triarticulation

Institut pour une triarticulation sociale
(version française du site allemand)
Conditions d'utilisation.

Accueil

 

Deutsch EnglishDutchSkandinaviskFrançais ItalianoEspañolPortuguês (Brasileiro)Russisch
Recherche
 Contact   BLOG  Impressum 

Collection: 09 - Nationalisme et âmes de peuple
Sujet : La surproduction comme une formation sociale de cancer
 
Les références Rudolf Steiner Oeuvres complètes GA153 172-175 (1997) 14/04/1914
Traducteur: Editeur: SAF

 

. Je désire vous faire connaître une chose purement extérieure, mais dont l'importance est considérable ; l'exemple vous montrera comment, uniquement du fait que l'on comprend les lois de la vie spirituelle, on pourra progressivement, sur le plan physique, porter un jugement sain sur le contenu véritable de l'existence. Si nous considérons la nature, elle nous offre le singulier spectacle de toutes les espèces vivantes : elles ne se servent que d'un nombre limité de germes pour perpétuer leur existence, alors qu'une énorme quantité de germes est vouée à la destruction. Regardons par exemple la masse innombrable des oeufs de poissons qui sont dans les mers ; peu d'entre eux seulement deviendront des poissons, les autres seront anéantis. Et dans la campagne, les grains de blé sont produits en nombre incalculable, dont une quantité limitée ensemencera les champs. Les autres seront consommés sous forme de nourriture par l'homme ou seront employés à d'autres usages. Dans la nature doivent donc être produits infiniment plus de germes que ceux qui fructifient et croîtront dans le cours en quelque sorte régulier de l'existence. Dans la nature, où règnent l'ordre et la nécessité, il est bon par conséquent que son propre courant d'existence et de fructification, qui trouve son fondement en lui-même, soit séparé de ce qui se répand dans l'immense fleuve de l'existence toujours en mouvement, et où ces germes sont en quelque sorte utilisés à son service. Si tous les germes se développaient réellement jusqu'au niveau d'évolution qui est en eux à l'état latent, les êtres ne pourraient pas vivre. Il faut que des germes soient employés à ce que se forme pour ainsi dire un sol à partir duquel des êtres puissent croître. C'est dans la mâyâ qu'en apparence quelque chose se perd, car en réalité rien ne se perd dans l'activité créatrice de la nature. Dans cette nature règne l'esprit, et dans le fleuve qui jamais ne s'arrête de l'évolution universelle, ce qui est — en apparence — perdu obéit à la sagesse spirituelle, à une loi de l'esprit ; nous devons considérer les choses du point de vue de l'esprit. Nous saurons bien alors discerner pourquoi ce que le torrent du devenir [155] universel semble avoir balayé a parfaitement sa justification dans l'existence. La chose est fondée en esprit, et c'est aussi pourquoi, dans la mesure où nous menons une vie spirituelle, elle a une valeur sur le plan physique.
Prenez, mes chers amis, un cas concret et qui nous touche de près : nous devons faire connaître notre science de l'esprit par des conférences publiques. Le public à qui nous parlons n'a pu être informé autrement que par les affiches publiques. Il se passe là quelque chose qu'on peut comparer au sort des grains de céréales, dont une partie seulement est utilisée dans le fleuve de l'existence qui coule sans trêve. Nous ne devons pas avoir peur d'apporter à des gens quelquefois très, très nombreux, apparemment au hasard, des fleuves de vie spirituelle, alors qu'à l'issue peu d'entre eux seulement se séparent de la masse en entrant réellement dans la vie de l'esprit, deviennent des anthroposophes et nous rejoignent dans le fleuve qui coule sans trêve. Sur ce terrain, il y a en outre le fait que les germes qui ont été semés touchent bien des gens qui diront par exemple en sortant de la conférence : C'est fou, les bêtises qu'a racontées ce gars ! — Si on applique cela directement à la vie extérieure, on considère que c'est comme les oeufs de poissons qui se perdent ; mais une investigation plus approfondie voit la chose d'un point de vue tout différent. Ces âmes venues à cause de leur karma et qui disent en partant : C'est fou, les bêtises qu'a racontées ce gars ! — elles ne sont pas encore mûres pour accueillir la vérité de l'esprit, mais dans l'incarnation actuelle, c'est une âme qui a besoin d'avoir senti vibrer la force qui émane de cette science de l'esprit. Or, ces gens en garderont quelque chose, ils ont beau critiquer ferme, la force restera dans leur âme, les germes ne seront pas perdus et trouveront leur chemin. L'existence obéit à des lois spirituelles qui sont les mêmes pour le spirituel dans l'ordre de la nature ou dans le cas que nous avons évoqué et qui est le nôtre.

