D012 - Globalisation
Deux
définitions
de la globalisation/mondialisation
Le mot "mondialisation" a un double
sens.
D'une part, il s'agit du dépassement des
économies nationales par l'économie mondiale, ce
contre quoi n'est en fait rien
à objecter. Cependant, cela menace de surmonter les
économies faibles par les fortes
et à cause de cela de la continuation des
nationalismes précédents sous un
autre nom.
D'autre part, la mondialisation signifie
aussi
l'économicisation du monde - le monde en tant que
marchandise. Le monde est devenu
une économie, le ballon de jeu de quelques grands
groupes. Si des États se
défendent contre leurs intérêts, ils menacent
d'émigrer.
Ces deux aspects de la mondialisation ont
provoqué un fort mouvement de protestation ces
dernières années.
A
propos de l'actualité
De façon assez inattendue, à la fin des années
1990, un mouvement international de protestation a
réussi à paralyser une
réunion de l'OMC. Depuis lors, il a été question à
plusieurs reprises de
soi-disant opposants à la mondialisation qui veulent
attirer l'attention du
public sur les réunions d'affaires internationales,
ce qu'ils ont de plus en
plus réussi à faire. Les médias sont bien sûr -
comme toujours -
particulièrement intéressés par les batailles de
rue. Mais ils laissent aussi
parfois des manifestants plus imaginatifs venir à la
parole, malgré leur
dépendance à l'égard des États et des grandes
entreprises. Il devient toutefois
rarement clair que ce n'est pas tant l'économie
mondiale elle-même, mais la
suprématie économique des pays industrialisés et la
primauté de l'économie qui
sont critiquées.
Après l’exécution d'un manifestant à Gênes à
l'été 2001, on craignait qu'une partie du mouvement
de protestation se glisse
dans la clandestinité terroriste. Heureusement, cela
ne s'est pas produit. Au
lieu de cela, le 11 septembre, - encore une fois de
façon assez inattendue -
est arrivée l'attaque des fondamentalistes
islamistes contre un symbole de la
mondialisation, le World Trade Center. En raison de
l'hystérie de la guerre qui
se répand depuis lors, il devient de plus en plus
difficile pour les critiques
de la mondialisation de faire part de leurs
préoccupations au public.
Mondialisation
et
tri-articulation sociale
La valeur d'une économie mondiale réside dans
l'aide mutuelle qu'elle rend possible. Du point de
vue de la tri-articulation
sociale, la mondialisation - au sens de la mise en
réseau économique mondiale -
peut donc seulement être soutenue. Mais si l'on ne
veut pas favoriser des
économies plus fortes, il doit être possible de
prendre des mesures de
protection, par exemple pour les pays en
développement. Seulement, ce n'est pas
une tâche pour l'État, mais une tâche pour
l'économie mondiale elle-même, qu'il
ne faut pas confondre avec le libre-échange, comme
il est d'usage aujourd'hui. Elle
doit se façonner elle-même au lieu de laisser les
prix au hasard du marché.
L'idée de taxer les transferts de devises pour
l'aide au développement (taxe Tobine) est aimée
parmi les opposants à la
mondialisation. Aussi désintéressée que soit cette
approche, on ne peut
qu'espérer qu'elle sera abandonnée au profit
d'autres alternatives. En effet,
la spéculation monétaire met en évidence un problème
fondamental de la
politique monétaire d'aujourd'hui, qui demeurerait
même quand des États en
profiteraient financièrement.
Il serait plus sensé de rechercher une forme
d'imposition neutre pour l'économie mondiale. Cela
conduirait à renoncer à
toute forme d'impôt sur le revenu (comme l'impôt sur
le revenu et la taxe
professionnelle) au profit d'un impôt unique -
naturellement échelonné - sur
les dépenses. Les taux d'imposition n'ont plus
d'influence sur les prix à
l'exportation, car seuls les biens importés et
nationaux sont taxés. La même
idée doit bien sûr s'appliquer aux coûts sociaux. Il
n'y a donc plus de sens à démanteler
l'État providence et les systèmes de sécurité
sociale pour être plus compétitif
sur la scène internationale. D'autre part, l'impôt
sur le revenu fait
apparaître chaque système social - en particulier
dans les pays en
développement - comme un luxe que l'on ne peut plus
se permettre une fois que
l'on veut exporter pour obtenir des devises.
Bien entendu, vous ne pouvez pas transformer
l’impôt
sur les dépenses en un programme en un point. Sinon,
cela conduirait à un
renforcement des grandes entreprises qui
profiteraient d'une telle exonération
fiscale pour accroître leur pouvoir. La direction
seule doit être claire et elle
s'appelle ici : L'État n'est pas une
marchandise.
Les critiques de la mondialisation l'ont
compris et protègent l'État contre l'économie. La
mondialisation, en tant
qu'économie du monde, menace non seulement l'État,
mais aussi la vie de
l’esprit. Celle-ci aussi devrait être amenée sur le
marché. L'éducation et les
soins de santé en particulier doivent être
libéralisés dans les années à venir.
Il s'agirait alors d'un double paternalisme/une
double tutelle : non seulement
une étatique, comme avant, mais aussi encore une
économique.
Malheureusement, les syndicats tendent,
par
leurs concepts, à une étatisation de la vie de
l’esprit. Concernant cela, maints
opposants à la mondialisation commettent une grave.
Ils ne voient pas qu'une
telle étatisation affaiblit la vie de l’esprit à un
point tel qu'elle menace alors
en premier d'être bien commercialisée. Et non
seulement parce qu'elle devient
inefficace et impayable, mais aussi parce que lui
manque alors la force de
résister aux intérêts des grands groupes.
Pour s'affirmer à l'heure de la mondialisation,
les États ont besoin du soutien de la société
civile. Si, par contre, on en reste
à la vision habituelle dualiste du monde, qui
connaît seulement vie de l’état
et vie de l’économie, tôt ou tard, cela conduira à
une supériorité de
l'économique. La seule possibilité de lutter contre
les excès de la
mondialisation consiste à laisser l'ensemble de la
vie de l’esprit - y compris
les écoles et les médias –s’administrer
indépendamment de la politique et de
l’économie. Cette préoccupation centrale d'une
tri-articulation sociale
donnerait à la société civile la force de
propulsion/d'impulsion nécessaire et
l'aiderait à concevoir des alternatives à la
mondialisation qui ne sont plus prisonnières
de la vieille pensée. Quiconque a observé les Forums
sociaux mondiaux de ces
dernières années sait combien cela manque encore.
Vu ainsi, chaque critique de la mondialisation
doit aussi être une critique de l'État. L'esprit
n'est pas un paragraphe.
Sylvain Coiplet
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