Français
seulement
Connaissance de l’esprit en tant que
fondement d’actions
Stuttgart, 30 décembre 1919
Il
y
a à peu près deux ans, au moment où les
événements
catastrophiques de ces derniers temps
approchaient de leurs
dénouements, les circonstances firent que les
amis de notre
université des sciences spirituelles, fondée à
Dornach, voulurent
proposer un changement de nom pour cette
université de science de
l’esprit (1). On devait ainsi exprimer
la manière dont, à
partir de la conscience d’une vie spirituelle
allemande, on voulait
s’opposer à tout ce qui pût se lever à
l’encontre de cette vie
spirituelle dans le présent ou dans l’avenir.
On a alors appelé
Goetheanum, cet édifice, qui doit
également restituer dans
sa configuration artistique ce qui vit dans la
science spirituelle
d’orientation anthroposophique — et vous
ressentirez l’importance
de cette dénomination — et cette université
pour la science
spirituelle. Et donc ce Goetheanum se trouve
sur un colline au
Nord-Ouest de la Suisse, telle la signature
d’un esprit réellement
international, mais un esprit tel qu’il veut
avoir en lui cet
élément significatif que l’on peut rattacher
au nom de Goethe. Et
c’est pourquoi on prendra la liberté, en s’y
livrant à des
considérations de science spirituelle, comme
elles doivent y être
cultivées, de se souvenir par-ci par-là de cet
élément goethéen.
Il
semble
en apprence, que je prends bien loin mon point
de départ
aujourd’hui, mais peut-être que cet élément
lointain sera plus
approprié pour attirer l’attention sur un
élément
caractéristique de la science spirituelle
telle qu’on l’entend
ici.
Il
est
peut-être connu que Goethe, après avoir
accepté la
responsabilité de ses charges à Weimar, se
consacra intensément à
des considérations de sciences naturelles, à
partir de certaines
circonstances de la vie qu’il mena en ce lieu.
Et au moment où,
après avoir fait des recherches et des études
les plus variées sur
les plantes et les animaux à Weimar et à Iéna,
la ville voisine,
et après s’être occupé de toutes sortes de
recherches
scientifiques, au milieu des années
quatre-vingt, lors de son
voyages en Italie qu’il traversa de région en
région, il se mit à
rédiger ses idées qu’il se faisait dés lors
sur le rapport entre
les plantes et la Terre. Il écrivit à son ami
resté à Weimar
(2) qu’il était pleinement sur la piste
de la plante
originelle, de cet archétype végétal dont il
était convaincu
qu’il s’agît d’une forme à concevoir seulement
en esprit, une
forme qui reposait certes à la base de toute
plante réelle, mais
qui ne restait qu’une unité conceptuelle
saisissable par l’esprit.
C’est alors qu’il écrivit quelque chose de
remarquable à son
ami de Weimar : à savoir qu’avec cette
forme bien présente
dans l’âme, on doit être en situation de
reconnaître le monde
végétal de sorte qu’en modifiant cette forme
conceptuelle — en
fait Goethe désignait cette formation
spirituelle comme étant à la
fois de nature sensible et suprasensible — de
manière
correspondante, en lui donnant une forme
concrète, l’on doit créer
en esprit quelque chose qui a la possibilité
de conquérir une sorte
de réalité extérieure. On doit avoir saisi si
profondément cette
plante archétype, bien présente dans l’âme au
point de pouvoir
la découvrir dans sa réalité de plante
imaginative, mais qui a
pareillement sa légitimité pour devenir une
réalité extérieure
comme les plantes, qui sont là dehors dans les
prairies, dans les
bois et en montagnes.
Que
pensait
alors Goethe et que ressentait-il, en
exprimant cela dans
l’instant où il se croyait parvenu au sommet
de sa manière de
voir les choses dans un certains domaine de
connaissance ? Ne
voyons-nous pas à ses propos, nommément si
nous tenons compte en
plus de ce qui vivait dans la nature de
Goethe, que vis-à-vis de la
nature, Goethe s’efforçait alors à une
connaissance qui, comme
elle s’exprimait, restait conforme à l’esprit
et donc à une
connaissance dans laquelle ne collaboraient
pas seulement les sens,
dans laquelle ne collaborait pas seulement
l’intelligence, mais une
connaissance dans laquelle collaborait
entièrement aussi l’élément
spirituel en l’être humain ? Mais ne
voyons nous pas aussi la
manière dont Goethe s’efforçait à une
connaissance qui pouvait
aussi s’immerger dans l’essence des choses,
une connaissance qui
se savait si unie aux choses qu’en créant les
idées des choses,
elle pouvait être au clair sur le fait que
dans cette énergie de
création, qui vit dans l’âme et qui est
productive, vivait la
même chose que ce qui vivait et tissait dans
la force de croissance
des plantes là dehors ? Goethe était
conscient sur ce point :
si les plantes croissent là dehors, si elles
développent feuille
après feuille, bourgeon après bourgeon, fleur
après fleur, c’est
qu’en elle vit cette énergie de croissance.
Mais avec celle-ci,
qui vit là dehors, Goethe voulait lui-même
s’unir, il voulait la
laisser vivre dans sa propre âme. Dans ce
qu’il élaborait en tant
qu’idées cognitives sur les choses, devait
vivre quelque chose qui
était de même nature que ce qui reposait là
dehors au fondement
des choses.
C’est
à
une énorme intimité dans la participation au
vécu des choses
extérieures que l’on s’efforce ainsi au moyen
d’une telle
connaissance. On sous-estime aujourd’hui
encore la pesanteur, qui
opèrait dans l’effort de connaissance de
l’humanité, au moment
où Goethe se haussait à de telles idées ;
car aujourd’hui,
au fond, nous vivons dans de tout autres idées
cognitives. La
science spirituelle d’orientation
anthroposophique qu’on a en vue
ici veut être cependant un goethéanisme,
c’est-à-dire non pas,
par exemple, une science de Goethe — dans la
manière avec laquelle
telles ou telles associations Goethe traitent
de ce qu’a dit ou
écrit Goethe — au sens où elle s’empare de ce
qui a vécu d’une
manière originaire et élémentaire chez Goethe
et qui possède sa
propre vivacité intérieure, pour le faire
fructifier sans cesse, et
cela doit être aujourd’hui tout différent de
ce que cela pouvait
être en 1832, au moment où mourut Goethe. En
Goethe vivait un
esprit qui continue à se développer, même
après que Goethe fut
mort pour ce monde. On peut parler aujourd’hui
d’un goethéanisme
de l’an 1919. Lequel ne nécessite pas de
réchauffer ce que Goethe
a dit mot pour mot mais doit oeuvrer dans son
esprit. Et l’on peut
croire agir au mieux dans son esprit quand,
avec ce qu’il a cherché
à développer en son temps, voici presque un
siècle et demi, sur le
petit domaine du végétal et un peu aussi sur
celui de l’animal —
et encore seulement pour ce qui relève des
formes extérieures —,
quand on fait de sa vaste conception du monde
une impulsion pour
accueillir d’abord avant toutes choses l’être
humain dans cette
vaste conception du monde développer par lui.
Avec cela on se
déclare partisan d’un goethéanisme qui devra
oeuvrer en se
transformant sur tout ce qui aujourd’hui veut
résulter comme
conception du monde à partir des régions les
plus considérables de
notre effort de connaissance, de ce qui veut
naître comme conception
du monde à partir des domaines scientifiques.
Peut-être
puis-je,
quelque peu en accord avec ce que j’ai déjà
dit dans les
conférences précédentes, caractériser une fois
encore comment se
déroula l’évolution spirituelle de l’humanité
civilisée lors
de ces quatre derniers siècles. Qu’y
avons-nous vu paraître en
tant que force principale à l’œuvre dans
l’évolution humaine
et dans l’effort de connaissance ? Nous
avons vu naître la
vie intellectuelle, une vie conforme à
l’intelligible et si nous
en avons jsutement vu aussi les grands
triomphes dans le domaine des
sciences naturelles, nous devons cependant
dire : en dépit du
fait que ces sciences naturelles nous
décrivent en abondance les
faits extérieurs concrets, — la manière dont
nous, les hommes,
nous nous jetons sur le monde extérieur, à
savoir cette manière
avec laquelle nous formons des images en notre
âme sur la nature
extérieure et sur la vie, est
intellectuellement colorée d’outre
en outre.
