Comme je parlais à la fin des années quatre-vingts[le 9 novembre 1888] à Vienne, dans le "Wiener Goethe-Verein"[Association Goethe de Vienne] du thème "Goethe comme père d'une nouvelle esthétique", il y avait là un cistercien très érudit parmi les auditeurs. J'expliquait comment on a à penser la représentation de Goethe sur l'art, et à cette époque le Père Wilhelm Neumann... fit cette étrange déclaration : « Les germes de cette conférences que vous nous avez tenue aujourd'hui, ceux qui sont les plus importants pour nous aujourd'hui, ceux-ci
reposent  déjà chez Thomas d'Aquin." (24.5.1920, GA 74, p. 93);"Et puis vint la chose étrange que j'ai une fois tenu une conférence à Vienne. La même personnalité était présente, et après la conférence, elle fit une remarque qui ne pouvait pas du  tout être prise autrement que par le fait que l'homme, à ce moment-là,avait une pleine compréhension pour un humain du présent et pour la relation de cet humain du présent à son ancienne incarnation". (18.7.1924, GA 240(1961), p. 34;"... et quand j'eus terminé mon exposé, il dit quelque chose d'entièrement particulier, quelque chose que j’aimerais seulement suggérer sousla forme : il m'apporta un mot, dans lequel était posé son souvenir d’un/à un être ensemble avec moi dans une vie antérieure sur la terre". (12.9.1924, GA238 (1960), P. 70. Voir là-dessus Bock 1961, p. 371. Une première vue rassemblée des trois remarques de Steiner a été faite plus tôt dans un manuscrit peu connu de Wilhelm Rath. Voir Thomas Meyer dans Rath 2010, p. 9 s., et Meyer 2009, p. 39 et suiv.
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Si quelqu’un devait vraiment savoir quelque chose au sujet de son incarnation précédente, ainsi ce n'est pas ainsi dans le présent qu’on peut le saisir de l'intérieur, mais on est rendu attentif de l'extérieur par un quelque événement externe ou par quelqu'un d'autre. Aujourd'hui, c'est en règle général faux quand quelqu’un génère de l’intérieur vers l’extérieur et se dicte : Je suis celui-ci ou celui-là. Quand quelqu'un devait savoir quelque chose, cela lui sera dit de l'extérieur.137

« Quand quelqu'un devrait savoir quelque chose, cela lui sera dit de l'extérieur. » Bien évidemment, ce fut le cas lors de l'entrevue de novembre 1888. Mais quel degré de sécurité avait déjà atteint l'illumination de la sorte d’un éclair par le mot « Thomas d'Aquin » à cette époque ? Avait-il été donné plus qu'un premier aperçu fuyant du passé, qui devait encore mûrir selon l’âme sur des années, et ce n'est que grâce aux recherches systématiques dans le supra-sensible qui ont commencé à la fin des années quatre-vingt-dix qu'il a été possible de le fixer selon la pensée et de le sécuriser en détail ? En tout cas, il semble très naïf de supposer que Rudolf Steiner aurait toujours su « qui il était ».

Dans son autobiographie « Mein Lebensgang » (Mon parcours de vie), Steiner raconte le « changement d’âme » de sa trente-sixième année de vie, avant le passage de Weimar à Berlin, alors qu’il commença à méditer régulièrement.138 La pénétration de pensée considérablement intensifiée à partir de là et probablement aussi l'expansion considérable de ses perceptions supra-sensibles, devaient maintenant lui avoir permis aussi de progresser considérablement dans la recherche après des pendants karmiques.

