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Sujet: Nostalgie de connaissance de l'aspirant à l'esprit au 19e siécle.
 
Les références : 29 octobre 1916 Dornach (Rudolf Steiner Oeuvres complètes 171_15)
Traducteur: Christine Sutter et Georges Ducommun Editeur: Editions Anthroposophique Romandes

 

Prenons le cas de Jaurès, un homme qui, comme tant d’autres, prenait au sérieux les grands problèmes sociaux de l’époque. À la veille de cette funeste guerre mondiale il a trouvé une mort mystérieuse qui ne sera peut-être jamais totalement élucidée par aucune enquête extérieure. Jaurès, le socialiste, fut certainement l’une des personnalités les plus honnêtes de notre époque parmi celles qui se passionnent pour les problèmes fondamentaux de la vie sociale de notre temps. On peut dire qu’il a rassemblé tout ce qu’un homme peut réunir aujourd’hui de connaissance sur la nature, l’histoire, le problème social, afin de voir ce qu’il y a lieu de faire pour résoudre de façon pratique les questions qui se posent à l’homme d’aujourd’hui. Jaurès ne faisait pas partie de ces gens superficiels qui veulent rendre le monde heureux en élaborant un système social à partir de quelques pensées subjectives qui leur sont sympathiques, qui ne veulent connaître la vie humaine du présent que pour avoir des vues sociales. Jaurès au contraire faisait partie ce ceux qui observent dans l’histoire la façon dont les différents problèmes de vie, les problèmes sociaux et autres, se sont formés chez les divers peuples, comment chez ces peuples ils ont débouché sur des crises, des évolutions, afin de dégager les conséquences de situations données. Jaurès a consciencieusement étudié cela.
Or, pour un homme qui se livre à ces considérations, le plus important est de comprendre ce qui s’est passé au cours de la vie humaine, précisément dans les trois ou quatre derniers siècles. Car si d’une part, au cours de ces trois ou quatre siècles, s’est produit une métamorphose de toute l’aspiration humaine à la connaissance, et que se sont peu à peu formées, pour la connaissance, les deux impulsions unilatérales que je vous ai présentées dans ces considérations, il est tout aussi vrai que quelque chose de semblable s’est développé dans les courants sociaux, les aspirations sociales. Celui qui veut comprendre la situation dans laquelle vit l’humanité d’aujourd’hui, on peut même dire la terre entière, doit en effet comprendre comment les impulsions qui dominent actuellement les âmes, le plus souvent inconsciemment, se sont peu à peu insinuées en elles depuis le début de la cinquième époque postatlantéenne. Mais lorsque des hommes comme Jaurès, qui d’ailleurs ne pouvait faire autrement que de baser son effort sincère sur l’attitude d’esprit matérialiste du temps présent, considèrent notre époque, il leur apparaît partout des questions dont ils ne savent que faire. C’est ainsi que nous pouvons, dans un effort aussi sincère que celui de Jaurès, découvrir deux points étrangement obscurs, en plus d’autres que nous n’aborderons pas ici, des points vers lesquels on devrait diriger le regard en partant du point de vue de la science de l’esprit.
À l’âme de Jaurès, précisément lorsqu’il considère la vie des siècles écoulés de la cinquième époque post-atlantéenne, apparaît cette question : qu’est-ce qui a donc conduit les êtres humains du présent à ce que les membres d’une certaine caste, d’une certaine classe, aient tel ou tel sentiment, et que ceux d’une autre classe ou caste aient d’autres sentiments ? Un tel homme contemple ce qui a précédé la cinquième période post-atlantéenne, contemple la vie qui était alors enclose dans d’étroites frontières. Il suffit de se rappeler ce qui a changé dans la vie humaine depuis les 14e, 15e siècles : comment est intervenu ce qui découle de la découverte de l’Amérique, des découvertes de la science naturelle et des institutions modernes, de l’imprimerie, etc. Que n’est-il pas arrivé à l’humanité ! Imaginez que vous soyez revenus au temps où l’imprimerie n’existait pas, où les gens ne pouvaient lire la Bible mais où ils se réunissaient dans l’église de leur paroisse et écoutaient ce qui leur était communiqué par ceux qui voulaient leur transmettre quelque chose dans une orientation bien précise et personnelle. On accorde beaucoup trop peu d’importance à cette différence de structure de la vie avant le début de la cinquième époque post-atlantéenne. Ce qui vit aujourd’hui dans les âmes, ce qui forme aujourd’hui les principes des gouvernements, les principes de ceux qui dirigent les entreprises commerciales, industrielles et autres, les principes de ceux qui, à leur tour, forment des êtres humains pour ces entreprises, mais aussi les principes de ceux qui participent à ces entreprises en leur qualité de membres de la population laborieuse, comme les principes de ceux qui possèdent le sol et la terre etc., tout cela, tel que cela vit aujourd’hui dans les âmes, ne s’est formé qu’au cours des siècles derniers. On tient bien trop peu compte de la différence radicale qui existe entre la pensée et le sentiment à l’époque actuelle, même du plus simple paysan et à l’époque passée. Bien entendu, des gens comme Jaurès, qui sont saisis par les grandes et brûlantes questions sociales, tiennent compte de cet aspect.