On
parvient
certes dans quelque chose de très spirituel,
quand on
adopte préférentiellement comme règle de
conduite le facteur
intellectualiste dans la nature humaine. Nos
idées abstraites et nos
concepts sont naturellement intérieurement
très spirituels. Ainsi,
tels qu’ils se sont fait valoir dans ces
quatre derniers siècles,
sont-ils bien spirituels en soi, mais ils ne
sont pas en situation de
devenir quelque chose d’autre que des images
reflets des faits
concrets extérieurs. C’est l’élément
caractéristique de notre
vie d’esprit et d’âme : nous en sommes
progressivement
venus à développer des idées abstraites, des
concepts abstraits,
tous affinés au travers d’une épuration par
l’élément
spirituel, qui osent seulement approcher la
réalité sensible, et
qui n’ont pas en eux la vigueur de concevoir
quelque chose d’autre
dans la vie que l’élément extérieur sensible.
Ces hommes qui
mobilisent aujourd’hui tous les ressorts de
leurs âmes dans cette
direction intellectualiste, croient souvent
suivre tout à fait
inconditionnellement et sans préjugés les
cheminements de leurs
recherches, de leurs pensées. Mais ce penser
et cette recherche, qui
se meuvent à partir de tels cheminements
intellectualistes, ne sont
absolument pas indépendants de l’évolution
historique. Et il est
intéressant de voir comment mainte personne,
qui se désigne
aujourd’hui comme philosophe, scientifique,
croit d’une manière
quelconque pouvoir légitimer à partir de la
nature humaine ou de
l’être du monde, la raison pour laquelle elle
explore de telle ou
telle manière, alors que la manière dont elle
explore, n’est que
le résultat d’une éducation de l’humanité
vieille d’un
millénaire.
Quand
on
remonte d’abord — et aujourd’hui je ne puis
que caractériser
cela en gros — au travers des siècles
post-chrétiens dans la
Grèce antique, on rencontre alors dans les
derniers siècles de la
Grèce pré-chrétienne les premiers
commencements déjà de ce
penser intellectualiste, auquel nous nous
sommes absolument et
totalement soumis depuis le quinzième siècle
dans l’Occident
civilisé. Dans la Grèce antique, nous trouvons
éclose ce qu’on a
très longtemps appelé la dialectique. Cette
dialectique est la mise
en activité d’un élément idéel qui tend de
plus en plus à
l’abstraction. Mais celui qui considère la vie
grecque sans
prévention, celui-là voit que celle-ci est
encore chez Platon
très spiritualisée, avant de régresser en
simple vie logique de
l’intellect chez Aristote, en un
contenu d’âme vieilli.
Et lorsque, par exemple, comme Nietzsche l’a
fait — de manière
grandiose quoique quelque peu maladive aussi —
l’on remonte dans
les temps primitifs du penser grec, de
l’évolution de la culture
grecque, alors on trouve que dans ce que
Nietzsche a désigné comme
l’époque tragique des Grecs, — que dans cette
vie de l’esprit
l’élément dialectique logique et abstrait
n’existe pas encore,
ni non plus l’attitude qui consiste à se
tourner sur le simple
monde extérieur. Mais dans cette vie
spirituelle grecque il existe
encore quelque chose qui ne peut remonter que
du plus profond de la
nature humaine elle-même, laquelle fait naître
d’elle-même et
porte l’essence du monde dans ses
configurations multiples. Et
quand nous remontons plus loin encore à la
source originelle de ce
qui pris naissance là-bas en Grèce, avant d’y
filtrer ensuite en
simple logique, plus loin encore, en Orient,
nous découvrons ce à
quoi j’ai récemment fait allusion et ce que
l’on pourrait
désigner pour l’humanité actuelle — mais
seulement pour elle — comme une connaissance
mystérique secrète. Celle-ci est une
connaissance qui est acquise d’une manière que
l’humanité
actuelle dans sa vie normale, ne peut
absolument plus se représenter.
Dans ces écoles de l’Orient antique, qui
étaient à la fois des
écoles, des ateliers d’art, et des centres
religieux, l’homme
n’avait pas simplement quelque chose à
apprendre ou bien à
explorer par ses facultés intellectuelles,
mais, il avait surtout à
être préparé pour approcher les mystères de
l’existence, il
avait à effectuer une transformation complète
de la totalité de sa
nature. Dans ces Mystères de l’Orient, c’était
une chose allant
de soi que l’homme, tel qu’il se trouvait
alors dans la vie
extérieure, ne pût pas pénétrer dans les
Mystères de
l’existence. C’est pourquoi on devait d’abord
éduquer l’homme
pour le mener, au travers d’une discipline
sévère de toute sa
nature, à cet état de complète transformation
de l’être et l’on
communiquait alors à cet autre être ce que
l’on désignait comme
le contenu de la connaissance. C’est sur la
base d’une riche vie
d’âme et d’esprit concrètement configurée, qui
n’existe
certes plus historiquement mais que l’on peut
constater par la
science spirituelle, qu’une connaissance s’est
donc édifiée
autrefois en Orient, qui s’est répandue
ensuite vers la Grèce et
y a été filtrée et épuisée en dialectique, en
logique, en simple
intelligence, et, sans cesser d’être de plus
en plus filtrée et
épuisée, elle est devenue ce simple
intellectualisme au sein duquel
nous sommes enfoncés de force depuis le milieu
du quinzième siècle.
Sans
diriger
sincèrement le regard de l’âme sur de telles
choses, que
je viens de vous caractériser, on ne peut pas
examiner les divers
courants culturels et établir les bilans
civilisationnels de
l’existence actuelle, on ne peut pas non plus
en venir à des
appréciations fécondes sur ce qui est
aujourd’hui indispensable à
l’humanité. Aujourd’hui, il s’agit que l’on
examine
réellement sincèrement ce qui est devenu et
qu’on reconnaisse
dans quels univers spirituels nous nous
trouvons en vérité. Quand
on suit ainsi la manière dont une vie
spirituelle plus ou moins
étrangère depuis l’Orient s’est implantée en
Grèce, y a subi
un processus de filtration et d’épuisement
avant de conduire à
notre intellectualisme, alors on en vient à la
question suivante :
Comment cette vie spirituelle s’est-elle donc
véritablement
développée ?
Cette
vie
spirituelle n’a pas pu autrement se développer
du fait qu’elle
était liée d’une certaine façon à quelque
chose qui tient de la
nature au sein de l’entité humaine. Si l’on
examine
attentivement ce qui a agi et ourdi à la
vérité dans la nature
humaine, pour que cette vie spirituelle ait pu
évoluer et se
développer au travers de la transformation de
l’homme, alors on
doit dire : la fait concret de l’hérédité
y joue un rôle,
ce fait de la transmission héréditaire par le
sang dans l’humanité
joue là-dedans un grand rôle. Et nous ne
pouvons étudier à la
vérité que la manière dont a eu lieu
l’évolution de la
connaissance au sein de l’humanité à partir de
la reconnaissance
de ce fait concret de l’évolution du sang.
C’est pourquoi la
connaissance de ces temps-là, auxquels j’ai
fait allusion, pour
exposer l’origine de notre connaissance
actuelle, était également
reliée à des peuples singuliers, à des races
particulières, à
des contextes sanguins et héréditaires
singuliers. C’est au
travers d’une différenciation provoquée par
des peuples
particuliers que la connaissance s’est
produite. Ce à quoi l’on
devait avoir égard, lorsqu’on allait chercher
l’élève hors de
son existence pour le faire entrer dans cette
école des Mystères,
dont j’ai parlé, ce à quoi il fallait faire
attention lors de sa
formation, c’était de savoir quel sang, quel
tempérament vivait
dans ce sang, quels dons de la nature fondée
par le sang vivaient en
lui. Et ce qui dépendait ainsi de la nature
devait être amené à
évoluer jusqu’à ce qui pouvait résulter de cet
élément
conforme à sa nature, pouvait paraître au
grand jour dans la
connaissance de l’homme concerné.
