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seulement
Science spirituelle, liberté de penser et
forces sociales
Stuttgart, 19 décembre 1919
Un
cauchemar
peut envahir l’âme de celui qui considère la
vie
culturelle actuelle de l’humanité, quelque
chose comme une
oppression, un tourment du cœur, quand on
remarque combien il y
encore relativement peu d’hommes qui veulent
voir les choses d’un
regard non-prévenu, prendre en compte la fait
que, pour ce qui
concerne les secteurs les plus importants de
notre vie culturelle,
nous nous trouvons sur une voie qui nous
conduit rapidement à
l’abîme. Cette voie rapide, qui nous mène à
l’abîme, est
effectivement devenue suffisamment perceptible
au travers des
événements de ces dernières années, par tout
ce qui a fait
irruption sur les hommes. Mais aujourd’hui, on
rencontre
fréquemment des gens qui se livrent encore à
cette réflexion :
sans faire ce qui doit être fait, on en
resterait, pour le moins, à
ce degré-ci de chaos, jusqu’à ce que nous
ayons assez progressé
et alors, on pourrait continuer de travailler
à partir de ce qui est
précisément déjà existant ; il
s’ensuivrait déjà autre
chose. Sans cesse, j’ai dû parler à l’encontre
de ces
sentiments de l’époque, au cours de l’année,
en indiquant
combien il était nécessaire, par un
retournement de nos manières
d’apprendre et de penser, de découvrir une
disposition à penser à
partir des fondements les plus profonds de
notre vie spirituelle et
culturelle, en vue d’une refonte complète de
nos conditions
publiques, de notre vie publique. Et même s’il
y a encore un petit
nombre d’hommes qui sont devenus attentifs à
cela, comme tous les
signes l’expriment, sans une telle
intervention énergique, la voie
descendante devra être continuée de plus en
plus, si bien que l’on
ne rencontre aussi chez ces quelques hommes
qu’une mince
compréhension pour ce qui est nécessaire à
partir d’un effort de
métamorphose de l’esprit humain, pour conduire
à un
assainissement, à une guérison de maintes
maladies, qui se sont
déclarées sur cette dégringolade sociale.
Ils
sont
trois les phénomènes, à partir desquels
quelque chose
d’important pour la compréhension de notre
époque peut nous
apporter l’illumination de ce qu’il est
nécessaire de faire en
elle. Le premier, je voudrais le qualifier
comme un manque principal
de notre époque. Depuis des décennies, que
l’on donne des
conférences sur la science spirituelle, on
s’efforce d’attirer
l’attention sur ce manque principal et sur ce
qui résulte de ce
manque principal, à savoir une connaissance
insuffisante, et une
insuffisante percée à jour de la vie de
l’esprit elle-même, pour
le développement de l’humanité actuelle et
dans son proche futur.
Le second phénomène, qui parle fort et net à
partir des faits
concrets du présent, je voudrais le nommer
exigence principale. Et
cette exigence principale résonne depuis plus
d’un siècle dans de
nombreux cœurs, depuis ce temps où Schiller
dans son « Don
Carlos » (1) proclamait ces
paroles : « Donnez
la liberté des idées ! » Celui qui
regarde plus
profondément dans le social et dans la vie
spirituelle de notre
temps, pourra retrouver derrière beaucoup de
ce qui est consciemment
formulé par les gens, sous la forme de telle
ou telle exigence
sociale, à la vérité une exigence qui se
dissimule en vue d’une
activité libre du penser humain, de la nature
humaine la plus
intérieure. C’est en s’en plaignant que de
nombreux hommes se
trouvent sous la contrainte d’une vie du
penser qui leur vient,
soit d’institutions existantes depuis
longtemps, soit provenant des
nouvelles circonstances économiques. Il se
trouvent entravés dans
leur libre déploiement spirituel, soit par les
confessions existant
officiellement soit par la contrainte de la
vie économique. Ce qui
vit en vérité dans les âmes, reste pour une
bonne part
inconscient ; mais ce qui monte à la
conscience en arrive à
prendre une expression telle qu’on ne peut en
rien s’en
satisfaire ; car quelque chose s’impose,
même si les hommes
ne veulent pas le confesser ouvertement et
librement : je dois
mener une existence humaine plus digne. Et
ainsi naissent les
programmes les plus variés, qui contiennent de
très belles choses,
mais qui ne sont pas suffisants pour atteindre
le fondement de l’âme,
pour voir ce qui y vit à proprement parler. Si
l’on recherche ce
qui y vit : c’est la nostalgie de la plus
libre participation
de l’essence humaine la plus profonde avec ce
que l’on pourrait
récapituler dans l’expression d’exigence de
l’époque à la
liberté des idées. Et l’on a seulement besoin
de prononcer les
mots de « forces sociales » — pour
ressentir la manière
dont il nous est signalé ainsi que les
circonstances spirituelles
modernes, les circonstances juridiques et
politiques modernes, les
circonstances économiques modernes, nous ont
apporté une époque
dans laquelle les forces productrices de la
vie agissent de manière
compliquée, et que nous ne sommes pas en
situation, à partir de ce
que nous maîtrisons spirituellement, à partir
de ce que nous
élaborons de manière programmatique,
d’organiser ces forces
sociales dans lesquelles les hommes sont unis
les uns aux autres,
d’une manière telle qu’au sein de cette
organisation l’individu
singulier, qui est parvenu à la conscience
d’une humanité, puisse
répondre d’une façon satisfaisante à la
question : est-ce
que je mène une existence digne de l’être
humain ?
Je
dois
présumer que la plus grande partie de
l’auditoire rassemblé
ici aujourd’hui, a pu emprunter des
connaissances, au cours des
années, et se faire une idée de ce qu’est
l’esprit de la
science spirituelle dont il s’agit ici, à
partir de conférences
et d’écrits que j’ai publiés, lesquels
développent plus en
détail le contenu de ces conférences-ci. Cette
science spirituelle
croit devoir prendre position dans la vie
culturelle actuelle à
partir d’une nécessité de l’époque. Étant
donné que je peux
renvoyer à de nombreuses conférences déjà
données ici, je
n’aurai besoin aujourd’hui que d’indiquer à ce
sujet quelques
lignes directrices. Avant tout, je voudrais
encore une fois indiquer,
en guise d’introduction, ce qu’on a exprimé
sous les formes les
plus diverses.
Quand
il
est question de science spirituelle, le monde
extérieur la
rapproche et la classe avec toutes les formes
possibles d’une
mystique défigurée, d’une théosophie
embrouillée et ainsi de
suite. En dépit du fait que cette science
spirituelle fait ce
qu’elle peut pour s’expliquer sur son propre
esprit, on s’exprime
encore aujourd’hui à son sujet dans les
milieux les plus vastes,
en disant précisément le contraire de ce
qu’elle représente, et
de ce qu’elle veut être à proprement parler.
En première ligne,
les porteurs de cette science spirituelle
ressentent que depuis ces
trois ou quatre derniers siècles une manière
de penser s’est
faite jour au sein de l’humanité, qui domine
toute la vie et qui a
rencontré son expression la plus significative
dans la manière de
se représenter les choses pratiquée dans les
récentes sciences
naturelles. Je vous prie sur ce point de ne
pas vous méprendre sur
mon compte. Je ne veux pas du tout éveillé
l’idée que seuls sont
imprégnés de cette orientation d’esprit que
les hommes qui sont
passés par une formation quelconque en
sciences naturelles. La chose
importante n’est pas cela, mais c’est que les
hommes des milieux
les plus variés, et même ceux parmi eux qui
n’ont reçu qu’une
formation tout à fait primitive et ont voulu
avoir une explication
sur l’essence humaine, sur la nature de la vie
sociale, sur la
nature de l’univers, pensent de telle manière,
et se représentent
les choses principalement comme cela a été
exprimé dans les
sciences naturelles. Et il n’est pas étonnant
qu’il en soit
ainsi, car toute la vie qui nous entoure, dans
laquelle nous sommes
étroitement unis, est au fond le résultat de
cette manière de
penser dans ces sciences naturelles.
Ceux
qui
m’ont souvent écouté, savent que je ne
sous-estime pas cette
manière de penser de la part des sciences
naturelles, et que je
reconnais parfaitement leurs grands triomphes.
Mais cette façon de
penser a précisément orienté ces triomphes et
elle a pu s’emparer
d’une manière si grandiose d’une partie de
notre vie pratique,
parce que, au cours de ces trois au quatre
derniers siècles, elle
est devenue unilatérale d’une manière
grandiose. Tout ce que les
hommes pensent dans cette direction, se fonde
sur une nature morte,
sans vie, sur le physique, le chimique, ce qui
passe ensuite par la
technique, dans tout ce qui repose à la base
de nos orientations de
vie, ce qui passe par exemple dans nos
méthodes de soins, et donc
dans ces connaissances qui sont censées être
dans une certaine
acception secourables. Mais celui qui, en
étant dépourvu de
préjugés, reconnaît combien puissants ont été
les progrès de la
manière de se représenter les choses en
biologie, en physique, en
chimie, et qui entend néanmoins estimer
correctement la portée de
tout ce qui a été produit méthodiquement sur
ce point, celui-là
pourra justement avoir pleinement en vue les
limites de cette manière
scientifique de se représenter les choses. Je
l’ai indiqué ici
d’innombrables fois, et je voudrais résumer la
chose en quelques
mots : Celui qui pénètre plus
profondément dans ce que nous
appelons aujourd’hui les sciences naturelles
authentiques, trouvera
que ces sciences naturelles donnent
d’excellentes conclusions sur
la nature sans vie mais pour ce qui concerne
ce qui est vivant, je
voudrais dire qu’elles en donnent sur ce qui y
existe en tant que
nature sans vie. Mais il y a une chose devant
laquelle nous devons en
rester là, lorsque nous jetons un regard qui
englobe la manière de
se représenter les choses dans les sciences
naturelles : nous
devons en rester là sur l’essence véritable de
l’être humain.
