Français
seulement
Épilogue (de l'édition de poche
probablement)
Après
une discussion, dans laquelle
intervinrent principalement des
permanents des partis et des syndicats,
Rudolf Steiner reprit encore
une fois la parole :
«
À vrai dire, j’aurais préféré que du côté des
intervenants,
on eût abordé les choses que j’ai présentées
ici devant eux. On
aurait pu ensuite donner une forme quelque peu
plus féconde à la
discussion. Par conséquent je ne pourrai que
renvoyer et rendre
attentif encore qu’à certaines choses.
Certains
intervenants
ont dit que dans mes considérations, rien de
neuf n’a
été présenté devant eux. Eh bien !, je
connais très
exactement l’évolution du mouvement social. Et
celui qui affirme,
que l’essentiel de ce qui a été aujourd’hui
amené, au travers
des expériences précisément du nouvel ordre de
la situation
sociale, par la catastrophe mondiale, ne soit
pas quelque chose de
nouveau, celui-là doit devenir conscient qu’il
est en train de
dire quelque chose d’absolument inexact. En
réalité, c’est un
tout autre état des choses qui se
présente : les intervenants
n’ont pas entendu ce qui est nouveau. Ils se
sont limités à
entendre une paire de choses, lesquelles,
naturellement parce
qu’elles sont justes, furent avancées en
critique de l’ordre
social usuel. Ils sont habitués, depuis de
nombreuses années, à
entendre tel ou tel mot d’ordre : ça ils
l’ont entendu.
Mais tout ce qui a été dit, entre ces mots
d’ordre, au sujet du
Dreigliederung de l’organisme social,
de ce qui peut être
atteint en socialisation réelle de tout côté,
de cela, les
orateurs qui viennent d’intervenir n’ont rien
entendu. Et c’est
pourquoi ils se sont bien gardés probablement
aussi dans leurs
discussions de parler de ce qu’ils n’ont pas
entendu. Je
comprends cela. Mais je comprends aussi que
naturellement ensuite une
discussion féconde à proprement parler ne
puisse résulter de cette
affaire.
Nous
avons
par exemple entendu un intervenant qui,
carrément comme s’il
n’avait pas vécu ces cinq ou six dernières
années, s’est
étendu sur les vieilles théories, du genre de
celles qui ont été
maintes fois traitées avant cette catastrophe.
Il a bravement remis
en avant toutes les théories de la plus-value
et autres, qui sont
très certainement tout à fait justes, mais qui
nous ont été
présentées et représentées d’innombrables
fois. Il a seulement
oublié que nous vivons aujourd’hui dans une
autre époque, une
époque toute différente. Il a oublié, par
exemple, que des meneurs
socialistes, des gens qui ont du crédit,
quelques mois encore avant
la capitulation allemande ont affirmé :
Quand cette catastrophe
mondiale sera passée, alors le gouvernement
allemand devra se
positionner tout autrement vis-à-vis du
prolétariat qu’auparavant.
Les détenteurs allemands du pouvoir devront
tenir compte du
prolétariat d’une manière toute différente
qu’avant, dans
toutes les négociations gouvernementales et
dans toutes les
dispositions législatives. — Mais on a dit
aussi du côté
socialiste : on devra prendre en
considération les partis
socialistes.
Eh
bien !
les choses se sont passées autrement. Les
détenteurs du
pouvoir ont été engloutis dans l’abîme, les
partis étaient là.
Ils se trouvent aujourd’hui devant une tout
autre situation du
monde. Devant ce nouvel état du monde, on ne
devrait pas simplement
ne pas faire attention à de nouvelles idées,
et écouter uniquement
les partis, naturellement parce qu’ils ont
toujours eu du crédit,
aussi longtemps qu’il existe un mouvement
social, mais l’on
devrait acquérir la capacité d’aborder ce qui,
pour le temps
actuel, est de la plus immédiate nécessité.