Celui
qui
connaît réellement l’évolution historique de
l’humanité,
celui qui ne s’en tient pas — je peux avoir
recours encore une
fois à cette expression — à cette fable
convenue (en
français dans le texte, ndt) qu’on
appelle « histoire »
aujourd’hui, mais considère l’évolution
historique réelle de
l’humanité, celui découvrira que cet état de
dépendance de la
vie d’âme et d’esprit eu égard à la
persistance du sang, au
fait tangible du sang, cessa radicalement au
milieu du quinzième
siècle pour la zone occidentale du monde
civilisé. Alors quelque
chose commence à donner le ton, quelque chose
qui ne peut jamais
être lié au sang dans l’évolution de
l’humanité. C’est très
intéressant à voir, si l’on considère tout ce
qui s’est
développé d’artistique dans l’humanité moderne
depuis le
quinzième siècle ; la manière dont tout
cela jaillit des
sources de la vie de l’âme humaine, qui n’a
plus rien à voir
avec cette même coloration élémentaire, dans
son aspect naturel
des plus grandes productions spirituelles des
temps primitifs. On
peut méconnaître cela dans beaucoup de
milieux. Celui qui veut
correctement comprendre ce qui vivait chez
Eschyle, ce qui vivait
chez les anciens philosophes grecs comme
Héraclite ou Anaxagore,
celui qui veut concevoir ce qui a vécu dans
cette ancienne culture,
doit être au clair qu’il y avait là quelque
chose qui était lié
à la nature du sang de certaines races. Le
Grec en était encore
conscient que toute sa nature spirituelle
était attachée à la
fleur d’âme que faisait fleurir son sang. On
peut prouver cela, si
l’on suit par exemple d’une manière sensée les
œuvres de l’art
grec, en particulier ces formes sculpturales
typiques. Quand on tente
d’en arriver à ce qui repose à la base de ces
types, alors on
découvre qu’il en vit trois dans le milieu de
la sculpture
grecque : d’abord le type satyre, ensuite
le type mercure, qui
apparaît particulièrement dans toutes les
têtes de Mercure, puis
le type que nous découvrons chez Zeus, Héra,
Athéna, Apollon. Que
l’on compare attentivement un jour les formes
des nez, les formes
des oreilles, tous les détails chez chaque
type singulier, alors on
en viendra tout naturellement à la manière
dont le Grec voulait
exprimer dans le type satyre, et dans le type
mercure, quelque chose
d’une humanité subalterne, au sein de laquelle
s’est répandue
une humanité supra-ordonnée au sang de cet
élément aryen, auquel
le Grec donna un reflet dans sa tête de Zeus.
On pourrait dire :
dans cela est exprimée la conscience de la
manière dont le Grec se
sentait attaché élémentairement au sang dans
l’évolution de
l’humanité. Cela cessa de rayonner
progressivement et cela cessa
d’avoir une importance pour l’humanité au
milieu du quinzième
siècle. Depuis cette époque, c’est l’élément
intellectuel qui
règne dans ce qui est produit normalement à
l’extérieur en
spiritualité, cet élément de la
représentation, de sorte que ce
qui s’éveille alors en l’âme, ce qui relève de
la nature de la
vie de l’âme, n’eut plus rien à faire avec ce
qui bouillonnait
dans le sang, ce que le sang produisait. Cela,
même des philosophes
triviaux doivent l’admettre: ce qui vit dans
cette manière
intellectualiste de se représenter les choses
n’est pas liée au
corps, et pour le moins n’est plus lié au
sang, et à vrai dire
cela n’a rien à faire non plus avec ce qui
jouait un si grand rôle
dans l’ancienne spiritualité : avec
l’hérédité, avec le
fait concret de la parenté liée au sang au
sein de l’hérédité.
En
ce
milieu du quinzième siècle, ce qui survint de
différent dans
l’évolution de l’humanité, c’est certes sous
la forme d’une
spiritualité tout à fait tenue, pour ainsi
dire, juste à peine
intellectualiste, qui éduqua cependant
l’humanité moderne vers
l’indépendance de tout ce qui relevait
simplement de la nature,
mais qui l’éloigna en tout cas, en même temps,
de tout ce qui,
auparavant avait été ressenti comme un élément
de nature humaine.
Et quelque chose de particulier, je pourrais
dire, quelque chose de
tragique fit ainsi son entrée dans cette
évolution de l’humanité
moderne. Elle dut s’élever à une expérience
qui est indépendante
de l’élément naturel, mais avec ce qui
commença d’entrer ainsi
dans son âme, elle ne fut plus en mesure de se
concevoir elle-même.
Dans cette ancienne spiritualité, dans cette
connaissance de
l’esprit qui était encore édifiée sur le sang,
on avait reçu en
même temps que les connaissances intérieures,
une connaissance de
la nature humaine et de l’essence même de
l’être humain ;
à présent on s’était élevé à une spiritualité
abstraite, qui
peut remporter de grands triomphes dans les
sciences naturelles, mais
pour laquelle il est impossible d’entrer dans
l’essence de
l’homme lui-même et qui en reste donc très
éloignée.
Cela
eut
aussi cependant une autre conséquence. Quand
nous regardons en
arrière dans cette évolution que j’ai
caractérisée comme étant
relié à un élément naturel, et que nous
dirigeons notre regard à
présent, non pas sur la nature cognitive, mais
sur ce qui passe dans
l’histoire en tant que faits bons ou mauvais,
sympathiques ou
antipathiques, alors nous découvrons que ces
faits se rattachent à
la connaissance naturelle, à une expérience de
l’esprit conforme
à la nature, ces faits sont l’expression d’une
expérience
naturelle de l’esprit : l’homme s’éprouve
au moyen de son
sang, il s’élève à la spiritualité au moyen de
son sang, il
fait l’expérience de ce que son sang lui
donne, dans des images
puissantes, en imaginations, qui sont les
représentations de
l’élément spirituel vécu, et ce qu’il vit
ainsi en son âme,
cela déborde dans la totalité de son être
d’homme. Et
l’effluance de ce qui pulse ainsi de ses
représentations, de ces
représentations ressenties, de ses idées
ressenties, cela devient
ses faits .
Et
aujourd’hui ?
Nous sommes parvenus à une culmination. Nous
avons derrière nous trois ou quatre siècle de
vie intellectualiste,
nous regardons autour de nous dans le monde
civilisé moderne, nous
trouvons partout une évolution intense d’une
vie qui est explorée
de façon intellectualiste d’où résultent les
idées les plus
multiples, mais toutes ces idées, du fait
qu’elles sont trop
abstraites, trop étrangères au vivant, ne
peuvent pas passer en
impulsions dans la vie des actes. Lorsqu’on
voit aujourd’hui, là
où les problèmes sociaux ou autres problèmes
de l’humanité sont
si urgents, l’ensemble de la vie de l’âme à
partir de laquelle
on ne veut absolument pas admettre combien
nous sommes en train
d’avancer sur une voie sans issue, et combien
nous avons besoin
d’aller chercher de très profondes énergies
dans notre vie d’âme
pour redécouvrir des impulsions qui peuvent
passer dans les actes —
alors, on fait souvenir d’un dicton qu’on
rappela aux Allemands
au siècle dernier, parce qu’on les trouvait
déjà endormis à
cette époque déjà : « Dors, Michel,
dort, au jardin se
promène un âne, au jardin se promène un petit
abbé, qui te
conduit au ciel. Dors, Michel, dors !— En
effet, c’est
aujourd’hui une opinion fréquente :
prêter l’oreille à
n’importe quel élément religieux abstrait, qui
ne se trouve dans
aucun rapport avec la réalité extérieure
immédiate et avec la vie
dans cette réalité. Nous avons perdu la
relation existante entre la
connaissance extérieure de la nature, que nous
ne concevons
qu’intellectuelle et ce qui vit dans notre
âme, ce qui était
compris dans la connaissance naturelle antique
fondée sur le sang,
la contemplation de l’entité de l’être humain.