Il n’existe aucune possibilité, si l’on ne
veut pas se laisser
aller aux illusions, de croire que ces vues —
qui nous ont emmenés
si profondément dans ce qui est sans vie, qui
nous ont « brillamment
emmenés si loin » dans nos productions
techniques, — de
croire que ces vues puissent nous donner un
éclaircissement sur la
nature de l’être humain. Cet éclaircissement
sur l’essence de
l’être humain — chacun peut savoir cela s’il
n’en reste pas
à la fable convenue (en français dans
le texte, ndt)
qui n’est certes pas l’histoire, mais qu’on
appelle histoire —,
cette connaissance de l’être humain était, à
cette l’époque
qui remonte à trois ou quatre siècles en
arrière, quelque chose
d’instinctif pour l’homme. Une certaine
connaissance de la nature
humaine vivait en effet à partir d’un instinct
élémentaire
originel de l’humanité. Tout aussi exactement
que l’entité
humaine individuelle traverse une évolution,
ainsi en va-t-il aussi
de même pour l’humanité entière. Et l’humanité
en est arrivée
au point temporel où — on peut bien affirmer
tout ce qu’on veut
d’autre par mystifications — elle ne peut plus
rien juger au
sujet de la nature humaine par simple
instinct, elle est arrivée au
point où il est nécessaire que l’être humain
pénètre
consciemment dans sa nature spirituelle même,
comme il a dû
pénétrer consciemment, depuis Copernic, depuis
Galilée, dans les
phénomènes de la vie naturelle extérieure.
Quand on en arrive à
ce point décisif où, avec les sciences
naturelles, on cesse
nécessairement d’avoir une idée face à la
nature humaine, alors
il ne reste rien d’autre que d’en revenir à ce
que j’ai
souvent désigné comme une modestie
intellectuelle nécessaire à
l’être humain, qui peut seule fournir le
fondement d’un effort
en vue d’une réelle évolution humaine.
Celui
qui
ne peut pas développer une telle modestie à
partir d’un
esprit authentique de la connaissance ne sera
pas capable d’en
arriver à une réelle connaissance de l’entité
humaine. On doit
pouvoir se dire : Je considère ce que va
faire un enfant de
cinq ans, si je lui remets un volume des
œuvres lyriques de Goethe.
Il regardera l’ouvrage, peut-être le
déchirera-t-il. Il a tout
devant lui de ce qu’un adulte, qui a accompli
une évolution, a
aussi devant lui, de sorte qu’il peut
réellement trouver ce qu’un
tel recueil de poèmes est censé lui dire. Mais
de la même façon
que l’on doit admettre que l’enfant doit
d’abord se développer
pour se trouver dans un juste rapport avec ce
qui se présente ainsi
à lui, on doit aussi dire aujourd’hui :
tout comme il est
placé au sein de l’existence par la nature, il
se situe néanmoins
lui-même face à la vie humaine de la même
façon qu’un enfant de
cinq ans se situe face à un recueil de poèmes
de Goethe, s’il n’a
pas la volonté de mener son développement
au-delà de ce que l’on
considère aujourd’hui comme les seules
méthodes possibles. On
doit prendre soi-même son développement en
main. Alors il se
révèlera ensuite que dans cette entité humaine
se trouvent des
énergies inconnues, cachées, qui peuvent être
éveillées et qui
donnent une connaissance scientifique — tout
aussi stricte que
celle qu’ont effectivement la capacité de
donner les seules
sciences naturelles, mais qui se réduisent à
la connaissance du
monde extérieur, du monde sensible — ces
forces peuvent la mener
dans le suprasensible et lui permettre ensuite
seulement de percer à
jour l’essence de l’être humain, son essence.
On doit pouvoir
avouer : avec les forces habituelles, qui
suffisent pour la
connaissance de la nature, nous ne pouvons en
rien nous approcher de
l’entité humaine. Nous ne le pouvons que si
nous allons chercher
dans les profondeurs de l’âme des forces de
cognition adéquates,
lesquelles, sinon sommeillent en nous de la
même façon que
sommeillent les forces de la compréhension
intellectuelle, mais
elles y reposent à l’état latent, chez
l’enfant de cinq ans
—.
Et
ainsi
la science spirituelle dont on parle ici
défend l’idée
qu’il est possible, à partir de ce point qui
est suffisant pour
connaître la nature extérieure sans vie, de
continuer à faire
évoluer les hommes vers des points de vue de
connaissance, à partir
desquels il est seulement possible de pénétrer
dans l’entité
humaine. Cette science spirituelle ne veut pas
être une
investigation minutieuse et oiseuse dans la
mystique intérieure;
cette science spirituelle ne veut pas non plus
procéder à n’importe
quelle machinations extérieures pour se
rapprocher de l’esprit,
mais elle veut être quelque chose qui édifie
aussi strictement sur
ce par quoi l’homme est apte à évoluer, comme,
par exemple le
mathématicien construit quant à lui sur le
développement de ces
facultés que l’on doit d’abord aller chercher
dans l’intériorité
de l’homme. Cette science spirituelle veut
être tout aussi
strictement logique que n’importe quelle autre
branche de la
science, mais elle veut appliquer cette
logique seulement sur ce qui
résulte d’une contemplation spirituelle, quand
sont éveillées
conformément à leur nature les forces qui
sommeillent dans
l’intériorité humaine. J’ai attiré l’attention
dans mon
livre « Comment acquiert-on des
connaissances des mondes
supérieurs ? » sur le fait que ce
sont des méthodes
intérieures, de nature spirituelle et
psychique, par lesquelles on
provoque cette évolution des forces
intérieures,
psycho-spirituelles, de l’être humain, et sur
la manière dont se
lèvent ainsi en lui, pour employer des paroles
de Goethe (2),
un œil spirituel, une oreille de l’âme, une
oreille spirituelle,
de sorte qu’il peut voir et entendre le
spirituel, la vie de l’âme,
pour lesquels aujourd’hui au fond nous n’avons
que des mots. J’y
ai aussi attiré l’attention sur le fait qu’il
importe de
cultiver sans cesse un certain renforcement de
la vie du penser. J’y
ai indiqué comment une certaine éducation de
soi, comment une prise
en main, est nécessaire pour s’engager dans
cette évolution, dans
laquelle autrement, nous ne faisons que nous
abandonner à la vie,
afin que s’ouvrent l’œil spirituel, l’oreille
spirituelle.
La
plupart
des contemporains se comportent encore en
refusant absolument
ce qui vient de ce côté. Et pourtant, il
suffit seulement d’attirer
l’attention sur la manière dont règnent des
pulsions antisociales
à notre époque, dans laquelle les exigences
sociales ne font que
prendre leur essor. D’où viennent-elles ?
Elles proviennent
du fait que les hommes à la vérité se croisent
sans se comprendre
mutuellement. Et pourquoi ne se
comprennent-ils pas ? Parce que
ce qu’ils appellent connaissance, leur savoir
donc, n’intervient
pas dans la totalité de l’humain, parce que
cela reste dans la
tête, parce que cela se cantonne au simple
intellect. C’est une
particularité de la science spirituelle dont
il s’agit ici, que
les connaissances qu’elle fournit au moyen de
ces forces
développées, s’emparent de la totalité de
l’humain, qu’elles
ne parlent plus seulement à l’intellect, pas
seulement à la tête,
mais qu’elles abreuvent le sentiment et la
volonté, qu’elles
déversent dans le ressentir une compréhension
de l’humain, une
compréhension de tout ce qui y vit et tisse, à
côté et en dehors
de nous, qu’elles impulsent la volonté d’une
éthique, d’un
enseignement de moral, d’une disposition
d’esprit au social, qui
a en même temps des répercussions immédiates
sur la vie pratique.
Cette
science
spirituelle ne connaît pas cette malheureuse
séparation,
dont on débat aujourd’hui à chaque coin de
rue, cette division
entre travail manuel et travail intellectuel.
Qu’est-ce finalement
que notre travail manuel ? Il n’est rien
d’autre que
l’utilisation de nos outils corporels au
service de notre volonté.
Quand nous sommes au clair là-dessus — et j’en
ai souvent parlé
aussi — à savoir que cette volonté, en tant
qu’élément
spirituel, impulse tout en nous, tout ce dont
nous nous acquittons en
tant qu’hommes complets, et cela rayonne en
retour sur la
compréhension de notre tête, — lorsque nous
avons réellement en
vue l’homme en entier, alors seulement nous
comprenons l’impulsion
la plus profonde de cette science spirituelle.
Pardonnez-moi,
si
à cette occasion, je mentionne ici quelque
chose de personnel.
Mais l’élément personnel servira directement
dans ce cas à
pouvoir expliquer quelque chose de concret. À
la science
spirituelle, dont on parle ici, doit servir le
Goetheanum
érigé sur la colline de Dornach, situé au
Nord-Ouest de la Suisse,
dans une région du Jura, un édifice qui a été
pensé comme une
grande école de science de l’esprit. Lorsqu’on
se mit à fonder
cette Université de science spirituelle et à
lui consacrer un
bâtiment extérieur, il ne put s’agir de
procéder en ayant
recours à n’importe quelle manière de voir
architectonique ou
artistique ancienne et dans laquelle on aurait
dû entrer en s’y
conformant pour cultiver cette science de
l’esprit. Non pas, il
devait s’agir de bien autre chose. Dès le
départ, cette science
de l’esprit a été pensée si féconde qu’elle
pouvait
intervenir dans toute la culture extérieure,
qu’elle pouvait donc
féconder réellement de nouveau ce qui était
devenu vieux, ancien,
dans notre art, dans notre architecture, dans
notre vie, dans notre
travail. Aussi ne pouvait-on pas simplement
confié à quelqu’un la
mission suivante : construis-moi cela en
style grec, en style
roman, ou en style gothique, ou selon tout
autre style
d’architecture. Mais c’est à partir de cette
science spirituelle
elle-même qu’émanèrent, comme pour toutes les
autres idées de
vie des autres impulsions vivantes, les idées
architectoniques
requises (3) qui en suggérèrent chaque
ligne, chaque forme
particulière de l’édifice. Et c’est de cette
façon que fut
entreprise la construction, à savoir qu’en
chaque lieu, en chaque
détail, même dans la moindre de ses formes, ce
fut la
cristallisation extérieure de ce qui repose
dans la manière de se
représenter les choses, la disposition d’âme
même de cette
science spirituelle.
