triarticulation

Institut pour une triarticulation sociale
(version française du site allemand)
Conditions d'utilisation.

Accueil

 

Deutsch EnglishDutchSkandinaviskFrançais ItalianoEspañolPortuguês (Brasileiro)Russisch
Recherche
 Contact   BLOG  Impressum 

Collection: 10 -Anarchistes, anarchisme,
et individualisme éthique.
Soit Dieu ou la liberté II Entweder Gott oder Freiheit II

 

 
Les références Rudolf Steiner Oeuvres complètes : 190 125-144 (1971) 06/04/1919
Traducteur: Daniel Simonnot Editeur: EAR

Nous devons bien le reconnaître, cette question: quelle est la nature essentielle de l'Homme, que représente un être humain en face de l'Univers? cette question a été posée très sérieusement, ces derniers temps, dans des milieux sociaux très divers, par les peuples de l'Europe de l'Est. En Occident, les gens avaient bien autre chose à faire, pour des raisons variées, que de réfléchir sur la nature essentielle de l'homme On a, bien sûr, discuté abondamment sur cette question, mais sur le plan de la théorie. Or les discussions théoriques n'ont aucune valeur si elles ne sont pas animées par une véritable vie spirituelle.

Je voudrais tout de même vous donner, pour commencer, une indication relative à la manière dont les pays de l'Est européen abordent cette question. Quelle est donc la nature essentielle de l'Homme? Ce qui nous vient de l'Orient, sur ce sujet, est gros de signification. J'ai déjà eu l'occasion de vous en parler. Bakounine, un des hommes les plus doués parmi ceux qui ont apporté leur contribution à l'étude des problèmes sociaux, à notre époque, était devenu un adversaire de Marx. Ce dernier avait construit son système en s'inspirant de la vie et du mouvement social, tels qu'on pouvait les concevoir en Occident. Bakounine s'opposait à lui en ce qu'il traduisait les idées et les impulsions sociales dont l'Orient fournissait le modèle. Sa philosophie de la vie, sa conception profonde de la vie en sont tout éclairées. Bakounine en vient à toucher d'un seul mot une réponse possible à la question: Quelle est la nature essentielle de l'Homme? Ce mot est de la plus haute importance, il éclaire le sujet en y voyant un contraste entre la conception qu'on peut avoir de Dieu et celle qu'on peut avoir de l'Homme. Voyez-vous, je voudrais vous parler maintenant de cette parole de Bakounine, elle lui est venue du sentiment qu'il ressentait en contemplant la vie moderne.

Voici ce qui lui est venu à l'esprit: une impulsion montant des profondeurs de la nature humaine fait naître en l'homme le désir de la liberté. C'est l'impulsion que ressent l'homme libre. Que pourrait-on souhaiter de plus précieux dans la vie, sinon d'être un homme libre. Voilà ce que pourrait exprimer un homme, sous le coup de ce désir ardent, et qui penserait comme le fait Bakounine. Mais cette ardente impulsion de la nature humaine la plus profonde est contrariée par le sentiment que nous éprouvons en observant la vie moderne. Nous y voyons l'homme enchaîné. S'il appartient à un milieu bourgeois, il se sent lié par une montagne de préjugés administratifs et autres. S'il est d'origine prolétarienne, il est entravé par les liens de la civilisation industrielle et capitaliste. L'homme apparaît donc comme une sorte d'esclave aux yeux de celui qui observe la vie en toute liberté et indépendance, comme le fait Bakounine.
La liberté doit donc être ressentie dans son état originel et fondamental, comme j'ai tenté de le faire dans ma «Philosophie de la liberté». S'il n'est pas possible d'entrevoir la condition première de la liberté, nous serons déchirés entre le désir ardent de cette liberté, d'une part, et la constatation de la nature réelle de la vie moderne qui engendre toutes sortes de choses à l'exclusion de la liberté. A ce moment, Bakounine lève les yeux vers l'enseignement millénaire des religions et du sentiment de Dieu qu'elles font naître. «Dieu existe, donc l'homme est libre». Bakounine constate que, si Dieu existe, l'homme ne peut être que libre. Or, «l'homme est esclave, donc Dieu n'existe pas». Et voilà comment Bakounine conduit sa pensée jusqu'au bout. «Je suis persuadé que personne ne peut sortir de ce cercle, eh bien, maintenant, choisissons».

Cette phrase, croyez-le bien, devrait exercer sur les hommes une impression bien plus profonde, car elle est lourde de sens, plus que bien des événements qui remuent le monde et réussissent, malgré leur insignifiance, à faire sensation. Il serait bien souhaitable d'amener nos contemporains à ressentir au moins la valeur de ces paroles, de cet aveu d'un homme moderne: Je ne peux pas sortir de ce dilemme; je dois dire d'une part: Dieu existe, c'est pourquoi l'homme est libre; mais d'un autre côté, je dois dire: Mais l'homme étant esclave, Dieu n'existe pas! — Nous avons à choisir, entre l'éternelle aspiration du coeur humain à la liberté, et l'expérience impitoyable de la vie moderne qui nous prouve que l'homme est un esclave.


D'une part, la nature humaine elle-même nous conduit vers la croyance en l'existence de Dieu, mais la vie moderne nous mène vers l'athéisme. Entre les deux, nous ne pouvons pas trancher et juger, nous ne pouvons que choisir. Nous ne pouvons nous, hommes modernes, que choisir entre l'une ou l'autre affirmation car, en fin de compte, rien ne peut nous obliger à faire autre chose que de choisir.

Eh bien, je peux vous l'affirmer, la plupart des hommes de notre époque ne choisissent même pas. Ils se contentent devant ce dilemme, de ne pas y penser. Ils pataugent dans ce cercle, en âme et en esprit.

 