Je
sais
combien aujourd’hui on est enclin à entendre
de telles
caractéristiques, que l’on considère comme des
choses quelque peu
bizarres, en affirmant qu’elles veulent
exagérer les choses. Mais
il doit être dit : tant que l’on n’écoute
pas ce qui vient
de ce coin-là, on n’en vient pas aux idées
fécondes sur une
réorganisation ou une réédification, qui
paraît si nécessaire à
tout un chacun, quand on observe les choses
sans préjugés. La
dimension spirituelle et celle de l’âme —
effectivement, à
présent nos philosophes d’écoles parlent
encore d’un quelconque
élément d’âme en relation avec le monde
extérieur ; mais
cette claire conception-là de la nature de
l’être humain en
corps, âme et esprit, cela ne vit plus depuis
longtemps dans notre
manière d’envisager les choses en Occident. On
peut alors
percevoir un fait très remarquable. On peut
seulement en venir à
bout — j’ai exposé cela dans d’autres
conférences — dans la
connaissance de la nature de l’être humain,
quand on a la capacité
d’articuler cet être humain en corps, âme et
esprit. Car le corps
c’est ce qui, entre la naissance et la mort,
sert d’outil pour
les forces spirituelles, l’esprit c’est ce qui
se sert de cet
outil, et l’âme c’est ce qui n’est ni corps ni
esprit, mais
qui est l’élément reliant les deux. Sans
percer à jour cette
triade, on ne peut pas pénétrer l’essence
humaine. Mais même
d’éminents philosophes en parlent :
l’homme consiste en un
corps et une âme. Ils croient cultiver une
science dépourvue de
préventions. En effet une science sans
préjugés ! Seulement
ils ne savent pas : Dans la vie
intellectualiste, nous sommes
dépendants de toute l’évolution orientale.
Ainsi sommes-nous
encore dépendants, dans cette manière de
regarder simplement le
corps et l’âme qui est la nôtre, du huitième
Concile oecuménique
de Constantinople de l’an 869, lors duquel fut
établi le dogme
selon lequel on n’avait plus à croire au
Christ en corps, âme et
esprit, mais seulement en corps et âme et
qu’on devait croire que
l’âme était seule à avoir quelques facultés
spirituelles. C’est
devenu à partir de cette date un dogme de
l’Église catholique,
c’est devenu un commandement pour ceux qui ont
exploré les choses
extérieurement. Et aujourd’hui les hommes
croient s’appliquer à
poursuivre des recherches sans préjugés, qui
se dévident et
s’imaginent tout naturellement à partir
d’elles-mêmes, alors
qu’ils ne font que suivre l’éducation
ancienne, qui fut
inaugurée par le Concile œcuménique de
Constantinople en l’an
869, au moment où l’esprit fut supprimé (pour
ce qui concerne la
croyance en Christ, il faut le rappeler, ndt)
Tout
cela
a contribué à ce que notre vie spirituelle est
devenue si
abstraite et si intellectualiste au point
qu’il n’y a plus rien
dedans — mais pour l’humanité une évolution
repose à la base
de ce processus et il ne peut plus rien
y avoir dedans
— de ce qui a vécu dans l’ancienne vie de
l’esprit en
impulsant la volonté. Et une époque devrait
venir dans laquelle,
pour ce qui est de ses actes, l’homme
apparaîtrait complètement
paralysé, si nous, au sein de notre vis
spirituelle occidentale,
n’en restions qu’au matérialisme. On doit
pressentir à partir
du cours de l’évolution de l’esprit occidental
qu’une nouvelle
fécondation de cette évolution spirituelle est
nécessaire ;
que ce que nous avons perdu, en tant
qu’élément ancien rattaché
au sang, doit être réacquis d’un autre côté.
C’était juste
que l’humanité traverse pendant trois ou
quatre siècles une
évolution indépendante du sang. Elle s’éduqua
de ce fait à la
liberté, à une certaine émancipation de tout
ce qui relevait
simplement de la nature. Mais ce que nous
avons développé ainsi en
intellectualisme, cela doit de nouveau être
imprégné, cela doit de
nouveau être rempli dans notre nature d’une
connaissance telle
qu’elle peut s’écouler dans les actes de
l’être humain,
qu’elle puisse être ré-imprégnée d’âme et
d’esprit
conformément à la volonté de l’homme. Une
telle connaissance de
l’esprit, une moderne connaissance de
l’esprit, qui ne veut rien
avoir à faire avec un renouvellement de
l’ancienne connaissance de
l’esprit orientale, c’est ce à quoi s’efforce
la science
spirituelle d’orientation anthroposophique. Et
dans ce sens, elle
voudrait à présent atteindre non seulement les
formes végétales
ou animales, mais notamment pour l’homme,
cette intimité avec tout
ce qui vit dans l’univers, ce par quoi on peut
dire : les
forces, qui vivent là dehors, entrent dans
notre essence, elles
s’éveillent elles-mêmes en nous et dans notre
activité de
connaissance, les forces de croissance de la
nature et du monde
spirituel vivent en nous, avant toute chose
nos propres forces de
croissance humaines. Si donc nous imprégnons
notre vie intellectualiste avec les
expériences de l’esprit, alors nous nous
trouvons de nouveau dans la civilisation
moderne d’une manière
telle qu’à présent ce n’est plus quelque chose
d’inhérent au
sang qui vit en nous, mais quelque chose de
contemplé dans l’esprit
libre qui vit en nous, et qui peut de nouveau
agir en enthousiasmant
et en renforçant notre vie active.
Il
en
est déjà ainsi que la vie de volonté et
d’action de l’homme
devrait se paralyser, si elle ne pouvait
recevoir un coup de main de
ce qui peut être perçu dans l’esprit. C’est
juste quand on dit
aujourd’hui par exemple : oui, mais les
connaissances de cette
science spirituelle d’orientation
anthroposophique doivent encore
être tirées d’une vie de contemplations
intérieures !
Certes, qu’elles sont acquises à partir d’une
vie de
contemplations intérieures, comme aussi
finalement les connaissances
de la chimie, isolées à partir de
l’utilisation des conquêtes de
la chimie dans le monde pratique, dans des
laboratoires isolés et
des bureaux d’études. Ce qui doit être conquis
c’est ce qui
peut nous donner des informations sur la
nature de l’être humain,
ce qui peut former aujourd’hui le contenu
d’une réelle
connaissance de l’esprit, par le fait que de
nouveau — mais d’une
manière tout à fait différente de celle des
Mystères antiques —
l’être humain se transforme et parvient à
acquérir de ce fait
une contemplation spirituelle de la même façon
dont il dispose
d’une contemplation sensible du monde par ses
organes sensoriels,
et d’une contemplation intellectualiste au
moyen de son
intelligence. Cette modestie, dont j’ai parlé
ici dans
l’avant-dernière conférence, cette modestie
intellectuelle, on
doit la développer en se disant : de la
même manière que l’on
doit d’abord éduquer un enfant de cinq ans
pour lui apprendre à
lire, de la même manière l’homme qui se trouve
dans la vie
extérieure, doit d’abord se transformer pour
approcher des
Mystères réels de la nature et de l’esprit. Et
c’est avec un
renoncement, avec une souffrance librement
portée, qu’est
rattachée ce qui résulte d’une connaissance
réelle sur l’entité
humaine. Cela vous pouvez déjà le décrypter
des faits qu’il est
nécessaire que l’homme qui connaît réellement,
en pénétrant
dans le monde spirituel, n’entende plus comme
il entendait sinon,
ne pense plus comme il pensait sinon, mais que
dans un organisme
spirituel indépendant il doit contempler le
monde. Mais entre la
naissance et la mort on n’est pas adapté à ce
monde, dans lequel
on doit alors entrer ; on entre dans un
monde vis-à-vis duquel
on fait face en étranger. Cette
non-adaptation, le fait de se
retrouver placé dans un monde auquel on
n’appartient pas pour
autant qu’on se sert de son corps, c’est
quelque chose qui doit
être caractérisé par une souffrance de l’âme
et de l’esprit,
qui ne peut être éprouvée naturellement que
par expérience. Au
travers de telles choses et d’autres
semblables, qui certainement
reposent en dehors des tempêtes et des flots
de la vie, on doit
pénétrer dans le monde spirituel. Mais on
calomnie ce qui doit être
acquis par la science spirituelle que l’on a
en vue ici, quand on
déclare : c’est une mystique étrangère au
monde ;
quand on dit : c’est quelque peu étranger
à la vie ou
hostile à la vie. Non, ce qui est acquis
ainsi, à vrai dire à
l’écart de la vie, par l’investigation
spirituelle, c’est
quelque chose qui, quand cela est présenté
devant l’humanité,
est un savoir, une connaissance, qui peut être
appréhendé
conceptuellement par une saine intelligence
humaine, mais qui ensuite
donne une telle impulsion à l’homme qu’il peut
devenir le
porteur de sa volonté, de sa vie active.
