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Collection: 09 - Nationalisme et âmes de peuple
Sujet : Liberté sociale plutôt que parenté de sang.
 
Les références Rudolf Steiner Oeuvres complètes GA186 115-124 (1990) 07/12/1918
Traducteur: Marie-France Rouelle et Gudula Gombert Editeur: Dervy

 

05009 - Voyez-vous, dans le cours de son évolution, l'être humain est d'une certaine manière parvenu à un point décisif de cette cinquième époque postatlantéenne. Jusque-là, il apportait dans sa vie postnatale la possibilité d'un prolongement de la période prénatale. Que les choses soient bien claires. Jusqu'à notre époque, l'homme porte en lui des forces qu'il n'acquiert pas au cours de l'existence, mais qu'il possède déjà à la naissance, lorsqu'il voit le jour, comme on dit. Ces forces dont il est imprégné pendant la période embryonnaire et qui continuent d'agir tout au long de l'existence, il les posséda jusqu'à la quatrième époque postatlantéenne. Et c'est seulement aujourd'hui que nous sommes devant la grande crise de l'évolution de l'humanité qui fait que ces forces ne peuvent plus prévaloir, qu'elles ne peuvent plus être aussi naturellement agissantes qu'auparavant. En d'autres termes, durant cette cinquième époque, l'homme sera bien plus exposé aux impressions de la vie, pour cette raison que les forces qui s'y opposaient jusque-là, et qui sont acquises pendant la période embryonnaire, ces forces ne le portent plus. Ce dernier point est d'une immense signification.

05010 - Jusqu'à présent, la vie faisait que l'homme ne pouvait acquérir quelque chose entre la naissance et la mort que dans un seul domaine, quelque chose qui donc ne lui était pas donné pendant la période embryonnaire. Mais cela n'était possible que grâce à ce que je vais vous exposer. Nous avons étudié hier, concernant la vie sociale, de singuliers phénomènes liés au sommeil. Lorsque l'homme dort, son moi et son corps astral se trouvent hors de ses corps physique et éthérique; le rapport entre le moi et le corps astral d'une part, et le corps physique et le corps éthérique d'autre part est différent de ce qu'il est pendant la veille. L'homme se comporte différemment envers ses corps physique et éthérique lorsqu'il dort. Or il existe une certaine similitude entre le sommeil et la période embryonnaire, je dis bien similitude et non identité! D'une certaine manière, la vie que nous menons depuis le moment où nous nous endormons jusqu'à notre réveil est semblable, mais non identique, à celle que nous menons entre la conception, ou plus exactement trois semaines plus tard, et la naissance. Lorsque l'enfant est dans le sein de sa mère, il a une vie analogue à celle qu'il aura plus tard, lorsqu'il dormira. Ce qui fait la différence est d'une importance considérable : il s'agit de la respiration, la respiration de l'air extérieur. C'est pourquoi je pouvais dire similaire, mais pas identique. En effet, nous ne respirons pas l'air extérieur lorsque nous reposons dans le giron de notre mère, nous ne sommes appelés à respirer cet air que lors de notre naissance. C'est pourquoi cette vie pendant le sommeil se distingue de la vie embryonnaire. Donc retenez bien ceci : tandis qu'il dort, la vie de l'homme est sous bien des rapports semblable à sa vie embryonnaire. Mais quelque chose intervient ensuite qui ne peut exister qu'entre la naissance et la mort : la respiration. Le fait de respirer l'air extérieur influence notre organisme d'une certaine manière. Or tout ce qui influe sur notre organisme agit aussi sur l'ensemble de nos processus vitaux, et même sur nos processus psychiques. En respirant, nous comprenons le monde autrement que si nous ne respirions pas.
05011 - Or il y a eu dans l'évolution de l'humanité un événement culturel bien précis, et en expliquant cela, nous touchons un grand mystère de cette évolution. Je veux parler de l'Ancien Testament, dont les initiés étaient intimement pénétrés par cette réalité, par le fait que c'est par la respiration que la vie terrestre de l'homme se distingue de sa vie embryonnaire, cette dernière étant sinon semblable à sa vie durant le sommeil. Le rapport des anciens initiés juifs, des initiés hébreux de l'Ancien Testament, avec leur Dieu Iahvé était édifié sur cette connaissance intime de la nature de la respiration. Car, comme nous l'enseigne la Bible, Iahvé s'est manifesté à son peuple. Mais ce peuple, quel était-il ? Eh bien, il avait justement un lien particulier avec cette vérité de la respiration dont je viens de parler. Et c'est pourquoi c'est à lui que fut révélé le fait que l'homme devint homme en recevant le souffle vivant.