 

 

 

 

Admettons maintenant que nous voulions transposer la même chose dans la vie matérielle extérieure et que quelqu'un dise : Eh bien, faisons-en autant dans la vie extérieure ! — Or, mes chers amis, c'est justement parce qu'on fait ce que je vais décrire que nous allons vers un avenir où les expressions extérieures deviendront toujours plus énormes. La production se fait de plus en plus massivement, on met en route des usines sans se demander s'il en [156]
existe le besoin. Comme c'était autrefois l'usage, le tailleur du village ne confectionnait un vêtement que lorsqu'on le lui commandait. C'était alors le consommateur qui disait la quantité à produire ; aujourd'hui, on produit pour le marché et on entasse au maximum la marchandise. La production s'effectue tout à fait selon le principe d'après lequel crée la nature. La nature est continuée dans l'ordre social. D'abord, cela ira sans cesse en augmentant. Or, nous sommes ici dans le domaine du matériel. La loi spirituelle ne s'applique pas à la vie extérieure, du fait justement qu'elle vaut pour le monde spirituel, et il en résultera une chose très étrange. Comme nous sommes entre nous, nous pouvons dire une chose comme celle-là. Nous n'aurions certes aucune compréhension à attendre du monde d'aujourd'hui.

On produit donc actuellement pour le marché sans tenir compte de la consommation, tout à l'opposé de ce qu'expliquait mon article Science de l'esprit et question sociale' ; tout ce qui est produit est stocké dans les entrepôts par le jeu des marchés financiers, et on attend ensuite de voir quelle quantité aura été achetée. La tendance ira en s'accentuant jusqu'à ce que — la suite vous dira pourquoi — elle se détruise elle-même. Du fait que cette sorte de production s'introduit dans la vie sociale, elle déclenche dans le tissu social des hommes sur terre exactement ce qui se déclenche dans l'organisme quand un carcinome commence à se développer. Exactement la même chose, une formation tumorale, un carcinome, un cancer de la civilisation, un carcinome culturel ! Au regard de l'esprit, la vie sociale révèle le cancer en train de se former ; partout se dessinent les germes effrayants de formations cancéreuses dans le social. C'est l'inquiétude à l'égard de la civilisation qui étreint l'investigateur des dessous de l'existence.

C'est si terrible, si angoissant que même si on pouvait réprimer tout enthousiasme pour la science de l'esprit et empêcher de parler en faveur de cette science, on se sentirait obligé de crier au monde, pour ainsi dire, quel remède appliquer à ce qui s'est déjà déclaré et va s'intensifier dangereusement. Ce qui dans son domaine doit appartenir à une sphère où la création est semblable à celle de la nature, à savoir la diffusion des vérités spirituelles, devient une formation cancéreuse lorsqu'elle entre dans la civilisation comme nous l'avons décrit. [157]

 

On ne pourra ni discerner cela ni y porter remède tant que la science de l'esprit n'aura pas conquis les coeurs et imprégné les âmes. Et quand vous voyez ce qu'il en est, vous voudriez bien porter dans vos paroles l'ardeur la plus enflammée pour mettre en garde vos contemporains, tous ceux qui sont capables de comprendre vers quel avenir nous allons !