Et
peut-être
m’est-il permis de dire personnellement ce qui
suit :
c’était à l’automne de 1913 et à l’hiver de
1914, alors que
je travaillai moi-même à l’élaboration du
modèle réduit de
l’ensemble de l’édifice. Alors que j’avais
achevé ce modèle,
à partir duquel les tracés et plans
d’architecte devaient être
réalisés, je me posai alors la question :
ce que j’avais
réalisé là avec mes mains, était-ce du travail
manuel ou du
travail intellectuel ? C’était en fait
quelque chose dans
quoi les deux confluaient ensemble et qui
agissait comme une unité.
Je savais cela, parce que je venais tout juste
de le faire. Et alors
encore une fois : il n’existe presque
rien de cet édifice où
je n’ai pas mis la main ici ou là, comme tout
ouvrier individuel.
Et à celui qui pourrait s’intéresser
justement, à celui-là je
voudrais dire : nous travaillons en ce
moment à la sculpture en
bois, de neuf mètre et demi de haut, qui sera
placée au cœur de
cet édifice, laquelle doit représenter
l’énigme de l’être
humain de notre époque, mais dans une forme
artistique (a).
Il s’agit là de réaliser une sculpture en
bois. Nonobstant le
fait que le travail est artistique, il
consiste quand même, pour
autant que l’expression puisse me servir ici,
à couper du bois et
je pourrais déjà montrer les callosités sur
mes doigts, qui
fournissent la preuve qu’ici, derrière le
travail de l’esprit,
un travail manuel a été mené du matin au soir.
Récemment,
nous
avons eu à décider d’une certaine question
financière :
nous avions à fabriquer les sièges. Nous avons
fait faire un devis.
Le prix était monstrueux. Nous réalisâmes donc
nous-mêmes, dans
notre atelier artistique, un prototype de
siège et nous y
travaillâmes avec un artisan qui, de fait, est
extraordinairement
adroit. Lorsque le modèle fut achevé — la
chaise revenait au
2/5ème du prix qu’elle aurait coûté
dans l’autre
proposition —, là aussi de nouveau, on ne fut
pas en mesure de
préciser où cessait le travail de l’esprit et
où commençait
celui des mains.
On
peut
même dire : selon la manière dont on
travaille ensemble
dans cette vie sociale avec des
collaborateurs, qui se composent,
d’une part, des amis de notre mouvement et,
d’autre part,
d’ouvriers, il n’y a à la vérité qu’un
obstacle, sans lequel
il se révèlerait que partout le travail
spirituel conflue avec le
travail manuel. Nous avons par exemple une
dame, qui est diplômée
en assistance médicale et qui du matin au soir
aiguise nos gouges
pour le travail du bois. Et nous pouvons
demander : qu’est-ce
qui empêche, que ce que nous produisons, que
l’on taxe de travail
spirituel, simplement sans le dissocier du
reste, déborde dans ce
que les ouvriers font, dans la plus parfaite
satisfaction des deux
parties, dans la plus parfaite satisfaction
d’une collaboration
sociale ? Oui, j’ai une parfaite
compréhension de la
répercussion de cela en tant que phénomènes
sociaux. Néanmoins,
je dois dire : si je dois parler de
l’unique obstacle qui
rende impossible que confluent en même temps
la pratique et le
travail spirituel, dans le coup de main du
travailleur manuel, alors
je dois parler de l’entité d’organisation de
ces travailleurs,
qui voit avec méfiance tout ce qui vient des
travailleurs
spirituels, et qui pourtant à la vérité font
la même chose.
D’où
vient
donc qu’aujourd’hui, au fond, il existe un
abîme si
profond entre ce qui se trouve dans notre art,
dans nos sciences,
bref dans notre vie spirituelle et aussi dans
la direction
spirituelle de notre vie sociale, et ce qui
existe dans le travail
extérieur et qui donne bien du fil à retordre
aujourd’hui
principalement au mouvement prolétaire ?
Cet abîme s’est
ouvert du fait que ce qui concerne la totalité
de l’homme s’est
enfui de notre manière de penser. Il n’y a que
dans la science
spirituelle qu’on retrouvera la guérison, et
non pas dans une
mystique ou une théosophie unilatéralement
défigurée, que des
gens désœuvrés souhaitent exercer dans leur
petite chambre sans
qu’il existe de force d’incitation. L’élément
salutaire de
cette science spirituelle repose en cela dans
le fait qu’elle élève
ses prétentions à l’homme entier. Et j’ai dit
cela à présent
pour cette raison, pour y rattacher cette
remarque : je sais que
la connaissance que je défends aujourd’hui
devant le monde, en
pleine responsabilité, ne me serait pas venue
si je n’avais
travaillé qu’avec ma tête, si je n’avais pas
dû exercer toute
ma vie durant, ce qu’on appelle habituellement
du travail manuel ;
car cela est effectivement aussi d’un certain
effet en retour sur
l’homme. Ce qu’est seulement le soi-disant
travail de la tête,
qui n’engage que l’intellect, cela n’atteint
pas l’esprit. Et
affirmer cela semble aujourd’hui un paradoxe
extrême pour beaucoup
d’hommes, c’est pourquoi je souhaitais le
mentionner ici. Dans la
vie pratique, on dit aujourd’hui à
l’extérieur : travail
manuel, pratique ; à l’intérieur, à
partir de l’intellect :
travail spirituel ! Pas du tout, il n’en
va pas du tout ainsi,
comme ces paroles voudraient nous le faire
accroire. Nous avons bien
une séparation entre la pratique extérieure de
la vie et la
soi-disant vie de l’esprit, parce que de ces
deux activités-là
l’esprit s’est retiré, parce qu’aujourd’hui
nous nous
trouvons plongés dans le véritable enfer
mécanique de la
technique, parce que l’ouvrier se tient à sa
machine et qu’il
effectue de simples manipulations mécaniques
selon des instructions
de l’intellect, et que, d’un autre côté, ceux
qui ont été
élevés pour mener une vie intellectuelle, se
trouvent trop peu
insérés dans les travaux réels et pratiques.
Notre pratique est
tout aussi dépourvue d’esprit, qu’est privée
d’esprit notre
vie spirituelle intellectualisée. Ce n’est
qu’ensuite, à partir
d’un plein exercice de l’être humain dans le
monde, que
ré-affluera de nouveau en direction de notre
tête, dans notre
penser, ce qui peut seulement naître de cette
entité humaine
entière dans les faits, dans la participation
harmonieuse de tout ce
qu’est l’être humain, ce n’est qu’alors, si
nous ne pensons
pas simplement avec la tête, mais si nous
pensons de manière telle
que ce que nous avons formé et pressenti avec
la main, se met à
rayonner en retour dans la tête, ce n’est
qu’alors, que les
idées seront pleinement saturées de réalité,
parce que l’esprit
sera dedans. Ce qui est simplement cogité est
tout aussi privé
d’esprit que ce qui est travaillé à la machine
sans esprit.
Ce
n’est
pas une mystique étrangère à la vie, que doit
activer la
science spirituelle dont on parle ici. Elle
doit jaillir d’une
pleine insertion dans le vivant et être de ce
fait justement
beaucoup plus saturée de réalité que ce qu’on
entend
habituellement aujourd’hui par vie
spirituelle. Ou bien, est-ce que
par exemple, ce qu’on appelle aujourd’hui vie
de l’esprit est
saturé de réalité ? Ne voyez-vous pas
combien la science est
impuissante, pour en venir à saisir réellement
l’esprit ?
Les hommes qui se tiennent aujourd’hui
banalement dans notre époque
culturelle croient alors qu’ils poursuivent
des recherches en
sciences naturelles dépourvues de préjugés.
Mais ces
investigations de sciences naturelles
dépourvues de préjugés —
par quoi ont-elles donc pris naissance ?
Du fait que de longs
siècles durant, tout ce que les hommes
aspiraient à savoir sur
l’âme et l’esprit, sur ce qui dépasse
l’intervalle entre la
naissance et la mort, qu’en rapport avec tout
cela ils étaient
alors renvoyés — renvoyés par les
circonstances de la vie sociale
— à ce qui monopolisait ces connaissances. Au
moment où s’éleva
l’esprit des sciences naturelles modernes —
quel était l’aspect
des choses en vérité dans la vie
sociale ? Tout ce que l’homme
avait le droit de savoir sur l’âme et l’esprit
était monopolisé
dans les dogmes des sociétés confessionnelles.
On n’avait pas le
droit de penser sur l’âme et l’esprit, on
n’avait le droit de
penser que sur le monde extérieur. Et à cela
se sont familiarisés
les hommes qui ont fait avancer les sciences
naturelles. Ils se sont
habitués à ne penser et à ne faire des
recherches que sur le monde
extérieur, parce que, pendant des siècles, il
fut simplement
interdit de procéder à des investigations de
l’esprit et de
l’âme. Ils ont traduit cela en certaines
représentations, ils ont
simplement fait avancer une science des sens.
C’est ensuite, au
travers d’une illusion de nature grandiose,
qu’ils sont parvenus
à la croyance qu’une science exacte peut seule
être à même de
décider sur le monde sensible extérieur, et
que l’investigation
de l’âme et de l’esprit se trouve donc au-delà
des limites de
la connaissance. Et cela s’enracine aussi dans
la vie de l’âme
des hommes modernes et imprègne toute vie.
