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Collection: 09 - Nationalisme et âmes de peuple
Sujet : Économie de guerre par les frontières nationales
 
Les références Rudolf Steiner Oeuvres complètes GA024 220-225 (1982) 00/08/1919
Traducteur: Daniel Kmiecik Editeur: SITE

 

L’un des faits les plus significatifs, dans l’évolution la plus récente de l’histoire de l’humanité, c’est la contradiction qui s’est progressivement installée entre les missions que l’État s’est données et la tendance qu’a prise la vie économique. Les États s’efforcèrent en cela de contenir l’ordre de la vie économique dans le cercle de leurs obligations et à l’intérieur de leurs frontières. Les personnes et groupes de personnes qui prennent soin de la vie économique, recherchent dans la puissance étatique une appui pour leur activité. Un État fait face à un autre, non seulement en tant que domaine de culture spirituelle et du droit, mais aussi en tant que porteur des intérêts économiques qui se font valoir à l’intérieur de ce domaine.

La manière de penser née du marxisme voudrait, non seulement continuer ses efforts de l’État, mais encore les configurer à l’extrême. Elle voudrait faire passer la forme économique capitaliste privée, par la socialisation des moyens de production, dans une forme de mise en coopération des biens et se servir pour cela des cadres des États actuels. Les exploitations se trouvant dans ces cadres doivent être regroupées en organismes économiques, dans lesquels, conformément à une planification, on veille à la production et à la répartition des produits en fonction des besoins existants pour les habitants de l’État.

Cette aspiration va à l’encontre de l’évolution qu’a prise récemment la vie économique. Celle-ci a en effet, tendance, sans considération des frontières étatiques existantes, à évoluer vers la formation d’une économie mondiale unitaire. L’humanité sur la Terre entière veut devenir une seule et unique communauté économique. Dans celle-ci, les États se trouvent d’une manière telle que les êtres humains qui vivent en eux sont maintenus ensemble selon des intérêts qui, dans une large extension, contredisent les relations économiques qui veulent se déployer. La vie économique veut croître et dépasser la forme étatique qui est née des conditions historiques, lesquelles, en aucune façon ne furent jamais adaptées aux intérêts économiques.

La catastrophe de la Guerre mondiale a manifesté ouvertement le désaccord de la forme étatique historiquement devenue et des intérêts de l’économie mondiale. Une grande partie des causes historiques doivent être recherchées dans le fait que les États ont tiré tout le profit possible de la vie économique pour renforcer leur puissance, ou bien que les êtres humains actifs dans l’économie ont recherché l’accélération de leurs intérêts économiques au moyen de l’État. Les économies nationales se positionnèrent donc en perturbatrices de l’économie mondiale aspirant à l’unité. Elles recherchèrent à empocher économiquement pour elle des profits qui ne devaient en fait que circuler dans la vie économique universelle.

Dans les États, les intérêts spirituels et juridico-politiques s’allièrent à ceux économiques. De la manière dont, au cours du devenir historique, ont résulté les frontières de l’État, la meilleure façon de veiller au spirituel et au juridico-politique à l’intérieur de ces dernières ne coïncide pas avec la mise en oeuvre la plus avantageuse sur le plan économique. Et quand on prendra au sérieux les exigences justifiées de l’humanité moderne vers la liberté dans la vie de l’esprit, la démocratisation de la vie de l’État et la socialisation de l’économie, alors on ne pourra absolument plus penser que les administrations de l’esprit et des circonstances du droit doivent servir également de règle pour l’ordonnancement de la vie économique. Car les relations internationales de nature spirituelle et juridique devraient alors s’adapter servilement aux conditions économiques, lesquelles dans leur manière d’être ont quelque chose de contraignant pour les conformations de celles-là.

Le socialisme marxiste surmonte et, au plan théorique, va facilement même encore plus loin, que la réflexion caractérisée ici. Il s’abandonne à l’opinion que les conquêtes de l’esprit et les mesures juridiques sont des résultats idéologiques des réalités économiques. D’où il croit, qu’on n’a pas d’abord à se préoccuper de la conformation du spirituel et du droit. Il veut créer une grosse économie parfaite, et il est d’avis qu’au sein de celle-ci, des relations de vie spirituelles et juridiques naîtront, dont les relations internationales d’« elles-mêmes » se mettront en place, lorsque les grosses économies entreront en échanges commerciaux les unes avec les autres. Ce socialisme a percé à jour une vérité ; mais cette vérité est unilatérale. Il a reconnu, que dans les structures étatiques apparues jusqu’à présent, on dirige les secteurs de production et on administre les marchandises, et que la direction de cette administration est réunie à un gouvernement sur les êtres humains, qui ne correspond plus à la liberté de la vie de l’esprit et à la configuration parfaite du droit. De cette connaissance, il tire la conclusion qu’à l’avenir, les marchandises ne seront que davantage gérées et les branches de production ne seront que davantage dirigées par l’organisme social. Parce qu’il pense que le spirituel et le politico-juridique n’en résultent que d’« eux-mêmes », il ne s’aperçoit pas que dans la mesure où l’on en a fini, en même temps, avec l’ordonnancement des branches de production, de gouverner les hommes qui y sont actifs, ce gouvernement doit être remplacé par quelque chose d’autre.