137 Conférence du 18.7.1916, GA 169, p. 157.
138 GA 28, chapitre XXII, p. 316 et s.

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Mais il est possible, cependant, que sa propre recherche sur le karma ait commencé en premier ou qu'elle ait été favorisée par un événement qui ne s'est produit qu'à Berlin, des années après le « revirement » de sa vie de l'âme décrit. Marie von Sivers a repris là son service désintéressé d'aide à la propagation de la théosophie en Allemagne après une courte rencontre avec Rudolf Steiner en octobre 1902.139 Un an plus tard, elle écrit une lettre intime à Edouard Schuré, qui lui avait demandé qui avait bien pu être M. Steiner dans une vie antérieure. Avec la demande de détruire immédiatement sa lettre, elle décrit l’ami et enseignant de confiance comment elle a vécu une expérience d'éveil surprenante en lisant un livre d'Annie Besant : « Cela m'a parlé et c'était si éblouissant que j'ai même dû me tenir la main devant les yeux. ». Elle se rend compte qu'il était Thomas d'Aquin. Les phrases suivantes de la lettre sont très caractéristiques de la manière de faire avec des questions du Karma, telles qu'elles ont été pratiquées aussi plus tard dans l’environnement de Rudolf Steiner : « Ce que j'ai vécu si intimement m' a été confirmé[...] » par Monsieur Steiner, qui était tout effrayé, -(c'était la première année de notre travail commun, et à l'exception de peu de mots qu'il m'a dit à cette occasion, il ne parle jamais de ces choses qui l'affectent et je ne demande jamais après ».140

La même discrétion stricte reste préservée lorsque, après la destruction du premier édifice du Goetheanum, Ita Wegman, sera conduite à la clarté sur son destin commun avec Rudolf Steiner. Autrement que Marie von Sivers, elle avait jusque là de long détours à parcourir. Une première rencontre avec Rudolf Steiner se laisse dater à la fin de l'été 1902. Wegman avait alors vingt-six ans. Elle rejoint la Société Théosophique et assiste à des conférences isolées de Steiner à Berlin, mais ce sont en premier ses considérations sur le « conte » de Goethe 141 qui commencent vraiment à l'intéresser : Elle est probablement touchée selon un pressentiment par les imaginations cosmiques qui s'y cachent et qui plus tard, dans les drames-mystères de Steiner illuminent encore plus clairement.

139 Voir aussi Hella Wiesberger dans Platon 2003, p. 793 f.
140 TVA à Edouard Schuré, 18 août 1907, GA 262, p. 190 f. Dans sa lettre à Doris et Franz Paulus du 14 mai 1904 (GA 264, p. 55), Rudolf Steiner évoque les mêmes faits.
141 Après Lindenberg 1988, le 4 avril 1904.

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 Sa question, « ne serait-il pas possible d'en expérimenter plus sur la sagesse ésotérique », incite Steiner à l'inviter à une « heure ésotérique » au 17 de la Motzstraße. « A partir de ce moment-là », écrit Wegman rétrospectivement : « Je savais que Rudolf Steiner était mon professeur, est mon professeur et sera mon professeur à l'avenir ».142 En septembre 1905, Steiner l'a admise au niveau d'entrée de l'École ésotérique de la Société théosophique, et à l'automne 1908 à un degré supérieur.143 A la suggestion de Marie Steiner, Wegman étudia la médecine à Zurich de 1906 à 1911. Là d'autres rencontres avec Rudolf Steiner ont lieu. Il se prend du temps pour faire de « grandes promenades » avec elle. Entre autres, il visite avec elle la Villa Wesendonck, le célèbre domicile de Wagner. Pour Wegman, une conversation lors du Congrès des théosophes de 1907 à Munich est le prochain événement décisif. A cette époque, elle se posait la question de savoir si elle devait rejoindre Rudolf Steiner ou rester liée avec les amis théosophiques en Hollande, qui tendent vers la direction d'A. Besant. « Il me reçut sérieusement, son regard était interrogatif. Il n'a pas été beaucoup parlé entre nous, on se comprenait très bien. J'ai simplement dit, parce que je sentais qu'il était au courant des choses : « je reste avec vous ». Puis son regard devint radieux, il prit ma main, me donna le signe de Michaël et me dit des choses importantes que je n’ai pas la permission de répéter. Un très ancien karma qui existait entre lui et moi a été restauré ». Même si ce rapport, très éloigné de la situation de Munich dans le temps, peut être coloré par des événements ultérieurs au cours des dernières années de la vie du Maitre, il devient palpable que la rencontre décrite ci-dessus a signifié beaucoup pour les deux. Mais le moment n'est toujours pas mûr. Rudolf Steiner, qui est depuis longtemps conscient des arrières plans de destin qui se cache derrière les conversations avec Wegman, doit continuer d'attendre.144 « La portée de cette rencontre, » poursuit Wegman, « m’est devenue consciente  en premier beaucoup d’années plus tard » .145

