L'hygiène,
un
problème social.
par
Rudolf
Steiner
N.d.l.r.:
Nos
lecteurs trouveront aux pages qui
suivent (ainsi que dans notre
prochain numéro) le texte d'une
conférence publique tenue par
Rudolf
Steiner le 7 avril 1920 à Dornach,
et insérée dans une
série
de vingt conférences médicales
destinées aux médecins et aux
étudiants en médecine, au cours
desquelles furent abordés divers
domaines
comme l'anatomie, la physiologie, la
pathologie et la
thérapie. Cette conférence, inédite
en français jusqu'à présent,
figure
dans «Physiologisch-Therapeutisches
auf
Grundlage der Geisteswissenschaft»,
(volume
314) de l'édition
complète des oeuvres de Rudolf
Steiner
(Dornach, Suisse).
En
réalité donnée dans les premiers
cours universitaires au
Goetheanum ga 73a
Personne,
dans des cercles aussi larges que
l'on voudra, ne mettra
en doute que le problème social fait
partie de ce qui préoccupe le
plus les temps présents; et partout
où un cœur reste tant soit peu
sensible
à ce qui résulte aujourd'hui de
l'évolution de l'histoire humaine,
sensible aux impulsions d'avenir,
menaçantes ou demandant
à être élaborées, partout il sera
possible de résumer la
situation par
les termes problème
social. Mais
il faut se dire que les vues sur
ce problème social, la façon dont on
le traite, souffrent d'un mal
fondamental,
dont est atteint de nos jours une
grande partie de notre intelligence
en quête de connaissance, de notre
vie morale, et
même de toute notre civilisation: à
savoir l'intellectualisme de
notre
époque; une grande partie de tout
cela souffre du fait que ces
problèmes
de notre époque sont placés si
souvent dans la seule optique
dune considération intellectuelle.
Un tel ou un autre débattera du
problème social d'un point de vue
situé plutôt à droite ou plutôt
à
gauche. Le caractère intellectuel de
ces débats réside dans le
fait
que l'on part de certaines théories,
que l'on part de ce que ceci ou
cela
devrait
être, que l'on part du fait que ceci
ou cela devrait être
aboli.
Dans tout cela on prend peu d'égard
à l'homme lui-même. On
traite l'homme comme s'il existait
quelque chose de général nommé
«homme»,
comme s'il existait quelque chose qui
ne serait pas,
vu sous un certain angle, formé de
façon toute individuelle en
chaque être humain. On ne dirige pas
ses considérations sur
l'aspect
spécifique et sur le caractère
propre de l'homme pris isolément.
C'est aussi la raison pour laquelle
toutes nos considérations sur
le problème social acquièrent
quelque chose d'abstrait, quelque
chose
qui de nos jours se déverse si peu
dans les sentiments sociaux, dans
les convictions intimes se jouant
d'homme à homme. C'est
certainement
de la façon la plus nette que l'on
remarque l'indigence des
considérations
sociales lorsqu'on dirige son
attention sur un
domaine
particulier, un domaine tel qu'il se
prête mieux que bien d'autres
à être l'objet de considérations
sociales, lorsqu'on dirige son
attention par exemple sur le domaine
de l'hygiène, dans la mesure
où l'hygiène est affaire du public,
dans la mesure où elle ne
concerne
pas l'individu mais la communauté
humaine.
Il
est vrai que de nos jours, nous ne
manquons absolument pas de
directives d'hygiène, de traités et
d'écrits sur la médecine
publique considérée
également comme affaire publique.
Toutefois il est nécessaire
de s'interroger. ces directives, ces
considérations sur l'hygiène,
comment s'insèrent-elles dans la vie
sociale? La réponse suivante
s'impose: l'insertion est telle, que
les discours particuliers sur
la médecine publique correcte, et
qui sont publiés en tant que
résultat
de la science des médecins, de la
science physiologique et
de celle de la médecine, comme d'une
certaine façon également la
confiance que l'on a dans un
domaine, un domaine dont on n'est pas
en mesure d'examiner l'essence
intérieure, que ces discours et
confiance doivent constituer le
fondement pour l'acceptation de
ces règles. C'est sur l'autorité
seule que repose l'acceptation,
par les cercles concernés les plus
larges — tout le monde est en
effet
concerné—, de ce qui d'une certaine
façon, au sujet de l'hygiène
surgit
en public à partir des lieux
d'étude, des lieux de recherche, des
laboratoires des médecins. Mais si
l'on est convaincu qu'au cours de
l'Histoire moderne, qu'au cours des
quatre derniers siècles,
l'humanité
a senti naître en elle l'aspiration
à tout voir réglé d'après
des
principes démocratiques, alors on
prend conscience, comme d'une
contradiction, — même si ce
phénomène peut apparaître grotesque
à beaucoup d'entre nous —, de cette
position antidémocratique
qu'est la seule soumission à
l'autorité à laquelle on fait appel
dans le domaine de l'hygiène.