À
quelle connaissance s’efforce la science
spirituelle d’orientation
anthroposophique , en voulant développer
une goethéanisme qui
embrasse tout ? Elle s’efforce à une
connaissance de l’esprit
qui peut être le fondement d’une vie
volontaire et active
énergique. Rien d’autre ne peut venir en aide
à notre monde du
fait que ce qui peut être contemplé dans
l’esprit s’introduit
dans notre vie volontaire et active. La
connaissance intellectualiste
et son application, les connaissances
naturelles, est quelque chose
de contemplatif, c’est quelque chose qui peut
passer tout au plus
dans la technique, dans ce qui est extérieur à
l’humain. Mais ce
qui est contemplé à partir de l’esprit, cela
devient une
impulsion pour aller au devant de la
découverte de nouvelles voies
réellement salutaires pour la vie sociale,
cette vie sociale qui
devient si difficile.
On
pourrait
s’interroger un peu et tenter de voir si de
telles
prétentions de la science spirituelle que j’ai
caractérisées ici
ne devraient pas être prises en considération,
quand on voit
combien une infinie souffrance de l’humanité
est provoquée du
fait qu’aujourd’hui on bousille tant de choses
dans la vie
sociale, qu’on y apporte du léninisme et du
trotskisme et autres
choses semblables qui ne sont rien d’autre que
du poison
intellectualiste, qui devait être amené sans
contredit pour la
libération de l’humanité, mais seulement aussi
longtemps que les
anciennes formes sociales n’étaient pas encore
saisies par lui.
Mais dans l’instant où ce poison les saisit,
alors doit se
manifester l’action toxique du simple
intellectualisme dans la vie
sociale. Elle commence à se révéler dans des
phénomènes
épouvantables et elle se révélera de plus en
plus. C’est une
terrible illusion quand les hommes croient que
dans ce domaine, ils
ne se trouvent plus seulement au commencement,
mais en un point où
l’on peut calmement regarder faire. Pas du
tout, nous nous trouvons
au commencement et le salut ne peut venir que
s’il provient de
l’esprit, et la connaissance de l’esprit doit
en être le
fondement. Au lieu de se laisser aller à
toutes sortes de
déclamations, parfois avec de bonnes
intentions, par exemple sur la
façon dont cette science spirituelle n’a rien
à rechercher dans
la religion, on ferait mieux d’envisager les
phénomènes de la
vie en se débarrassant des préventions.
C’est
ainsi
qu’on m’a rapporté qu’ici, à Stuttgart on a
tenu une
conférence sur la science spirituelle
d’orientation
anthroposophique (4), dans laquelle on
a déclaré : il
se peut que l’on mette au jour toutes sortes
de choses au moyen des
forces clairvoyantes dont parle la science
spirituelle ;
toutefois cela n’a rien à faire avec la simple
candeur qui doit
être active dans la religion, et aussi dans la
conception religieuse
du christianisme. Ainsi peut-on déclamer,
ainsi peut-on croire
devoir parler quand on est abandonné par tous
les esprits de la
manière d’observer l’histoire, abandonné par
ses esprits qui
expliquent comment est l’histoire de
l’humanité. Si l’on n’est
pas abandonné par eux, alors l’esprit de
l’évolution de
l’humanité prédit fortement et nettement que
ce discours
abstrait, provenant d’une auto simplification
unilatérale et
abstraite de quelque chose de quelconque
présent dans l’homme, que
l’on ne peut même pas définir d’un terme
indéfinissable, ou
bien par le nom du Christ, que cet
auto-enthousiasme en faveur d’un
élément de naïveté enfantine nous a
précisément conduits dans
la misère sociale dans laquelle nous nous
trouvons. D’abord
l’élément d’âme et d’esprit fut monopolisé par
les
confessions. De ce fait naquirent des sciences
naturelles, dans
lesquelles il n’y a pas d’esprit, et qui
exposent sans esprit
l’image de la nature. Et en ajoutant qu’au
moyen de la science
spirituelle, on peut révéler toutes sortes de
choses de faits
spirituels à l’humanité, on en arrive à exiger
à présent
d’avouer que dans ces faits spirituels rien ne
vit de ce que l’être
humain doit rechercher de divin.
Effectivement, le matérialisme des
sciences naturelles a produit heureusement une
dé-spiritualisation
de la nature. Cette religiosité produira de
plus en plus une
dé-divinisation de l’esprit. Et alors nous
aurons une nature
dé-spiritualisée, un esprit dé-divinisé et une
religion sans
contenu. Cette religion sans contenu, elle
n’impulsera plus d’actes
quelconques. La connaissance de l’esprit doit
apporter des actes,
sinon nos impulsions morales pour notre vie
spirituelle occidentale
ne sont en vérité que du vent. Nos impulsions
morales, elles
s’évertuent à partir de notre intériorité
d’une autre manière
que les connaissances intellectualistes. Celui
qui a la capacité de
s’observer sans prévention, celui-là sait que
ce qui est
intellectuellement saisi, par exemple les
connaissances scientifiques
dans la vie de l’âme, sont quelque chose de
tout autre que ces
impulsions, qui en tant que mobiles moraux, en
tant qu’intuitions
morales, se lèvent dans notre intériorité et
exigent de nous que
nous les introduisions dans la vie. Mais cette
vie de l’esprit
moderne au moyen de son intellectualisme n’a
pu construire aucun
pont entre sa connaissance de la nature et sa
vie morale. Que sont
devenues finalement ces conceptions morales du
monde ? Si nous
faisons abstraction de conceptions religieuses
devenues aujourd’hui
plus ou moins sans contenu, quand nous
regardons en direction de ces
gens sincères qui se charpentent une
conception du monde à partir
des sciences naturelles, laquelle très
certainement est unilatérale
à l’extrême, mais elle est pourtant sincère,
alors nous devons
dire : vous vous représentez qu’un jour,
à partir d’une
nébuleuse au sens de Kant-Laplace une
disposition quelconque a fait
apparaître des phénomènes tourbillonnaires, et
que peu à peu est
né ce qu’aujourd’hui nous appelons notre
univers avec ses êtres
naturels et les hommes. Mais dans l’homme
surgissent des idéaux
moraux, des intuitions morales. Si l’on ne
croit qu’au contexte
naturel, alors ces idéaux moraux, ces
intuitions morales sont
purement et simplement ce qui en suinte, ce
qui n’a de validité
qu’aussi longtemps que l’on se dit hommes.