Avec une telle manière
de voir, on peut acquérir des idées fécondes
sur la nature. Mais
dès qu’on pénètre un peu plus haut dans la vie
sociale, cette
manière de penser ne suffit plus. Il est
nécessaire alors de fonder
une science réelle du peuple, une science
sociale réelle, qui peut
aussi intervenir dans la vie, afin que nous
pénétrions cette vie
avec une manière de voir qui englobe la
totalité de la nature
humaine. Et cela nous manque parce que les
influences, que j’ai
caractérisées, y ont fait obstacle.
Aussi
en
est-on arrivé à se dire : esprit et âme
sont des choses,
qui ont été fixées par dogmes depuis des
siècles. Là-dessus, on
ne peut plus se livrer à aucune recherche.
C’est quelque chose qui
ne se meut que par la volonté humaine, tels
fumée et brouillard,
au-dessus de la vie réelle, et c’est alors que
l’on ne forme
plus, comme réel, que les forces économiques
elles-mêmes.
L’incrédulité surgit : l’élément
spirituel règne dans
ce que sont les forces économiques
extérieures. Et à partir de
cette incrédulité, prit naissance ce qui
occupe une place néfaste
dans les têtes et les cœurs humains. La
croyance est née que la
vie de l’esprit pût se développer elle-même à
partir des forces
économiques, si celles-ci étaient organisées
dans un certain sens
seulement. Il n’existe aucun discernement sur
le fait que tout ce
qui est né d’économique est, à l’origine, le
résultat de la
vie spirituelle, mais que notre vie
spirituelle est devenue étrangère
au monde, qu’un abîme s’est creusé entre elle
et la vie
extérieure et que nous avons besoin d’une
science spirituelle
réelle, qui pénètre dans la nature humaine,
qui pénètre la
nature humaine de la même façon que les
sciences extérieures
pénètrent les machines, mais une science doit
être édifiée quant
à elle, sur les forces mêmes inhérentes à la
nature humaine. En
bref, la connaissance est extraordinairement
rendue plus difficile
que la science de l’esprit doit devenir le
fondement pour la
connaissance et la maîtrise de la vie sociale.
C’est cela que
croit reconnaître celui qui porte la science
de l’esprit, à
savoir, que l’intellect humain n’a plus assez
de force d’impact,
et pas là où, dans la vie sociale
d’aujourd’hui, il impulse
pour plonger dans la vie réelle, et cette
dernière doit de plus en
plus sombrer dans le chaos si les impulsions
ne sont plus ranimées,
ces impulsions suffisantes dans le sentir et
le vouloir pour
restaurer la relation d’homme à homme de sorte
que les forces
sociales puissent être réorganisées. Prenez ce
que vous voulez en
méthodes des sciences naturelles, de ces
sciences naturelles
exactes, qui ont atteint des sommets à notre
époque, et avec cela
vous ne pourrez pas fonder de sciences
sociales. Vis-à-vis des
sciences sociales, les représentations que
l’on acquiert sans la
science spirituelle, se comportent comme par
exemple se comportent
les couleurs que l’on veut peindre sur une
surface huilée. Comme
cette surface rejette les couleurs, ainsi la
vie rejette ce qui règne
parmi nous comme simple sciences
intellectuelles.
Ainsi
la
vie extérieure pousse-t-elle des cris de
protestation à
l’encontre d’un tel approfondissement, comme
il est donné
justement par la science spirituelle. Il
reviendra à la science
spirituelle, de fournir les fondements de ce
que les hommes revêtent
inconsciemment dans leurs exigences sociales,
et qu’ils ne peuvent
pas clairement formuler, parce que l’énergie
du penser est
défaillante. C’est pourquoi il est
indispensable de ne pas
concevoir cette science de l’esprit comme
quelque chose à quoi,
l’on pourrait accessoirement consacrer une
paire d’idées, mais
comme quelque chose qui appartient aux
conditions nécessaires pour
un assainissement de notre vie. Je sais bien —
car je ne crois pas
être vraiment un homme dépourvu de sens
pratique — que les gens
disent : nous avons notre profession,
nous ne pouvons pas
toujours nous consacrer à cette science de
l’esprit, qui est
vraiment si détaillée quoi qu’il en soit. Mais
l’autre pensée
aussi devrait bien entrer un peu dans le cœur
et l’âme des
hommes : la pente que nous descendons
actuellement ne
montre-t-elle pas — quand bien même nous
trouvions-nous encore
cramponnés à notre profession — que nous ne
faisons que
collaborer à l’organisation d’une voie qui
mène au chaos ?
Et ne devrions-nous pas tenir pour nécessaire
de consacrer chaque
heure que nous pouvons avoir de reste, à de
telles manières de
voir, qui nous posent réellement et
radicalement la question d’un
assainissement ?
Et
ce
qu’on veut dire ici par science spirituelle,
dépend intiment de
cet appel dans notre époque, un appel qui est
cependant plus ancien
d’un siècle et que je voudrais caractériser
comme un appel à la
liberté des idées. Cet appel est
principalement un appel à la
liberté sociale. C’est une chose remarquable,
quand on cherche
actuellement à regarder dans ce qui surgit à
la surface de ces
vagues qu’on appelle des revendications
sociales, que de se heurter
sans cesse à la nécessité de comprendre ce qui
a en vérité
rapport à la liberté humaine, à cette
impulsion qui sous une forme
ou une autre s’extériorise comme une impulsion
de liberté
humaine. Qu’on touche là un point important,
en a eu l’idée
même un homme, que je considère comme l’être
le plus funeste
parmi les soi-disant hommes de premier plan de
notre époque, qui ont
eu une influence sur l’ordre des circonstances
— là-dessus en
convient donc même Woodrow Wilson (4).
Comme je n’ai
jamais parlé autrement de Woodrow Wilson dans
les pays neutres à
l’étranger, durant le temps de la guerre,
alors qu’on l’avait
en adoration de tous côtés, aujourd’hui encore
je dois parler
comme toujours de Woodrow Wilson. Dans ses
écrits on tombe sur de
nombreux endroits où il attire l’attention sur
une voie salutaire
dans les circonstances actuelles — il connaît
préférentiellement
les voies américaines — en disant qu’on ne
pourra s’en sortir
que si l’on prend réellement en compte
l’aspiration des hommes à
la liberté
Toutefois,
qu’est-ce
que la liberté de l’être humain pour Woodrow
Wilson ?
C’est
alors
qu’on en arrive à un chapitre très, très,
intéressant
dans l’activité du penser humain actuel — car
ce Woodrow Wilson
est pourtant une sorte de penseur
représentatif en effet — alors
vous trouvez dans son écrit sur la liberté la
vision qui suit :
on peut se former le concept de liberté, quand
on regarde sur une
machine, comment une roue dentée y est
établie. Lorsqu’elle y est
placée de sorte que l’arrangement mécanique
puisse se mouvoir de
manière à ce qu’il n’y ait aucun obstacle,
alors on dit que
l’engrenage tourne librement. Quand on observe
un navire, dit-il,
celui-ci doit être construit de manière telle
que la machinerie ait
prise dans un mouvement ondulatoire de sorte
qu’il ne soit pas
entravé, et qu’ils avance pour ainsi dire avec
les forces des
vagues, qu’il s’adapte à elles, et qu’il fasse
librement route
dans les forces des vagues. Avec ce qu’est un
tel rouage dans une
machine, Woodrow Wilson compare ce que doit
être réellement
l’impulsion de la liberté humaine. Il
dit : un homme est
ensuite libre quand à peu près comme tourne
librement un rouage
dans une machinerie, il circule librement dans
les circonstances
extérieures, de sorte qu’en elles il
progresse, et qu’il
intervienne avec ses énergies dans ce qui se
déroule
extérieurement, de manière à ne pas être
entravé.
Eh
bien !,
je pense que c’est là très intéressant que
puisse
jaillir cette vision très singulière de la
liberté humaine à
partir de cette manière de voir et de la
disposition d’esprit
régnant dans les sciences naturelles
actuelles. Car, n’est-ce pas
exactement le contraire de la liberté de
s’adapter ainsi aux
circonstances, au point de ne pouvoir tourner
que dans leur sens ?
La liberté n’exige-t-elle pas que l’on puisse,
en cas de besoin,
s’obstiner à faire pression à l’encontre des
circonstances
extérieures ? Ne devrait-on pas comparer
ce qui vit en tant que
liberté avec ce qu’en cas de besoin, on
pourrait se comporter de
sorte que le navire se tourne contre les
vagues et s’arrête ?
D’où
vient
cette remarquable manière de voir, à partir de
laquelle un
homme d’État, sain au grand jamais, puisse
faire jaillir dans un
tel discernement, mais tout au plus les 14
points abstraits de la
déclaration wilsonnienne, dont malheureusement
ici dans ce pays et
dans une certaine époque, on
s’émerveilla ? Cela provient du
fait que dans notre époque, on ne voit pas
comment on doit en
revenir à l’idée humaine elle-même, à cette
idée qui est
saisie comme une idée et qui lorsqu’on parle
réellement de
liberté, peut délivrer l’unique impulsion
libre pour la vie
humaine. C’était, voici à présent plus de
trente ans, ce que
j’ai cherché à présenter dans ma
« Philosophie de la
Liberté », dont une nouvelle édition est
récemment sortie
avec des compléments correspondants. Je tentai
alors à la vérité
de la saisir d’une autre façon, cette
impulsion à la liberté,
que ce qui arrive à présent. On
s’interroge : l’homme
est-il libre ou pas ? L’homme est-il un
être libre qui, avec
une responsabilité réelle, peut prendre des
décisions à partir
des profondeurs de son âme, ou bien est-il
accaparé dans une
nécessité naturelle ou spirituelle, comme un
être naturel ?
On s’est interrogé ainsi, dirais-je, pendant
des millénaires, et
on s’interroge encore. Cette question déjà
c’est pourtant la
grande erreur.