[ Encore une autre pensée venant de l'Est: Gorki fait dire à un de ses personnages: «Je vais écrire un petit livre, je l'intitulerai: «La prière des mourants», il existe des prières de ce genre, on les récite au chevet des mourants. Et notre société, accablée par la malédiction que représente sa faiblesse interne, avant de crever, tendra les mains vers mon livre comme vers un parfum de musc.»
Voyez-vous, des paroles de ce genre retentissent, à un certain point de vue, comme un cri poussé par l'humanité nouvelle. Elles prouvent que l'humanité est à la recherche de n'importe quel moyen pour s'étourdir, pour étouffer son âme et son esprit, pour éviter d'avoir à prendre ces avertissements au sérieux. Cette impulsion a donné naissance, à l'Est, à cette très curieuse école de philosophes, nous pouvons bien les nommer ainsi, puisque bien des personnes les appelent déjà les philosophes va-nu-pieds. Ils ont tenté, dans leur genre, d'adapter leur vie aux conditions du monde actuel. Ainsi, Gorki fait dire à un de ses ... déchaussés: «Quelque chose en moi ne correspond à aucun ordre acceptable, je ne suis donc pas venu au monde d'une manière convenant à un homme. Je me sens sur un chemin à part. Et je n'y suis pas seul. Nous sommes même nombreux à le suivre, ce chemin. Nous deviendrons donc des hommes d'exception, nous ne plierons à aucun ordre connu ... qui en portera la responsabilité? Nous-mêmes! nous serons responsables devant nous-mêmes et devant la vie.»
Les hommes qui parlent ainsi, à l'Est, ne sont pas isolés, ils sont nombreux. Un jour, espérons-le, l'histoire de ces dernières années, celles de la tourmente européenne, pourra être écrite cartes sur table.
Aujourd'hui, ce n'est pas encore possible. Plus tard, la part revenant à une telle conception du monde, celle que je viens d'exprimer, et qui vient de donner sa marque à notre destinée, deviendra clairement visible. Nous verrons également à quel point cette conception est justifiée, si nous réfléchissons à cette mentalité que je vous ai caractérisée hier, en la désignant comme étant la confusion même, la superficialité, l'absence de pensée. C'est tout ce qu'on peut dire de notre époque.
Je vous l'ai dit hier, notre époque est portée par une vague de confusion, par un enchevêtrement de pensées égarant les hommes, particulièrement depuis le début du 18e siècle. Comment voyons-nous, dans le détail des faits, la marque de cette confusion? Voilà la question que nous ne nous poserons jamais assez. Nous pourrons y arriver seulement en nous plaçant sur le terrain d'une science spirituelle valable; à ce moment, nous reconnaîtrons les faits pouvant servir à expliquer la situation.
Quelle est la nature de cette épidémie dont la propagation est si rapide parmi une certaine catégorie d'hommes? C'est celle des pensées, tout au moins ce qu'on appelle des pensées! De toute part, nous sommes assaillis par des pensées, par des paroles exprimées, par des idées auxquelles l'imprimerie assure une diffusion rapide. Les hommes sont généralement très fiers de ces pensées, surtout de celles inspirées par la vie matérielle et sensible. La science naturaliste les a fait pénétrer avec elle dans tous les milieux, elle les a popularisées.
Si nous comparions la vie de l'âme de nos contemporains à celle 'de nos ancêtres des 15e et 16e siècles, nous reconnaîtrions le fossé profond qui les sépare. A cette époque, les idées étaient transmises oralement. On ne lisait pas chaque matin les journaux et revues apportant, à l'insu même des hommes, des idées qui étaient pour eux comme une nourriture insidieuse. Quelle influence un sermon religieux peut-il avoir sur un homme venant de recevoir un lot d'idées toutes différentes, sur un autre plan, apportées par le journal du matin. C'est ainsi qu'on répand la culture, mais une culture qui n'a plus aucun contenu spirituel. Pour qu'elle ait un contenu spirituel, il faudrait que la culture redevienne elle-même spirituelle.
Ne soyez donc pas surpris si les idées répandues à notre époque n'ont aucune valeur pour l'humanité. Pour en avoir une, ces idées devraient être tirées de la vie suprasensible. Toute idée qui ne peut être reliée à la vie suprasensible est, en fait, nuisible à l'homme. Je le dis peut-être un peu brutalement, mais c'est la stricte vérité. Voilà l'origine d'une des maladies fondamentales de notre époque: pour toutes sortes de raisons non apparentes, c'est le cas pour les idées dues à la vulgarisation des concepts de la science naturaliste; les idées répandues n'ont plus rien à voir avec la vie suprasensible et, pour cette seule raison, elles sont nuisibles. Nos pensées devraient, à proprement parler, pouvoir toujours sè relier à la vie suprasensible. Elles exercent une action destructrice et dévastatrice sur la vie humaine lorsqu'aucun lien ne les rattache à la vie suprasensible. Il est absolument impossible de répondre à cette question cruciale: Quelle est donc la véritable essence de l'Homme? — si les pensées, ce fruit de la vie humaine, ne peuvent pas se rattacher au monde suprasensible.
En effet, toute une partie de l'être humain possède un contenu de nature suprasensible. Si les pensées qui naissent en lui par un processus suprasensible ne peuvent être reliées au monde suprasensible, l'être humain en ressentira un vide intérieur, une profonde insatisfaction. Jamais, dans ce cas, une réponse quelle qu'elle soit ne pourra satisfaire ce désir ardent de l'âme humaine, tel qu'il s'exprime par la question: qu'est-ce donc que l'être humain? Ce désir peut être endormi artificiellement, l'être humain peut ne prendre conscience de lui-même que partiellement, pas assez pour que cette conscience atteigne le point où elle devrait se demander: Quest-ce donc que l'Homme? Cette question va donc continuer à ronger l'Homme intérieurement, à le maintenir dans un état de nervosité. De toute façon, l'âme humaine ne peut pas se libérer de cette question cruciale.
Le dix-neuvième siècle, de toute façon, avait produit une culture, qui, à aucun point de vue, n'était pas capable de répondre à cette question d'une manière satisfaisante. Les impulsions maîtresses de chaque époque s'impriment d'une manière significative et symptomatique. Nous trouvons un des ces symptômes, particulièrement frappant pour la vie de l'esprit, à une époque toute récente, dans l'existence de Friedrich Nietzsche. Aussi, regrettons-nous amèrement de voir les milieux petits-bourgeois et philistins de notre temps se ranger parmi les admirateurs de Nietzsche. Ce ralliement a eu, entre autres conséquences, celle d'empêcher l'opinion de se faire une idée juste au sujet de ce phénomène qu'a été l'existence de Nietzsche.
Voici, en résumé, comment je me suis toujours exprimé à son sujet: En Nietzsche, vous devez voir l'homme qui a le plus souffert psychiquement, de la culture du dernier tiers du 19e siècle. Il en a souffert au point de s'effondrer à cause d'elle. Je l'ai répété souvent, les autres ont contribué à former cette culture. Il y a eu Schopenhauer qui a apporté certains éléments constitutifs de cette culture. Nietzsche en a souffert en tant qu'admirateur de Schopenhauer. Il y a eu Richard Wagner, lui aussi, à qui nous devons une certaine contribution à la culture du 19e siècle. Nietzsche a souffert d'avoir voulu suivre Wagner. Ce dernier tiers du 19e siècle a également connu son néo-voltairianisme, sa libre pensée spirituelle: Haeckel, Büchner, Feuerbach et d'autres ont collaboré pour introduire cette libre pensée. Qui en a souffert? Nietzsche, toujours lui. Ce dernier tiers du siècle a montré que toute la culture moderne ne pouvait se conclure que par l'absurde. L'art faisait naître des oeuvres qu'on pouvait comprendre seulement en y voyant une décomposition de l'art lui-même. La science, en s'opposant de plus en plus à la connaissance suprasensible, s'efforçait de faire prendre sa vanité pour une sagesse supérieure. Nietzsche, encore lui, en éprouvait de la souffrance, comme il avait souffert de Schopenhauer, de Wagner, du néo-voltairianisme du dernier tiers du siècle. Ayant souffert de toute cette culture du 19e siècle, il exprima sa souffrance dans deux idées grandioses écrasantes mais engendrant le désespoir: l'idée du surhomme et celle de l'éternel recommencement.
Pourquoi évoquer un surhomme? Parce qu'il était impossible de répondre à la question: quelle est la nature essentielle de l'Homme? Cette impuissance, constatée douloureusement par Nietzsche, au degré où il la ressentait, le poussait à fuir l'homme, à se précipiter sur l'idée d'un être qui dépasserait l'homme. Le surhomme est tout simplement pour Nietzsche le subterfuge grossier mais efficace, le narcotique libérateur pour se délivrer du sentiment d'impuissance auquel la culture du 19`siècle avait abouti, de l'impuissance à connaître l'Homme.
Et maintenant, pourquoi l'éternel recommencement? Cette question suffit pour nous faire comprendre avec quel sérieux Nietzsche remuait cette idée. Imaginez avec moi la situation suivante. Nous sommes réunis ici, en séance, comme nous l'avons déjà fait un nombre incalculable de fois, et comme nous le ferons encore un nombre incalculable de fois. Chacun de nous recommencera ici un nombre incalculable de fois ce qu'il fait aujourd'hui, après l'avoir fait de toute éternité. Nous ne constatons aucune évolution capable de nous faire seulement envisager l'idée d'une marche vers le progrès.
Nous ne pouvons pas arriver à nous faire une idée de l'Homme et cela explique le recours à l'idée d'un surhomme. Nous ne pouvons pas concevoir de progrès réel dans l'évolution de l'humanité, ni dans celle du Cosmos, voilà ce qui nous conduit à la conclusion de l'éternel recommencement. Nietzsche en tire ces deux conséquences. Les autres, ceux-là mêmes qui se moquent de ses conclusions, n'y arrivent même pas, tant leur esprit est incapable de nourrir de telles pensées. Nous sommes donc obligés de conclure de cette façon, à moins de nous tourner vers la science spirituelle. Celle-ci ne nous parle pas d'un surhomme, mais d'une évolution dont le déroulement est passé à travers les époques de Saturne, du Soleil, de la Lune, avant d'intéresser l'évolution de la Terre qui, elle aussi, a connu et connaîtra ses phases cosmiques. Il n'est donc plus question d'une éternelle répétition des mêmes phénomènes. La science spirituelle est donc en mesure de faire apparaître une véritable progression. Il vous suffit pour cela de lire mon ouvrage «La Science de l'Occulte». Mais qui donc, aujourd'hui, serait disposé à méditer ces choses avec tout le sérieux qu'elles méritent? Quelles distractions pourraient-elles être infiniment plus importantes, pour la plupart d'entre nous, que ce phénomène cosmique d'une amplitude universelle?
Toutes ces considérations préalables nous amènent à poser une question: où devons-nous finalement en venir? Il n'est pas facile de trouver les éléments de base d'une réponse indiquant le but vers lequel nous tendons. Je voudrais me borner, aujourd'hui, à vous en faire apercevoir un aspect très partiel. Essayez donc de vous représenter la situation vécue par les êtres humains qui traversent ou viennent de traverser la porte de la mort. Ils se trouvent au seuil de cette nouvelle vie précédant leur prochaine naissance. Vous pourrez remarquer, comme je l'ai fait, quelque chose de très particulier. Je vous avouerai, mes chers amis, que cette recherche dont je vous parle est restée pour moi très longtemps incertaine. On acquiert très lentement, pas à pas, la certitude d'avoir atteint le but. Ce but, c'est d'avoir conscience de ce qu'éprouvent un très grand nombre d'humains, aujourd'hui, en franchissant le seuil avant de vivre leurs premières expériences dans l'au-delà. Ils éprouvent une surprise indicible devant l'inconnu qui leur fait face.
Je vous ai déjà parlé des expériences faites par le mort dès qu'il a franchi la porte de la mort. Il y trouve sans doute des situations plus faciles à expliquer, plus faciles à dénouer, plus aisées 'à décrire, mais il s'y mêle encore tout autre chose. Le moins qu'on puisse en dire est que le mort en éprouve une vive surprise, c'est vraiment pour lui une rencontre inattendue. C'est une des expériences qu'il vit. Sa conscience se trouve prise au dépourvu. Il n'y avait pas pensé. Ce sont vraiment des expériences nouvelles qui mettent son âme à l'épreuve.
Il y a encore un autre sentiment, éprouvé surtout par les hommes décédés à un âge assez avancé. Il est rare que les jeunes le ressentent. Ces hommes d'un certain âge éprouvent évidemment la surprise de l'inconnu mais, en même temps et assez clairement, il leur semble reconnaître comme un apport de l'homme qui vient de mourir, un apport personnel. Ainsi, l'homme d'un certain âge, au passage du seuil, éprouve une double sensation, celle de l'inconnu, et celle d'un apport personnel. Mais il faut pour cela qu'il ait atteint un âge assez avancé.
Il ne suffit pas de le constater, il faudrait pouvoir l'expliquer et nous nous trouvons devant une très grosse difficulté. Voici comment nous pourrions y arriver. Pensez un peu sérieusement à une constatation un peu différente, mais que vous pouvez faire aujourd'hui, au cours de votre vie présente. Il y a dans votre vie actuelle une grande quantité d'événements que vous vivez sans vous en apercevoir, ou bien, si vous les percevez, vous les ressentez comme si vous étiez en proie aux illusions les plus diverses. Vous devez faire entrer toute une masse de perceptions dans la catégorie des perceptions inconscientes. Elles sont mélangées aux perceptions conscientes. Mais vous ne vous en êtes pas rendu compte, ou bien vous les avez déformées en leur attribuant une signification impropre.
C'est bien là une des caractéristiques de l'homme moderne. Il déforme volontiers ce qu'il ressent pour l'avoir vécu. Il ne juge pas ses propres actes d'après ce qu'ils valent en réalité. Il s'efforce de colorer, d'une manière ou de l'autre, tout ce qui est en rapport avec son appartenance au monde terrestre. Faites une expérience, demandez-vous combien de fois vous avez eu la sincérité d'avouer que vous aviez agi à tort dans telle ou telle circonstance. Dans la plupart des cas, au lieu de cet aveu d'avoir agi injustement, vous travestissez les circonstances, vous vous faites illusion à vous-mêmes, pour ne pas avoir à reconnaître vos torts.
Mais ce n'est qu'une des catégories de circonstances susceptibles d'attirer notre attention sur tout ce que nous pouvons ressentir d'une manière inconsciente, par le seul fait d'avoir réussi à tromper notre conscience. Nous pouvons avoir accumulé ainsi en nous une grande quantité d'expériences inconscientes lorsque, parvenus à un âge assez avancé, nous venons à mourir. Supposez que vous parveniez à établir la relation entre les pensées et les actes inconscients de votre vie et l'étonnement que vous éprouverez devant le spectacle qui s'offrira à votre âme après la mort. A ce moment, tout s'éclairera pour vous. Vous aurez le sens de cette apparition postmortem. Vous comprendrez ce qui attend tous les hommes que vous voyez, autour de vous, refuser de penser aux événements auxquels ils participent. Ils font entrer leurs impressions dans la partie inconsciente de leur être. Eh bien, tout cela surgira intact devant eux, après la mort, toutes ces sensations inexpliquées, inconscientes, viendront à leur rencontre. Quelle ne sera pas leur surprise, tous ces événements, ils les avaient vécus, il leur faudra cependant accepter de les revivre d'une manière juste, quel travail! Ils rencontreront ainsi tout un secteur de leur vie terrestre, un secteur dont ils avaient pris imparfaitement conscience ou même pas du tout.
Ce sera une tâche indispensable, bien que difficile, pour notre progression dans la science spirituelle. Oui, il nous faudra remettre en valeur, d'une manière juste, toute l'activité spirituelle qui doit encadrer nos actions terrestres. Il est très important de bien mettre l'accent sur cette préoccupation qui doit être la nôtre aujourd'hui. Elle est fondamentale. Faute de s'appuyer sur des raisonnements de cette nature, nous ne pourrons jamais recevoir une réponse acceptable et sensée à la question: d'où vient donc la difficulté extrême, éprouvée aujourd'hui par les hommes, lorsqu'ils s'efforcent de savoir quelle est la nature essentielle de l'être humain.