Après avoir terminé ses études et acquis une expérience pratique, Wegman dirige un petite clinique privée avec un ami médecin à Zurich.

142 Extrait d'un projet de conférence de février 1933, cahier no 42, Archiv IW. Aussi dans EZ I, p. 294 f.
143 EZ I, P. 51.
144 Rudolf Steiner à IW, 11.6.1924, EZ I, p. 207.
145 EZ I, 5 296.

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En 1921, elle s'installe à Arlesheim et fonde l'« Institut thérapeutique clinique », l’actuelle Ita-Wegman-Klinik. Mais seule l'expérience profonde de la nuit d’incendie au tournant de l'année 1922/23 éveille en elle une conscience claire de ses tâches véritables. Rudolf Steiner a amené en relation la destruction du premier édifice du Goetheanum avec l'incendie du temple Artemis à Ephèse. Wegman était liée karmiquement avec cet endroit. C'est ce qui les amène, après peu de temps, lors du congrès à Penmaenmawr (Pays de Galles) en août 1923, à la question d'une médecine des mystères renouvelée. « J’aimerais avoir une médecine comme c'était au temps des mystères. »146 Cette question, à laquelle nous devons peut-être même absolument l'élan décisif pour la fondation, non seulement de la section médicale du Goetheanum, mais aussi de la Freie Hochschule für Geistwissenschaft (Université libre de science de l’esprit), est comparable dans son poids à la question de Marie Steiner de novembre 1901, par laquelle le mouvement anthroposophique a été conduit à l'efficacité terrestre147 - donne à Rudolf Steiner la possibilité de parvenir aux circonstances sous-jacentes du destin au cours du congrès, qui seront ensuite révélées dans les motifs centraux de ses conférences sur le karma l'année suivant cela. « Penmaenmawr Karma complètement révélé » écrit Wegman dans une note privé.148 Dès lors, une coopération étroite fondée sur l'ésotérisme se développe. Au cours des mois suivants, Ita Wegman reçoit toujours de nouveau chaque semaine de Rudolf Steiner des instructions spéciales d'entraînement, en particulier une série de mantras avec lesquels elle commence à vivre. En pendant avec cela se tient le travail sur la partie introductive du « Vademecum » médical longtemps espéré par Rudolf Steiner, qui sera ensuite publié sous le titre « Fondamentaux pour un élargissement de l'art de guérir selon les connaissances de la science de l’esprit ». Rudolf Steiner commence le travail commun sur ce livre, qui a lieu dans l'atelier de menuiserie près des ruines du premier bâtiment du Goetheanum, régulièrement avec méditation et prière. Aussi souvent qu’il peut, il est présent à la clinique d'Arlesheim aux heures de consultation de Wegman pour le conseil. Entre octobre 1923 et août 1924, soixante-seize visites de ce genre sont documentées.149

146 Cahier no 57, Archive IW. Selon EZ I, p. 146.
147 Wiesberger 1988, p. 115 et suivantes.
148 Cahier no 1, Archive IW fac-similé dans EZ I, p. 319.
149 EZ I, P. 156.