Sinon nous serons
toujours devant le grand danger, qui était
toujours là au fond dans
l’ancien ordre du monde consacré : quand
quelque chose
arrivait, de ce qui regardait les faits, de ce
qui était donc tiré
de la réalité, on l’interprétait comme de
l’idéologie ;
on expliquait : c’est de la philosophie,
cela n’a rien à
faire avec la réalité et l’on frayait ainsi la
voie à la
réaction. Ce serait la pire des choses, si le
parti socialiste
tombait dans une sorte de torpeur
réactionnaire, s’il n’était
pas capable de progresser avec des faits qui
parlent un langage aussi
éloquent.
Voilà,
c’est
cela qui importe aujourd’hui. Marx a
forgé une
belle parole, après avoir appris à connaître
les marxistes —
cela arrive effectivement à beaucoup de gens
qui s’efforcent
d’apporter quelque chose de nouveau dans le
monde — : pour
ce qui me concerne, je ne suis pas marxiste. —
Et Marx a montré en
toute circonstance — je fais seulement
souvenir des événements de
1870-71 —, la manière dont il a appris de ces
événements. Il a
montré en toute occasion, qu’il était toujours
en état de
progresser avec l’époque. Il trouverait
aujourd’hui très
certainement que l’époque est mûre pour
découvrir dans la
Dreigliederung de l’organisme social
la possibilité d’une
solution réelle à la question sociale.
Continuellement, on parle de
voies nouvelles, et quand on montre une voie
nouvelle, pour laquelle
sans doute un réel courage est nécessaire,
alors on dit : ce
n’est pas une nouvelle voie qui nous est
montrée ; ce n’est
qu’un objectif qui nous est indiqué. C’est
alors qu’on
voudrait demander : est-ce quelqu’un a
déjà pensé à cette
voie-là qui rend nécessaire qu’intervienne une
sorte de
gouvernement de liquidation ? C’est ce
qui de fait est très
inhabituel pour les gens dans leurs habitudes
de pensée. Les anciens
gouvernements, le gouvernement socialiste
aussi, ne pensent à rien
d’autre, qu’à ce que sera la belle et brave
continuation de ce
qu’était le gouvernement d’avant. Ce dont nous
avons besoin,
c’est que ce gouvernement conserve seulement
l’initiative au
centre, à savoir le contrôle sur les services
de sécurité,
d’hygiène et autres chose du même genre, et
qu’il devienne à
gauche et à droite, un gouvernement de
liquidation : pour
préciser, en abandonnant la vie spirituelle,
de manière que
celle-ci passe à une gestion autonome et en
posant la vie économique
sur ses propres fondements à elle.
Ce
n’est
pas une théorie, ce n’est pas une philosophie,
c’est le
renvoi à ce qui doit être fait. Et pour que
cela soit fait, il y
faut une compréhension de sa nécessité. Il
faut que l’on se
démette de l’ancienne habitude, de vouloir
écouter seulement ce
qui plaît justement à soi, et de ne pas
vouloir écouter ce qui est
inconnu pour soi.
Quand
un
orateur se présente, qui, d’une manière
curieuse, s’empêtre
dans des contradictions pratiques et ne le
remarque même pas, alors
on voit déjà combien il est véritablement
impossible que l’on
puisse trouver une voie pratique. Un orateur
en est aujourd’hui
arrivé à dire : le pouvoir politique réel
repose sur des
fondements économiques. Et ensuite, après
avoir ajouté quelque
chose — bien sûr de ce fait on ne le remarque
plus autant — il a
dit : la première chose c’est de
conquérir le pouvoir
politique pour s’emparer ensuite du pouvoir
économique. — Donc
d’un côté, on déclame : celui qui a le
pouvoir économique
dispose aussi du pouvoir politique. Et tout de
suite après, une
paire de phrases plus loin, on dit : nous
devons d’abord avoir
le pouvoir politique, alors nous obtiendrons
aussi le pouvoir
économique. Avec de tels orateurs, on ne
pourra pas en effet
emprunter des voies pratiques. On ne peut
s’engager sur une voie
pratique que si l’on est en situation de
penser juste, et de ne pas
s’égarer sur les voies du penser.