Beaucoup de vieux
instincts continuent encore de vivre de cette
évolution humaine, qui
à la vérité au quinzième siècle déjà avaient
rencontré leur
fin. Si ces instincts n’avaient pas survécus,
ils auraient été
exterminés un jour et ne seraient plus
autrement apparus dans la vie
spirituelle humaine, alors on aurait dû
purement et simplement
s’appuyer sur des documents extérieurs pour se
procurer ce que
nous appelons des idéaux moraux. Et au lieu de
se sentir obligé
d’aller les rechercher en soi, ces idéaux
moraux, de se sentir
obligé à l’égard de la vie spirituelle, qui
dépasse tout ce qui
est vie physique, par ses idéaux moraux, au
lieu de cela, il
pourrait au mieux survenir que l’on trouvât
honnête que chacun
tînt son vis-à-vis pour un homme moral, que
l’on trouvât
opportun de ne pas répudier ce qui est fixé
par la loi dans l’État.
Bref, cet état d’échauffement d’une élément
spirituel dans
l’âme devrait disparaître si notre
intellectualité persistait,
et cela aussi hors de la vie morale humaine.
Car on ne peut donner de
réalité à notre vie morale que si de nouveau
la contemplation
spirituelle imprègne et pénètre tout ce que
nous avons acquis
depuis trois ou quatre siècles. On ne doit
absolument pas le
critiquer de manière réactionnaire, mais
seulement insister sur sa
nécessité. Mais que nous montre-t-elle cette
vision du spirituel,
quel est l’élément moral de notre
contemplation de l’esprit ?
Cette vision de l’esprit reconnaît la nature
extérieure, elle
voit déjà en elle au sens originaire ce que de
raisonnables
géologues (5) — je veux parler de
façon comparative —
acceptent maintenant pour la formation de la
Terre. De tels géologues
disent : une grande partie de notre
évolution géologique
terrestre est déjà aux prises avec un courant
descendant. Pour de
nombreuses régions de la Terre nous nous
promenons sur une existence
morte, lorsque nous marchons sur la glèbe. Une
telle existence
éteinte existe et est répandue beaucoup plus
universellement que
simplement dans l’élément géologique, elle
remplit aussi notre
vie culturelle et nous avons obtenu dans ces
temps modernes des
sciences naturelles qui ne se fondent plus que
sur la mort, des
sciences naturelles focalisées sur le
non-vivant, parce que nous
avons été peu à peu entourés de l’élément
dépérissant dans
notre culture. On apprend à connaître ce qui
dépérit, ce qui a
été mis en mouvement depuis les époques
primordiales de
l’évolution et qui a atteint sa phase ultime
dans le développement
de la Terre. Mais ensuite, on peut comparer ce
qui a atteint son
ultime phase, avec ce qui fleurit en tant que
nos idéaux moraux et
nos intuitions morales. Que sont ces idéaux
moraux et ces intuitions
morales ? Ces idéaux moraux et intuitions
morales, quand ils
naissent en nous, ils dévoilent ce que la
science spirituelle
d’inspiration anthroposophique appelle ici
quelque chose comme un
germe, en le voyant comme ce que l’on pourrait
comparer au germe
d’une plante à venir, qui renferme donc
potentiellement la
floraison d’une plante, tandis que ce qui
dépérit au niveau de la
fleur, c’est l’hérédité transmise par la
plante mère. Nous
voyons pousser notre vie morale dans notre
intériorité. En faisant
l’expérience de ce qui est inné à la nature,
nous éprouvons ce
qui, depuis les temps anciens, s’est développé
jusqu’à
maintenant sur la Terre ; en ressentant
s’épanouir en nous
les idéaux moraux, nous éprouvons ce qu’un
jour la Terre
rejettera comme un cadavre, comme une scorie,
avec les âmes humaines
qui s’en détacheront dans une vie cosmique
immortelle, de la même
façon que l’homme individuel, lorsqu’il
rejette son cadavre,
pénètre dans l’existence spirituelle et
psychique. Ainsi
voyons-nous germer en nous les métamorphoses
futures de la Terre en
déployant notre vie morale.
Pensez
donc,
quand on la capacité d’appréhender une telle
idée, aussi
fantastique qu’elle puisse certainement se
présenter à l’humanité
d’aujourd’hui, dans sa pleine gravité et dans
toute sa
profondeur, quelle responsabilité morale
découle ensuite d’un tel
concept ! Alors on se dit : qu’es-tu
donc, Homme ?
Tu es le résultat du passé et de toute
l’évolution terrestre.
Et en tant que tel tu chemines vers ton
déclin. Ta vie morale se
ranime en toi, c’est le germe du futur, certes
à présent encore
un semblant irréel, de sorte que nous le
tenons pour quelque chose
de simplement abstrait ; mais c’est là le
tout premier
commencement d’une riche réalité future. Et
l’on devrait encore
se dire : si tu n’exerces pas cet élément
moral, si tu ne
t’unis pas à lui, alors tu pèches tout
bonnement vis-à-vis de
ton prochain, à l’égard duquel tu es aussi
toi-même responsable,
tu pèches contre tous les mondes spirituels.
Car ils ont déposé en
toi un germe, qui par ta moralité doit croître
dans l’avenir du
monde. Si tu es immoral, tu te fermes à
l’avenir de l’humanité.
Vis-à-vis de l’énergie qui vient pour la
volonté et la vie
active à partir de la connaissance de
l’esprit, peut encore surgir
ce sérieux d’une responsabilité humaine, je
voudrais dire,
orientée d’une manière cosmique et
universelle. Nous pouvons
ressentir : dans l’ancienne Grèce,
l’horizon de l’esprit
cultivé était rétréci. On était alors citoyen
de son terroir.
Les Temps modernes vinrent. L’Amérique fut
découverte, la forme
ronde de la Terre fut immédiatement
redécouverte, au travers des
grandes explorations ? L’homme devint
citoyen de la Terre. De
nouveau nous avons franchi une étape
supplémentaire. L’humanité
a passé au travers de l’état de citoyenneté du
pays à celui de
citoyenneté de la Terre. Aujourd’hui l’appel
lui est lancé pour
devenir citoyen de l’Univers dans le vrai sens
du terme,
c’est-à-dire, de se ressentir comme un citoyen
de ces mondes, qui
sont à l’extérieur de notre Terre, mais qui
appartiennent avec
Elle à une totalité, citoyens aussi de ces
mondes futurs sur
lesquels j’ai attiré l’attention.
C’est
ainsi
que la contemplation morale peut s’enraciner
de nouveau dans
la connaissance de l’esprit. C’est seulement
si une telle énergie
traverse notre vie morale que nous serons en
situation de configurer
un enseignement moral en vue d’une conception
de al vie qui agit
socialement.
De
tels
cheminements qui ont été indiqués ici, ils ont
été tentés
dans quelque chose comme la Dreigliederung
de l’organisme
social, dans quelque chose qu’expose mon
ouvrage « Les points
essentiels de la question sociale ».
Beaucoup tiennent cela
pour des abstractions, des utopies, et c’est
pourtant là tout ce
qu’il y a de plus réel, car cela repose sur
une réalité qui a
été repensée à fond et de neuf, une réalité
qui ne peut être
atteinte par aucune des sciences naturelles,
car celles-ci ont été
rendues malades par la vie intellectualiste.
Cette vie
intellectualiste a progressivement renvoyé
l’être humain à
lui-même. On peut aujourd’hui obtenir de
remarquables évidences
de la manière dont l’homme, par le fait qu’il
ne peut plus
concevoir l’homme lui-même, à partir des
connaissances résultant
des sciences naturelles extérieures, est
devenu égoïste. L’égoïsme
a fait son apparition au même pas et dans le
même temps que
l’intellectualisme au long de ces trois au
quatre derniers siècles,
il s’esr introduit dans toute la vie humaine
extérieure et
intérieure, avant toutes choses — et cela doit
aussi être
considéré sans préventions — cet
intellectualisme, cet égoïsme
s’est emparé aussi de la vie religieuse.
Aujourd’hui — car
cela a malheureusement préparé l’éducation
humaine — c’est
seulement à partir d’un certain point de vue
égoïste, que l’on
peut parler d’immortalité de l’âme humaine.