On
ne
peut pas s’interroger de cette façon, parce
que la question de
la liberté est une question de l’évolution
humaine, une évolution
humaine telle qu’au cours de sa jeunesse, ou
bien dans sa vie plus
tardive, l’homme développe en lui des forces
qu’il ne reçoit
pas simplement de la nature. On ne peut
absolument pas se poser la
question : l’homme est-il libre ? De
nature, il ne l’est
pas, mais il peut progressivement se rendre
libre en éveillant des
forces qui sommeillent en lui, que la nature
n’éveille pas.
L’homme peut devenir de plus en plus libre. On
ne peut pas
demander : l’homme est-il libre ou non,
mais seulement :
existe-t-il une voie pour l’être humain pour
conquérir sa
liberté ? Cette voie existe. Comme je
l’ai dit, voici trente
ans, j’ai tenté de le montrer : quand
l’homme se promeut
pour cela en développant une vie intérieure,
de manière à
concevoir les impulsions morales de ses actes
en idées pures, alors
il peut réellement mettre ces idées pures, et
non de simples
émotions instinctives, à la base de ses
agissements, — des idées
qui, dans la réalité extérieure, plongent
comme l’être aimant
dans l’être aimé. Alors l’homme s’approche de
sa liberté. La
liberté est pareillement un enfant de l’idée
conçue dans
illumination spirituelle — et pas sous une
contrainte extérieure
—, comme l’enfant est tout-amour vrai, la
liberté est l’amour
pour l’objet de l’acte. Ce à quoi aspirait
ardemment la vie
spirituelle chez Schiller, lorsqu’il
faisait face à Kant
et pressentait quelque chose d’un tel concept
de liberté, qu’il
nous sied de continuer de former à présent.
Mais il m’apparut
alors que l’on ne pouvait parler que ce qui
repose à la base des
agissements moraux — quand bien même cela
reste-t-il inconscient
chez l’homme, cela existe bien pourtant
— ; et que l’on
devait donc appeler intuition. Et c’est ainsi
que je parlai dans ma
« Philosophie de la Liberté » d’une
intuition morale.
Mais
avec
cela, était donné aussi le point de départ
pour tout ce que
j’ai eu à faire ensuite dans le domaine de la
science spirituelle.
Ne croyez pas que je pense aujourd’hui sur ces
choses d’une
manière immodeste. Je sais très bien que cette
« Philosophie
de la Liberté », que j’ai conçue voici
plus de trente ans,
alors que j’étais un homme jeune, a pour ainsi
dire attiré à
elle toutes les maladies d’enfance de cette
vie de la pensée qui
au cours du 19ème siècle. Mais je
sais aussi qu’à
partir de cette vie de l’esprit, a pris aussi
naissance une vraie
vie du penser qui a pu s’élever et progresser
dans la spiritualité
réelle. De sorte que je peux me dire : si
l’homme s’élève
aux impulsions morales, dans l’intuition
morale et se présente
comme un être réellement libre, alors il est
presque, si je peux
utiliser ce terme réprouvé,
« clairvoyant », pour ce
qui concerne ses intuitions morales. Dans tout
ce qui émane au
dessus de tout ce qui est sensible, reposent
les incitations de tout
ce qui est moral. Pris dans leur ensemble, les
commandements moraux
réels sont des résultats de la clairvoyance
humaine. C’est
pourquoi, il y avait un chemin rectiligne de
cette « Philosophie
de la Liberté » à ce que je veux dire
aujourd’hui en
parlant de science spirituelle. La liberté ne
jaillit en l’homme
que s’il se développe. Mais il peut continuer
de se développer de
sorte que ce qui repose déjà à la base de sa
liberté, pousse
aussi à ce qu’il devienne indépendant de tout
élément moral et
s’élève librement dans le domaine de l’esprit.
Ainsi
la
liberté dépend-elle de l’évolution du penser
humain. Au fond,
la liberté est toujours une liberté du penser
et justement lorsque
nous considérons ces personnes représentatives
comme Woodrow
Wilson, nous devons dire : parce que de
tels hommes n’ont
jamais compris ce qu’est réellement l’idée,
dans sa réelle
dimension spirituelle, et la façon dont elle
doit s’enraciner dans
l’esprit si elle ne veut pas devenir
abstraite, voilà la raison
pour laquelle ils peuvent inventer de telles
définitions paradoxales
telles que celle de Woodrow Wilson sur la
liberté. C’est à ce
genre de choses que nous mesurons
l’insuffisance de l’actuelle
vie de l’esprit, dont la défaillance
principale consiste dans le
fait qu’elle ne reconnaît pas la nature
spirituelle de l’être
humain. Nous voyons quelle est l’exigence
principale : liberté
de l’esprit; et ce qu’est la nécessité
principale : la
maîtrise des forces sociales si cette vie doit
développer les
fondements nécessaires à ces trois grandes
exigences du présent et
pour le futur proche. Ainsi ce qui est
réellement une impulsion
primordiale chez l’être humain, n’est pas ce
qui peut être
atteint à partir du penser qui règne dans les
sciences naturelles,
mais seulement ce qui peut être atteint par
l’esprit au sein d’une
manière de voir spirituelle de l’être humain.
On
a
contesté tant de chose au sujet de la liberté
parce que les hommes
voudraient décider là-dessus sans fouler le
terrain sur lequel
s’ensuivait la connaissance de l’immortalité
de l’âme
humaine. Et qui l’aborde d’une manière
dépourvue de préjugés,
cette connaissance de l’immortalité humaine,
et se met donc à
penser l’élément d’éternité chez l’homme,
celui-là se
place en situation d’avancer sur la question
de la liberté
humaine. Par contre, si l’on recherche la
nature de cette liberté
dans l’éclat des idées simplement données à
partir de
l’investigation de la nature, alors on ne
découvre pas l’essence
de cette liberté. Mais à la condition de la
trouver en soi, alors
elle pénètre et pulse en l’homme de sorte
qu’il peut devenir un
être social, car il l’apporte alors avec lui,
à côté des autres
hommes, dans l’ordre social, au point que les
forces sociales
peuvent en être intérieurement dégagées et
c’est de cette
sensibilité, nous rendant aptes à dégager des
forces sociale, dont
nous avons besoin.
J’ai
mentionné
précédemment que nous, à Dornach, avec notre
édifice,
nous sommes en situation de placer des hommes
et des femmes qui ont à
la vérité atteint certains points culminants
dans leur formation
spirituelle et qui exécutent des travaux
ordinaires, salissants, qui
ne cèdent en rien à ceux qu’exécutent ceux
qu’on appelle
ordinairement aussi des manœuvres. Sous ce
rapport du social,
l’édifice de Dornach repose sans doute sur des
fondements, qui ne
sont pas sans plus les mêmes que ceux d’une
entreprise orientée
sur le gain matériel. Mais si vous entrez plus
avant dans ce que
j’ai discuté dans mon ouvrage « Points
essentiels de la
question sociale », et sur les
conférences consacrées au
Dreigliederung, alors vous trouverez
que la possibilité
existe de créer des fondements analogues pour
la vie entière tels
que ceux qui ont été créés à Dornach pour
l’édifice, qui doit
exister en tant que représentant de notre
mouvement de science
spirituelle. C’est seulement dommage que cet
édifice ne puisse pas
être visité aujourd’hui par beaucoup de gens
d’autres pays,
parce que nous en sommes arrivés
malheureusement à ce que le
franchissement des frontières d’État est
devenue carrément une
impossibilité.
Mais
pourquoi
est-il possible que dans un tel milieu des
forces sociales
soit dégagées au point que l’idéal du
mouvement prolétaire —
sans doute autrement qu’on l’aurait rêvé
d’ailleurs — soit
réalisé ? Parce que tout ce qui y est
fait, repose
fondamentalement sur la conception de la vie,
la conception de
prendre la vie à pleines mains, qui résulte
des impulsions de la
science spirituelle, parce que tout à été fait
à partir de cette
science de l’esprit, même dans tous les
détails. Ce qui a été
fait là en petit, à partir de la science de
l’esprit, cela peut
aussi être fait en grand dans toute la vie
sociale à partir de
cette façon de concevoir la vie apportée par
la science de
l’esprit. Chaque usine, chaque banque, chaque
entreprise
extérieure, peut être ainsi organisée comme ne
peut être
qu’organisée cette capacité de penser dans la
vie pratique avec
une science qui descend si profondément dans
la nature humaine,
qu’elle n’en appréhende pas des pensées ou des
lois abstraites,
mais des faits concrets et vivants. On en
arrive à ces faits
vivants, seulement lorsqu’on approfondit
suffisamment par les
méthodes indiquées la connaissance de la
nature humaine. Ce n’est
pas une mystique abstraite qui est recherchée
là, mais ce sont les
faits de vie, par lesquels l’homme se tient
dans la réalité de la
vie. Et en connaissant l’homme, on découvre en
même temps par
cette science de l’esprit ce qui peut
engendrer les forces sociales
dans l’organisation correspondante, de sorte
que les hommes vivant
dans cette organisation peuvent répondre d’une
manière
satisfaisante à la question : la vie
humaine est-il dignement
humaine ?
Ainsi
trois
choses sont liées : forces sociales,
liberté des idées
et science de l’esprit. La science spirituelle
est vraiment
l’opposé de ce qu’on présente souvent d’elle.
Quelque chose
d’à-côté de la vie, croit-on, le rêve de gens
désœuvrés.
Non, la pratique de la vie, précisément cette
pratique qui manque
le plus à notre époque, c’est ce que veut être
la science de
l’esprit. Elle veut plonger dans la vie,
maîtriser la vie dans la
science et la pratique, parce qu’elle veut
s’immerger dans la
réalité de l’être humain, et pas simplement en
rester à la vie
qui est pensée par l’homme. Il existe
aujourd’hui des hommes
bien-pensants qui disent : La simple
compréhension, le simple
intellect, qui s’est développé ces derniers
siècles jusqu’à
nos jours, cela ne vaut plus pour
l’assainissement de notre vie.