L’idée de la Dreigliederung tient compte de ce que le socialisme marxiste laisse échapper et refuse même de voir. Elle met à exécution de n’administrer la vie économique qu’à partir des points de vue qui ne résultent qu’exclusivement d’elle-même. Mais par cette idée, il est aussi reconnu que les besoins spirituels et les revendications juridiques des êtres humains doivent être ordonnés selon des administrations à part. Mais de ce fait aussi, les relations spirituelles internationales et les relations juridiques seront indépendantes de la vie économique qui doit suivre son propre chemin.
Ainsi des conflits qui résultent d’un territoire de vie seront rééquilibrés par un autre. Deux États ou bien confédérations d’États, qui sont dans une conflit économique, entraînent leurs intérêts spirituels et juridiques dans ce conflit, lorsqu’ils sont des États unitaires, dans le sens qu’au sein de leur gouvernance administrative, les réglementations spirituelles, juridiques et économiques sont enchaînées. Dans des organismes sociaux, qui pour chacun de ces trois domaines de vie dispose d’une administration propre, par exemple, des relations d’intérêt économique pourront agir en compensant des intérêts spirituels contradictoires.

Au Sud-Est de l’Europe, d’où la catastrophe de la Guerre mondiale a pris son départ, on pouvait observer comment sévissait la confusion de ces trois domaines de vie sous l’État unitaire. L’opposition spirituelle entre le slavisme et le germanisme, se retrouvait communément à la base de l’événement. À elle s’ajouta un élément politique de droit public. En Turquie, les jeunes Turcs, qui pensaient démocratiquement, remplacèrent l’ancien gouvernement réactionnaire. En conséquence de cette reconfiguration politique intervint l’annexion de la Bosnie-Herzégovine par l’Empire autrichien, qui ne voulait pas rester simple spectateur de la manière dont les habitants de ces régions, introduisaient la démocratie turque dans leur parlementarisme, quoiqu’ils appartinssent nonobstant juridiquement à la zone d’occupation de la Turquie existante depuis le Congrès de Berlin. Un troisième élément s’introduisit avec l’aspiration économique de l’Autriche. Celle-ci avait en vue de construire une ligne ferroviaire de Sarajevo à Mitrovica et d’établir ainsi une liaison commerciale, qui était dans son intérêt, avec la Mer Égée. De ces trois facteurs décisifs résulta un élément en partie important dans les causes originelles de la guerre. Si la voie ferrée n’avait été construite qu’à partir de considérations économiques et par des administrations économiques, elle n’eût pas été un enjeu dans les forces conflictuelles politiques qui existaient entre les États pour des raisons diverses.

Il est évident de voir aussi, dans les négociations sur le problème de Bagdad (1), que des intérêts nationaux-spirituels et politico-juridiques se sont fait constamment prévaloir à l’encontre des points de vue économiques. L’avantage économique d’une telle voie ferrée aurait pu être envisagé complètement à partir du point de vue de l’économie mondiale, si seules avaient exclusivement pris part aux négociations des administrations économiques, dont les décisions n’eussent pu être déterminées par d’autres intérêts d’État.

On peut naturellement rétorquer qu’un telle confusion des intérêts économiques avec le spirituel et le politico-juridique existait aussi autrefois dans les anciens conflits entre les États. Mais cette objection de devrait pas être faite à l’encontre de l’idée de la Dreigliederung de l’organisme social. Car cette idée a été formée à partir de la conscience actuelle de l’humanité, pour laquelle des catastrophes historiques de ce genre ne sont plus supportables, alors qu’elles avaient été autrement éprouvées par les hommes des époques antérieures. Des être humains, qui contrairement à ceux actuels, ne s’efforçaient pas à la liberté de la vie de l’esprit, ni à la démocratisation des conditions politiques, ni à la socialisation de la vie économique, ne pouvaient absolument pas avoir comme perspective un organisme social qui ne réalise sérieusement que leur aspiration. Pour la sorte d’organisme social qu’ils pensaient instinctivement adapté à eux-mêmes alors, les conflits internationaux correspondants représentaient aussi quelque chose qu’ils devaient accepter à la manière d’une nécessité de la nature.