Les hommes reculent
de frayeur face à quelque chose — comme ce
n’est naturellement
pas possible, mais pourrait pourtant le
devenir — comme la survenue
d’une cessation d’existence de leur entité
spirituelle et
psychique, au moment où le cadavre de la Terre
sera remis. Cela
contredit ce qui du côté de la nature est
resté comme un ultime et
net résidu ; cela contredit un instinct
nettement égoïste. On
s’abandonne à cet instinct égoïste quand on ne
fait que parler
de la persistance de l’âme après la mort,
lorsque cela se produit
de nouveau sous la contrainte du dogme, ce qui
est naturellement
parfaitement et pleinement fondé justement par
la science
spirituelle ; mais quand on ne parle pas
du fait que notre
dimension psycho-spirituelle existait déjà
dans un monde spirituel
avant la naissance ou, selon le cas, avant
notre conception. Avant
que nous descendions dans la corporéité
physique et que nous
adoptions ces enveloppes qui nous sont données
au travers de
l’hérédité par notre père et de notre mère,
nous traversons
également une évolution dans les mondes
spirituels, comme nous le
faisons ici sur la Terre. Et exactement comme
notre vie après la
mort est une continuation de la vie ici sur
Terre, une déconstruction
de nos expériences d’ici, ainsi la vie que
nous traversons entre
la naissance et la mort est-elle une
continuation de la vie telle
qu’elle préexistait avant la naissance.
Cela
impose
ses grands devoirs au pédagogue, par exemple,
quand il est
pleinement conscient de la responsabilité qui
repose sur son âme,
attendu qu’il a à développer ce qui est
descendu des hauteurs
spirituelles et éternelles dans un corps
humain et qui, au travers
de sa forme extérieure et de ses enveloppes,
va s’empreindre et se
manifester toujours plus d’année en année.
C’est l’autre
chose que l’on peut ajouter à cette
connaissance qui va au devant
de l’égoïsme et qui n’a d’égard que pour le
fait, solidement
établi à la vérité comme allant de soi, de
l’immortalité de
l’âme humaine vis-à-vis de la mort. C’est
l’autre côté sur
lequel la science spirituelle doit
particulièrement insister pour
l’homme nouveau : la vie avant la
naissance ou bien avant la
conception, et la continuation de celle-ci par
la vie ici. Il devient
facilement superficiel, celui qui ne parle que
de la vie après la
mort. Celui qui envisage sérieusement la vie
avant la naissance, se
sentira obligé — étant donné que l’ordre du
monde est tel que
l’homme est descendu dans l’existence physique
— à rendre cela
un fait énergique. Car ce n’est que de cette
manière que nous
pouvons empreindre ce que nous tentons
d’empreindre, lorsque nous
savons que nous sommes descendus dans
l’existence physique. Tandis
que la simple perspective sur ce qui vient
après la mort mène à
une perte d’âme (entseelung) et à une
perte d’esprit
(entgeistigung) de l’existence
physique, le renforcement de
notre volonté dans la perspective d’une
travail de la totalité de
notre être et de notre vie, fait naître en
nous la conscience que
nous sommes descendus en tant qu’esprits dans
cette existence
physique. Des espérances humaines pour
l’avenir ne peuvent
résulter d’une manière certaine que de la
contemplation
spirituelle, lorsque avec notre manière de
voir nous nous enracinons
dans l’esprit, lorsque nous marquons et
imprégnons notre nature
intellectualiste avec ce que nous donne la
science spirituelle. Alors
une impulsion à agir, une impulsion volontaire
peut de nouveau
rentrer dans notre vie. Et notre vie aura
besoin de ces impulsions
spirituelles, car cette vie est en plein
déclin. Les générations
anciennes pouvaient encore contempler en
comptant sur leurs
instincts. Chez les Grecs antiques, nous
pouvions voir que celui qui
devait mûrir en vue de la vie publique,
n’avait besoin que des
instincts reposant sur son sang pour ce faire.
Cela ne pourra plus
être, la culture devrait disparaître si nous
ne voulions l’édifier
que sur ce que pourrait nous apporter la Terre
à partir des
instincts des hommes. L’actuel socialisme
est-européen compte sur
ces instincts ; il compte sur un nul. On
comptera sur une
réalité quand on rétablira l’espoir que doit
être édifié un
socialisme orienté par la science spirituelle.
Il est vrai que de
telles manières de voir, comme celles qu’on a
présentées ici, ne
sont pas encore prises avec tout le sérieux
qu’il faudrait, pour
le moins pas par le plus grand nombre des
hommes. Quelques-uns les
prennent au sérieux, bien sûr à partir de
points de vue tout à
fait déterminés. C’est ainsi que j’ai lu dans
notre journal
« Dreigliederung des Sozialen
Organismus » (6),
alors que je travaillai encore à Dornach, la
façon dont à partir
d’un certain côté, ce qui apparaît en tant que
science spirituel
tire vraiment à conséquence ; et l’on
doit ici avoir tenu
une remarquable conférence, je crois même avec
un accompagnement
musical, une conférence qui s’appuyait sur
quelque chose qui émane
d’un certain côté, par exemple dans le « Stimmen
der
Zeit » (Voix du temps, ndt)
de la part du
père jésuite Zimmermann, presque dans
chaque numéro, et qui
engendra justement de tels échos, comme celui
qui doit résulter
ici. On a dit alors, et en plus de la part
d’un chanoine, qu’on
pouvait effectivement enseigner sur ce que
Steiner dit, à partir
des écrits de ses opposants, car les écrits
qu’il rédige
lui-même, et ceux de ses partisans, il n’est
plus permis aux
catholiques de les lire, car le Pape les a
interdits. De fait, la
sainte Congrégation romaine du 18 juillet 1919
a publié un décret
qui interdit la lecture des écrits
théosophiques et
anthroposophiques, du moins dans
l’interprétation de ce décret
général qu’en fait le père jésuite Zimmermann.
Et l’on ne
peut pourtant pas croire que ce père jésuite
mente toujours. Il a
menti une fois (7), en affirmant que
j’aurais été un
ancien prêtre et que je me serais enfui d’un
monastère. Je n’ai
jamais été dans un monastère. Car il a
dit : l’affirmation
selon laquelle le Steiner est un prêtre
défroqué (qui s’est
enfui de son monastère, ndt) ne se
laisse plus prouver bien
sûr aujourd’hui. Une manière particulière de
bien réparer ce
qu’on a controuvé ! Eh bien ! je ne
crois pas qu’est
controuvé aussi, ce qui a rencontré cet écho
remarquable, à
savoir être d’avis que l’on peut enseigner à
partir des écrits
de mes opposants, parce que les écrits
anthroposophiques ont été
interdits par la sainte Congrégation du 18
juillet 1919.
Effectivement de ce côté-ci on pressent que
quelque chose dispose
d’énergies très réelles et veut s’installer
dans le présent.
Cette
science
spirituelle d’orientation anthroposophique —
permettez
qu’en guise de conclusion, je vous fasse part
d’une remarque à
la fois concrète et personnelle —, cette
science spirituelle,
d’orientation anthroposophique continuera de
défendre ce qu’elle
doit défendre, du mieux qu’elle peut, en tant
que fondements de
connaissance des faits de la vie, en tant que
fondements de
connaissance de la vie morale et sociale, et
en tant que fondements
de connaissance des plus belles espérances que
peuvent nourrir les
hommes, contre toutes les résistances. On peut
l’étrangler à
cause de moi : dès qu’elle pourra de
nouveau, ne serait-ce
que s’agiter un peu, alors elle fera de
nouveau prévaloir ce
qu’elle croit pouvoir faire connaître à
l’humanité en vérité
nécessaire. Et comme dans l’instant où
commença à se retourner
la perspective d’une victoire en notre
défaveur, vis-à-vis du
monde internationale dans son entier un
témoignage pour la vie
spirituelle internationale a été établi à
Dornach que ce qu’est
aujourd’hui le goethéanisme, vient pourtant
des racines de la vie
spirituelle allemande, ainsi donc tout ce qui
viendra de tout autre
côté, faire obstacle à cette science
spirituelle d’orientation
anthroposophique pour la connaissance, est
passé dans sa conviction
de lutter pour un contenu universel.