On
ne
pourra pas aller plus loin en restant figés à
des objections du
genre : le penchant naturel à la
commodité rend nécessaire
que les hommes soient contraints à
l’école unitaire. Tout
ceux qui autrefois étaient les détenteurs du
pouvoir ont avancé
des choses analogues. On a vu des gens au
gouvernement qui vraiment
n’étaient pas plus sensés que ceux qui étaient
gouvernés. Mais
la manière de parler, ils en sont toujours
venus à bout : si
nous ne forçons pas les gens, à faire telle ou
telle chose, alors
il ne font rien spontanément d’eux-mêmes.
C’est
un
phénomène singulier que de voir maintenant ce
genre de choses
apparaître sur le sol socialiste. Puisque ce
qui serait justement
requis de voir, c’est ce dont il s’agit en
réalité : la
possibilité d’ouvrir l’esprit pour ce qui est
indispensable, de
ne pas rester attachés à des théories
seringuées depuis longtemps
dans les crânes. C’est pourtant ce qu’on
réclame sans cesse.
Quand on dit : on doit conquérir le
pouvoir !, on a donc
en tête une théorie nébuleuse. Car quand on a
conquis le pouvoir,
on doit aussi savoir quoi faire avec ce
pouvoir. Autrement, on
n’avance pas. Conquérez donc le pouvoir — si,
étant en pouvoir,
vous ne savez pas ce que vous devez faire,
alors tout votre pouvoir,
c’est en pure perte. Il s’agit justement avant
d’en
venir au pouvoir, de savoir clairement et
nettement ce qu’on va
faire avec ce pouvoir.
Quand
on
dit d’un côté : après que la Révolution
du 9 novembre
a réussi —, dont on pourrait tout aussi bien
dire, qu’elle a
échoué. Et quand on dit d’un autre côté :
l’étranger
considère la Révolution comme un bluff —, et
c’est même le cas
au fond, parce que le pouvoir a été conquis et
les possesseurs du
pouvoir ne savent pas ce que qu’ils doivent en
faire. Quand chacun
en reste bloqué aux vieilles opinions des
partis, alors on peut bien
en appeler à l’unité. Il existe une méthode,
pour exhorter à
faire l’unité, c’est celle de percevoir
vraiment où sont les
maux. C’est de cette manière que l’impulsion
de la
Dreigliederung recherche à produire
l’unité. C’est
simplement et objectivement une calomnie que
de dire que l’on doit
fonder un nouveau parti ou une nouvelle secte.
C’est là un
non-sens. Et quand la résolution, suite à
d’innombrables réunions
aura été prise, je suis parfaitement
tranquille, que cette
résolution jamais ne satisfera.
Satisferait-elle, alors cela aurait
pour conséquence, que l’on mît aussitôt à la
porte les tenants
actuels du pouvoir. On n’a pas besoin d’avoir
peur que d’une
manière quelconque l’unité puisse être
perturbée. Mais il
existe une autre méthode, pour détruire
l’unité, c’est celle
d’en rester figés à ses principes et de dire
ensuite : si
vous ne me suivez pas, alors vous n’êtes
justement pas unitaire.
C’est aussi une méthode, pour prêcher l’unité,
ce par quoi on
veut dire en vérité : nous ne pourrons
être unis que si vous
me suivez. C’est cela que mijotent dans leurs
têtes aujourd’hui
à vrai dire vraiment beaucoup de gens.
Comme
déjà
dit, je regrette de ne pouvoir pour cette
raison entrer dans
les détails, car, à la vérité, pas un seul des
orateurs dans la
discussion n’a effleuré les choses qui ont été
présentées dans
ma conférence. On a même dit en guise de
conclusion que j’avais
philosophé. Le genre de philosophie que les
orateurs ont pratiquée
dans la discussion, on peut sans doute appeler
tout cela une
philosophie peu lucrative. Mais quant à savoir
si justement avec ce
genre de philosophie telle que celle qu’a
développée le dernier
intervenant, on en vienne à ce qui peut
vraiment apporter de l’aide,
on en reste pourtant bien dans une énorme
expectative.