Mais quand on les interroge pour savoir ce qui
serait bon, alors ils
donnent la réponse générale — une nouvelle
fécondation de l’âme
par « l’esprit ». Parle-t-on alors
d’une vraie
science adéquate, ils déclinent aussitôt
l’invitation, car ils
ont encore peur d’elle, ou bien ils recourent
aux faux-fuyants les
plus plaisants. Ainsi on trouve que les gens
disent sans cesse :
chacun ne peut pourtant pas devenir un
investigateur de l’esprit.
Certes, chacun ne le peut pas, et je n’ai
cessé d’insister
là-dessus. Mais chacun peut certes faire les
premiers pas dans les
mondes spirituels, dans les faits d’existence
suprasensible, comme
je les ai décrits dans mes ouvrages
« Comment acquiert-on de
connaissances des mondes
supérieurs ? » et dans la
seconde partie de ma « Science de
l’occulte en esquisse » ;
chacun peut en faire l’expérience à tout
moment, mais la
progression dans ces questions, qui traitent
plus profondément des
entités des mondes suprasensibles, cela est
sans doute lié à
maintes expériences, pour lesquelles chacun
n’est pas encore
capable aujourd’hui. Celui qui veut contempler
le monde spirituel,
celui qui veut devenir, au sens propre, un
investigateur de l’esprit,
celui-là doit remporter maintes victoires (sur
lui-même, ndt).
Il vous suffit simplement de réfléchir que
dans l’instant où
l’on a réellement à faire à une connaissance
qui ne se sert plus
des sens, dans l’instant où l’on entre, donc,
dans une activité
de connaissance qui n’est plus liée au corps,
et que le monde
extérieur habituel n’existe plus par ailleurs,
— et que l’on
se retrouve donc dans un monde qui se présente
sous toutes sortes
d’aspects inhabituels : toutes ces
choses, qui vous
soutiennent habituellement, les expériences
extérieures dont vous
êtes certains, l’intellect ordinaire, tout
cela doit changer, des
orientations intérieures doivent cesser. On
est comme suspendu
au-dessus d’un abîme et on ne peut plus se
référer qu’à son
propre point de gravité à soi. Face à cela
beaucoup de gens
ressentent une telle frayeur inconsciente ou
subconsciente,
qu’ensuite ils déguisent en logique vis-à-vis
de la science de
l’esprit. Vous pouvez entendre les meilleures
arguments du monde ;
en vérité ils ne sont que la frayeur devant
l’inconnu.
Mais
ensuite,
ils doivent aussi réfléchir qu’effectivement
la manière
dont on existe, en tant qu’homme, n’est pas
adaptée au monde
spirituel, et que l’on est seulement adapté au
monde extérieur.
On arrive dans un monde complètement
différent, pour lequel
personne n’a développé de petites habitudes de
vie. Cela cause,
quand on pénètre plus profondément, ces
expériences terriblement
douloureuses qui doivent être surmontées dans
une véritable
connaissance de l’esprit. Ensuite, quand elles
sont surmontées,
suivent les connaissances du plus profond de
notre être qui donnent
des renseignements sur ce qui est éternel dans
la nature humaine, ce
qu’est l’esprit qui repose aux fondements du
monde. Certes, tous
les hommes ne peuvent pas parcourir aussi loin
ce cheminement. Mais
je dois sans cesse et toujours insister
là-dessus, il n’est pas
nécessaire de parcourir ce chemin, mais il est
seulement
indispensable de disposer d’une saine
compréhension humaine. Car
cette saine compréhension humaine, quand elle
ne se laisse pas
seulement décontenancer par les préjugés
inhérents aux manières
de voir extérieurement les choses, peut faire
la différence entre
celui qui se présente comme un investigateur
et parle de mondes
d’abord inconnus et qu’il en parle avec
logique, et tout autre
spirite ou je ne sais qui d’autre. La logique,
on en dispose tous
et on peut juger si la personne concernée
parle logiquement ou parle
d’une manière telle que la teneur de ce
discours indique que les
expériences qu’elle raconte ont été réalisées
en parfaite
intégrité d’esprit.
Si
l’on
objecte sans cesse : en effet, de ce
qu’affirment les
sciences extérieures, chacun peut s’en
convaincre, cela est juste.
Il lui suffit seulement de maîtriser les
méthodes de laboratoire,
et cela il le peut. On peut donc pareillement
affirmer aussi : chacun peut se
convaincre de la justesse de ce qui est écrit
dans
mes ouvrages « Comment acquiert-on les
connaissances des mondes
supérieurs ? » et
« Théosophie » ; on
peut même induire, de la manière dont se
comporte l’investigateur,
la valeur intérieure de ses connaissances.
Alors ces connaissances
ont autant de valeur pour la vie qu’elles en
ont dans l’âme de
l’investigateur de l’esprit lui-même. À partir
des faits
extérieurs, on contrôle le chercheur dans les
sciences extérieurs ;
à partir de la manière et du genre dont, comme
on l’a dit, les
connaissances sont « habillées », on
peut contrôler ce
qu’a à dire l’investigateur de l’esprit. Il
peut être
contrôlé par la saine compréhension humaine.
Réfléchissez
quelles
forces sociales seront un jour dégagées, si de
plus en plus
d’hommes sont présents qui peuvent témoigner
des forces
spirituelles qui peuvent être découvertes
seulement dans le
suprasensible, et que les autres hommes, qui
ne peuvent pas eux-mêmes
être ces investigateurs — de même que tout un
chacun ne peut pas
être physicien ou chimiste — les accueillent à
partir de leur
saine compréhension humaine, à partir de la
confiance qui se fonde
justement dans une saine compréhension
humaine. Quelle genre de vie
sociale communautaire naîtrait de cette
estimation de l’homme?,
c’est justement l’un des points les plus
importants pour éveiller
les énergies de confiance sociale. Elles sont
actuellement enfouies
à notre époque où chacun, sans avoir d’abord
pris en main son
propre développement et à peine a-t-il un peu
grandi dans la vie,
s’empresse de vouloir juger possiblement de
tout. Et que cette
science spirituelle puisse réellement donner
des impulsions
radicales dans la vie sociale, nous l’avons
effectivement tenté
par la création des écoles Waldorf, dont nous
sommes redevables à
notre cher Monsieur Moltk, une école dans
laquelle doit être édifié
un organisme d’enseignement sur de vraies
connaissances humaines.
Nous voulons résoudre une question sociale de
la manière correcte ;
car nous souhaitons que grandisse en chaque
élève un être humain
qui reçoive de lui-même cette force de se
tenir droit ; que de
lui puisse émaner des forces sociales d’une
manière féconde, non
pas à partir d’un savoir émoussé, insuffisant,
comme celui qui
règne aujourd’hui de multiple façon carrément
dans la pensée
sociale de notre époque. Nous devrions
développer réellement un
penser social, qui soit édifié sur la
confiance humaine, sur les
solides fondements de l’âme humaine. Et en
voyant l’adulte en
devenir dans chaque enfant qui fréquente cette
école, en cherchant
à le développer par des connaissances qui
peuvent vivifier les
fondements pédagogiques, nous voyons en cela
quelque chose
d’indispensable comme dans tout ce que nous
cherchons à retirer de
cette science spirituelle.
Naturellement,
je
ne peux caractériser cette science spirituelle
qu’à partir
d’une paire de points de vue pour montrer
qu’elle est
effectivement une exigence indispensable de
l’évolution présente
et future. Ainsi arrive-t-il, qu’à partir de
telles indications
unilatérales une opposition s’installe, parce
qu’on n’en
saisit pas l’ensemble. Toutefois, je voudrais
à présent, pour
conclure, en revenir au début et signaler
combien on a le cœur gros
quand on voit combien peu nombreux sont les
hommes qui sont
conscients de la dégringolade sociale ;
combien on ne recherche
pas de nouvelle refondation de notre vie
culturelle spirituelle et
morale.
C’est
vraiment
à partir de mainte chose que l’on peut tirer
cette
conclusion. Pour finir, laissez-moi en donner
quelques exemples. Même
de la part d’hommes, dont on croit qu’ils se
trouvent solidement
dans la vie extérieure, à quelle appréciation
sont-ils parvenus à
partir des faits concrets ? Les mots, que
l’homme d’État
autrichien Czernin (6) a écrits
dans son dernier
livre, ces mots — on peut autrement se
positionner comme on veut à
leur égard —, méritent à ce propos d’être pris
en
considération :
« La
guerre
continue, quoique sous une forme différente.
Je crois, que la
génération qui vient ne pourra vraiment pas
désigner le grand
drame auquel le monde est en proie depuis
cinquante ans, autrement
que sous le terme de révolution mondiale, et
elle saura que cette
révolution mondiale a seulement commencé avec
la Guerre mondiale.
Ni la Paix de Versailles, ou de Saint-germain,
ne créeront une
oeuvre durable (b). Dans cette paix
repose le germe
destructeur de la mort. Les combats qui
secouèrent l’Europe ne
sont pas encore en diminution. Comme après un
puissant tremblement
de terre, les répliques continuent de monter
du sous-sol. Sans
cesse, la terre s’ouvrira ici où là et le feu
fulminera contre le
ciel. Des événements d’une puissance
élémentaire et
dévastatrice s’abattront sur les pays, jusqu’à
ce que soit
balayé complètement ce qui rappelle la
caractère insensé de cette
guerre. Lentement, par des sacrifices
innombrables, un nouveau monde
naîtra. Les générations à venir considérerons
notre temps comme
celui d’un mauvais rêve. Mais même après la
plus noire des nuits
succède le jour. Des générations ont été
jetées dans la tombe,
assassinées, affamées, tuées par la maladie.