Voici
35
ans, j’écrivis dans l’une de mes premières
analyses pour
caractériser combien il était nécessaire à
l’esprit allemand
d’en revenir aux meilleures sources de sa
vigueur, j’écrivis
alors ces paroles à l’instar d’un appel lancé
au peuple
allemand : « Dans tous les progrès
que nous avons à
enregistrer dans les domaines culturels les
plus variés, nous ne
pouvons cependant pas nous débarrasser du fait
que la signature de
notre époque laisse beaucoup, vraiment
beaucoup à désirer. Nos
avancées sont pour le moins amples mais peu
profondes. Pour le
contenu d’une époque seuls les progrès en
profondeur sont
déterminants. Il se peut que l’abondance des
faits, qui de tous
côtés ont fait irruption sur nous, fasse
apparaître concevable que
tandis que notre regard se focalisait sur le
vaste horizon, nous
ayons instantanément perdu celui dans les
profondeurs. Nous
voudrions seulement espérer que les fils
rompus d’une évolution
progressive soit bientôt rattachés et que les
nouveaux faits un
jour conquis des hauteurs de l’esprit soient
compris. »
C’est
dans
le sentiment que, si l’état de profondeur de
l’époque ne
rencontrait pas une contrepartie dans une
réelle élévation
spirituelle, une catastrophe devrait
nécessairement s’ensuivre,
c’est dans ce sentiment, cette douleur
navrante, que j’écrivis
ces mots voici 35 ans et que je les fis
imprimer. Je crois
qu’aujourd’hui justement à partir d’un tel
point de vue, comme
je l’ai exposé ici, j’ai le droit d’attirer
l’attention sur
cette réflexion personnelle concrète d’alors.
Car le cours des
événements dans ces trois décennies et demi
est une évidence
qu’il est bien justifié de faire retentir de
nouveau l’appel
vers la spiritualité. Alors que naguère il ne
fut pas entendu,
puisse-t-il l’être aujourd’hui dans un proche
avenir par les
Allemands, afin qu’ils puissent édifier de
leur intériorité, à
partir d’une spiritualité consciemment saisie,
ce qui fut détruit
ces dernières années, justement par eux et
d’une manière si
terrible, en effet, ce qui a seulement
commencé à être détruit et
qui continuera certainement sur la voie de la
destruction si l’on
n’adopte pas la spiritualité pour une nouvelle
reconstruction.
Voilà
ce
à quoi on pourrait en appeler
aujourd’hui : à la volonté
vers le spiritualité, justement dans le peuple
allemand. Et l’on
doit moralement en appeler à cette
volonté ; car il est
certain que si le peuple allemand développe sa
volonté vers cette
spiritualité, alors il doit la rencontrer. Au
sujet du matérialisme,
j’ai récemment déclaré que ce peuple n’avait
en apparence —
et c’est ce que démontre carrément les
événements de ces
dernières années — aucun talent ; par
contre, pour la
spiritualité il en a du talent, et c’est ce
que prouve l’esprit
de notre propre évolution sur des siècles.
C’est pourquoi on peut
en appeler à la volonté pour la
spiritualité : le peuple
allemand, si seulement il développe la
volonté, trouvera la
spiritualité, il a le talent pour cela. Mais
comme il a ce talent,
il a aussi la grosse responsabilité de
répondre à un appel de la
spiritualité. Puisse s’éveiller la conscience
de cette
responsabilité, s’éveiller de façon que le
peuple allemand
puisse de nouveau intervenir énergiquement
dans l’évolution de
l’humanité sur le fondement de l’esprit et à
partir de ses
impulsions spirituelles, qu’il puisse
poursuivre ce que ses plus
grands esprits ont produit au long de nombreux
siècles pour la
bénédiction de l’humanité.
Notes :
(1)
« Un
changement de nom pour l’Université des
sciences de l’esprit » :
originellement l’édifice de Dornach devait
s’appeler Johannesbau
selon un personnage principal des
Drames-Mystères de Rudolf Steiner.
(2)
« Il
écrivit à son ami resté à Weimar » :
« En outre, je dois te confier que je
suis tout près de
découvrir le mystère de la croissance et
de l’organisation
végétales, et que c’est le plus simple qui
puisse être pensé au
monde. Sous ce ciel on peut faire les plus
belles observations. Le
point principal , là où se cache le
germe, je l’ai
clairement et sans aucun doute
découvert ; tout le reste je le
vois aussi déjà dans l’ensemble et
quelques points encore
seulement doivent être mieux déterminés.
La plante archétype est
la créature la plus admirable du monde, à
propos de laquelle la
nature elle-même m’enviera. Avec ce modèle
et la clef qui lui
correspond on peut dès lors découvrir des
plantes à l’infini,
qui doivent être conséquentes, à
savoir : celles qui, même
si elles n’existaient pas, pourraient
quand même exister et cela
sans être des ombres et des chimères
peintes ou composées, mais en
ayant une vérité et une nécessité
intérieures et innées. La
même loi pourra se laisser appliquer sur
tout le reste du monde
vivant. », 17 mai 1787 à Herder de
Naples, « Voyages en
Italie », vol.2.
(3)
« huitième
Concile
oecuménique de Constantinople « :
Dans « Canones contra Photium »
il est prescrit dans le
Can. II que l’être humain ne possède pas
« deux âmes »,
mais « unam
animam rationabilem et
intellectualem ».
Contre cela s’était élevé le Patriarche de
l’Église d’Orient,
Photius, contre qui le Concile avait été
réuni, lequel défendait
la conception que l’on devait distinguer
deux âmes, l’une
inférieure et l’autre supérieure et
pensante.
(4)
« Une
conférence sur la science spirituelle
d’orientation
anthroposophique » :
Dans une série de conférences du parti
opposant, le théologien
évangéliste Gogarten avait pris la
parole, il participa par la
suite à la direction des « Allemands
Chrétiens »
privilégiés par Hitler.
(5)
« Ce
que
des géologues raisonnables…,
acceptent » :
Rudolf Steiner se rapporte ici au célèbre
géologue autrichien
Eduard Sueß, 1831-1914 : « Le
visage de la Terre »,
trois volumes, Vienne 1883-1901.
(6)
« dans
notre journal „ Dreigliederung des
Sozialen Organismus“»:
dans le n°21, le Dr. Walter Johannes Stein
rapporte la conférence
d’un opposant ; le chanoine Fr. Laun,
Rottenbourg, le 11
novembre 1919 à Stuttgart. Dans le récit
on dit : « Pour
dire de quel genre étaient les moyens de
lutte du conférencier, il
me suffira de mentionner qu’après la
conférence aucune discussion
ne fut proposée et que le conférencier
indiqua que celui qui
voulait s’orienter sur Steiner, pouvait le
faire en lisant les
écrits de ses opposants mais pas ceux de
Steiner lui-même, puisque
le Pape avait interdit ces
derniers. »
(7)
« Il
a menti uen fois,» :
Dans les « Stimmen
aus
Maria Laach »,
une revue catholique, Freibourg, i. Br.
(depuis 1914 « Stimmen
der
Zeit»),
l’organe principal des Jésuites en
Allemagne, dans le volume 83,
parut à la page 80, le recension d’un
ouvrage de Giovanni Busnelli
SJ « Théosophie et
Christianisme » par Otto
Zimmermann SJ. Dans cette recension,
Rudolf Steiner est caractérisé
comme « un (à ce qu’on dit) prêtre
défroqué »,
alors que dans l’ouvrage de Busnelli —
pareillement erroné —
il est question à son propos d’un
« ancien prêtre
catholique ». — Zimmermann est revenu
six ans plus tard
seulement sur son affirmation par la
tournure superficielle suivante
« ce qui ne se laisse plus
prouver » (« Stimmen der
Zeit », vol. 95, p.331).
(8)
« dans
l’une de mes premières analyses » :
« La signature spirituelle du
présent » dans « Deutsche
Wochenschrift », 1888, VI. 24ème
année. Voir « Bases méthodiques de
l’Anthroposophie »
1884-1901, GA
30,
Dornach 1961, pp.253 et suiv..
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