Prenez une vie humaine, peu importe laquelle, considérez-la dans son ensemble, suivez son évolution. Vous pouvez y reconnaître trois parties. L'une comporte tout ce que nous nous attribuons comme dons innés, comme talents, comme capacités. La deuxième partie est faite de tous les développements que prennent nos relations avec nos semblables, tous les échanges réciproques que nous avons avec eux, en toute conscience, pour eux comme pour nous. La troisième partie est constituée par toute notre expérience, accumulée depuis le début de notre vie. Notre époque considère ces trois parties un peu globalement. A vrai dire, elle ne tient compte que de la deuxième. Vous entendrez bien sûr autour de vous beaucoup de plaintes sur la place faite aux hommes de talent. Ils seraient peu considérés. Mais ces plaintes émanent le plus souvent des hommes de talent eux-mêmes. L'art d'encourager les talents d'une manière désintéressée se perd de plus en plus. De la même manière, on sait de moins en moins apprécier l'expérience acquise par les hommes. J'ai exprimé souvent mon avis à ce sujet. Il y a une chose dont nous avons peu conscience aujourd'hui, c'est que, non seulement nous prenons de l'âge, mais nous accumulons par là-même une précieuse expérience. Nous devenons plus sages, plus avisés. Nous perdons progressivement le sentiment d'évoluer avec l'âge. Aujourd'hui, lorsque nous avons atteint un certain âge, nous sommes considérés tous égaux en sagesse, capables de parler sur tous les sujets avec la même sagesse, très peu savent faire la différence entre nos propos, et apprécier le talent qui nous est propre, ni estimer l'expérience que nous avons acquise dans la vie. Toute notre conception de la démocratie repose, en fin de compte, sur cette inconscience, nous pouvons même dire que, de cette façon, la démocratie creuse sa propre tombe, en estimant que chacun, ayant atteint un certain âge, est capable de discuter en commun avec ses semblables sur tous les sujets, sur Dieu comme sur le monde, et de bien d'autres choses encore, comme de prendre toutes les décisions imaginables.
Or cette autorité que nous attribuons à nos semblables et qui leur permet de discuter valablement dans un échange réciproque d'idées, elle n'existe que dans un seul domaine de la vie sociale, dans le domaine de la vie d'Etat. L'Etat est devenu une idole à tous points de vue, car nous ne voulons plus considérer autre chose que les impulsions réciproques qui s'échangent entre les hommes. Nous ne voulons plus considérer les deux autres domaines comme deux éléments autonomes au sein de l'organisation sociale. Pas le domaine de l'organisation spirituelle, car cela nous obligerait à admettre la valeur des talents innés de l'individu, et à leur donner leur juste place. Pas non plus le domaine économique, car nous devrions tenir compte de la valeur acquise par l'expérience de chaque individu. La faculté de jugement s'acquiert, avant toute chose, par la pratique de la vie économique. Je n'entends pas seulement la vie économique au sens qu'on pourrait lui donner en trayant les vaches ou en cuisant les choux, je parle de la vie économique au sens large du mot. L'activité économique comporte une bonne part d'activité spirituelle, dans la mesure où les ressources de l'esprit peuvent avoir une valeur économique en agissant sur la production. Il faut d'ailleurs que l'esprit devienne une source de profit, sinon personne ne pourrait vivre en mettant seulement son esprit en jeu. Les activités spirituelles ont également une valeur dans d'autres domaines, mais elles doivent avoir aussi une valeur économique. Il faut considérer avec attention ce genre d'activité économique qui fait appel à des ressources dé l'esprit, dans la mesure où cet esprit contribue à la valeur de la production. C'est cette activité économique [177]fécondée par l'esprit qui engendre le savoir-faire, l'expérience.
Or, aujourd'hui, personne n'est plus capable d'établir une distinction entre les trois domaines où la nature humaine trouve à s'exprimer, exception faite de ceux qui ont recours aux enseignements de la science spirituelle. Les talents innés dont nous jouissons dans notre vie terrestre facilitent notre activité spirituelle dans telle ou telle branche, ou notre habileté manuelle dans tel ou tel genre de travaux, car les aptitudes physiques sont, elles aussi, des dons innés. Or, au stade de développement où l'être humain se trouve aujourd'hui, toutes ces aptitudes n'appartiennent pas complètement à l'entité humaine individuelle. Si nous allons au fond des choses, ce que je vous dis est très paradoxal mais, plus un homme est génial, moins, en fait, il le doit à sa personnalité. Car nos talents, nos aptitudes résultent d'influences cosmiques s'exerçant avant notre naissance, avant même notre conception, conjointement avec des forces héréditaires transmises pendant de nombreuses générations. Voilà, je viens de vous dire ce qu'il en est réellement. Notre génie, nos aptitudes individuelles, tout cela est lié aux forces de la tête.