Ce
qui
est donné dans cet organisme social triplement
organisé, cela
avait d’abord été donné comme une impulsion
pendant cette
terrible catastrophe de la guerre, au moment
où je croyais que le
temps était mûr. À cette époque, alors que
nous n’avions pas
encore cette monstrueuse paix de
Brest-Litovsk, cela m’apparut
comme ce qui était fort juste, si, à l’opposé
de tout ce qui est
vraiment arrivé, en partant de cette impulsion
de la Dreigliederung,
on avait recherché un équilibre vers l’Est.
Cela personne ne l’a
compris. C’est pourquoi il est arrivé ensuite
ce qui fut déclenché
par la paix de Brest-Litovsk. Il importe
vraiment aujourd’hui que
se trouvent des hommes qui ne fassent pas
comme tous ceux, à qui
pendant la guerre on parla de cette Dreigliederung
de
l’organisme social, à l’époque naturellement
en rapport avec la
politique extérieure.
Dans
les
prochains jours, paraîtra une brochure sur la
responsabilité de
la guerre. Le monde apprendra alors ce qui
s’est passé en réalité
dans les derniers jours de juillet et les
premiers jours d’août
1914 à l’intérieur de l’Allemagne (6).
On verra alors
comment ce grand malheur à fait irruption du
fait que l’on n’a
pas pensé par soi-même, qu’on a laissé penser
l’autorité,
qu’on était contents, quand l’autorité
pensait. C’est ce qui,
jadis, au lieu de mener à une politique de
raison, a mené à ce que
la politique du 26 juillet en arrive au point
zéro de son évolution.
Le monde doit prendre connaissance de ces
choses. On les fera
connaître par les mémoires des hommes les plus
importants qui, en
ces jours de juillet-août 1914, étaient en
fonction. Alors on verra
tout ce qu’on a négligé de ce fait, que seuls
les uns ont pensé
à leur façon qui était celle du pouvoir, et
que les autres, au
fond, se sont laissés dicter leurs
convictions.
Et
nous
avons bien souvent entendu la chose. Après les
profiteurs de
guerre ont suivi les profiteurs de révolution.
Mais une autre
conséquence à encore surgi. Après les grands
parleurs de Guerre
ont suivi les grands parleurs de révolution.
Et les grands parleurs
de révolution à l’égard des grands parleurs de
guerre se
comportent à peu près comme les profiteurs de
révolution à
l’égard des profiteurs de guerre.
Nous
devons
justement nous sortir de ces bavardages. Et
nous devons nous
en sortir de façon telle que nous ne nous
laissions absolument plus
politiquement mener par une quelconque
autorité, qu’elle soit
socialiste, à présent ou d’autres
personnalités. Nous devons
arriver à devenir des hommes capables de
juger. Ces hommes capables
de juger nous ne pouvons pas le devenir si
nous passons rapidement
sur ce qui peut réellement s’appuyer sur les
exigences du temps.
Je
ne
rentre pas dans le détail de ces choses qui
viennent d’être
avancées et qui ne sont rien d’autre qu’une
dénaturation
absolue de ce que mes considérations ont fait
prévaloir. Que je
veuille surmonter les oppositions avec
bienveillance, ce sont des
calomnies objectives. Je n’ai absolument pas
parlé de surmonter
avec bienveillance les oppositions. J’ai parlé
d’organisations
qui doivent être mises en place. Qu’a donc à
faire l’autonomie
de la vie de l’esprit, de la vie économique,
de la vie juridique
avec la bienveillance ? Cela a à faire
avec la description
objective de ce qui doit advenir.