La première question qui se pose à Jaurès est celle-ci : à quoi est due cette pensée aujourd’hui si étrange au sein de l’humanité ? Que s’est-il donc passé depuis que le cercle relativement restreint des êtres humains, qui autrefois accédaient directement à la vie spirituelle et dirigeaient le reste de la population, en arrive maintenant à ne le diriger que pour la vie matérielle extérieure, mais, d’une certaine manière, ne le dirigent plus en ce qui concerne les sentiments et les sensations ? Il y a une grande, une immense différence, si nous pensons aux conditions d’autrefois, où celui qui procurait du travail aux gens, leur envoyait en même temps le chapelain qui leur disait ce qu’il était, à son sens, nécessaire de leur dire ; à cela il faut comparer l’époque actuelle où certaines choses sont devenues accessibles à tous. Jaurès s’est trouvé confronté à la question : comment la pensée et le sentiment ont ils changé ? Cette question lui est venue sous une forme très colorée, colorée de cette nuance que donne la pensée socialiste moderne, mais nous pouvons l’en libérer. Jaurès s’est demandé d’abord : pourquoi doit-on accuser les gens du petit cercle qui donnent du travail aux autres, en disant par exemple : s’ils ont rendu, par l’école et la lecture etc., les moyens de culture accessibles aux gens qui devaient travailler chez eux, c’est justement afin d’augmenter leur profit. C’est ce que certains socialistes ont toujours répété : le fait de rendre accessibles aux travailleurs les moyens de culture était une ruse des employeurs, parce que des travailleurs cultivés travaillent mieux et plus rationnellement. Mais Jaurès n’était pas d’accord avec cette pensée de plus d’un socialiste. C’est pourquoi, d’une certaine manière, ce qu’il lui fallait penser constituait pour lui un problème insoluble. Il est très intéressant de voir comment Jaurès a abordé la question : qu’en est-il des impulsions du sentiment, de la pensée et de l’âme qui sont apparues au cours des derniers siècles ? En fait il ne l’a pas résolue et ne pouvait le faire. Dans l’un de ses écrits politiques les plus intéressants, nous trouvons le passage suivant : « La preuve qu’en ces périodes de formation la bourgeoisie a cru être juste envers les travailleurs, c’est qu’elle leur a d’emblée donné l’école : c’est qu’elle a voulu leur donner le plus possible de lumière. C’est la Réforme, dont la bourgeoisie était la grande force, qui s’est passionnée pour l’instruction du peuple. Si la bourgeoisie avait eu quelques troubles secrets de conscience, si elle avait pu redouter le jugement que porteraient sur elle et sur son œuvre les ouvriers qu’elle éduquait sévèrement au travail, par la force de l’exemple comme par la force de la loi, elle les aurait le plus possible maintenus dans l’ignorance. Au risque d’extraire moins de travail utile d’une masse non éduquée, elle ne se serait pas exposée à la terrible sentence du prolétariat exploité par elle. Elle n’aurait pas ouvert elle-même sur sa besogne d’iniquité, ces milliers et ces milliers d’yeux accoutumés aux longues ténèbres. »
Jaurès se dit donc : on ne peut reprocher à la bourgeoisie – nous savons que la bourgeoisie a ses racines dans le premier des deux courants unilatéraux que nous avons présentés – d’avoir voulu, en quelque sorte, uniquement duper les travailleurs pour faire d’eux des instruments utiles. Tout au contraire, elle a voulu que chaque homme puisse lire. Et maintenant vient l’important, ce qui chez un homme cultivé du temps présent, un homme tout de connaissance, lui ouvre les yeux et les lui referme aussitôt, c’est qu’il n’est pas parvenu à la science de l’esprit. Jaurès dit : « Elle a voulu au contraire que tout homme sût lire : et quel livre ? Celui où elle-même puisait la vie. C’est dans la lecture de la Bible, traduite partout en langue vulgaire que les peuples apprendront à penser, dans la Bible batailleuse et âpre, toute pleine des murmures, des cris, des révoltes d’un peuple indocile dont Dieu, même quand il le châtie et le brise, semble aimer la fierté, dans cette Bible où il faut que les chefs, même prédestinés, persuadent sans cesse les hommes et conquièrent, à force de services, le droit de commander, dans ce livre étrangement révolutionnaire où le dialogue entre Job et Dieu se continue de telle sorte que c’est Dieu qui a l’air d’être l’accusé, et de ne pouvoir se défendre contre le cri de révolte du juste que par le tapage grossier de son tonnerre ; dans cette Bible où les prophètes ont lancé leurs appels à l’avenir, leurs anathèmes contre les riches usurpateurs, leur rêve messianique d’universelle fraternité, toute leur ferveur de colère et d’espérance, le feu de tous les charbons ardents qui brûlèrent leurs lèvres. C’est ce livre farouche que la bourgeoise industrielle a mis entre les mains des hommes, des pauvres travailleurs des villes et des villages, de ceux-là même qui étaient ses ouvriers ou qui allaient le devenir, et elle leur a dit : Regardez vous-mêmes, écoutez vous-mêmes. Ne vous abandonnez pas aux intermédiaires. Entre Dieu et vous la communication doit être immédiate. Ce sont vos yeux qui doivent voir sa lumière, c’est votre esprit qui doit entendre sa parole. Encore une fois, comment une classe qui aurait douté d’elle-même, de la valeur et de la légitimité de son œuvre, aurait-elle déshabitué de toute foi en l’autorité la conscience des hommes qu’elle s’apprêtait à gouverner à son profit ? Si elle avait eu « mauvaise conscience », si elle était venue dans le monde comme une voleuse, elle y serait en effet venue la nuit, fur in nocte. Or, son premier soin était d’accroître la lumière. Elle était convaincue évidemment que l’ordre de travail, d’activité, de sévère discipline morale qu’elle apportait dans un monde de paresse, de superstition, de désordre et de stérilité, serait profitable à ceux-là mêmes qui occuperaient le rang le plus humble. »
Nous avons là une question soulevée par un penseur réformiste de notre époque, qui se demande : Toutes ces pensée qui dominent aujourd’hui la masse, comment sont- elles venues dans le monde ? Elles sont venues – nous pouvons maintenant faire abstraction des nuances politiques – de ce qu’on a mis la Bible entre les mains des hommes, le livre le plus révolutionnaire que connaisse le monde. Il est si révolutionnaire parce qu’il est tellement efficace. Jaurès trouve donc, dans les sentiments des êtres humains, la conséquence de la lecture de la Bible, qui n’a été rendue possible que parce qu’elle a été imprimée. Aux siècles antérieurs, en effet, le peuple ne possédait pas la Bible, et l’Église a même soigneusement veillé à ce que le peuple ne puisse pas lire la Bible. On réfléchit, une fois encore, beaucoup trop peu à cet aspect que toutes les questions modernes dépendent du fait que c’est seulement depuis les temps de la cinquième période post-atlantéenne que le peuple connaît la Bible, la connaît de telle sorte que les impulsions de la Bible deviennent aussi des impulsions dans les âmes des hommes. Le christianisme a été autrefois transmis au peuple de toute autre manière que par la Bible. Ainsi un penseur, tel Jaurès, qui est tout à fait au cœur du monde moderne, embrasse du regard l’évolution de la cinquième période post-atlantéenne et se demande : que s’est-il passé en réalité ? Quels sont les rapports entre le fait que la Bible a été rendue accessible aux hommes, et ces autres faits que nous constatons maintenant autour de nous ? Il ne trouve pas de véritable rapport. Il l’exprime d’ailleurs de manière très précise : « Ce serait un grand et délicat problème, bien plus complexe et bien plus humain que celui que Marx a abordé : chercher comment cette sorte de certitude morale de la bourgeoisie, sûre de sa conscience, a pu s’accommoder de toutes les pratiques violentes et frauduleuses, de toutes les atrocités coloniales, de toutes les roueries mercantiles, de toutes les variétés d’exploitation qui ont marqué les premières périodes du capitalisme, son avènement et sa croissance. C’est un problème qui me dépasse, pour lequel d’innombrables éléments d’enquête morale devraient être recherchés dans les documents de tout ordre que les 15e, 16e et 17e siècles nous ont laissés, et dont le fond d’ailleurs ne pourrait être touché que par une grande force d’intuition et de divination. »
Cette force, il ne se l’attribue pas. Vous voyez donc, même chez l’un de ceux qui aspirent le plus à le faire, l’aveu d’impuissance de répondre à la question : comment les âmes de l’époque actuelle sont-elles devenues ce qu’elles sont ?