Le
caractère antidémocratique de cette
adhésion à l'autorité
s'oppose
à l'aspiration vers la démocratie,
aspiration qui, peut-on dire,
s'est développée de nos jours et de
façon très paradoxale jusqu'à
un
point culminant.
Je
sais très bien que ce que je viens
de prononcer, beaucoup le
trouveront bien paradoxal; car on
n'a pas l'habitude d'associer l'art
et la manière dont on accepte ce qui
se rapporte à la médecine
publique,
à l'exigence démocratique concernant
la chose publique et
qui est affaire de tout individu
devenu majeur, exigence à ce que
cette communauté d'individus majeurs
émette son jugement,
directement
ou par l'intermédiaire de ses
représentants. Certes, il y a lieu,
de rétorquer il n'est peut-être pas
possible que s'épanouisse de
façon pleinement démocratique
quelque chose comme un point de
vue sur l'hygiène, comme une culture
de l'hygiène dans la vie
publique,
car cela dépend du jugement de celui
qui pratique la recherche
dans un domaine donné. Mais de
l'autre côté, il est tout 'de
même légitime de se demander: dans
un domaine comme la médecine
publique, ne doit-on pas y aspirer
vers une plus grande
démocratisation
que ce n'est le cas dans l'état
actuel des choses, dans
un domaine qui est si proche, si
infiniment proche de chaque
individu,
et partant, de l'ensemble de la
communauté?
Bien
sûr, beaucoup de choses sont dites
aujourd'hui sur l'art et la
manière dont l'homme doit se
comporter au regard de l'air ambiant
et
de la lumière, au regard de la
nourriture, au regard du traitement
des
déchets produits par l'homme
lui-même ou par la nature, etc...
etc...
Mais ce qui est jeté au milieu de
l'humanité en tant que règles
concernant ces choses, est, pour la
plupart, invérifiable par ceux
auxquels ces règles doivent
s'appliquer.
Cela
étant, je ne voudrais pas être mal
compris; je ne voudrais pas
que l'on m'attribue, dans cette
conférence placée sous le thème
«L'hygiène,
un problème social», l'intention de
prendre position pour
quoi que ce soit de particulier. Je
ne voudrais pas, d'une certaine
façon, examiner unilatéralement ce
que l'on a l'habitude de
traiter,
précisément de façon unilatérale,
d'un point de vue partisan ou
du point de vue d'une conviction
scientifique. Je ne voudrais pas, —
permettez-moi, dans cette
introduction, cette digression apparente
par rapport au développement central
—, je ne voudrais pas prendre
partie ni pour l'ancienne
superstition croyant que le diable et
les démons se promènent en tant que
maladies et pénètrent dans
les hommes et en sortent, ni pour la
superstition moderne croyant
que les bacilles et les bactéries
pénètrent dans les hommes et
en sortent, et provoquent les
maladies. Que l'on ait affaire à une
superstition
spiritiste, spirituelle, venue des
temps reculés, ou à une
superstition
matérialiste, ne nous importe pas
particulièrement aujourd'hui.
Mais je voudrais mentionner quelque
chose qui imprègne tout
ce qui s'échafaude à notre époque,
dans la mesure où cela dépend
des convictions scientifiques
fondamentales de notre époque.
Même si de nos jours beaucoup de
voix assurent que du point
de vue scientifique, le
matérialisme, tel qu'il régnait au
milieu
et
encore au cours du dernier tiers du
XIXe siècle, était dépassé,
cette
affirmation n'est en fait pas
valable pour celui qui perce,
réellement
à jour le matérialisme et son
opposé; car ce matérialisme est
dépassé
pour tout au plus quelques-uns qui
voient que les faits scientifiques
contemporains ne permettent pas
d'affirmer en bloc: «tout ce
qui existe n'est que processus
mécanique, physique ou chimique, se
déroulant dans le monde matériel».