Je
suis
d’accord avec tous ceux qui disent que l’on
doit d’abord
avoir le pouvoir, mais je suis quant à moi
absolument au clair sur
le fait que celui qui a le pouvoir, doit
savoir en faire quelque
chose. Et si nous voulions foncer seulement et
laisser en arrière
les masses non-éclairées, alors non seulement
nous ferions route
dans des situations semblables, mais en plus
dans des situations bien
pires encore que celles qui existent déjà.
On
peut
trouver philosophiquement n’importe quoi
d’autre et avoir
l’air terriblement pratique, quand on
dit : les Français sont
appauvris, ils ne peuvent pas nous donner de
pain, l’Angleterre est
aussi exténuée par la guerre et ne peut pas
nous donner de pain,
l’Amérique est trop chère pour nous. Mais de
Russie, nous pouvons
avoir du pain ! — Eh bien !, en
attendant les Anglais —
vous pouvez le conjecturer en dépit de tous
les faux rapports —
ont beaucoup plus de pain que les Russes
eux-mêmes. Que nous
eussions à attendre du pain des Russes, c’est
une affirmation, qui
ne s’appuie sur aucun fondement objectif.
Ce
qui
importe, c’est que nous comprenions à présent
réellement la
situation telle qu’elle est. Que nous nous
disions : nous
n’étions pas en situation, de socialiser avec
l’ancienne vie
spirituelle, nous avons besoin d’une nouvelle
vie spirituelle. Mais
celle-ci ne peut être qu’une vie spirituelle
détachée de l’état
de droit. Nous avons besoin d’un terrain, sur
lequel l’énergie
du travail soit soustraite aux luttes. Cela ne
peut être que l’état
de droit autonome. Et nous avons besoin d’un
équilibre des valeurs
marchandes, cela ne peut survenir que sur le
terrain d’une vie
économique autonome. Ce sont là des choses,
que l’on veut
vraiment. Ce sont des choses qui ne sont pas
de pures phrases
révolutionnaires. Ce sont des choses qui
pourtant veulent apporter
vraiment un tout autre état du monde que celui
dans lequel il se
trouve, si on a le courage de les amener.
Je
crois
que lorsque vous aurez suffisamment réfléchi
sur ce qui se
trouve dans la Dreigliederung de
l’organisme social, vous en
conviendrez. Et son introduction est possible
dans un délai
relativement bref. En bien !, quand
existera cet organisme sain,
triplement organisé, alors nos circonstances
deviendront vraiment
révolutionnaires. Quand le monde se convertira
à cette introduction
de l’organisme social triplement organisé,
alors nous n’aurons
plus besoin de « tonner » la
révolution mondiale, car
celle-ci s’accomplira alors d’une manière
objective. Le tonnerre
qui annonce cela, l’invitation à la tempête,
cela ne fait rien.
Au contraire, ce qui fait quelque chose c’est
que nous trouvions
des germes d’idées qui puissent se développer
en fruits sociaux
réels.
Aujourd’hui
nous
n’avons vraiment aucun besoin que l’on bavarde
beaucoup,
mais nous avons besoin de nous comprendre sur
ce qui doit se
produire. Ce n’est pas avec des idéologies,
des utopies ou des
philosophies, que nous avons à faire dans
l’organisme social
triplement organisé, mais à quelque chose qui
peut être fait,
qui est un plan pour faire réellement, non pas
la description d’un
état futur, mais un plan de travail. Pour
faire une maison, il faut
un plan, de même on a besoin d’un plan de
réorganisation sociale.
Ne nous mènerons pas à cela ceux qui réduisent
les choses, qu’ils
soient socialistes ou tout autres gens, mais
seulement ceux qui sont
enclins à aller réellement vers l’avant. Je
crains que ceux qui
ont entendu aujourd’hui « rien de neuf,
mais que du vieux »,
ne nous sortent pas du chaos, mais qu’au
contraire ils nous
enfoncent encore plus dedans.