05012 - Mais lorsqu'on prend pour base cette nature de la respiration humaine, on parvient à une forme d'intelligence très particulière. On acquiert l'intelligence de la vie abstraite des pensées, que l'Ancien Testament appelle la loi, on adhère à la pensée abstraite. Aussi singulier que cela puisse paraître aujourd'hui à la pensée matérialiste, il est pourtant vrai que la condition essentielle à la force d'abstraction humaine est le processus respiratoire. Le fait que l'homme ait la capacité d'abstraire, qu'il puisse former des pensées abstraites, dans le sens où les lois sont aussi des pensées abstraites, est lié au processus respiratoire, même sur le plan physiologique. En effet, l'instrument du penser abstrait est le cerveau. Celui-ci est pris dans un rythme continuel qui est adapté au rythme respiratoire. J'ai déjà parlé à plusieurs reprises de ce rapport entre le rythme du cerveau et celui de la respiration. Je vous ai expliqué comment le cerveau baigne dans le liquide céphalorachidien qui, lors de l'expiration, s'écoule à travers l'épine dorsale pour descendre ensuite jusque dans la cavité abdominale, comment, lors de l'inspiration, le liquide est à nouveau refoulé de sorte qu'il se produit un va-et-vient continuel : avec l'expiration, une descente du liquide céphalorachidien, avec l'inspiration, une montée de celui-ci avec immersion du cerveau. La capacité d'abstraction de l'être humain est en rapport physiologique avec le rythme du processus respiratoire.
05013 - Ce peuple qui fonda tout particulièrement sa conception sur le processus respiratoire fut donc aussi le peuple du processus d'abstraction. C'est pourquoi les initiés, avec leur sensibilité accordée sur Iahvé, purent donner à leur peuple une révélation très particulière, celle-ci étant tout à fait adaptée au penser abstrait. C'est là le mystère de la révélation de l'Ancien Testament. L'homme a reçu une sagesse adaptée à sa capacité d'abstraction, à sa faculté de penser abstraitement : la sagesse de Iahvé. Dans l'état de conscience ordinaire, l'homme passe en dormant à côté de cette sagesse. Lors de leur initiation, les initiés de Iahvé recevaient tout simplement ce dont l'homme, grâce à la respiration, fait l'expérience depuis le moment où il s'endort jusqu'à son réveil. C'est pour cette raison que ceux qui affectionnent les demi-vérités ont très souvent présenté Iahvé comme la divinité régulatrice du sommeil. Certes, cela est juste. Car il a transmis à l'homme la part de sagesse dont l'homme ferait l'expérience s'il devenait aussi clairvoyant que le sont devenus les initiés afin de faire l'expérience consciente de la vie entre l'endormissement et le réveil. Or, à l'époque de l'Ancien Testament, cela ne fut pas vécu par la conscience ordinaire, mais donné aux humains sous la forme d'une révélation, si bien que ceux-ci reçurent donc en tant que révélation de la sagesse de Iahvé ce qu'ils doivent vivre en dormant. Et cela devait rester enveloppé de sommeil, sans quoi le processus de vie n'aurait pu se poursuivre.
05014 - L'essentiel de la culture de l'Ancien Testament est que la sagesse nocturne est révélée sous la forme de la sagesse de Iahvé. Mais à l'approche du Mystère du Golgotha, cette possibilité avait disparu pour les hommes jusqu'à un certain point, je vous prie de bien vouloir noter que je dis jusqu'à un certain point. Car cette sagesse, qui est en quelque sorte la sagesse de la respiration et du sommeil, représente un septième de ce que l'homme doit développer de sagesse au cours de son évolution. Un septième! Elle est la sagesse d'un des Élohim, de Iahvé. Les six autres septièmes ne purent et ne peuvent approcher l'humanité que si l'impulsion du Christ se répand en celle-ci. De sorte qu'on peut dire : en se manifestant, Iahvé révèle, je dirais, à l'avance, la sagesse nocturne de la respiration. Les six autres Élohim qui, lorsqu'ils sont au complet, c'est-à-dire avec le septième, représentent l'impulsion du Christ, révèlent le reste, la sagesse qui parvient à l'être humain entre la naissance et la mort, autrement que par la respiration.