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Dans des lettres affectueuses/tendres/gentilles et intime, Rudolf Steiner laisse des traces d’à quel point la collaboration avec Ita Wegman est pour lui un cadeau heureux du destin. Il passe, dans ces lettres, à s’adresser à elle avec le nom mystérieux de « Mysa ». Durant l'été 1924, le raide « vous » devient un « tu » confidentiel/familier. En tant que « disciple/élève de Michael », il parle à l’amie, en tant que disciple, qui « doit aller à mon côté pour ‘le temps et l'éternité’ dans les domaines du monde spirituel » . Maintenant, se montre aussi où reposent les obstacles qui se tenaient dans le chemin d’une coopération/collaboration plus étroite jusque-là : « Tes expériences sont quand même aussi conditionnées karmiquement. Et ce qui devait être résolu karmiquement, cela devait justement être résolu » .150 Aussi lors de séparation spatiale, il la sent à ses côtés. « Tu marches à mon côté quand je fais des conférences ».151 « Je médite avec dans ta méditation et m'appuie sur ton amour ».152

Mais ce n'est par aucun chemin seulement une relation personnelle. Rudolf Steiner développe avec Ita Wegman un mode de coopération qui ouvre des possibilités d'intuition et d'action complètement nouvelles, pas seulement pour lui-même, des possibilités qui entrent alors dans le Congrès de Noël et les événements ultérieurs de 1924 se ratachant, à partir du domaine de l'expérience ésotérique intime, dans la réalité terrestre et exotérique et deviennent socialement productives. Ce dont il s’agit en cela - après que les conférences du Karma de l'été eurent préparé un certain terrain pour cela -, devient clair lors de la dernière visite de Steiner en Angleterre, lors de la conférence organisée par D. N. Dunlop et ses amis de Torquay, à laquelle participent Marie Steiner et d'autres amis de Dornach. Rudolf Steiner y décrit d'une manière intense et imaginative des scènes du voisinage du temple d'Éphèse à l'époque pré-chrétienne, dans lesquelles le genre de coopération qu'il pratique actuellement avec Ita Wegman a sa préfiguration dans des relations de conscience complètement différentes. C'est ainsi qu'en ces temps antiques, l'élève apprenait du maître, le maître de l'élève. Car d'une part, les révélations étaient spirituelles-psychiques/d’âme d'une part, et psychiques/d’âme-spirituelles d'autre part. Et une conversation qui, de cette manière... se jouat, donna dans la communauté humaine, dans l'expérience humaine communautaire, les plus hautes connaissances.153

150 Rudolf Steiner an IW, 11.6.1924, Archive IW nach EZ I, p. 206.
151 Ebenda, p. 207.
152 Rudolf Steiner à IW, 14.6.1924, Archive 1W D'après EZ I, p. 209.
153 Conférence du 14 août 1924. GA 243 (1969), p. 89.

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Peu de jours plus tard, Rudolf Steiner concrétise ce que l'on laisse entendre ici et le conduit dans le présent. Il décrit comment serait à développer une « anatomie spirituelle » à laquelle cela réussirait d’élargir la conscience médicale à la compréhension consciente des sphères planétaires et, de là, parvenir à des descriptions scientifiques de la manière dont elles se produiraient comme elles vinrent en l’état dans le livre élaboré avec Wegman. « Il s'agit de ce que tout tourne autour de l’être humain vivant. Pourquoi ? / Parce que ces choses pourront seulement être maintenues quand elles sont saisies avec ces forces qui viennent aussi en état de l’aspiration commune d’humains, quand elles seront pour ainsi dire, saisies avec les forces que les humains portent en eux de leurs vies terrestres antérieures et maintenir ces forces avant toutes choses, pour les utiliser au maintien de ces choses ».154 Rudolf Steiner s’est efforcé une vie durant à essayer de « maintenir/établir » conceptuellement les impressions fugaces de la vision supra-sensible d'une manière appropriée. Dans la collaboration avec Ita Wegman, lui croissent de toutes nouvelles facultés et possibilités pour cet effort. Et la base pour cela est connaissance du karma.