Rien n'est gagné lorsque
certains,
contraints pas la force des faits,
parviennent à cette conviction.
Car en face de ces convictions se
dresse l'autre fait, à savoir
que malgré cette conviction, ceux
qui la possèdent, et à plus
forte
raison les autres, prennent tout de
même avec leur façon de penser
la direction matérialiste lorsqu'il
s'agit d'expliquer concrètement
une chose ou une autre, ou de se
former un point de vue sur quelque
chose de concret. On dit bien que
les atomes, les molécules, sont
des façons anodines de s'exprimer,
au sujet desquels on n'a pas
d'autre prétention que de les
considérer issues de la pensée.
Mais
la façon de considérer les choses
est tout de même restée une
façon atomistique ou moléculaire de
voir. Nous tirons les
explications
à partir des phénomènes du
comportement et à partir des relations
réciproques des atomes ou des
processus
moléculaires; et il est
sans importance ici que nous nous
représentions qu'une pensée,
qu'un
sentiment
ou que tout autre processus ne sont
liés qu'aux processus
matériels des atomes et molécules, car
ce qui importe, c'est
la direction que prend tout notre
état d'âme, c'est la direction
que
prend notre esprit lorsqu'il
n'adopte, comme fondements pour ses
explications, que ce qui est pensé
de façon atomistique, que ce qui
est issu du plus petit, du plus
petit conçu par la pensée. Ce qui
importe, ce n'est pas si, à la
lettre ou en pensée, on est
convaincu
qu'il
existe encore autre chose que des
effets atomistiques,
des effets atomiques matériels, mais
ce qui importe, c'est d'être
capable d'avoir, en tant que fil
conducteur de son esprit, d'autres
explications que la déduction des
phénomènes à partir de
l'univers atomistique. Ce qui
importe ce n'est pas ce
à quoi nous
croyons,
mais la
façon dont
nous fournissons les explications,
la façon
dont nous nous comportons dans notre
âme. Et ici, en ce lieu
[à Dornach], il est nécessaire de
faire valoir que seule une
authentique
science spirituelle à orientation
anthroposophique peut
mener au-delà du mal que l'on peut
caractériser comme je viens de
le
faire.
Parce
que cela est effectivement le cas,
je voudrais également l'attester
dans un cas concret. Il n'y a guère
de chose plus déroutante que
celle venant à notre encontre dans
la distinction, que l'on fait
beaucoup valoir aujourd'hui, entre
le corporel de l'homme et son
psychisme ou son spirituel, entre ce
qui constitue les maladies
somatiques
et ce qui porte le nom de maladies
psychiques ou mentales.
C'est précisément la distinction
adéquate et objective, ainsi
que
l'établissement des rapports
réciproques des faits relatifs à
la vie humaine — comme le sont le
corps malade ou l'âme en
apparence
malade—, qui souffrent, sur le plan
de la compréhension, de
la façon matérialiste et atomistique
de voir les choses.
Car
en quoi consiste l'essence du
matérialisme qui, peu à peu, s'est
épanoui en tant que conception
moderne du monde chez beaucoup
d'individus, et qui de ce fait n'est
absolument pas dépassé mais,
au contraire, est de nos jours
justement florissant? En quoi consiste
cette essence? Cette essence ne
consiste pas à diriger son regard
sur des processus matériels, à
prendre en considération ce
qui se déroule dans le corporel
humain également en tant que
processus
matériels, et à étudier avec
attachement le merveilleux édifice
et la merveilleuse activité du
système nerveux de l'homme et
des autres organes humains, ou ceux
du système nerveux des animaux
ou des organes d'autres êtres
vivants. On ne devient pas
matérialiste
par l'étude de ces choses, mais on
devient matérialiste en étant
délaissé, dans l'étude des processus
matériels, par l'esprit; on
devient matérialiste en plongeant
son regard dans l'univers de la
matière pour n'y voir que de la
matière et que des processus
matériels.