05015 - L'homme serait en effet devenu un être complètement antisocial au sein de la culture de l'Ancien Testament, si Iahvé n'avait pas révélé l'élément social à son peuple à travers cette loi abstraite qui régla et harmonisa la vie de ce peuple. Or, comme je l'ai indiqué, Iahvé ne put s'imposer comme seul et unique souverain qu'en repoussant les autres Élohim, en les détrônant pour ainsi dire. Mais par là, d'autres entités spirituelles inférieures accédèrent à la nature humaine et s'en emparèrent. L'homme fut ainsi abandonné à ces autres entités, si bien que nous avons deux aspects au cours de l'évolution de cette époque : tout d'abord, la sagesse harmonisatrice de Iahvé dans ce que les juifs appelaient la loi et qui déterminait aussi la vie sociale, et par ailleurs, ce qui s'opposait à cette cohérence sociale, à savoir les entités inférieures proches de la nature humaine, parce que les autres Élohim n'étaient pas encore autorisés à s'approcher des hommes, à l'époque qui précéda le mystère du Golgotha. Les entités inférieures dirigèrent leurs puissantes offensives contre l'élément de Iahvé, dans un sens antisocial.
05016 - Or, il y eut un événement particulier. Dans les années quarante du xixe siècle, Iahvé ne parvint plus à être le maître, à maintenir son autorité sur les esprits adverses, si bien que ceux-ci acquirent une puissance considérable. Et ce n'est en réalité qu'au cours de ce xix° siècle qu'apparut la nécessité de vraiment comprendre l'impulsion du Christ qui, comme je l'ai souvent évoqué, n'en était auparavant qu'au stade de préparation. Il fallait réellement la comprendre, car sans elle la civilisation humaine ne peut se poursuivre. L'élément social de la vie humaine se trouva donc devant cette crise d'importance qui impliquait qu'à l'avenir il serait absolument nécessaire de comprendre l'impulsion du Christ. Car tant qu'elle n'est pas comprise, aucune exigence sociale ne pourra être satisfaite de manière salutaire.
05017 - Tous les siècles, nous en sommes au xxe, au cours desquels le christianisme s'est propagé jusqu'à présent, ne furent que préparation à la véritable compréhension de l'impulsion christique. Car cette impulsion ne peut être saisie que dans l'esprit. Tout s'accomplit progressivement, et à notre époque problématique, où il y a crise en ce qui concerne les choses dont j'ai parlé, voilà ce qui se passe : tel un reliquat du passé, le penchant pour la seule sagesse de Iahvé subsiste encore, cette sagesse qui dépend de ce qui est acquis pendant la vie embryonnaire et que le processus respiratoire, pourtant inconscient, modifie. Celui-ci reste inconscient, et la sagesse de Iahvé doit être révélée à la conscience. Cela dura tant que l'âme de conscience n'avait pas atteint un certain degré de développement. À présent qu'elle l'a atteint, on ne peut plus se contenter de la sagesse de Iahvé qui est accordée sur la respiration. Mais l'aspiration demeure toujours de continuer dans l'ancienne voie que, selon des nécessités intérieures, il n'est plus possible de conserver. Parce qu'entre la naissance et la mort, ce qui est lié à la respiration reste inconscient, la culture juive ne fut pas une culture humaine individuelle, mais celle d'un peuple, où tout est lié à la descendance de l'ancêtre commun. La révélation juive est essentiellement une révélation adaptée à ce peuple en particulier, parce qu'elle tient justement compte de ce qui est acquis pendant la vie embryonnaire et qui est seulement modifié par un phénomène inconscient, le processus respiratoire.
05018 - Que résulte-t-il de tout cela à notre époque critique? Il en résulte que ceux qui refusent de reconnaître la sagesse christique qui apporte à l'être humain l'autre élément, celui qu'on acquiert entre la naissance et la mort, en dehors du processus respiratoire, que ceux-là veulent en rester à la sagesse de Iahvé et axer l'humanité exclusivement sur des cultures nationales. Et l'appel actuel à une répartition des hommes en peuples particuliers est l'appel ahrimanien retardataire à fonder une civilisation où chaque peuple ne représenterait que sa propre culture, donc une civilisation à l'image de celle de l'Ancien Testament. Tous les peuples de la Terre devraient ressembler au peuple juif de l'Ancien Testament : c'est l'appel de Woodrow Wilson.