Quel que soit l'organe mettant en jeu nos aptitudes, même si ces aptitudes semblent résulter d'une disposition musculaire particulière, elles n'en ont pas moins leur origine dans la tête. Leur localisation dans le corps physique humain n'entre pas en ligne de compte. Vous pouvez être un géant, capable de briser un tronc d'arbre, même d'une certaine épaisseur, ou un petit nain, tout cela influence vos possibilités, vos aptitudes. Eh bien, dans un cas comme dans l'autre, tout cela a son origine dans la tête. Tout ce qui peut être considété comme faculté individuelle innée, tout cela vient de la tête.

 

Notre comportement à l'égard de nos semblables tire son origine des rapports réciproques que nous avons avec eux entre la naissance et la mort. C'est le cas pour le langage ainsi que pour toutes les attitudes sociales que nous prenons de notre vivant. Mais le fruit de nos expériences, ce que nous appelons notre expérience s'inscrit dans un tout autre chapitre. Il est très difficile d'en faire la somme, beaucoup plus difficile que nous ne l'imaginons. Nos contemporains deviennent rarement des hommes expérimentés, car ils n'attachent pas d'importance à cette expérience. Nous éprouvons même une certaine pudeur, une gêne à reconnaître ce que nous devons à notre expérience. Lorsqu'ils doivent reconnaître qu'après avoir porté un jugement ils sont obligés, dix ans plus tard, d'avoir un avis différent, ils ont honte d'eux-mêmes, bien à tort d'ailleurs mais, néanmoins, c'est bien ce qui se produit. Donner comme but à sa vie l'acquisition de la sagesse n'est pas un idéal moderne. Nous gaspillons notre vie en dirigeant nos efforts vers des buts qui n'ont rien à voir avec la formation de l'expérience. Pourtant, la manière dont nous formons notre expérience est bien l'expression de notre personnalité. Vous pouvez être un génie de naissance, ce que vous produirez grâce à votre génie ne devra que peu de chose aux actes que vous aurez accomplis dans votre précédente incarnation. Les incarnations précédentes restent le plus souvent inopérantes dans ce que vous créez par votre génie. Car le génie est un don résultant d'interférences entre le cosmos et les forces de l'hérédité maintenues à travers les générations. Les génies sont formés pour le bien de l'humanité. Ils ne tombent pas du ciel pour satisfaire leurs intérêts personnels.
Mais ce que nous accumulons en nous, en devenant plus sages d'année en année, jusqu'à notre vieillesse, nous en éprouvons une sorte de gêne. Pourtant, le fait de devenir plus raisonnables avec les années, de profiter des expériences faites au long de notre vie pour acquérir la sagesse, cela est directement lié à nos incarnations.