Et
c'est précisément ce que la science
spirituelle doit faire valoir
—
je ne peux aujourd'hui que m'exprimer
de façon succinte sur
ce sujet —, que partout où des
phénomènes matériels se
déroulent
au vu des sens, ces processus que la
science d'aujourd'hui
veut faire valoir comme seuls
observables et exacts au sens strict,
que partout ces processus matériels
ne sont que l'apparition
extérieure,
la manifestation extérieure de
forces et de puissances spirituelles
agissant derrière eux et en eux. Ce
n'est pas une caractéristique
de la science spirituelle que de
porter son regard sur l'homme
et dire: «Ah, voici son corps; ce
corps est une somme de
processus
matériels, mais ce n'est pas cela seul
qui constitue
l'homme;
il a, indépendamment de-tout
cela, une âme immortelle», puis
commencer à former, sur cette âme
immortelle et indépendante du
corps, toutes sortes de théories
abstraites, toutes sortes de vues
abstraites. Ce n'est pas du tout par
cela que se caractérise une
conception spirituelle du monde. On
peut parfaitement dire: «L'homme
possède, outre son corps qui
consiste en des processus matériels,
encore une âme immortelle qui, après
la mort, est ravie dans
une quelconque région spirituelle».
L'on n'est pas de ce fait, au
sens d'une science spirituelle à
orientation anthroposophique, un
scientifique de l'esprit. On devient
scientifique de la science
spirituelle seulement lorsque l'on
parvient à saisir clairement que
ce corps matériel, avec ses
processus matériels, est une
créature
du
psychique. Lorsque l'on parvient à
aborder dans le détail la façon
dont
le
psychique, qui existait avant la
naissance ou, disons, avant la
conception de l'homme, agit, la
façon dont ce psychique forme, la
façon dont il modèle l'édification
et même la substantiation du
corps humain, lorsqu'on peut partout
véritablement percer à jour
l'immédiate unit de ce corps avec le
psychique, et lorsqu'on peut
percer à jour la façon dont ce
corps, par l'action du
spirituel-psychique au sein de ce
corps, s'use en tant que tel, meurt
partiellement
à chaque minute, la façon dont
ensuite au moment du décès,
n'advient
que, pourrais-je dire, le
développement radical de ce qui, par
l'influence du psychique-spirituel
se déroule à chaque instant,
lorsque
l'on perce à jour cet échange
vivant, cette constante action
de l'âme dans le corps, lorsqu'on le
perce dans chaque cas concret,
lorsqu'on tend à dire: «Le psychique
se ramifie en des processus
tout-à-fait
concrets: voici
la
façon dont
il
se transforme en les
processus de l'activité du foie, voici
la
façon
dont
il se transforme en
les processus de l'activité
respiratoire, la
façon dont
il se transforme
en
ceux de l'activité cardiaque, en ceux
de l'activité cérébrale»,
bref, lorsqu'on parvient, dans la
description du matériel dans
l'homme, à présenter le corporel en
tant que résultat d'une
essence spirituelle, c'est là alors
que l'on est un scientifique de
la science spirituelle: La science
spirituelle parvient à une
véritable appréciation du matériel
justement par le fait qu'elle
ne voit pas seulement,
dans chaque processus matériel
concret pris pour soi, ce
que la science d'aujourd'hui voit,
ce
que l'oeil constate, ou ce qui
est fixé ultérieurement en tant que
résultat en des concepts
abstraits
par l'observation extérieure, mais
la science spirituelle est
science spirituelle seulement par le
fait qu'elle montre partout la
façon dont l'esprit agit dans le
matériel, par le fait qu'elle
regarde avec
attachement sur les effets matériels
de l'esprit.
Voilà
ce qui d'un côté entre en ligne de
compte.
De
l'autre côté, il importe que ce soit
précisément par ce fait que
l'on se préserve de toutes ces
phrases creuses, abstraites et
relevant
du verbiage, au sujet d'une âme
indépendante de l'homme, sur
laquelle, dans la mesure où se
déroule la vie entre la naissance et
la mort, on ne peut tout de même que
s'égarer dans des
considérations
fantaisites. Car entre la naissance
et la mort, à l'exception du
sommeil, le spirituel-psychique est
adonné de façon telle aux
effets
corporels, qu'il vit en eux, par
eux, et qu'il s'extériorise en eux.
Il faut parvenir à pouvoir étudier
le spirituel-psychique en-dehors
du cours de la vie humaine, et à
prendre ce cours de la vie
humaine, placé entre la naissance et
la mort, comme un résultat du
spirituel-psychique: c'est alors que
l'on portera son regard sur
l'unité
véritable et concrète du
spirituel-psychique avec le
physique-corporel.
C'est alors que l'on pratiquera la
science spirituelle d'orientation
anthroposophique, car on ne perdra
alors pas de vue que cet homme
avec toutes ses ramifications
particulières se tient là, en tant
que
résultat du spirituel-psychique,
également pour l'activité de
recherche.