L’autre point dont nous devons tenir compte, c’est qu’il va de soi qu’un homme qui cherche autant à résoudre ce problème ne peut avoir la force d’intuition et de divination qui serait nécessaire pour cela, parce qu’il se tient tout à fait éloigné de l’aspect fondamental de la science de l’esprit. Comprendre que le spirituel afflue des mondes spirituels par l’intermédiaire de l’âme humaine, et que s’introduit dans le monde physique, l’afflux réel d’impulsions spirituelles émanant des forces et des travaux d’êtres des hiérarchies supérieures, voilà qui est tout à fait éloigné d’un tel esprit. C’est pourquoi un tel esprit voit que certaines choses se déroulent depuis le début de l’époque moderne, depuis le début de la cinquième époque post-atlantéenne. Mais il ne voit pas ce qui y vit ; il ne voit pas non plus, dans un cas concret, la percée consciente des impulsions spirituelles émanant en quelque sorte d’actions des êtres des hiérarchies supérieures. Cela ne peut être observé qu’au moyen de la science de l’esprit. Tout se prépare. Bien entendu, le monde n’a jamais été sans esprit, même si cet esprit a agi inconsciemment d’une manière ou d’une autre. Je vous ai souvent rendus attentifs au fait que tout ce qui s’est déroulé sur un certain territoire de l’Europe moderne était profondément influencé par des puissances spirituelles. À partir de l’histoire extérieure aussi, on peut prouver qu’à une certaine époque, au début de la cinquième période post-atlantéenne, quelque chose de vraiment miraculeux s’est produit, un fait que l’homme à la pensée matérialiste doit considérer comme une chimère, s’il prend la chose au sérieux. Par contre, s’il ne la prend pas au sérieux, il ne peut expliquer tout le cours de l’histoire moderne. Cet événement, je l’ai souvent cité (143), est l’apparition de la simple jeune fille de la campagne chargée d’une grande mission historique, l’apparition de Jeanne d’Arc, la Pucelle d’Orléans (144). La carte de l’Europe serait aujourd’hui toute différente, et cela l’historien le sait fort bien, si Jeanne d’Arc, la Pucelle d’Orléans, n’était pas apparue. Pourquoi les gens du temps présent s’étonnent-ils, il suffit de se reporter à Anatole France (145), qu’à une époque où cela ne pouvait encore être vu consciemment, ait été envoyée par une sorte de clairvoyance mi-atavique, mi-visionnaire une impulsion des mondes spirituels, et même un système d’impulsions ? Mais ils ne peuvent rien faire de cela ! Un Anatole France, bien sûr, s’en arrange en disant : il arrive parfois que des êtres humains, sous l’influence de la suggestion, de forces de fantaisie, comme celles qui partaient de la Pucelle d’Orléans, fassent toutes sortes de choses. Une telle façon de concevoir l’histoire rappelle ces théologiens modernes qui ont une manière particulière de s’accommoder de la naissance du christianisme à travers la vision de Paul à Damas ; ils présentent comme un fait avéré que Paul a eu une autosuggestion à Damas, et devraient au fond y faire remonter tout le christianisme, ce qu’ils se gardent bien de dire, car autrement ils devraient admettre que le christianisme vient d’une autosuggestion de Paul. Et ils se garderont bien de le dire. Cette demi-mesure est plus que néfaste pour toute la vie spirituelle, cette demi-mesure est l’expression de l’impuissance où l’on se trouve face à de telles questions. Il est bon sur ce point d’aller voir chez un homme aussi honnête que Jaurès.
Il essaye de voir clairement la signification des impulsions venues des propriétaires fonciers à la cinquième époque post-atlantéenne, et de celles qui sont venues de la population des villes. Nous n’avons pas besoin, une fois encore, de nous occuper de cette nuance socialiste. Je veux seulement vous rendre attentifs au fait que Jaurès est d’avis qu’à cette époque il importerait moins que la question sociale soit considérée du point de vue des propriétaires fonciers ou de celui de la population industrielle, ce problème est hors de propos ici. Les soulèvements paysans étaient des mouvements dépendants de la propriété foncière : ils ne sont pas les plus importants pour lui. Et il veut justement voir en Jeanne d’Arc quelqu’un qui, bien qu’elle soit une fille de paysan, n’agit pas pour la population qui possède le sol – donc la population paysanne, mais pour le milieu plus vaste de la population citadine. Jaurès dit : « Jeanne d’Arc affirme sa mission et se dévoue au service de la patrie dans une France où la terre n’est plus la seule force de vie, où les communes ont joué un grand rôle, où Saint Louis a sanctionné et promulgué le livre des métiers et les statuts des corporations, où les révolutions parisiennes des règnes de Charles V et Charles VI ont fait apparaître des forces neuves, la bourgeoisie marchande et le peuple artisan, où les plus clairvoyants parmi ceux qui veulent réformer le royaume, ont rêvé d’une alliance de la bourgeoisie et des paysans contre le désordre et l’arbitraire, c’est dans cette France moderne que gouvernera demain « le roi bourgeois », fils du pauvre sire qui va être sauvé par Jeanne d’Arc. C’est dans un pays déjà compliqué, subtil, raffiné, complaisant aux fines douleurs littéraires de ce Charles d’Orléans dont la captivité émouvait le cœur de la bonne Lorraine, c’est dans cette société qui est bien plus que rurale que Jeanne affirme sa mission et se dévoue au salut de la patrie. »
Pour Jaurès elle apparaît donc en quelque sorte non pour la population paysanne, cette population dépendant de la propriété foncière, mais bien comme liée à ce qui est en rapport avec la vie moderne avec la ville. Jaurès dit : « Humble fille des champs qui avait vu les douleurs et les angoisses des paysans qui l’entouraient, mais pour qui ces détresses même n’étaient que l’exemple prochain d’une douleur plus auguste et plus vaste, la douleur de la royauté dépouillée, de la nation envahie. Il n’y a dans son âme, dans sa pensée, rien de local, rien de terrien, elle regarde bien au-delà des champs de Lorraine. Son cœur de paysanne est plus grand que toute paysannerie. Il bat au loin avec les bonnes villes investies par l’étranger. Vivre aux champs, ce n’est pas nécessairement s’absorber aux choses de la terre. Dans le bruit naissant et dans la cohue grossière des cités, le rêve de Jeanne eût été sans doute moins libre, moins audacieux et moins vaste. La solitude a protégé la hardiesse de sa pensée, et elle vivait d’autant mieux avec la grande communauté de la patrie qu’elle pouvait, sans trouble, emplir l’horizon silencieux d’une douleur et d’une espérance qui allaient au-delà. Ce n’est pas une révolte de paysanne qui montait en elle ; c’est toute une grande France qu’elle voulait délivrer, pour la mettre ensuite dans le monde au service de Dieu, de la chrétienté et de la justice. Son dessein lui paraît si religieux et si grand qu’elle aura le courage, pour l’accomplir, de résister même à l’Église et de se réclamer d’une révélation supérieure à toute révélation. »
L’autre côté, pourrais-je dire, est immédiatement visible pour Jaurès. Il balaye du regard ce qui s’est déroulé et découvre que ce qui s’est passé l’a été sous l’influence d’une impulsion spirituelle, est passé pour ainsi dire à travers l’âme de Jeanne d’Arc et a pénétré dans le monde physique. Mais il va de soi qu’un homme qui pense ainsi ne peut reconnaître pleinement que des impulsions spirituelles, des forces spirituelles, soient le plus important. Aussi ne sait-il pas, une fois de plus, que faire de ce qui se montre si visiblement à lui. Voyez-vous, dans cette non-reconnaissance, même par les meilleurs esprits du temps présent, de ce qui existe en réalité, dans cette non-recon­naissance des impulsions spirituelles qui leur sautent ce­pendant aux yeux, donc dans cette non-reconnaissance de ce qui historiquement est une évidence, réside le plus gros mensonge de la vie de l’époque moderne. Même les meilleurs êtres humains, des êtres humains aussi profondément en quête de vérité que celui-ci, en sont contaminés. Ils veulent comprendre ce qui existe : mais ils ne peuvent le comprendre parce qu’ils ne peuvent vraiment voir l’esprit agissant à l’intérieur. C’est ce que ne peuvent faire ceux qui pensent comme Jaurès. Mais c’est aussi ce que ne pouvaient faire les autres, les tenants de la sagesse traditionnelle, qui, à l’époque de Jeanne d’Arc, se tenaient devant le phénomène direct d’un fait spirituel en la présence de la Pucelle d’Orléans. Si paradoxal en effet que cela paraisse, le fait de défendre des dogmes théologiques ne transforme pas un théologien en spiritualiste, en quelqu’un qui connaît le monde spirituel.