Nous
voulons
aujourd’hui prendre avec sérieux la réception
de ce qui
est si inhabituel, si nouveau, au point qu’on
ne l’entende même
pas quand on le dit, mais qu’on retrouve ses
propres phrases. De
nouvelles habitudes de penser sont aujourd’hui
nécessaires, un
renversement du penser est nécessaire.
L’humanité doit en appeler
à de nouvelles habitudes du penser à de
nouvelles orientations du
penser, avant qu’il ne soit trop tard. Et je
le dis encore une
fois : si l’humanité n’a pas ce courage
intérieur, alors
il pourrait être rapidement trop tard.
Notes
du traducteur (D.K.):
(1)
Il
se peut qu’il se glisse ici un jeu de mot
de la part de Rudolf
Steiner pour marquer, justement, la
stupidité de la situation. En
effet, le terme utilisé ici est, die
Kohle =
charbon, d’où dérive le verbe kohlen
=
charbonner et carboniser..., mais à
l’époque, il peut aussi
signifier « bavarder, dire des
niaiseries, faire du
galimatias »; dans ce cas, ce verbe
vient du substantif der
Kohl,
« le chou », qui a donné aussi kohlkopf
« tête de chou » au sujet d’une
personne idiote. Une
telle interprétation n’engage que moi,
bien sûr!
(2)
Il faudrait naturellement leur adjoindre
les détaillants, qui
assurent des services mieux définis dans
leurs activités de nos
jours qu’à l’époque, à cause, du
conditionnement et de la
distribution, en général des marchandises.
Par
ailleurs, le lecteur français sait bien
sûr maintenant que le mot
employé par Rudolf Steiner pour désigner
ces « associations
coopérantes » n’est pas du tout
équivalent à notre bon
vieil archétype de l’association
culturelle loi 1901 en France, ou
ASBL en Belgique! Pour Steiner, il
s’agissait d’associations
économiquement engagées et socialement
actives.
(3)
« (...) La République de Weimar —
dans les années du moins
où elle a semblé ce consolider — a été
favorable aux ouvriers.
Leur condition s’améliore, avec une
tendance au nivellement par le
haut. Les salaires augmentent d’une façon
constante jusqu’en
1931. La journée de huit heures est
accordée en 1919 et, sous
l’effet de la crise économique, on
s’orientait vers la semaine
de quarante heures lorsque la démission du
chancelier Brüning (mai
1932), amena l’abandon du projet. Aux
assurances sociales des
années quatre-vingt s’ajoute, en 1927,
l’assurance-chômage.
Cette amélioration est due à deux
facteurs. D’une part, la
Constitution de Weimar, en reconnaissant
les syndicats, en leur
accordant le droit de traiter avec les
employeurs sur un pied
d’égalité, avait prévu toute une
hiérarchie de conseils
ouvriers. Seuls
ceux d’entreprise (Betriebsräte)
ont été organisés par une loi de 1920. S’ils
ne participent guère à l’organisation et à
la gestion de la
production (ce que Steiner suggère
précisément qu’ils fassent
ici, ndt),
ils ont cependant un rôle non négligeable
dans la surveillance des
conventions collectives, et des arrêtés de
conciliation. D’autre
part, sous l’action de dirigeants comme
Fritz Tarnow et Theodor
Leipart, les syndicats libres,
c’est-à-dire socialistes,
s’efforcent de « socialiser le
capitalisme », sans pour
autant recourir aux mesures de
socialisation. Fort de 4 millions et
demi de membres, environ (parmi lesquels
il faut compter les
travailleurs agricoles, les fonctionnaires
et les employés), ils
inspirent la plupart des mesures sociales
prises pendant ces années.
Les
conseils d’entreprise sont, en fait, le
prolongement des syndicats.
Ceux-ci créent des banques ouvrières et,
sans qu’il y ait de
subordination, travaillent en liaison avec
les coopératives de
consommation. Après deux périodes
difficiles où augmente le
chômage (1920, 1924-25); l’essor de
l’économie allemande ne
peut manquer d’avoir sur la condition
ouvrière des répercussions
favorables. Mais la crise économique
mondiale de 1929, ne tarde pas
à se faire sentir dans le domaine de
l’emploi. (...)