[ Voulez-vous que nous voyions de près ce qu'il en est, à ce sujet, avec une personnalité comme Goethe? Cet examen nous donnera des enseignements très riches, très significatifs. Nous pouvons évidemment parler du génie de Goethe, il apparaît dès sa jeunesse. Mais ces facultés, présentes dès son jeune âge, on peut bien le dire, ont la valeur d'un cadeau tombé du ciel. En plus de cela, il y a l'apport de ses incarnations précédentes, il apparaît chez Goethe avec l'âge, à mesure que le personnage devient plus mûr d'année en année, cela se forme et se développe petit à petit. Eh bien, cette maturité acquise par une personne, nos contemporains la haïssent, tout simplement. Goethe s'en plaignait déjà. La valeur de ses oeuvres de jeunesse, celles dont il ne se reconnaissait pas le mérite, était la plus grande aux yeux de public. Par contre, ce même public boudait, dans ses oeuvres, le fruit de l'expérience de toute sa vie qui apparaissait dans ses dernières productions. Je vous ai souvent cité l'aphorisme rédigé par lui à propos de la première partie de son «Faust», à une époque où la deuxième partie n'était pas encore annoncée:
«Ils applaudissent le Faust et tout ce qui résonne dans mon oeuvre en flattant leur goût. Quant à ce qu'ils appellent les vieilles fadaises, cela les amuse beaucoup, ces canailles, ils pensent que je n'y suis déjà plus.»
Mais cette mentalité dure encore à notre époque. V. Vischer, Souabe authentique, pourtant très cultivé et doué, n'a pas manqué de fulminer sur la deuxième partie du «Faust» de Goethe, il l'a même parodiée et traitée de raccommodage et de recollage sans valeur, taillée suivant la mode de l'époque où Goethe vivait.]
Ainsi, de nos jours, nous n'apprécions plus la maturité ni l'expérience acquises. Cette mentalité correspond tout à fait à l'incapacité où notre vie nous place lorsque nous devons répondre à la question: mais quelle est donc la caractéristique d'un être humain qui a acquis la qualité d'homme? Seulé l'expérience d'une vie humaine entièrement vécue peut nous permettre de répondre à cette question. Mais il est bien entendu que cette expérience humaine a été acquise tout entière sous la lumière de l'esprit. Au cours d'une vie humaine individuelle nous devons être constamment sous l'emprise d'un sentiment précis, celui d'acquérir notre expérience non pas seulement en observant la marche des événements d'une manière superficielle et sensible mais aussi en percevant ce qui se dégage de la nature profonde des choses. Il serait presque possible de répondre à ce souhait en le résumant sous la forme d'une question bien précise: comment pouvons-nous, aujourd'hui, dissocier la vie spirituelle et la vie de l'Etat? Continuer à lier ces deux modes d'existence, notre vie spirituelle avec notre vie de citoyen, équivaudrait à nous interdire de développer notre vie spirituelle dans un sens permettant de tirer de la vie terrestre toute l'expérience dont nous avons besoin. L'Etat finirait par dénaturer la vie spirituelle, faute de pouvoir la suivre dans ses cheminements intérieurs les plus subtils, les plus indispensables justement pour former cette expérience valable. Nous ne pourrions attendre de l'Etat qu'une vie spirituelle entièrement démocratique, car la vie de l'Etat conduit nécessairement à la démocratie. La vie spirituelle ne peut jamais agir dans un sens convenant à la démocratie si elle veut rester fidèle à ses tendances profondes. Il faut faire un choix, vous ne pourrez jamais à la fois descendre dans les profondeurs de la vie spirituelle ou de la connaissance de l'homme et respecter les règles de la démocratie. Or, il est indispensable, pour l'Etat, de jouer strictement le jeu démocratique. En vivant comme l'Etat vous demande de le faire, vous ne pouvez juger la conduite de vos semblables autrement qu'ils ne peuvent juger la vôtre. Vous comprenez pourquoi, dans ces conditions, il est impossible d'arriver à connaître la véritable nature de l'être humain.
Cette connaissance de l'être humain doit être élaborée dans un domaine édifié strictement en fonction des activités qui lui sont spécialement réservées, comme c'est le cas pour le domaine des activités spirituelles dont l'ensemble constitue la vie spirituelle. Les hommes continueront à passer les uns à côté des autres sans se reconnaître aussi longtemps qu'ils ne se reconnaîtront pas en esprit.
Cette condition n'était pas nécessaire dans les temps anciens. A ce moment là, les hommes n'étaient pas des êtres aussi comliqués qu'aujourd'hui. D'où vient donc cette complication supplémentaire. Comme je vous l'ai déjà expliqué, mais à un autre point de vue, il se trouve que l'espèce humaine, en tant que telle, ne peut dépasser l'âge de 27 ans. Laissée à elle-même, elle ne peut se développer que jusqu'à l'âge de 27 ans. L'apport qui doit s'ajouter par la suite ne se développe pas de lui-même, comme c'était le cas autrefois. Cette évolution ultérieure doit faire l'objet d'une recherche spéciale, d'efforts particuliers. Aujourd'hui, l'évolution suivie par les jeunes gens jusqu'à l'âge de 27 ans, résulte d'un apport de qualités humaines qui affluent vers eux spontanément. Ils profitent de cet apport, sans avoir besoin d'intervenir, jusqu'à 27 ans. Arrivés à cet âge, la vie ne leur apporte plus rien d'elle-même. Ils n'y peuvent rien. Leur vie risquerait alors d'être creuse et vide, à notre époque, s'ils ne s'efforçaient de développer, à partir de ce moment, une vie spirituelle dont ils ont besoin de s'imprégner. Je vous ai déjà parlé de cette vague de spiritualité qui se déverse alors sur l'humanité entière.

[ Il s'agit là d'une véritable crise. Elle débute, dans chaque vie humaine, vers l'âge de 27 ans, pour durer jusque vers 35 ans. A notre époque, elle est marquée par une série de phénomènes caractéristiques. Car tout ce qui pèse en général sur la vie de notre nature d'homme s'y inscrit en manifestations isolées particulièrement nettes et puissantes. Nous avons ainsi connu, il y a peu de temps, un personnage auquel on prêtait une grande influence, bien qu'il en eut peu. Il dut prendre, à un certain moment, une décision importante. Mais, à ce moment précis, une influence vint à jouer sur cette personne. Elle avait été incarnée précédemment au 9e siècle, dans une localité du Sud de l'Europe où elle s'était livrée à des opérations relevant de la magie noire. Cette circonstance a été suffisante pour introduire, au moment où cette décision devait être prise, un événement inattendu, la mort subite de ce personnage. Entendons-nous, il ne s'agissait, avec cette mort, que de la séparation de l'âme qui s'était réincarnée dans ce corps physique. Malgré cet événement, notre homme était toujours bien vivant en apparence. Pensez-donc, quelle aubaine qu'une telle mort, pour toutes sortes d'esprits ahrimaniens et autres individualités qui pouvaient continuer leur séjour dans ce corps privé d'âme.

Il s'agit là d'un événement parmi tous ceux, très nombreux, qui sont la conséquence des complications de la vie moderne. Ils interfèrent dans les actes de nos contemporains, ils infléchissent leurs destinées. On ne peut guère formuler de jugement sur de tels incidents sans disposer au moins d'un sens très spécial qui puisse jouer dans des cas aussi frappants que celui que je viens de mentionner. Je l'ai souvent dit, certaines personnes ici présentes peuvent le confirmer: nous ne pourrons plus, à l'avenir, porter des jugements sur les événements précurseurs, ou considérés comme tels, de la dernière guerre mondiale. On ne pourra plus le faire comme dans le passé. Lors de ces événements, des fenêtres étaient béantes et toutes sortes d'esprits âhrimaniens pouvaient y pénétrer. En juillet' 1914, des influences spirituelles très spéciales et très douteuses ont pu s'exercer. Nous ne pouvons donc en parler valablement à l'avenir, sans tenir compte de ces facteurs spirituels accessoires et les historiens qui auront à traiter des causes de la guerre mondiale ne pourront les négliger.
Mais pensez combien il est devenu urgent d'adopter cette manière de voir les choses. Pensez aux manifestations de la vie que je viens de placer à la base de ce raisonnement: l'être humain, jusqu'à l'âge de 7 ans, développe son corps physique; jusque vers 14 ans, son corps éthérique; jusque vers 21 ans, son corps astral. De 21 à 28 ans, l'âme de sentiment s'épanouit. Dans cette période, la 27e année est prépondérante. La période suivante, de 28 à 35 ans, coïncide avec le développement de l'âme de raison, puis de l'âme de conscience. Comme vous pouvez le lire dans mon ouvrage «La Théosophie», l'organisation du Moi apparaît avec l'âme de raison.
Ainsi, jusqu'à la 27e année, l'être humain ne reçoit que ce que la nature humaine lui apporte. Il se développe dans l'attente de voir apparaître l'organisation du Moi en même temps que l'âme de raison. Mais cette apparition du Moi ne vient pas d'elle-même. A partir de la 28e année et jusqu'à 35 ans, l'évolution de l'être humain n'est plus spontanée comme avant.
Nous nous trouvons placés aujourd'hui devant cette question capitale. Nous devons mener notre vie au-delà de la vingt-septième année. Nous n'avons rien fait pour développer cette faculté qui doit devenir le véritable sentiment du Moi et, avec lui, le sentiment de toute l'humanité, la connaissance de l'être humain. Qu'en résulte-t-il? Il en résulte une question: Quelle est donc la véritable nature de l'Homme? Elle appelle comme réponse, inéluctablement: laissez-nous tranquilles avec l'homme, nous voulons le surhomme. Cette réponse a quelque chose de lyrique. Ou bien encore, nous entendons: «Je sens en moi quelque chose qui n'est pas en ordre. J'en déduis que je ne suis pas venu au monde comme il conviendrait à un homme d'y venir. Je m'y trouve comme sur une fausse voie. Je ne suis pas seul dans ce cas, nous sommes nombreux à l'être. Nous sentons devoir devenir des hommes hors du commun, nous ne nous soumettons à aucune organisation régulière. A qui la faute? Nous nous sentons coupables devant nous-mêmes et devant la vie!»
Ecoutons maintenant la voie de la science spirituelle. Comment répond-elle à la question: quelle est la véritable essence de l'Homme? C'est la question que pose aujourd'hui notre nature humaine. Je vous demande à mon tour: Nous avons à vivre de notre vie spirituelle, elle nous permet de faire l'expérience vivante de notre esprit, n'est-ce pas un devoir très important, pour notre avenir, de la séparer matériellement de la vie démocratique de l'Etat qui, elle, ne nous permettra jamais d'acquérir dans notre vie une expérience intérieure?
Nous disposons aujourd'hui de facultés de théologie, de droit ou de philosophie, de médecine, de sciences politiques ou de sciences naturelles, je crois, nous avons toutes ces spécialités. Pensez-vous que, dans toutes ces facultés, un enseignement puisse faire allusion, aujourd'hui, à ce que je viens de vous dire. Y entendrez-vous parler de cette coupure d'âge critique, entre 28 et 35 ans, où l'âme humaine peut ressentir un vide intérieur total? Période dans laquelle la perturbation peut aller si loin que l'âme en est anéantie et quitte le corps? A partir de ce moment, s'il en est ainsi, l'homme ne vit plus qu'en apparence, il est littéralement possédé par une nature d'essence ahrimanienne.
C'est une nécessité aujourd'hui, la vie intellectuelle doit déboucher dans la spiritualité, la complexité de notre vie moderne l'exige.