Le théologien dont je vous ai cité quelques passages hier n’est naturellement pas quelqu’un qui admet le monde spirituel, il est tout aussi matérialiste que Büchner ou Moleschott, sauf que Büchner et Moleschott (146) étaient plus véridiques qu’un tel théologien avec tout son matérialisme. Ce qu’on dit importe peu ; ce qui importe, c’est ce qu’on assimile à partir de l’expérience vivante, le fait de reconnaître vraiment le spirituel lorsqu’il vient à notre rencontre. Cela, les théologiens ne le pouvaient déjà plus à l’époque où Jeanne d’Arc leur faisait face, et ce fait est quelque chose que Jaurès souligne parfaitement une fois encore : « Son dessein lui paraît si religieux et si grand qu’elle aura le courage, pour l’accomplir, de résister même à l’Église et de se réclamer d’une révélation supérieure à toute révélation. Elle dira aux docteurs qui la pressent de justifier par les livres saints ses miracles et sa mission... »
Donc les théologiens, ces représentants de la vie spirituelle, qui avaient là devant eux une manifestation de la vie spirituelle, n’ont pas discuté de cette manifestation de la vie spirituelle : ils sont venus avec un parchemin, source d’où jaillit la révélation divine, et ont dit : prouve-nous par les livres saints que ce que tu nous dis peut être vrai. On ne demandait pas à la Pucelle d’Orléans de prouver, par l’existence de son rapport au monde spirituel, qu’elle avait une mission quelconque : mais elle devait le prouver à partir de vieux livres. Elle leur répondit : « Il y a plus dans le livre de Dieu que dans tous vos livres. » Jaurès dit à ce sujet : « Parole prodigieuse et qui est en quelque façon à l’opposé de l’âme paysanne, dont la foi est faite surtout de tradition. Mais que nous sommes loin du patriotisme ou incertain ou étroit et dur de la propriété terrienne ! C’est au plus haut de l’azur rayonnant et doux que Jeanne entendait les voix divines de son cœur. »
Imaginez d’un côté l’honnêteté et de l’autre le profond mensonge. Car, cela va de soi, un homme du présent ne considère que comme de l’autosuggestion, comme une fable, ce qui vit dans la Pucelle d’Orléans, et ne voit que des expressions imagées, poétiques lorsqu’il dit : « Mais que nous sommes loin du patriotisme ou incertain ou étroit et dur de la propriété terrienne ? C’est au plus haut de l’azur rayonnant et doux que Jeanne entendait les voix divines de son cœur. »
Pour un tel homme, ces voix divines de son cœur sont quelque chose de tout à fait abstrait. Ce qui se déverse ainsi n’est pas une réalité effective : les puissances de vie se déversant à travers une source comme la Pucelle d’Orléans, puissances qu’on reçoit pour pratiquer une science sociale réformiste à l’aide de cette impulsion spirituelle ! Certes, Jeanne d’Arc parle d’impulsions spirituelles. Pour en faire quelque chose. Jaurès n’observe pas ce qui afflue du plus haut de l’azur rayonnant, mais il additionne, divise, multiplie et rend logiques des concepts abstraits, des pensées purement matérialistes. Tel est le profond mensonge, qui n’apparaît pas du tout à la conscience des gens, qui ne vient pas à la conscience précisément des meilleurs.

 

Da haben wir einen Mann, der wie nur irgendeiner es ehrlich meinte mit den großen sozialen Problemen der Gegenwart, Jaurès, der am Vor­abend dieses unseligen Krieges einen geheimnisvollen Tod gefunden hat, der vielleicht niemals für die äußere Untersuchung ganz aufgeklärt werden wird. Jaurès, der Sozialist, der gewiß eine der ehrlichsten unter den strebenden Persönlichkeiten der Gegenwart war, beschäftigte sich in intensiver Weise mit all den Grundfragen des sozialen Lebens der Gegenwart. Und man kann schon sagen, er trug zusammen für sein Er­kennen alles dasjenige, was ein Mensch heute zusammentragen kann aus Naturerkenntnis, aus Geschichte, aus sozialer Betrachtungsweise, um zu Ansichten darüber zu kommen, was zu tun ist, um die für das heutige Menschenleben vorliegenden Fragen in praktischer Art zu lösen. Jaurès gehörte nicht zu den Oberflächlingen, welche aus ein paar sub­jektiven, ihnen sympathischen Gedanken ein soziales System entwik­keln, durch das sie die Welt beglücken wollen, welche nicht nur, um sich eine soziale Einsicht zu verschaffen, das Menschenleben der Gegen­wart kennenlernen wollen, sondern Jaurès gehörte zu den Menschen, welche auch die Geschichte betrachten, wie sich die verschiedenen sozialen und sonstigen Lebensprobleme bei den einzelnen Völkern ge­staltet haben, bei denen sie zu Krisen, zu Entwickelungen gekommen sind, so daß man sehen kann an solchen Gestaltungen,was aus bestimm­ten Voraussetzungen wird. Sorgfältige Studien über diese Dinge hat Jaurès gemacht.