Rudolf Steiner renforce cette intention/vue peu après à Dornach. Cette fois-ci, il y a quelques participants qui au moins de manière pressentie, savent où il veut en venir. « Seules de telles recherches qui cherchent les portes pour passer de l'humain physique à l’humain spirituel de la façon correcte donnent seulement alors un résultat prometteur quand elles seront correctement mises en route. Pour que pour un tel travail, comme c'est le cas ici, non purement les forces de recherche du présent soient utilisées, mais justement tout de suite les forces de recherche qui se donnent par cela qu’on reprend les fils karmiques qui se donnent à partir de l'histoire de l’évolution de l'humanité. On doit pour ainsi dire travailler avec les forces du karma, pour arriver derrières les secrets dont il s’agit là ».155

154 Conférence du 21.8.1924. GA 243, p. 212 et suivantes sur Selg 2002, p. 54.
155 conférence du 14.9.1924. GA 238 (1974), p. 83.

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 Quiconque tente d'accepter ces formulation cryptées sans préjugés n'aura pas facile de distinguer exactement ce qui concoure ici : d'une part, la proximité d’âme intime, qui s'exprime dans les lettres privées, les notes obtenues par hasard, et avant tout à sentir dans les ravissantes structures de langage que Rudolf Steiner confie à l'amie bien-aimé pour la méditation,156 à cela des description teintées d’intimité semblable, pleines d’ambiance du paysage de parc autour du temple éphésien, des conversations qui s' y tiennent, d'autre part, la caractéristique abstraite de l'évolution commune vers de nouveaux niveaux supérieurs de vision et de connaissance suprasensible, finalement le discours sur des « forces » de vies terrestres antérieures, qui sont à « maintenir », cela signifie donc volontiers pour la pénétration conceptuelle de ce qui est contemplé et peut donc servir à l'application dans la pratique de la vie. Tout cela resplendit d'une joie écrasante à la résurgence/reivification enfin atteinte de la destinée commune. Les considérations de Dornach sont à voir dans le contexte des semaines de travail incroyablement denses de septembre 1924, les trois semaines « qui représentent volontiers pas seulement un événement unique dans l'histoire du mouvement anthroposophique, mais dans l'histoire de l’esprit absolument » (Emil Bock).157

 A l’intérieur du peu de jours qui reste avant que Rudolf Steiner ne tombe gravement malade, une étape de développement exemplaire dans l'édification de l'Université Libre est possible. Parmi les auditeurs de la conférence citée du 14 septembre, il y a un certain nombre de médecins qui ont assisté aux cours de Noël et de Pâques pour les « jeunes médecins » de janvier et d'avril 1924, et qui sont maintenant autorisés à écouter les conférences du « Cours de médecine pastorale » avec les jeunes théologiens de la communauté des chrétiens. Après la conférence de Noël, ces très jeunes gens, qui pour une part se trouvent à l'examen final de médecine, ont été introduits par Rudolf Steiner dans l’ésotérisme professionnel particulier de la médecine anthroposophique. Comme le montre Peter Selg, en se basant sur la correspondance vivante qui a été conservée dans les archives Ita Wegman, ces derniers, ont d'abord non seulement le plus grand mal pour amener en accord les contenus ésotériques totalement inconnus des cours donnés spécialement pour eux avec les contenus de leurs études académiques, avec les idéaux les plus élevés des débutants de la profession de médecin, mais aussi pour se retrouver au-delà de la séparation spatiale en tant que communauté spirituelle de vie et de travail.158

156 Voir les documents publiés dans EZ IV et en partie aussi dans Kirchner-Bockholz 1976.
157 Cité après Lindenberg 1988, p. 601.