A notre époque, les questions les plus importantes ne viennent plus affleurer en surface. Elles restent enfouies dans le phénomène de la vie courante. Comment une démocratie purement étatique, aussi justifiée soit-elle pour le fonctionnement des rouages de l'Etat, pourrait-elle préparer l'avenir de l'humanité? Nous aurons besoin, à l'avenir, d'hommes éclairés, nous en aurons de plus en plus besoin. Ces hommes auront à nous dire comment ils conçoivent la vie, ils nous le diront sous la forme de messages spirituels, ils nous les apporteront du monde spirituel. Si nous rendions leur mission impossible, l'évolution de la Terre, faute de ces messages, ne pourrait pas atteindre les objectifs qui lui sont fixés.
Une vie spirituelle de ce genre est liée à la liberté dont elle jouira, de son indépendance à l'égard de l'Etat, de son autonomie. Sinon, nous assisterons à la répétition de cette scène, vécue loin d'ici; il s'agissait, dans une école supérieure dont les enseignants finissaient par ne plus avoir rien à dire d'intéressant, de prendre de nouvelles mesures. Au cours de l'assemblée démocratique convoquée dans ce but, des orateurs firent valoir la nécessité de faire appel à des «capacités». Mais les délégués démocrates s'opposèrent à cette tendance et, frappant le sol de leurs bâtons: Nous ne voulons pas de «capacités», nous voulons des gens de compétence moyenne, des hommes moyens.

Man kann sagen, diese Frage: Was ist denn eigentlich der Mensch? Was stellt der Mensch vor im Weltenall? - diese Frage ist von den verschiedensten Schichten der Bevölkerung am ernstesten in der neueren Zeit im Osten Europas genommen worden. Der Westen hatte vielfach anderes zu tun, als über die Frage: Was ist denn eigentlich der Mensch? - nachzudenken. Gewiß, theoretisch wurde viel verhandelt über diese Frage; aber solche theoretischen Verhandlungen, wenn sie nicht durchdrungen sind von wirklichem spirituellem Leben, taugen ja nichts.

Ich will nur einiges anführen von dem, was hinweist auf die im Osten sehnsüchtig gestellte Frage: Was ist denn eigentlich der Mensch? - Es sind bedeutsame Worte, die gerade von Osten gehört werden konnten. Ich habe schon einmal auf ein solches Wort hingewiesen. Unter denjenigen, welche in der neueren Zeit mitgewirkt haben beim Heraufkommen von Anschauungen über die soziale Frage, war einer der begabtesten Menschen Bakunin, später Marxens Gegner. Im Gegensatze zu Marx, der durchaus aus westeuropäischen Vorstellungen heraus das soziale Leben und die soziale Bewegung angegriffen hat, hat Bakunin aus östlichen Vorstellungen und Impulsen heraus die soziale Bewegung angefaßt. Überall glimmt bei Bakunin so etwas durch von einer Lebensphilosophie, von einer tieferen Auffassung und Anschauung des Lebens. Und so rührt denn auch von Bakunin ein sehr bedeutsames Wort her, das Wort, welches die Frage: Was ist denn eigentlich der Mensch? - beleuchten will durch einen Kontrast der Vorstellung des Menschen und der Vorstellung Gottes. Sehen Sie, dieses Wort Bakunins, von dem ich sprechen möchte nun, das ist hervorgegangen aus der Empfindung des modernen Lebens bei Bakunin.

 

Er fand: tief in der menschlichen Natur liegt der Impuls der Freiheit, der Impuls des freien Menschen. Was möchte man denn mehr im Leben als ein freier Mensch sein - so etwa könnte man den Sehnsuchtsimpuls eines Menschen, der ähnlich denkt wie Bakunin, ausdrücken. Gegen diesen Sehnsuchtsimpuls der inneren Menschennatur steht bei einem solchen Menschen die andere Empfindung, die er bekommt von der Betrachtung des modernen Lebens, wo der Mensch eingespannt ist, wenn er den bürgerlichen Kreisen angehört, in eine Unsumme von staatlichen und sonstigen Vorurteilen, wenn er den proletarischen Kreisen angehört, in Industrialismus und Kapitalismus, der Mensch ist eigentlich innerhalb des modernen Lebens für den, der so frei und unabhängig dieses Leben betrachtet wie Bakunin, eine Art Sklave. Die Freiheit muß fundamental gefaßt werden, wie ich es versucht habe in meiner «Philosophie der Freiheit». Wenn diese Freiheit nicht so fundamental erfaßt wird, so wird man immer herumgeworfen werden, auf der einen Seite von der Sucht nach der Freiheit, auf der anderen Seite von der Wahrnehmung des gegenwärtigen Lebens, das alles eher realisiert als die Freiheit. Und so blickt Bakunin förmlich auf zu dem, was Jahrtausende sagen, zu den religiösen Gottesempfindungen der Menschheit und kontrastiert dieses mit dem modernen Leben. «Gott ist, also ist der Mensch frei.» Bakunin stellt sich vor, wenn Gott ist, so kann der Mensch nicht anders sein als frei. «Der Mensch ist Sklave, also gibt es keinen Gott. Ich bin überzeugt,» - sagt Bakunin weiter - «daß niemand aus diesem Kreise heraus kann, und jetzt laßt uns wählen.»