Nun ist für einen Menschen, der solches betrachtet, das Allerwich­tigste, zu verstehen, was sich ergeben hat im Verlauf des menschlichen Lebens gerade in den letzten drei bis vier Jahrhunderten. Denn wenn auf der einen Seite in diesen drei bis vier Jahrhunderten eine Umgestal­tung des ganzen menschlichen Strebens auf dem Erkenntnisgebiete statt­gefunden hat und sich allmählich herausgebildet haben die beiden ein­seitigen Impulse, wie ich sie Ihnen in diesen Betrachtungen hingestellthabe für die Erkenntnis, so ist es auf der anderen Seite ebenso richtig, daß für die sozialen Strömungen, für die sozialen Sehnsuchten sich ein Ähnliches entwickelt hat. Derjenige, der verstehen will die Lebenslage, in der die heutige Menschheit, man kann schon sagen, der ganzen Erde ist, muß namentlich verstehen, wie sich nach und nach die Impulse, die heute die Gemüter beherrschen — zum großen Teile unbewußt, sie wissen nichts davon —, seit dem Beginn der fünften nachatlantischen Periode in die Menschenseele hereingeschlichen haben. Aber gerade wenn solche Menschen wie Jaurès, der ja nicht anders konnte, als auf der materia­listischen Gesinnung der Gegenwart sein redliches Streben aufzubauen, gerade diesen Zeitraum betrachten, so tun sich ihnen überall Fragen auf, mit denen sie eigentlich nichts anzufangen wissen. So können wir, ich möchte sagen, gerade bei einem solchen redlichen Streben wie das Jaurèssche, zwei merkwürdige dunkle Punkte entdecken — neben an­deren, die wir hier nicht anführen können —, auf die man gerade vom geisteswissenschaftlichen Gesichtspunkte aus den Blick richten sollte.
Vor Jaurès’ Seele steht es, indem er gerade das Leben des bisher verflossenen fünften nachatlantischen Zeitraums überblickt, wie eine Frage: Was hat denn eigentlich die Menschen der Gegenwart dazu ge­führt, daß die Mitglieder einer gewissen Kaste, Klasse, diese oder jene Seelenempfindung haben, die einer anderen Klasse oder Kaste andere Empfindungen haben? — Ein solcher Mensch sieht hin auf dasjenige, was vorangegangen ist dem fünften nachatlantischen Zeitraum, sieht hin auf das Leben, das in engen Grenzen dazumal befangen war. Man braucht sich nur zu erinnern, was anders geworden ist an der Welt des Menschenlebens seit dem 14., 15. Jahrhundert; wie eingegriffen hat das­jenige, was da gekommen ist mit der Entdeckung Amerikas, mit den neueren naturwissenschaftlichen Entdeckungen und Einrichtungen, mit der Buchdruckerkunst und so weiter. Was ist da alles gekommen über die Menschheit! Denken Sie zurück an die Zeiten, wo es keine Buch­druckerkunst gegeben hat, wo die Leute nicht die Bibel lesen konnten, sondern nur sich versammelten in der ihnen zugehörigen Kirche und das hörten, was ihnen persönlich mitgeteilt worden ist von denjenigen, die ihnen in einer ganz bestimmten Richtung persönlich etwas mitteilen wollten. Viel zu wenig lenkt man den Blick auf diese ganz andersartige Gestaltung des Lebens vor dem Beginn der fünften nachatlantischen Zeitperiode. Und was in den Seelen heute lebt, was heute Grundsätze der Regierungen bildet, was Grundsätze bildet derjenigen, welche die Handels-, die industriellen, die sonstigen Unternehmungen leiten, was Grundsätze bildet derjenigen, die wieder Menschen ausbilden für diese Unternehmungen, was Grundsätze bildet aber auch bei denen, die als arbeitende Bevölkerung bei diesen Unternehmungen beteiligt sind, was Grundsätze sind bei denen, die den Grund und Boden besitzen und so weiter, das hat sich ja, so wie es heute in den Seelen lebt, alles erst her­ausgebildet im Laufe der letzten Jahrhunderte. Den ganz radikalen Unterschied, der besteht zwischen dem jetzigen Denken und Fühlen auch des einfachsten Bauern gegenüber dem, was früher der Fall war, den faßt man viel zu wenig ins Auge. Aber natürlich, solche Menschen, die sich die großen, brennenden sozialen Fragen vor die Seele stellen, die fassen das ins Auge.
Und so sehen wir, daß zunächst eine Frage vor Jaurès steht, das ist diese: Wodurch ist denn eigentlich dieses heute so eigentümlich geartete Denken der Kulturmenschheit geworden? Was ist denn da geschehen, seitdem der verhältnismäßig kleine Kreis von Menschen, der früher in unmittelbarer Weise an das geistige Leben herangekommen ist und der die anderen geführt hat, nur noch die anderen mit Bezug auf das äußere materielle Leben lenkt, aber in einer gewissen Weise nicht mehr lenkt in bezug auf die Gefühle und Empfindungen? — Es ist doch ein großer Unterschied, ein gewaltiger Unterschied, wenn wir denken an frühere Verhältnisse, wo derjenige, der den Leuten die Arbeit verschafft hat, zugleich ihnen den Kaplan verschafft hat, der das Nötige gesagt hat, was ihnen gesagt werden mußte nach seinem Sinne, gegenüber der spä­teren Zeit, wo jedem zugänglich wurden gewisse Dinge. Die Frage trat vor Jaurès’ Seele: Wie hat sich da eigentlich das Denken und Fühlen der neueren Menschheit geändert? — Allerdings, es trat diese Frage vor seine Seele zunächst in einer Gestalt, die ganz gefärbt ist von jener Farbennuance, die das moderne sozialistische Denken hat; aber wir können sie daraus loslösen. Jaurès fragt sich zunächst: Warum soll man anklagen die Leute des kleinen Kreises, der den anderen Arbeit gibt, so daß man etwa sagt: Nun ja, sie haben den Leuten, die bei ihnenarbeiten sollen, die Bildungsmittel zugänglich gemacht in Schule und Lektüre und so weiter, um gerade dadurch besser zu ihrem Profit zu kommen. — Das haben gewisse Sozialisten immer wiederholt, daß es eigentlich eine List war der arbeitgebenden Bevölkerung, den Arbeitern die Bildungsmittel zugänglich zu machen, weil gebildete Arbeiter mehr arbeiten und rationeller arbeiten als umgekehrt. Aber mit diesen Ge­danken mancher Sozialisten ist Jaurés nicht einverstanden. Daher wird in einer gewissen Weise dasjenige, was er denken muß, für ihn zu einem unlösbaren Problem. Und es ist sehr interessant, wie sich Jaurés ab­findet, — eigentlich nicht abfindet, sondern sich nicht abfinden kann — mit der Frage: Wie ist denn das eigentlich mit den Empfindungs-, Gedanken- und Seelenimpulsen, die da in den letzten Jahrhunderten heraufgezogen sind?
In einer der interessantesten politischen Schriften Jaurés’ finden wir darüber die folgende Stelle. Da sagt er:
«Daß die Bourgeoisie in diesen Zeiten ihres Werdens gegen die Ar­beiter gerecht zu sein glaubte, ist dadurch erwiesen, daß sie ihnen von Anfang an die Schule gegeben hat: das heißt, daß sie ihnen möglichst viel Aufklärung geben wollte. Die Reformation, deren mächtiger Trä­ger das Bürgertum war, hat sich für den Volksunterricht begeistert. Hätte die Bourgeoisie geheime Gewissensbisse gehabt, hätte sie an dem Urteil zweifeln können, welches die Arbeiter, die sie durch die Macht ihres Beispiels wie durch den Zwang der Gesetze mit Strenge zur Arbeit erzog, über sie und ihr Werk fällen würden: so hätte sie sie möglichst in Unwissenheit erhalten. Auf die Gefahr hin, aus einer un­geschulten Masse weniger nützliche Arbeit zu erzielen, hätte sie sich nicht dem schrecklichen Urteil des von ihr ausgebeuteten Proletariats ausgesetzt. Sie hätte für ihr Werk des Unrechts nicht selbst all die Tau­sende von Augen geöffnet, die an lange Finsternis gewöhnt waren.»