Des millions sont
morts dans leur effort pour anéantir,
détruire, la haine et le
meurtre au cœur. Mais d’autres générations
naissent et avec
elles un esprit nouveau. À chaque hiver
succède un printemps. Et
c’est une loi importante dans le cycle de la
vie, qu’à la mort
succède la résurrection. Heureux ceux qui
seront appelés, en tant
que soldats du travail, à contribuer à
l’édification du monde
nouveau. »
Eh
bien !
ici aussi on parle d’esprit nouveau ; je
sais que
si l’on parlait du nouvel esprit réel à ce
Czernin, il reculerait
d’horreur, car il prendrait cela pour de la
fantaisie. C’est dans
l’abstrait que les gens parlent d’esprit
nouveau, et qu’ils
savent qu’il doit venir. Face à l’esprit
concret, ils prennent
la fuite. Il y en a beaucoup qui, du point de
vue de leur présumé
christianisme, appréhende la science de
l’esprit, mais ne veulent
absolument pas reconnaître que celle-ci
fournit les fondements les
plus vivants en vue d’une revivification du
christianisme ; la
manière dont le christianisme devra vivre à
l’avenir se
manifestera du fait que la science spirituelle
enseignera de nouveau
précisément le Christ vivant et l’événement du
Golgotha comme
un fait historique concret résultant d’une
investigation de
science spirituelle. Une grande partie des
théologiens sont allés
si loin que ce Christ n’est plus à enseigner
selon eux comme
donnant un véritable sens à la Terre, mais
comme « l’homme
simple de Nazareth ». La spiritualité du
christianisme sera
refondée à nouveau par la science de l’esprit.
Mais ceux qui ont
peur aujourd’hui justement à cause de raisons
chrétiennes
sous-jacentes, à ceux-la on doit dire :
« le
christianisme est édifié sur des bases si
solides que l’on a
aucune raison de redouter quelque chose de la
science spirituelle,
aussi peu que devant la découverte de la pompe
à air et autres
choses et pas non plus devant l’enseignement
des vies terrestres
répétées ou bien des conditions gérant la
destinée, comme les
délivre la science spirituelle. Le
christianisme est si fort qu’il
peut tout accepter de ce qui vient de la
science spirituelle. Quant à
savoir maintenant si tous les porteurs actuels
des confessions
chrétiennes sont aussi solides, c’est une
autre question, mais
aussi une question grave.
Nous
devons
penser dans une perspective universelle, c’est
aussi ce que
nous a inculqué cette guerre appelé également
mondiale. Sur notre
Europe et sa culture, beaucoup de gens pensent
comme ce diplomate
japonais (7), dont j’aimerais vous
citer les paroles. Ce
diplomate japonais, qui est un homme cultivé a
dit :
« Pendant
pas
mal d’années, nous avons cru, nous au Japon,
que le droit et
l’équité existaient réellement dans le monde
chrétien
occidental. Mais depuis ces dernières années,
nous savons qu’il
n’en est pas ainsi ! Les doctrines
ronflantes et les
déclarations des nations chrétiennes ne sont
rien de plus qu’un
masque arrogant pour dissimuler l’injustice et
la cupidité. Nous
savons à présent qu’une chose comme la justice
internationale,
cela n’existe pas ; nous savons en outre,
que la puissance
capitaliste de l’Ouest ne peut être limitée,
quoi qu’il en soit
— par une puissance plus grande. Le Japon a
appris cela, et toute
l’Asie est sur le point de l’apprendre. Notre
position vis-à-vis
de la Chine en est ainsi éclairée : nous
savons que nous ne
devons compter sur aucun droit, que nous ne
devons compter sur aucun
traitement loyal de toutes les affaires
quelconques du côté des
puissances occidentales. Elles partageront et
détruiront la Chine,
ensuite elles réduiront le Japon au vasselage,
et elles feront cela
sans conscience morale, inconsidérément, et
elles le feront aussi
sans hésitation si nous, au Japon, nous ne
maintenons pas notre
domination, si nous ne tenons pas et ne
développons pas nous-mêmes
la Chine. Car pour finir, cette exploitation
occidentale de la Chine
serait la ruine de la Chine, tandis que notre
politique à l’égard
de la Chine en sera finalement la délivrance
finale. En Chine et
dans nos régions du pacifique, nous devons
être bien armés, pour
pouvoir nous défendre suffisamment nous-mêmes.
Voudrions-nous nous
en remettre à une alliance d’États réalisée
par les
Anglo-saxons, voudrions-nous croire à une
justice existante, latente
ou encore déjà régnante, dans la civilisation
chrétienne, cela
constituerait alors, de notre part, une preuve
de notre faiblesse
d’esprit, une preuve aussi que nous aurions
alors mérité notre
sort dans la ruine nationale, à laquelle nous
sommes à présent
inévitablement acculés par les puissances
occidentales. »
Vis-à-vis
de
ce qui est dit là, on peut prendre l’attitude
que l’on veut :
c’est ainsi qu’on pense dans le monde, et nous
avons à bien
examiner toutes les causes de ces idées comme
de ces faits concrets.
C’est vraiment parfaitement déplacé lorsqu’à
l’encontre de
ce que je veux mettre en place de manière
honnête pour une nouvelle
orientation de l’esprit, justement du côté de
ceux qui devraient
connaître en vérité les conditions de la vie
de l’esprit —
vous admettrez, que je caractérise cela ainsi
— lorsque de ce
côté, donc, viennent toujours les objections
qui ont été si
souvent et si souvent décrites, par exemple
celle-ci : on ne
peut pas prouver en effet ce que dit
l’investigateur spirituel.
Ainsi une brochure est parue récemment,
rédigée par un monsieur
qui n’est pas très loin d’ici :
« Rudolf Steiner en
tant que philosophe et théosophe (8) ».
je ne ferai que
signaler seulement un point de la mentalité et
de la logique qui
règnent dans ce texte. S’y trouve une belle
phrase : « Je
dois dans ces circonstances devenir justement
historien, physicien,
chimiste, pour pouvoir vérifier moi-même. Les
vérités
théosophiques, au contraire, je ne peux pas
les prouver si je ne
suis pas clairvoyant ». Cela signifie,
dit-il que l’historien,
le physicien, le chimiste affirment toutes
sortes de choses ;
veut-on les prouver, alors on doit justement
devenir historien,
physicien, chimiste. Moi, je dis de mon
côté: « Si l’on
veut prouver les connaissances de science
spirituelle, alors on doit
devenir investigateur, chercheur en science de
l’esprit ».
Que dit ce monsieur : « Je dois dans
ces circonstances
devenir justement historien, physicien,
chimiste, pour pouvoir
vérifier moi-même. Les vérités théosophiques,
au contraire, je
ne peux pas les prouver si je ne suis pas
clairvoyant ». Mais
naturellement ! Je ne peux pas non plus
prouver les résultats
de la recherche chimique, si je ne deviens pas
chimiste. On peut
devenir chimiste. Mais on ne veut
justement pas devenir
investigateur de l’esprit. C’est alors que
l’on dit quelque
chose de tout à fait étrange ; je dois
pouvoir vérifier, mais
pouvoir vérifier sans m’engager dans les
méthodes de le preuve.
Pour cet homme, la question n’est pas, comme
il le dit lui-même,
vous venez de l’entendre, de pouvoir décider
quand on s’est
approprié les fondements pour en décider, mais
« la question
est de savoir si ces raisons ont été prouvées
par moi ou peuvent
être prouvées, et cela je dois le nier,
abstraction faite de toute
critique formelle de logique. » Eh
bien ! Qu’il
doive le nier, cela je le lui accorde bien
volontiers. Mais comme
j’ajoute aussi que chacun doit devenir
chimiste, pour pouvoir
démontrer les résultats de la recherche
chimique, moi je dois
justement me consacrer au cheminement de la
science spirituelle pour
pouvoir démontrer les vérités de science
spirituelle. Mais ce
monsieur refuse cela. En vérité tout son écrit
est empreint de
cette logique. Et mainte chose est portée par
cette logique, de ce
qui parvient à la science spirituelle en la
dénaturant. Alors on a
vraiment mieux à faire que de se soucier de ce
genre d’objections.
Mais
c’est
tout particulièrement qu’il serait convenable
pour ce
peuple allemand, pour ce peuple allemand très
éprouvé, de penser
comment l’on doit se situer vis-à-vis des
fondements véritables
de la vie de l’esprit. Je peux renvoyer à
quelques phrases qu’en
1858, Herman Grimm — écrivain aux
œuvres si riches
d’esprit, consacrées entre autre à l’histoire
de l’art — a
écrites dans son essai au sujet de Schiller et
Goethe (9).
Voici plus de 60 ans, il écrivait :
« La vraie histoire
de l’Allemagne c’est l’histoire des mouvements
spirituels dans
le peuple. Ce n’est que là où l’enthousiasme
pour une grande
idée soulève la nation et met en mouvement des
énergies autrement
figées qui produisent des faits grands et
lumineux ». Ne
devrions-nous pas pouvoir prendre à cœur
aujourd’hui de telles
paroles ? Ou bien encore ces mots qu’a
écrit Herman Grimm —
et donc certainement pas un révolutionnaire —
en 1858 : « Les
noms de l’empereur et des rois allemands ne
sont pas des… pierres
milliaires sur le progrès du peuple
allemand. » Il voulait
signifier que les pierres milliaires pour le
progrès du peuple sont
les faits dans le domaine des idées, des idées
qui pénètrent dans
le spirituel.
En
aucune
autre époque la nécessité ne s’est jamais
autant imposée
au peuple allemand que de s’en tenir à cela,
précisément
maintenant, en ce temps de détresse, de dures
épreuves. Et c’est
la raison pour laquelle l’on doit aujourd’hui
exhorter nos
contemporains à considérer et étudier nos
grands précurseurs pour
pouvoir devenir leurs dignes héritiers. Même
si les professions de
foi, qu’ont exprimées les précurseurs du
peuple allemand, ne
devaient plus valoir aujourd’hui pour la vie
de l’esprit actuel,
ne devrions-nous pas poursuivre leurs efforts
spirituels au lieu de
nous contenter de citer simplement leurs
paroles ? Celui qui
aujourd’hui cite banalement Goethe,
celui-là ne le comprend
plus. Seul celui qui poursuit son œuvre
le comprend. Celui qui
ne fait que citer Johann Gottlieb Fichte,
se livre à un acte
insensé, s’il ne poursuit pas son œuvre dans
la vie de l’esprit.