 

Das ist ein Wort, das eigentlich auf die Menschen einen bedeutungsvolleren Eindruck machen sollte - als manches Weltereignis, das eben durch seine Äußerlichkeit geeignet ist, auf die Sensationen der Menschen einen Eindruck zu machen. Wenn man nur die Menschen dazu bringen könnte, Empfindung zu haben für solch ein Wort, durch das ein moderner Mensch gesteht: Ich komme nicht hinaus über das Dilemma; auf der einen Seite müßte ich sagen: Gott ist, also ist der Mensch frei; auf der anderen Seite aber muß ich sagen: Aber der Mensch ist Sklave, also gibt es keinen Gott! - Wir haben zu wählen, zu wählen zwischen der ewigen Sehnsucht des menschlichen Herzens nach Freiheit, und der unbesieglichen Erfahrung des modernen Lebens, daß der Mensch Sklave ist.

Das eine, die Menschennatur selbst, führt zum Gottesbeweis. Das moderne Leben führt zum Atheismus. Und dazwischen gibt es nicht eine Entscheidung - meint Bakunin - auf ein Urteil hin, dazwischen gibt es nur eine Wahl. Man kann so und so wählen, wenn man moderner Mensch ist, weil im Grunde genommen nichts zwingt dazu, etwas anderes zu tun, als zu wählen.

 

Nun kann man ja schon sagen, daß die meisten Menschen heute überhaupt nicht wählen, sondern gedankenlos in diesem Dilemma, in diesem Kreise dahinvegetieren geistig, seelisch. [...]

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Warum gestaltet sich die Antwort auf die Frage: Was ist eigentlich der Mensch? - für den gegenwärtigen Menschen zu einer so außerordentlich schwierigen?

Wenn man das menschliche Leben in seiner inneren Entwickelung ganz nimmt, so zerfällt es eigentlich in drei Teile. Der eine umfaßt dasjenige, was wir als unsere Begabungen, unsere Talente, unsere Fähigkeiten empfinden. Der zweite Teil umfaßt alles dasjenige, was wir im Verkehr mit unseren Mitmenschen, durch die Wechselwirkung unseres Bewußtseins mit dem Bewußtsein anderer Menschen entwickeln. Und das dritte Gebiet umfaßt unsere Erfahrung. Unsere Zeit verhält sich zu diesen drei Teilen der Menschennatur sehr, sehr einseitig, berücksichtigt eigentlich nur den mittleren Teil. Gewiß, es wird ja heute von gewissen Seiten her viel gejammert über das Verkennen begabter Menschen, aber es sind zumeist die begabten Menschen selber, die so jammern. Die hingebungsvolle Art, Begabungen zu pflegen, die kommt ja immer mehr und mehr ab. Ebenso kommt aber eigentlich die Schätzung der menschlichen Erfahrung ab. Der Mensch ist sich heute nicht mehr bewußt - ich habe das öfters ausgeführt -, daß man nicht bloß älter wird, sondern daß man im Älterwerden Erfahrung ansammelt, daß man im Älterwerden klüger, weiser wird. Dieses Gefühl für die menschliche Entwickelung, das kommt auch den Menschen immer mehr und mehr abhanden. Die Menschen wollen heute, nachdem sie ein gewisses Alter erreicht haben, alle gleich weise sein, über alles in gleicher Weise mitreden, und nach der Ansicht vieler soll sich in dieses Mitreden weder die Begabung hineinmischen, noch die durch das Leben errungene Erfahrung. Darauf beruht im Grunde genommen unsere ganze demokratische Weltanschauung, die immer dazu neigen wird, sich selbst ihr Grab zu schaufeln: daß der Mensch, nachdem er ein gewisses Alter erreicht hat, im Verein mit seinen Mitmenschen über Gott und über die Welt und über noch drei Dörfer, über alles mögliche Entscheidungen treffen kann.

 

 

Dasjenige aber, was der Mensch in Verein mit seinen Mitmenschen durch die Wechselwirkung von Bewußtsein zu Bewußtsein entwickelt, das gehört nur dem einen Gebiete des sozialen Lebens, dem Staatsleben an. Der Staat ist allerdings der Götze geworden, gerade aus dem Grunde, weil man nur dasjenige gelten lassen will, was auf die eben angedeutete Weise unter den Menschen pulsiert. Die beiden anderen Gebiete will man nicht als selbständige soziale Organisationen gelten lassen, weil ja in der geistigen Organisation die besondere Pflege der individuellen Fähigkeiten da sein würde. Und in der wirtschaftlichen Organisation würde vor allen Dingen das wirklich ganz durch innere Kräfte zur Geltung kommen, was man die Erfahrung nennt. Im Lebenswirtschaften wird man eigentlich nur gescheiter, wobei ich natürlich unter Lebenswirtschaften nicht bloß Kühe melken und Kohl kochen verstehe, sondern das Lebenswirtschaften im weitesten Kreise. Zum Wirtschaften gehört auch Geistiges, insofern geistige Leistungen einen bestimmten Warenwert haben, und den müssen sie ja haben, sonst würde man von geistigen Leistungen niemals leben können. Sie haben natürlich auch auf anderem Gebiete einen Wert, aber sie haben Warenwert. Gerade aus diesem Wirtschaften, zu dem also das Erzeugen von geistigen Werten gehört, insofern diese Werte Warenwerte sind, ergibt sich die Erfahrung. Nun weiß man heute außer dem Gebiete der Geisteswissenschaft eigentlich gar nicht zu unterscheiden zwischen diesen drei Gebieten der menschlichen Natur. Unsere gewöhnlichen Begabungen, durch die wir entweder in dem einen oder in dem anderen geistigen Zweige begabt sind, oder durch die wir für das eine oder andere geschickt sind, denn auch körperliche Geschicklichkeiten gehören zu den individuellen Begabungen, alle diese Dinge gehören eigentlich, so wie der Mensch heute ist, nicht ganz der individuellen Menschennatur an. Im Grunde genommen, so paradox Ihnen das klingt, je genialer heute ein Mensch ist, desto weniger ist er eigentlich ein individueller Mensch. Denn unsere Begabungen, unsere individuellen Fähigkeiten, sie werden erzeugt durch eine Wechselwirkung des Kosmos vor unserer Geburt beziehungsweise vor unserer Empfängnis, mit den Kräften der Vererbung durch viele Generationen hindurch. Das habe ich einmal dargestellt, wie das ist. Unsere genialen Begabungen und überhaupt unsere individuellen, Fähigkeiten sind alle vom Kopf abhängig.

 

 

 

 

 

 

Worinnen auch die besondere Begabung eines Menschen bestehen mag, mag sie auch scheinbar zusammenhängen mit besonderen Muskelausbildungen, diese besonderen Begabungen haben doch im Kopfe ihren Ursprung, auch insoferne sich diese Begabungen in der Menschenstatur und dergleichen ausdrücken. Ob einer ein Riese ist, der Bäume zerbrechen kann, dickstämmige Bäume, oder ob einer ein kleiner Knirps ist, davon hängt doch seine individuelle Fähigkeit in vieler Beziehung ab. Das hat alles im Kopfe den Ursprung. Was am Menschen gewissermaßen eingeboren ist an individuellen Fähigkeiten, das hat alles aus dem Kopfe den Ursprung.