05019 - Nous touchons là un mystère d'une grande profondeur, un mystère dont la révélation prendra les formes les plus diverses. Un élément social qui est antisocial à l'égard de l'humanité tout entière, qui n'entend fonder le social que dans des peuples spécifiques, voilà les forces ahrimaniennes qui cherchent à se frayer un chemin en sauvegardant l'impulsion culturelle de l'Ancien Testament!
05020 - Vous voyez que les choses ne sont pas aussi simples que bien des gens se l'imaginent aujourd'hui, qu'il ne suffit pas d'imaginer ceci ou cela pour souffler des idéaux à l'être humain. Il faut pouvoir entrer dans les réalités, pouvoir dire ce qui règne et est à l'ceuvre à l'intérieur de ces réalités. L'être humain est en effet appelé à ne plus construire sur le seul inconscient, mais sur la conscience qu'il a du monde dans sa vie entre la naissance et la mort. L'inconscient construit sur le processus respiratoire, et ainsi, bien entendu, sur tout ce qui s'y rattache, la circulation sanguine, c'est-à-dire la descendance, la consanguinité, l'hérédité. La culture qui doit naître à présent ne pourra pas fonder l'ordre social uniquement sur les liens du sang, car ceux-ci n'apportent qu'un septième de ce qui doit être fondé dans la civilisation humaine. Les six autres septièmes doivent s'y ajouter grâce à l'impulsion du Christ, l'un au cours de la cinquième époque, le second dans la sixième, le troisième dans la septième, et le reste au cours des époques suivantes. C'est pourquoi tout ce qui est lié à la véritable impulsion du Christ doit se développer progressivement dans l'humanité, que ce qui ne dépend que de la seule impulsion de Iahvé doit être dépassé.
05021 - Et ce qui sera caractéristique, c'est que, pour la dernière fois, l'impulsion de Iahvé déploiera des efforts considérables et puissants à travers ce que le prolétariat interprétera comme le socialisme international. C'est pour l'essentiel le dernier rebondissement de l'impulsion de Iahvé. Nous voilà devant ce phénomène singulier : chaque peuple deviendra un peuple de Iahvé, mais prétendra en même temps répandre sur la terre entière son culte de Iahvé, son socialisme.
05022 - Voilà à nouveau les deux forces antagonistes entre lesquelles il s'agira de trouver l'équilibre. À la nécessité objective qui s'impose dans la marche de l'évolution de l'humanité se mêlent les sentiments, les émotions des hommes qui se positionnent de telle ou telle manière à l'égard des différents groupes nationaux. Ces sentiments ont une action dérangeante pour le cours objectivement nécessaire de l'évolution. La sagesse de Iahvé a ouvert l'une des sept portes permettant d'accéder aux relations humaines. Une seconde s'ouvrira lorsqu'on reconnaîtra que ce que l'homme porte actuellement en lui dans sa nature physique et éthérique tombe malade au cours de l'existence. Naturellement, il ne s'agit pas d'une maladie aiguë, mais «vivre» signifie aujourd'hui, dans notre cinquième époque, devenir lentement malade. C'est ce qui se passe depuis la quatrième époque, et c'est particulièrement le cas dans la cinquième. Même s'il est lent et progressif, le processus de vie est le même que celui d'une maladie grave, si ce n'est que celle-ci se développe rapidement. C'est pourquoi, de même qu'il faut guérir une maladie grave par un processus curatif spécifique, il faut que quelque chose intervienne dans la vie humaine pour la guérir.