(Encyclopaedia
Universalis,
1,
p.924, soulignements uniquement du
traducteur).
(4)
Der
Gaul (ër)
= rosse, canasson, carcan, haridelle,
vieux cheval, terme assez
familier.
(5)
(...)
Gleichheit auf dem demokratischen
Boden des Rechtsleben (...),
donc Rudolf Steiner a bel et bien prononcé
le mot « démocratique »
qui ne reçoit guère d’échos dans la troupe
de ceux qui se
proclament pourtant actuellement ses
adeptes... Il est utile, à ce
propos, de se renseigner sur le
fonctionnement actuel de la Société
Anthroposophique Universelle, qui est bien
une communauté sur le
plan spirituel, — où est donc censée
régner également la
liberté d’initiative, — elle est, bien
entendu, gérée
légalement par le code civil suisse, qui
doit donc respecter la
démocratie au niveau associatif suisse,
puisque localisée en
Suisse, pays socialement exemplaire et à
la pointe en matière de
démocratie. Qu’on se le dise!
(6)
Ce recueil de témoignage n’a finalement
pas paru, ou plus
exactement
sa parution n’a pu avoir lieu.
Voici
un témoignage de Thomas Meyer, sûrement le
meilleur connaisseur de
ce moment historique crucial où fut
vraiment entreprise une
recherche sur la vérité au sujet des
causes du déclenchement de la
guerre 1914-18:
« Un
autre événement, qui est solidement
relié à Stuttgart et qui est
en relation avec les choses insensées
mentionnées ici ou là, m’est
revenu à la conscience :
l’empêchement de la publication qui
était prête des notes de Moltke, qui
nous étaient bien connues et
qui décrivaient le déclenchement de la
guerre de l’été 1914.
Ces notes montraient avec quel égarement
pensèrent et agirent
l’empereur et le premier ministre à la
veille de la première
Guerre mondiale. Ils auraient dû
absolument empêcher, et cela au
bon moment, au début de l’année 1919
lorsqu’il fut porté à la
connaissance du monde, que l’on y
inscrivît à Versailles les
paragraphes sur la seule culpabilité qui
furent si fatals à
l’Allemagne et à l’Autriche. La totalité
du Reich allemand a
énormément profité, à la manière d’un
parasite, de ces
paragraphes. Par l’impatience de Moltke
( !) un premier
exemplaire du petit document (sur les
notes de Moltke, ndt)
parvint en de mauvaises mains. La
direction centrale de l’armée de
terre protesta — dépêcha un homme à
Stuttgart, auprès du maître
lui-même, pour juguler la diffusion de
cet écrit tout juste sorti
des presses. Cinq heures durant, Fiona,
le maître s’entretint avec
l’officier dans une salle de l’ancienne
école. « L’honneur »
allemand ne permettait pas, de couvrir
publiquement de ridicule
l’empereur de cette manière, comme le
font de fait ces notes de
Moltke. « L’honneur » allemand
triompha ainsi sur la
raison humaine ! Le maître se tut
et se résigna. Qu’aurait-il
dû entreprendre d’autre ? S’il
avait diffusé l’écrit,
la direction centrale de l’armée de
terre aurait « battu
publiquement en brèche » la
brochure ! À Versailles, il
y aurait eu un ricanement de mépris — au
sujet de d’une telle
« union » sur la cause de la
question de la
responsabilité de la guerre !
Devant l’histoire du monde :
un naufrage de l’esprit allemand,
qui n’a pas besoin
« d’honneur » mais de vérité… »
(Harold
Freeman dans une lettre adressée depuis
Stuttgart à sa fiancée
Fiona restée aux USA, le dimanche 22
février 1999. Passage tiré du
« roman » de Thomas Meyer L’inviolable
pacte,
traduit en français, à paraître, le
« maître » dont
il s’agit ici est précisément Rudolf
Steiner.)
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