Was der Mensch im Verhältnis zum Menschen wirkt, das hat eben im Wechselverkehr, in dem Leben zwischen der Geburt und dem Tode den Ursprung, wie die Sprache, so alle sozialen Elemente in dem Menschenleben. Aber mit den Erfahrungen, die wir durchmachen, da betreten wir ein viel, viel schwierigeres Kapitel, als die meisten Menschen sich heute vorstellen, denn die Menschen heute werden sehr selten erfahrene Menschen, weil sie die Erfahrung nicht an sich herankommen lassen. Die meisten Menschen haben gegenwärtig sogar ein gewisses Geniertsein vor dem Erfahrenwerden. Wenn sie gestehen sollten, die Menschen, daß sie über etwas anders urteilen als vor zehn Jahren, sind sie beschämt, obwohl sie nicht beschämt sein sollten, daß sie seit zehn Jahren gescheiter geworden sind, aber sie sind doch beschämt. Die Anwendung des Lebens, um weiser zu werden, das ist kein Ideal des heutigen Menschen. Der Mensch verschleudert heute zum großen Teil sein Leben mit Bezug auf das Erfahrenerwerden. Aber in diesem Erfahrenerwerden drückt sich das Individuelle aus. Sie können ein Kapitalgenie sein: das, was Sie durch Ihr Kapitalgenie hervorbringen, dazu wird nur in sehr geringer Weise mitwirken, was Sie durchgemacht haben in Ihren früheren Inkarnationen. Diese früheren Inkarnationen sind meistens höchst unschuldig an dem eigentlichen Genie-Sein, denn das ist etwas, was bewirkt wird durch eine Wechselwirkung des Kosmos mit den Kräften der Vererbung durch Generationen hindurch. Die Genies, werden der Menschheit gegeben, werden wahrhaftig nicht vom Himmel fallengelassen, damit sie sich selbst befriedigen. Aber dasjenige, was wir uns erwerben, indem wir von Jahr zu Jahr gescheiter werden, bis in unsere alten Tage hinein, davor genieren sich ganz besonders heute die Leute.

Daß wir von Jahr zu Jahr gescheiter werden, daß wir die Erfahrungen des Lebens hinnehmen zum Weiserwerden, das hängt mit unseren Inkarnationen zusammen. [...]

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Mit dem hängt aber zusammen, daß das heutige Leben nichts hergibt zu der Beantwortung der Frage: Was ist denn eigentlich der Mensch als Mensch? - Denn eigentlich kann nur aus der Lebenserfahrung heute die Antwort kommen auf die Frage: Was ist denn eigentlich der Mensch als Mensch? - Aber diese Lebenserfahrung darf nicht so gemacht werden, daß das Geistige dabei ausgeschlossen wird. Man muß im fortschreitenden individuellen Leben nach und nach das Gefühl bekommen können: Du lernst nicht nur von dem äußeren sinnlichen Verlauf der Dinge, sondern du lernst auch aus dem, was aus dem Untergrund der Dinge heraufkommt. Alle diese Dinge sind zu gleicher Zeit so, daß sie heute von einem gewissen höheren Gesichtspunkte aus die Frage fast unvermeidlich machen: Wie lösen wir das Geistesleben vom Staatsleben los? - Würde das Geistesleben mit dem Staatsleben fernerhin verbunden bleiben, so könnte sich dieses Geistesleben nicht so entwickeln, wie es die Menschen brauchen, um wirkliche Lebenserfahrungen zu werden. Der Staat würde das Geistesleben immer mehr verflachen müssen, weil der Staat nicht eingehen könnte auf jene Intimitäten des Geisteslebens, die dann zu den wirklichen Erfahrungen führen. Der Staat könnte sich nur auf ein solches Geistesleben einlassen, das ganz demokratisch wäre, denn dem Staate gehört die Demokratie zu. Das Geistesleben aber in seinen eigenen Tiefen kann nie ganz demokratisch wirken. Sie können nicht in die Tiefe des Geisteslebens und auch nicht in die Tiefe der Menschenerkenntnis hinuntersteigen, wenn Sie bei der Demokratie bleiben. Aber im Staate muß alles demokratisch sein. Im Staate soll nur dasjenige beurteilt werden, was jeder Mensch von jedem Menschen beurteilen kann. So kann aber niemals eine wirkliche Menschenerkenntnis zustande kommen. Die muß weggeschoben werden auf das Gebiet, welches ganz allein eben auf sich selbst gestellt ist, und als Geistesleben für sich verläuft. Die Menschen gehen heute aneinander vorbei und werden so lange aneinander vorbeigehen, bis sie sich im Geist erschauen.

 

 

Das war in älteren Zeiten aus dem Grunde nicht notwendig, weil in älteren Zeiten die Menschen nicht so komplizierte Wesen waren, wie sie heute sind. Die Komplikation in der Menschennatur tritt heute besonders dadurch ein, daß die Menschen eigentlich nur - wie ich es Ihnen von einem anderen Gesichtspunkte aus auseinandergesetzt habe -, das Menschengeschlecht als solches nur siebenundzwanzig Jahre alt wird, das heißt, von selbst sich nur entwickelt bis zum siebenundzwanzigsten Jahre.

Was dann noch kommt, das entwickelt sich nicht von selbst wie in alten Zeiten, für das muß die Entwickelung gesucht werden. Und so ist es heute so, daß der junge Mensch bis zu seinem siebenundzwanzigsten Jahre eine Entwickelung durchmacht, wo ihm die Elemente des Menschentums anfliegen. Er erwartet sie bis zu diesem siebenundzwanzigsten Jahr vom Leben. Jetzt kommt das siebenundzwanzigste Jahr, da gibt das Leben selber nichts mehr her. Er tut aber nichts dazu. Daher beginnt von da ab das Leben hohl und leer, öde zu werden, wenn der Mensch sich nicht aufschwingt, das geistige Leben, von dem ich gesagt habe, daß es wie eine Welle sich über die Menschheit ergieße, heute in sich aufzunehmen. [...]

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Da haben Sie aus der Geisteswissenschaft heraus die Frage: Was ist eigentlich der Mensch? - Sie kommt aus der gegenwärtigen Menschennatur heraus. Ich frage Sie: Ist es nicht eine ernste Aufgabe für die Zukunft, daran zu denken, das Geistesleben, das uns befähigt, Lebenserfahrungen zu machen auch über den Geist, wirklich zu trennen von demjenigen, was niemals intime Lebenserfahrungen geben könnte, von dem demokratischen Staatsleben? Glauben Sie, daß jemals irgend etwas aufkommen könnte an der theologischen oder juristischen oder philosophischen oder medizinischen oder staatswissenschaftlichen oder naturwissenschaftlichen Fakultät - ich glaube, diese Fakultäten gibt es heute schon alle -, was zum Beispiel darauf aufmerksam machen könnte: In dieser gefährlichen Zeit nach dem siebenundzwanzigsten bis zum fünfunddreißigsten Jahre, da kann den Menschen innerlich Verödung ankommen, in einem extremen Fall so, daß die Seele sogar herausfahren kann, so daß der Mensch später eigentlich nur noch scheinbar lebt, indem er besessen ist von irgendeiner ahrimanischen Natur. Die Kompliziertheit des modernen Lebens fordert, daß das Geistesleben wirklich hineinmünden kann in das Geistige.

Die Fragen, die die wichtigsten sind, lassen sich heute nicht an der Oberfläche des Lebens anfassen. Und wie sollte die bloße staatliche Demokratie, die auf dem Gebiete des Staatslebens ganz berechtigt ist, es möglich machen, was nun kommen muß über die Menschheit, daß in der Zukunft Menschen auftreten, die immer notwendiger und notwendiger sein werden, die dasjenige, was sie über das Leben zu sagen haben, ganz und gar als geistige Botschaft aus der geistigen Welt bringen. Würde das nicht möglich sein, daß in die Zukunft der Menschheit hinein geistige Botschaft aus der geistigen Welt getragen werde, dann würde die Erdenentwickelung keineswegs ihr Ziel erreichen können. Aber die Möglichkeit des Auftretens eines solchen Geisteslebens hängt an der Freiheit des Geisteslebens, hängt daran, daß wirklich das Geistesleben emanzipiert vom Staate und auf sich selbst gestellt wird. Sonst wird sich immer wieder vollziehen, was einmal irgendwo, weit von hier, geschehen ist: An einer Hochschule, wo immer nur Menschen lehrten, die nichts Besonderes zu sagen hatten, machten sich in der demokratischen Versammlung Rufe laut, es sollten «Kapazitäten» berufen werden. Aber die Demokraten stießen mit ihren Stöcken auf den Erdboden: Wir wollen keine Kapazitäten, wir wollen mittlere Lüt! Mittlere Lüt!