Also Jaurés sagt sich: Nein, das kann der Bourgeoisie — wir wissen, wie die Bourgeoisie wurzelt in der einen einseitigen Strömung, das haben wir in diesen Betrachtungen gesehen —, das kann der Bourgeoisie nicht vorgeworfen werden, daß sie nur gewissermaßen die Arbeiter düpieren wollte, um nützliche Instrumente aus ihnen zu machen; ganz im Gegenteil hat sie gewollt, daß jeder Mensch lesen könne. — Und jetzt
kommt das Bedeutungsvolle, dasjenige, was sozusagen bei einem gebil­deten Menschen der Gegenwart, der ganz in der Erkenntnis steht, die Augen für die Erkenntnis öffnet und gleich wieder schließt, weil er nicht zur Geisteswissenschaft gekommen ist. Er sagt:
«Aber ganz im Gegenteil hat sie gewollt, daß jeder Mensch lesen könne. Und welches Buch! Dasselbe, aus dem auch sie Leben schöpfte. Aus der Lektüre der Bibel, die überall in die Volkssprachen übersetzt wurde, sollten die Völker denken lernen: Aus jener Bibel voll Kampf und Herbheit, die voll ist vom Murren, von dem Schrei und der Em­pörung eines ungelehrigen Volkes, dessen Stolz, selbst wenn er es züch­tigt und zerbricht, Gott zu lieben scheint; aus jener Bibel, in der auch die auserwählten Führer dem Volke ohne Unterlaß zureden und durch Dienste sich das Recht, zu befehlen, erwerben müssen; aus jenem selt­sam revolutionären Buch, in dem das Zwiegespräch zwischen Hiob und Gott so verläuft, daß Gott als Angeklagter erscheint, der sich gegen den Empörungsschrei des Gerechten nur mit dem groben Lärmen seines Donners zu verteidigen vermag; aus jener Bibel, in welcher die Prophe­ten ihre Berufung an die Zukunft hinterlassen haben und ihre Flüche gegen die ungerechten Reichen, ihren messianischen Traum von all­gemeiner Brüderlichkeit, die ganze Glut ihres Zorns und ihrer Hoff­nung, das Feuer all der glühenden Kohlen, die auf ihren Lippen brann­ten. Dieses schreckliche Buch hat die industrielle Bourgeoisie in die Hände der Menschen gelegt, in die Hände armer Arbeiter in den Städ­ten und Dörfern — derselben, die ihre Arbeiter waren oder es eben wer­den sollten — und hat ihnen gesagt: Sehet selbst, höret selbst! Verlaßt euch nicht auf Vermittler; die Verbindung zwischen Gott und euch muß unmittelbar sein. Eure Augen müssen sein Licht schauen, euer Ohr muß sein Wort vernehmen! Ich wiederhole es: Wie hätte eine Klasse, die an sich selbst, am Wort und der Berechtigung ihres Werkes gezwei­felt hätte, das Gewissen der Menschen, die sie zu ihrem Nutzen zu lenken sich anschickte, von allem Autoritätsglauben befreien können? Wenn sie ein <böses Gewissen> gehabt hätte, wenn sie wie ein Dieb in die Welt gekommen wäre, so wäre sie eben bei Nacht gekommen, fur in nocte. Aber ihre erste Sorge war es im Gegenteil, das Licht zu ver­mehren. Sie war also offenbar überzeugt, daß die Ordnung der Arbeit,
Tätigkeit und strengen sittlichen Disziplin, welche sie einer Welt voll Faulheit, Aberglaubens, Unordnung und Unfruchtbarkeit brachte, ge­rade für diejenigen nützlich sei, welche in dieser Ordnung den niedrig­sten Rang einnehmen.»
Da sehen wir die eine Frage aufgeworfen von einem Reformdenker unserer Gegenwart, der sich fragt: Wie sind alle die Gedanken, die heute die Masse beherrschen, in die Welt gekommen? — Sie sind davon gekommen—wir können jetzt ja politische Nuancen abstreifen —, daß die Menschen die Bibel in die Hand bekommen haben, das revolutio­närste Buch, das überhaupt die Welt kennt; denn es ist deshalb so revo­lutionär, weil es so wirksam ist. Also es findet Jaurès in den Gemütern der Menschen die Folge des Bibellesens, das ja erst gekommen ist da­durch, daß die Bibeln gedruckt werden; denn in früheren Jahrhunder­ten hatte das Volk die Bibel nicht, und die Kirche hat sorgfältig sogar gewacht darüber, daß das Volk die Bibel nicht in die Hand bekommt. Man bedenkt wieder viel zu wenig, daß alle neueren Fragen damit zu­sammenhängen, daß ja erst seit den Zeiten der fünften nachatlantischen Periode das Volk die Bibel kennt, so kennt, daß nun die Bibelimpulse auch Impulse in den Seelen der Menschen werden. Das Christentum hat früher das Volk auf ganz andere Weise überliefert bekommen denn durch die Bibel. So blickt also ein solcher Denker, der ganz drinnen-steht in der Gegenwart, auf die Entwickelung des fünften nachatlan­tischen Zeitalters und findet: Ja, was ist da eigentlich geschehen? Wie sind die Zusammenhänge zwischen der einen Tatsache, daß die Bibel den Menschen zugänglich gemacht worden ist, und den anderen Tat­sachen, die wir jetzt um uns herum sehen? — Er findet keinen rechten Zusammenhang. Das drückt er übrigens auch sehr genau aus. Er sagt:
«Es wäre ein großes lockendes Problem — weit verwickelter und viel menschlicher als dasjenige, womit Marx sich beschäftigt hat—zu unter­suchen, wie diese Art moralischer Gewißheit, diese Sicherheit des Ge­wissens sich bei der Bourgeoisie anbequemen konnte an all die gewalt­tätigen und trügerischen Praktiken, an die Grausamkeiten in den Kolo­nien, an die Gaunereien im Handel, an die ganze Mannigfaltigkeit der Ausbeutungsformen, welche der ersten Periode des Kapitalismus — seinem Erscheinen und seinem Wachstum — das Gepräge gaben. DiesesProblem geht über meine Kraft; man müßte die zahllosen Elemente einer moral-philosophischen Untersuchung darüber aus den Dokumen­ten aller Art, die das 16., 17. und 18. Jahrhundert uns hinterlassen haben, hervorholen. Und nur eine stark intuitive und divinatorische Begabung könnte bis zum Grunde des Problems vordringen.»
Die schreibt er sich nicht zu. Sie sehen also sogar, eingestandener­maßen, bei einem der redlichst Strebenden die Ohnmacht, die Frage zu lösen: Wie sind die Seelen der Gegenwart geworden?