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Sous l'impression des conférences de Dornach en septembre, leurs efforts communs atteignent maintenant apparemment le niveau tant espéré par Rudolf Steiner, notamment grâce aux interventions décisives d'Ita Wegman, qui exige deux choses d’eux avec énergie : « La sagesse de Mercure veut s'incarner, forme un récipient ! »159 Sept d'entre eux (deux autres sont encore à l'étude) seront réunis pour former le « noyau ésotérique » de la Section médicale du Goetheanum. Un premier cercle de section est ainsi constitué dans l'histoire de la Freie Hochschule. Ceci se passe expressément avec une référence solennelle à la nécessité d'une conscience pour la cohésion avec la « source de l'efficacité », qui serait donnée au Goetheanum dans la collaboration de Rudolf Steiner avec Ita Wegman. Un réel sentiment d'union serait indispensable à cela.160

Ce qui se montre si clairement sur le champ particulier de l’ésotérisme professionnel, cela ne jette-t-il pas une lumière sur la question de ce que Rudolf Steiner avait pensé lorsqu'il a qualifié Ita Wegman de « co-directrice » de la première classe ? Il fait cela seulement deux fois dans les heures de classe jusqu' à l'été, puis, en septembre, dans chacune des sept leçons de répétition. Il est peu vraisemblable qu'en cela il avait seulement en vue la fonction de Wegman comme « secrétaire », comme a été diversement supposé plus tard. Wegman donne à plusieurs reprises - en accord avec Rudolf Steiner - des instructions formulées de manière indépendante dans les matières de première classe, par exemple à Lili Kolisko, Ludwig Polzer, Anna Gunnarsson (voir ci-dessous chapitre 6.1,6.5,6.11). Évidemment, Rudolf Steiner ne la considérait pas comme cosignataire de ses déclarations ou comme secrétaire de scéance - car ici Guenther Wachsmuth aurait été beaucoup plus compétent - mais comme une partenaire pleinement responsable, d'abord avec un pouvoir de décision pour les admissions et la transmission des mantras de l’université, mais alors aussi pour des questions sur le contenu et la forme du travail de classe.

Avec cela n’est pas dit que Rudolf Steiner aurait nommé Wegman à la tête de l'université ou de la première classe pour le cas de son décès. Une solution à la question de la direction était seulement possible sans sa participation terrestre dans le consensus d’individualités libres.

158 Selg 2005 b.
159 IW à H. Walter, 25.8.1924, après Selg 2005 b, 5,129.
160 GA 318 (1994), 5 165 f. Voir Selg 20056, p. 145 et suivantes.

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 Lui-même n'était pas autorisé à intervenir de façon préjudiciable dans le processus social nécessaire à la recherche d'une « harmonie des cœurs » ésotérique. . De quelle manière Wegman, si cette « harmonie » avait été atteinte, aurait pu poursuivre sa tâche de « co-directrice » sous une forme transformée, reste une question ouverte.

Maintenant il se comprend de soi que la collaboration intensive et intime de Rudolf Steiner avec Ita Wegman n'était pas seulement pressentie par Marie Steiner, mais a été endurée de manière dramatique selon l’âme. Rudolf Steiner en a parlé avec elle. Il l'a remerciée peu avant sa mort pour la « compréhension » à laquelle elle s’était « résolue » .161 Son intérêt intime à leurs activités n'était en compromis par aucun chemin par la nouvelle collaboration avec Ita Wegman. Non seulement qu’il a donné des cours à sa section d’eurythmie du son et de la parole dans le courant de 1924 et le cours de théâtre en septembre, mais il a toujours de nouveau collaboré dans le travail de répétition en conseillant. Comme le montrent ses lettres, il se préoccupe encore jusque dans les moindres détails de son travail artistique, de ses initiatives pour la vie de la Société anthroposophique et de son bien-être, encore dans les dernières semaines qui ont précédé sa mort. Comme auparavant, elle demeure la seule héritière désignée par testament de sa succession. Mais jusqu'où suffisait sa « compréhension » pour la nouvelle situation ? Certainement pas jusqu'à saisir la signification extraordinaire que Rudolf Steiner accordait à sa collaboration avec Ita Wegman pour le développement de ses possibilités de recherche spirituelle et leur impact social ; certainement pas aussi jusqu' à une reconnaissance des conditions karmiques préalables pour cela ou les fonctions de direction en partenariat envisagées par Rudolf Steiner dans la section et l'université. La chose la plus extérieure à laquelle Marie Steiner à pu se résoudre fut la reconnaissance de droits d'Ita Wegman dans le sens d’une séparation des territoires.162 Mais avec cela n’était posé aucune base sûre pour l’avenir. Pour de loin la plupart des membres de la Société anthroposophique et de l'Université était bien à peine devenu clair, de quoi il s’agissait en fait.