05023 - 1 partir de la cinquième époque postatlantéenne, la vie naturelle des hommes est donc une sorte de processus maladif, lent et incessant. Toute éducation, ainsi que toutes les influences culturelles, doivent avoir pour effet de guérir. C'est pour ainsi dire la première et véritable activité de l'impulsion du Christ : la guérison. Être le sauveur, le guérisseur, voilà la mission particulière de cette impulsion au cours de cette cinquième époque postatlantéenne. Les autres formes de l'impulsion christique doivent rester à l'arrière-plan. Pour la sixième époque, elle agira surtout pour la clairvoyance. Car c'est le moment où le soi-esprit se développera, et l'être humain ne pourra pas y vivre sans posséder la clairvoyance. Pendant la septième époque se développera un troisième aspect, qui sera de nature prophétique, le passage à une ère tout à fait nouvelle devant se faire de manière prophétique. Les trois autres aspects de la sagesse christique, elle en comporte six, agiront tout au long des périodes suivantes. Ainsi, au cours de l'actuelle période de culture et des deux qui lui succéderont, l'impulsion du Christ, tour à tour processus de guérison, processus de clairvoyance et processus de prophétisme, devra s'inscrire dans l'humanité comme l'élément qui enflammera les hommes sur le plan social. C'est ainsi que cette impulsion s'intégrera réellement, et cela imprègne toutes les choses que nous avons déjà évoquées au sujet de l'évolution. La sagesse de Iahvé a ouvert une porte, mais elle est devenue inutilisable depuis le milieu du xixe siècle. Si l'humanité ne devait se limiter qu'à cette porte, on ne pourrait éviter que, d'une certaine manière, tous les peuples ne développent, selon la forme, des cultures hébraïques. D'autres portes doivent être ouvertes, c'est-à-dire que la sagesse initiatique qui se trouve révélée lorsqu'on franchit une seconde porte, une troisième, une quatrième, doit s'ajouter à la sagesse que la porte ouverte par Iahvé permet d'acquérir. Il n'y a pas d'autre manière pour l'homme de grandir vers un autre ensemble de relations que celui gouverné par les liens du sang, c'est-à-dire ceux de la respiration. Cela sera à l'avenir d'une importance considérable.
05024 - Et c'est à nouveau ce qu'il y a de problématique à notre époque : les hommes veulent continuer à réguler l'ordre du monde selon ces liens du sang, c'est-à-dire d'une manière ahrimanienne, appartenant à une époque révolue; mais en même temps, une nécessité intérieure cherche à dépasser cette consanguinité. À l'avenir, rien de ce qui d'une manière ou d'une autre procède d'un lien parental quelconque ne pourra régler le social, seul comptera ce que l'âme elle-même, par une décision libre, jugera comme valable pour régler l'ordre social. Une nécessité intérieure guidera les hommes en quelque sorte pour que la loi du sang disparaisse. Toutes ces choses se manifesteront tout d'abord dans le tumulte. La connaissance de l'esprit et la liberté de pensée, notamment la liberté de pensée dans le domaine religieux, devront se développer à notre époque. La science de l'esprit doit se développer pour cette raison que l'être humain doit entrer en rapport avec l'être humain. Or, celui-ci étant esprit, on ne peut entrer en rapport avec lui qu'en prenant l'esprit pour point de départ. L'ancien rapport qu'entretenaient les hommes était basé sur l'esprit inconscient, vibrant dans le sang selon la sagesse de Iahvé, qui ne peut mener qu'à l'abstraction. L'élément nouveau vers lequel l'homme doit être conduit à présent devra être appréhendé par l'âme. Dans les anciennes civilisations, c'est dans l'imagination et à partir de l'atavisme que les peuples païens puisaient les mythes. Le peuple juif avait, lui, ses abstractions, pas des mythes, non, mais des abstractions : la loi. Puis cela s'est perpétué. Pour la première fois, l'être humain s'éleva jusqu'à la force de représentation, la force de pensée. Mais il lui faut revenir de sa conception actuelle, où ne vit plus que le «tu ne te feras pas d'image de ton Dieu (3)», à cette faculté qui permet à l'âme de se créer des images, mais cette fois-ci consciemment. Car, à l'avenir, la vie sociale ne pourra être édifiée de façon juste qu'avec des images, des imaginations. Avec les abstractions, en effet, elle ne pouvait être réglée que selon le principe de l'appartenance à un peuple, et l'exemple le plus parlant de ce genre sur le plan social est celui de l'Ancien Testament. Ce qui régira à l'avenir la vie sociale dépendra de la faculté d'exercer consciemment cette même force qui animait l'aptitude de l'homme à créer des mythes, mais qui à l'époque était encore atavique, inconsciente ou semi-consciente. Les hommes se pénétreraient complètement d'instincts antisociaux, s'ils persistaient à ne promulguer que des lois abstraites. Il leur faut parvenir à un mode imagé grâce à leur conception du monde. Alors, de cette création consciente de mythes naîtra aussi la possibilité de développer l'élément social dans les relations d'être humain à être humain.