Der andere Punkt, auf den wir blicken müssen, der ist, daß selbst­verständlich ein also strebender Mensch die intuitive und divinatorische Begabung, die zu diesem Problem notwendig wäre, nicht haben kann, weil er dem Grundproblem der Geisteswissenschaft ganz fern steht. Einzusehen, wie das Geistige herunterfließt aus den geistigen Welten, gewissermaßen durch den Umschalter, durch die Menschenseele, und hereinfließt in die physische Welt, dieses reale Herunterfließen der geistigen Impulse aus den Kräften und Arbeiten der Wesen der höheren Hierarchien, das liegt ja einem solchen Geiste ganz fern. Daher sieht ein solcher Geist: Das und das geht vor seit dem Beginn der neueren Zeit, seit dem Beginn der fünften nachatlantischen Periode. Aber er sieht nicht, was in dem webt und lebt; er sieht auch nicht in einem kon­kreten Falle das bewußte Hereindringen der geistigen Impulse gewisser­maßen aus den Unternehmungen der Wesen der höheren Hierarchien. Das kann erst mit Geisteswissenschaft verfolgt werden. Aber alles be­reitet sich vor. Die Welt war selbstverständlich nie ohne Geist, wenn auch dieser Geist in der einen oder anderen Weise unbewußt gewirkt hat. Ich habe Sie oft darauf aufmerksam gemacht, wie nun wirklich alles dasjenige, was über ein gewisses Gebiet des modernen Europas dahingeflutet ist, tief beeinflußt war von geistigen Mächten. Auch aus der äußeren Geschichte kann man nachweisen, daß in einer gewissen Zeit, im Beginne der fünften nachatlantischen Periode, etwas ganz Wunderbares eigentlich geschehen ist, etwas, wovor der materialistisch denkende Mensch eben so steht, daß er es als ein Hirngespinst ansehen muß, wenn die Sache ernst genommen wird. Aber wiederum, wenn er sie nicht ernst nimmt, so kann er den ganzen Verlauf der neueren Ge­schichte nicht erklären.
Dieses Ereignis, auf das ich öfter hingewiesen habe, ist das Erschei­nen des einfachen Landmädchens mit einer großen geschichtlichen Auf­gabe, der Jeanne d’Arc, der Jungfrau von Orleans. Die Karte Europas wäre heute eine ganz andere — das weiß der Historiker sehr gut —, wenn die Jeanne d’Arc, die Jungfrau von Orleans, nicht aufgetreten wäre. Warum staunen die Menschen der Gegenwart — man braucht sich nur an Anatole France zu erinnern —, wie hereingeschickt worden ist in der Zeit, wo das noch nicht bewußt geschehen konnte, durch eine Art von halbatavistischer, halbschauender Hellseherei aus den geistigen Welten ein Impuls, sogar ein System von Impulsen? Aber mit dem können sie nichts anfangen! Ein Anatole France, der findet sich natürlich dadurch ab damit, daß er sagt: Nun, es kommt schon einmal vor, daß die Men­schen unter dem Einflusse von Suggestion, von phantastischen Kräften, die von solchen Menschen wie von der Jungfrau von Orleans ausgehen, allerlei tun. — Eine solche Anschauungsweise erinnert an diejenige mo­derner Theologen, welche sich in sonderbarer Weise abfinden mit der Entstehung des Christentums durch die Paulinische Vision vor Damas­kus, die diese Paulinische Suggestion vor Damaskus für ein Erwiesenes erklären und das ganze Christentum im Grunde genommen doch dar­auf zurückführen müßten, aber sich davor wohl hüten, denn sonst müßten sie sich sagen, das Christentum stamme von einem suggestiven Erlebnis des Paulus. Und das zu sagen, werden sie sich hüten. Diese Halbheit ist ungeheuer schlimm für das ganze Geistesleben, diese Halb­heit ist der Ausdruck davon, daß man gegenüber solchen Fragen ohn­mächtig ist. Da ist es gut, sich gerade über diesen Punkt bei einem so ehrlichen Menschen wie Jaurés umzusehen.
Er sucht sich klar zu werden über die Bedeutung der Impulse, die von den Grundbesitzern ausgegangen sind in dem fünften nachatlan­tischen Zeitraum, und denen, die von der Stadtbevölkerung ausgegan­gen sind. Diese sozialistische Nuance brauchen wir wiederum nicht zu berühren, ich will nur aufmerksam machen darauf, daß Jaurès der An­sicht ist, es käme in diesem Zeitraum weniger darauf an, ob die soziale Frage von demVolk der Grundbesitzer aus oder von dem Stande der In­dustriebevölkerung aus berücksichtigt ist: eine Sache, die nicht hierher gehört. Bauernerhebungen waren die vom Grundbesitz abhängigen Be‑wegungen; die sind ihm nicht das Wichtigste. Und das will er gerade an der Jeanne d’Arc sehen, daß, obwohl sie ein Bauernmädchen ist, sie nicht für die Grundbesitzerbevölkerung — also die Bauernbevölkerung — wirkt, sondern für den größeren Umkreis der Stadtbevölkerung. Jaurès sagt;
«Jeanne d’Arc erfüllt ihre Mission und opfert sich dem Heil des Vaterlandes in einem Frankreich, dem Grund und Boden nicht mehr die einzige Lebenskraft bedeuten; die Gemeinden spielen bereits eine große Rolle, Ludwig der Heilige hatte die Handwerksbriefe und das Gildenrecht sanktioniert und feierlich verkünden lassen, die Pariser Revolution unter den Regierungen Karls V. und Karls VI. hatten das handeltreibende Bürgertum und die Handwerkerschaft als neue Mächte auf den Plan treten sehen, die hellsichtigsten unter jenen, die das König­reich reformieren wollten, träumten von einem Bündnis zwischen Bür­gertum und Bauernstand gegen Gesetzlosigkeit und Willkür; in diesem modernen Frankreich, das bald darauf der <Bürgerkönig> — der Sohn des Herrschers, den Jeanne d’Arc zu retten im Begriffe stand — regieren sollte, in diesem vielfältigen, durchbildeten und verfeinerten Land, dem die zarten, literarischen Schmerzen jenes Charles d’Orleans nahegingen, dessen Gefangenschaft das Herz des guten Lothringen rührte, in dieser Gesellschaft, die alles eher als ländlich war, erschien Jeanne d’Arc.»