161 Rudolf Steiner an MSt, 27.2.1925. GA 262 (2002), p. 450.
162 C'est ce qu'elle a écrit dans une lettre adressée à Steffen immédiatement après la mort de Rudolf Steiner : « La meilleure chose sera donc une discussion personnelle entre Mme Wegman et moi-même. Je crois que chacune sera capable de prouver à l’autre qu'elle a certains droits et qu'elle a une raison de ne pas exagérer ces droits." (MSt an Steffen, 5.4.1925. TVA 1981, p.
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 Seulement peu avaient compris, lorsque Rudolf Steiner mourut, qu'Ita Wegman avait été chargé par lui, en tant que « gardienne des Mantrams », de tâches significatives pour l'avenir. Par des admirateurs zélés de Wegman, comme il faudra encore le montrer, ce plein pouvoir spirituelle sera réinterprété en une prétention terrestre à la direction. Dans les cercles autour de Marie Steiner, des images déformées se sont formées, telles qu'elles apparaissent dans le mémorandum de Hermann Poppelbaum de novembre 1934 et encore plus extrêmes dans le fameux « Mémoire » paru en 1935.163

 Tous ces rapports, tensions latentes, réserves et craintes non exprimées, qui étaient palpables déjà bien avant la mort de Rudolf Steiner, laissait attendre peu de bon pour l’avenir sans la fprce dirigeante du grand maître.

En raison du grand nombre de nouveaux membres admis, Rudolf Steiner, de retour à Dornach au début du mois de septembre 1924, décida de ne pas poursuivre le développement de l'université comme il l'avait annoncé avant son voyage. En succession rapide, il répète les heures déjà données, avec les mêmes mantras, mais dans un arrangement quelque peu différent et avec des explications surtout nouvelles, plus concises. Ce qu'il a présenté dans les conférences du Karma en juillet puis en août en Angleterre sur les arrière-plans spirituels du mouvement anthroposophique remplit ces heures d'un sérieux accru et d'une urgence encore plus grande. Des éléments rituels tels que les « signes » et les « sceaux », qui concluent chaque heure de classe depuis lors jusqu' à nos jours, apparaissent désormais comme un luire/briller-dedans d’une édification supplémentaire de l'école. En même temps, les conditions d'admission prennent leur forme définitive.164 Avec la septième heure de répétition, le travail nouvellement commencé s'arrête. Rudolf Steiner tombe malade et ne peut pas poursuivre l’édification de l'université. Jusqu' à sa mort, les admissions surviennent seulement encore sous forme écrite.165

163 Voir aussi p. 175 ci-dessous, les deux documents dans EZ III, p. 232 et 259 respectivement. Un résumé des allégations formulées à l'encontre de Wegman se trouve dans Zeylmans dans le même volume p. 53 et suiv. Dans ce qui suit, il soumet ces accusations à des critiques détaillées. Voir aussi les illustrations de E. Vreede, W. Zeylmans, L. Polzer-Hoditz et O. Smith dans le même volume.
164 Version la plus complète dans la deuxième heure de répétition (GA 270/3, p. 45).
165 1W an Steffen, 16.3.1926, EZ III, p. 66.
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