Vous avez entendu la façon dont le monde parle
sur la vie
spirituelle européenne. Dans le monde, on doit
apprendre à
reconnaître que l’Allemand a de nouveau la
volonté de regarder
dans ce que sont à la vérité ses pierres
milliaires sur le progrès
de son peuple. On a souvent appelé rêveurs
dans ce monde nos
précurseurs, ceux qui ont grandement incarné
la vie spirituelle
allemande (c). On les a méconnus,
comme aujourd’hui l’on
méconnaît celui qui parle d’esprit et que l’on
décrit comme
chimère ou n’importe quoi d’autre. Mais il y
eut toujours des
gens qui surent comment s’enracinait dans la
réalité ce à quoi
l’on s’efforçait pour conquérir l’esprit. Et
dans un moment
important Johann Gottlieb Fichte a dit à ceux
qui l’écoutaient
(10) : Ce que disent les autres, à
savoir que les idées
ne peuvent intervenir immédiatement dans la
vie pratique, les
idéalistes le savent également, peut-être même
mieux que les
premiers ; mais que la vie doit être
orientée par elles, cela
nous le savons aussi d’avance. Alors, il
renvoyait à la pratique
de la vie et disait : « Ceux, qui ne
voient pas cela, sont
ceux sur qui il ne faut pas compter dans le
plan du monde. Ainsi ces
gens souhaitent-ils alors simplement que leur
soient procurés au bon
moment le rayon de Soleil et la pluie, une
bonne digestion et, si
cela était possible, quelques bonnes idées
aussi. »
Il
importe
de savoir avec quel esprit on aborde
l’attitude spirituelle
des grands porteurs de la vie spirituelle
allemande. Là-dessus, la
réalité décidera et non le jugement abstrait.
Auront-il un sens
pour la réelle pratique de l’esprit, les
descendants de ces grands
précurseurs allemands, alors ces hommes, ceux
qui nous auront
précédé dans cette pratique de l’esprit, ne
seront plus de doux
rêveurs. Par contre, si nous négligeons de
pénétrer dans la
réalité de la pratique de l’esprit, alors ils
deviendront non pas
par eux-mêmes, mais par nous ou par nos
descendants, qui ne veulent
rien savoir de la réalité de l’esprit
allemand, d’abord des
rêveurs. Que le peuple allemand se garde de
faire de ses grands
précurseurs, dont le monde a déjà si souvent
dit qu’ils étaient
des rêveurs de n’en faire d’abord lui-même que
des rêveurs,
par la faute qui résulte du fait que nous
n’avons plus aucun sens
pour l’esprit qui doit être appelé et affirmé
dans la vie
spirituelle allemande ! Puissent les
successeur l’acquérir au
contraire ce sens ! C’est la dernière
parole que je voudrais
justement vous laisser à la suite de mes
explications d’aujourd’hui
Notes :
(1)
« Schiller
dans
son « Don Carlos » »,
Troisième acte, Dixième scène.
(2)
« pour
employer des paroles de Goethe » :
Goethe parle dans les contextes les plus
variés d’œil spirituel
et d’oreille spirituel, par exemple dans
« Poésie et
Vérité », troisième partie, huitième
livre : « Je
me vis moi-même chevauchant à ma rencontre
sur le même chemin,
pour préciser, non pas avec les yeux du
corps, mais de l’esprit. »
Plus loin, entre autres dans les
écrits scientifiques, au sujet
de la zoologie : « Nous
apprenons à voir avec les yeux de
l’esprit, sans tâtonner aveuglément de
tous côtés, comme
partout et particulièrement aussi dans les
sciences naturelles. »
— Faust II, Premier acte, 4667 et
suiv. :
Retentissant
aux Oreilles de l’esprit
Le
Jour nouveau déjà surgit.
(3)
« les
idées architectoniques »
voir Rudolf Steiner « Voies vers un
nouveau style
d’architecture » GA
286 ;
« L’idée
édifiant le Goetheanum »
- Conférences avec diapositives, 104
illustrations, Stuttgart 1958.
(4)
Woodrow
Wilson,
voir note 4,
seconde conférence.
(5)
« dans
son écrit sur la liberté »
« The new Freedom », 1913, en
allemand « Die neue
Freiheit », Munich 1919, 12ème
chapitre, p.273 et suiv..
(6)
Ottokar
Czernin,
1872-1932, Ministre autrichien des
Affaires étrangères 1916-1918.
« Dans
la Guerre mondiale »,
Munich 1919, 12ème
chap., p.372 et suiv..
(7)
« ce
diplomate japonais » :
on n’a pas pu retrouver la source de cette
citation jusqu’à
présent.
(8)
Friedrich Traub : « Rudolf
Steiner als Philosophe und Theosophe »Tübingen
1919, p.34.
(9)
« dans
son essai au sujet de Schiller et Goethe »,
voir Herman Grimm, « Fünfzehn
Essays. Erste
Folge »,
Berlin
1884, p.166.
(10)
«
Johann
Gottlieb Fichte a dit aux gens » :
littéralement : « Que les idées
dans le monde réel ne
se laissent pas mettre sous les yeux, nous
le savons aussi bien sinon
peut-être mieux que les autres. Nous
affirmons seulement que la
réalité devrait être jugée par elles, et
modifiée par ceux qui
en ressentent les énergies en eux.
Supposons que les autres ne
pourraient pas non plus s’en persuader,
alors ils y perdraient,
après avoir existé un jour, ce qu’ils
sont, à savoir très peu ;
et l’humanité n’y perdrait rien. Il
devient ainsi simplement
clair qu’on ne compte pas sur eux dans le
plan d’ennoblissement
de l’humanité. Celle-ci continuera son
chemin sans doute ;
que règne donc sur eux la bonne nature et
qu’elle leur accorde au
bon moment la pluie et le rayon de Soleil,
une nourriture
substantielle et une circulation des
humeurs non perturbée et à
l’occasion — quelque idée
judicieuse ! » tiré de
« préambule » à « Quelques
cours sur la vocation
du savant », 1794.
Notes
du traducteur
(a)
Initialement prévue pour être placée bien
visible au fond de la
scène du premier Goetheanum, cette
sculpture impressionnante était
en cours de finition et se trouvait donc
en un autre lieu, lorsque
éclata l’incendie qui détruisit l’édifice,
à la Saint
Sylvestre 1922-23.
Il
y a toujours eu beaucoup de discussions —
et le sujet étant si
important que inévitablement, il
ressurgira encore à l’avenir
(même s’il sommeille en ce moment, hiver
2008) — pour déterminer
comment la placer désormais dans l’actuel
édifice en béton, qui
fut reconstruit ensuite et inauguré en
1928.
Un
éventuel projet de la positionner
exactement là où elle devait
être au départ — c’est-à-dire bien visible
de tous les
spectateurs, au fond de la scène de
l’actuel Goetheanum, — n’a
jamais pu aboutir. Actuellement, cette
sculpture monumental se trouve
dans un espace réparti sur deux étages.
Quoi qu’on en pense, il
faut bien reconnaître que depuis la mort
de Rudolf Steiner, cette
sculpture si riche de significations, n’a
plus jamais retrouvé une
destination semblable à celle d’origine.
L’explication de ce
fait, qui est bien un « fait »,
se trouve, à mon avis,
dans ce qu’elle-même représente et à la
hauteur de quoi,
actuellement il est encore très difficile
de pouvoir se hausser y
compris dans la Société Anthroposophique
elle-même.
(b)
Le
traité de Versailles mettait fin à la
Première Guerre mondiale. Il
fut signé, le 28 juin 1919, dans la
galerie des Glaces du château
de Versailles, entre l’Allemagne, d’une
part, et les Alliés,
d’autre part. Le traité avait été préparé
par la Conférence
de la Paix (Paris: du 18 janvier 1919 au
10 août 1920) qui élaborait
notamment les quatre traités secondaires
de Saint-Germain-en-Laye,
Trianon, Neuilly-sur-Seine et Sèvres. Bien
que cette conférence ait
réuni 27 États (vaincus exclus), les
travaux furent dominés par
une sorte de «directoire» de quatre
membres: Georges Clémenceau
(président du Conseil ou premier ministre)
pour la France, David
Lloyd
George
(premier ministre) pour la
Grande-Bretagne, Vittorio Emanuele Orlando
(ministre-président) pour l’Italie et Thomas
Woodrow Wilson
(président) pour les États-Unis (pour
la suite, voir :
http://www.tlfq.ulaval.ca/axl/francophonie/versailles_1919.htm).
(c)
Dans ce cas, on parle bien sûr plutôt
maintenant de l’Allemagne
secrète,
dont la vie spirituelle est la seule
porteuse d’avenir pour
l’Europe (voir sur le site de
l’IDCCH : Allemagne
secrète
de Rüdiger Sünner : Secrète
Allemagne
. Environ 90 min. 14.90€, ISBN
3-89848-079-8 EAN :
4-021308-88794 ; et aussi Pour mieux
connaître la position des
Classiques allemands dans l’histoire, voir
aussi : Ernst Boldt
De
Luther à Steiner – Un problème culturel
allemand
, accessible gratuitement à :
http://users.belgacom.net/idcch/index1.html
, rubrique
« livres gratuits ». Cependant
il faut bien voir que dans
les faits tout cela a été historiquement
réduit à néant, d’une
part, par ce qu’on a appelé le militarisme
prussien et d’autre
part, le chauvinisme français, raisons
générales de trois guerres
qui ont réduit l’Allemagne
secrète
au silence. Ce qui parle maintenant, ce
qui a maintenant la seule
voix au chapitre, c’est l’Europe
anglo-saxonne unilatéralement
économique…
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