Also sie erschien gewissermaßen für Jaurès nicht für die Bauern­bevölkerung, nicht für diejenige Bevölkerung, die mit dem Grundbesitz zusammenhing, sondern gerade mit dem, das mit dem modernen Leben zusammenhing, mit dem Städtewesen. Jaurès sagt:
«Sie war ein schlichtes Landmädchen, das die Schmerzen und Nöte der Bauern, die sie umgaben, gesehen hatte, dem aber all diese Bedräng­nisse nur ein nahegerücktes Beispiel des erhabenen und größeren Leides bedeutete, welches das geplünderte Königtum und die überfallene Na­tion erduldete. In ihrer Seele und in ihrem Denken spielt kein Ort, kein Grundbesitz eine Rolle; sie blickt über die lothringischen Felder hinweg. Ihr Bauernherz ist größer als alles Bauerntum. Es schlägt für die fernen, guten Städte, die der Fremdling umzingelt. Auf den Feldern leben, be­deutet nicht, notwendigerweise in den Fragen des Ackerbodens auf­gehen. Im Lärm und Getriebe der Städte wäre Jeannes Traum sicher­lich weniger frei, weniger kühn und umfassend gewesen. Die Einsamkeit beschützte die Kühnheit ihres Denkens, und sie erlebte die große vater­ländische Gemeinschaft viel stärker, da ihre Phantasie ohne Verwir­rung den stillen Horizont mit einem Schmerz und einer Hoffnung erfüllen konnte, die darüber hinausgingen. Nicht der Geist bäuerlicher Auflehnung erfüllte sie; sie wollte ein ganzes großes Frankreich be­freien, um es späterhin dem Gottesdienst, der Christenheit und Gerech­tigkeit zu weihen. Ihr Ziel erscheint ihr so hoch und gottgefällig, daß sie, um es zu erreichen, später den Mut findet, sich sogar der Kirche zu widersetzen und sich auf eine Offenbarung zu berufen, die hoch über jeder anderen Offenbarung stehe.»
Es wird also das andere, ich möchte sagen, unmittelbar anschaulich vor Jaurès. Er läßt hinschweifen den Blick über dasjenige, was gesche­hen ist, und findet, daß das, was da geschehen ist, unter dem Einflusse eines geistigen Impulses geschah, sozusagen durch die Seele der Jeanne d’Arc umgeschaltet war und hereingedrungen ist in die physische Welt. Aber es ist selbstverständlich, daß ein so denkender Mensch nicht voll anerkennen kann, daß geistige Impulse, geistige Kräfte das Wichtigste sind. So weiß er wiederum nichts anzufangen mit dem, was sich ihm sogar anschaulich zeigt. Sehen Sie, in dieser Nichtanerkennung des­jenigen, was tatsächlich da ist, selbst durch die besten Geister der Ge­genwart, in der Nichtanerkennung der geistigen Impulse, die sie aber mit Händen greifen, also in der Nichtanerkennung des historisch mit Händen zu Greifenden liegt die große Lebenslüge der neueren Zeit, von der infiziert sind selbst solche besten strebenden Menschen. Sie wollen das, was da ist, begreifen; aber sie können es nicht begreifen, weil sie den Geist darinnen nicht wirksam schauen können. Das können die­jenigen nicht, die wie Jaurès denken. Es konnten es aber auch die an­deren nicht, schon zur Zeit der Jeanne d’Arc, die aus alttraditioneller Weisheit heraus vor dem unmittelbaren Erscheinen eines geistigen Fak­tums in der Jungfrau von Orleans standen, denn, so paradox es klingt, daß einer Theologe ist, das macht ihn nicht zum Spiritualisten, daß einer die theologischen Dogmen verteidigt, das macht ihn nicht zum Anerkenner der geistigen Welt.
Der Theologe, von dem ich Ihnen gestern einige Proben gegeben habe, der ist natürlich kein Anerkenner der geistigen Welt, sondern das ist ein ebensolcher Materialist wie Büchner oder Moleschott, nur daß Büchner und Moleschott wahrer waren als ein solcher Theologe mit seinem Materialismus. Was man sagt, darauf kommt es nicht an, son­dern darauf kommt es an, was man im lebendigen Erleben aufnimmt: ob man wirklich anerkennt das Geistige, wenn es einem entgegentritt. Das konnten aber schon die Theologen nicht, als ihnen Jeanne d’Arc gegenüberstand, und dieses Faktum ist etwas, worauf Jaurès wiederum ganz gut hinweist, indem er sagt:
«Ihr Ziel erscheint ihr so hoch und gottgefällig, daß sie, um es zu erreichen, später den Mut findet, sich sogar der Kirche zu widersetzen und sich auf eine Offenbarung zu berufen, die hoch über jeder anderen Offenbarung stehe. Den Theologen, die sie drängen, aus den heiligen Büchern ihre Wunder und ihre Mission zu rechtfertigen, antwortet sie —»
Also die Theologen, diese Vertreter des geistigen Lebens, die da ein­mal eine Offenbarung des geistigen Lebens vor sich hatten, die setzten sich nicht über diese Offenbarung des geistigen Lebens auseinander, sondern die kamen mit dem Pergament, das die Quelle ist, aus der die göttliche Offenbarung quillt, und sagten: «Beweise uns aus der Hei­ligen Schrift, daß dasjenige wahr sein kann, was du uns sagst.» — Nicht aus dem lebendigen Dasein eines Zusammenhanges mit der geistigen Welt sollte die Jungfrau von Orleans beweisen dürfen, daß sie irgend­eine Mission habe, sondern sie sollte es beweisen aus den alten Büchern. Und sie antwortet:
«Im Buche Gottes steht mehr geschrieben, als in all eueren Büchern.» Jaurès sagt dazu: «Ein wunderbares Wort, das in gewisser Beziehung im Gegensatz zur Bauernseele steht, deren Glaube vor allem im Her­kommen wurzelt. Wie fern ist das alles von dem dumpfen engherzig beschränkten Patriotismus des Grundbesitzes! Jeanne aber vernimmt die göttlichen Stimmen ihres Herzens, indem sie zu den strahlenden und sanften Himmelshöhen aufblickt.»
Denken Sie sich auf der einen Seite die Ehrlichkeit und auf der an­deren Seite die tiefe Unwahrheit; denn selbstverständlich, ein Mensch der Gegenwart erkennt ja das nur als eine Selbstsuggestion an, als eine Erdichtung, was in der Jungfrau von Orleans ist, und nur bildhafte, dichterische Ausdrücke sieht er in dem, was er sagt:
«Wie fern ist das alles von dem dumpfen engherzig beschränkten Patriotismus des Grundbesitzes! Jeanne aber vernimmt die göttlichen Stimmen ihres Herzens, indem sie zu den strahlenden und sanften Hirn­melshöhen aufblickt.»


Diese göttlichen Stimmen ihres Herzens sind etwas ganz Abstraktes für einen solchen Mann. Das ist nichts real Wirkliches, was da herunter­fließt: die Mächte des Lebens durch eine Quelle wie die Jungfrau von Orleans hereinfließend, so daß man es aufnimmt, um mit diesem gei­stigen Impuls Reform-Sozialwissenschaft zu treiben! Nein, Jeanne d’Arc spricht davon; wenn er aber irgend etwas tun will, dann blickt er nicht auf zu dem, was aus den strahlenden Himmelshöhen herein-fließt, sondern er summiert, dividiert, potenziert und logiziert abstrakte Begriffe, rein materialistische Gedanken. Das ist die tiefe Unwahrheit, die den Leuten gar nicht zum Bewußtsein kommt, die gerade den Besten nicht zum Bewußtsein kommt.