La conception mystique de la
théosophie, qui bâtit toutes
sortes de belles théories sur les
spiritualités extra-corporelles,
ne peut pas se mettre au service des
sciences concrètes de
la vie, ne peut d'aucune façon
servir la vie; elle ne peut que se
mettre
au service de la jouissance
intellectuelle ou de celle de l'âme,
qui
veut éliminer aussi rapidement que
possible la vie, la vie
extérieure, et qui ensuite, pour se
procurer une satisfaction
intérieure, pour
pouvoir s'adonner à une jouissance
intérieure, se tisse toute une
trame fantaisiste sur le
spirituel-psychique.
Il
s'agit ici, dans ce mouvement
spirituel d'orientation
anthroposophique, de travailler avec
un sérieux total, de cultiver
une science 'spirituelle
qui soit en mesure de donner
pleinement vie à la physique, â
la
mathématique, à la chimie, à la
physiologie, à la biologie, à
l'anthropologie.
Ce qui fait qu'il ne s'agit pas ici
de constater d'une part,
de façon religieuse ou
philosophique: «L'homme porte en lui
une âme
immortelle», puis de pratiquer
l'anthropologie, la biologie, la
physique et la chimie comme si l'on
n'avait devant soi que des
processus
matériels, mais il s'agit
d'appliquer aux phénomènes détaillés
de la vie ce que l'on a pu acquérir
en connaissance sur le
psychique-spirituel,
de porter son regard dans le
merveilleux édifice du
corps lui-même. On peut parfaitement
dire, même si cela sonne de
façon paradoxale à plus d'un: «voilà
que certains voudraient être
de
bons mystiques ou de bons
théosophes, et veulent s'engager dans
toutes sortes de bavardages au sujet
de la constitution de l'homme
en les corps physique, éthérique,
astral, en le moi, etc..., mais
ils n'ont même pas la moindre idée
du type de manifestation de
l'âme lorsqu'on se mouche»! Il
s'agit justement de ne pas voir la
matière en tant que matière, mais de
regarder la matière en tant
que
manifestation de l'esprit. C'est
alors que l'on acquérra une vision
saine
et substantielle au sujet de
l'esprit. Mais on parviendra alors
également
à une science spirituelle, qui peut
être fructueuse pour les
sciences de la vie.
Tout
cela permet toutefois d'atteindre
encore autre chose. On parvient
par là à surmonter à son tour ce qui
à l'époque moderne,
précisément
par suite des connaissances
scientifiques devenues matérialistes,
a mené dans des catégories de la
spécialisation. Je ne veux
pas du tout me lancer dans une
quelconque condamnation de
l'existence des spécialisations, car
je connais parfaitement leur
bien-fondé.
Je sais que de nos jours, certaines
choses, simplement parce
qu'elles nécessitent une technique
spécialisée, doivent être
pratiquées
à partir de ce caractère de
spécialité. Mais ce dont il s'agit
est, que jamais celui qui s'accroche
au matériel, lorsqu'il devient
spécialiste, ne peut acquérir une
conception du monde applicable
dans la vie. Car les processus
matériels constituent un domaine
infini. Ils constituent un domaine
infini à l'extérieur, dans la
nature,
et ils constituent un domaine infini
en l'homme. Lorsqu'on n'étudie
que le système nerveux de l'homme
d'après tout ce qui a été
amassé
jusqu'à nos jours, on peut alors s'y
pencher un temps très long, en
tout cas autant que les spécialistes
se consacrant habituellement à
leurs études spécialisées. Mais si
dans ce qui advient, dans le
système
nerveux, on n'a devant soi que ce
qui constitue des processus
matériels, ce qui est exprimé en des
concepts abstraits et qui
constituent de nos jours l'objet de
la science, alors rien ne mène
l'individu
vers quelque chose d'universel
pouvant devenir fondement
d'une conception du monde. A
l'instant où vous commencez à
considérer les choses à la façon de
la science spirituelle, par
exemple
le système nerveux de l'homme, vous
ne pouvez pas faire alors
vos considérations sans que ce que
vous trouvez comme esprit actif
ne vous mène aussitôt vers ce qui,
en tant que spirituel-psychique,
est à la base du système musculaire,
vers ce qui est à la base du
système osseux, à la base du système
sensoriel, car le spirituel
n'est
pas quelque chose qui se déploie en
des parties isolées comme
le matériel, mais le spirituel est
quelque chose — et ce n'est
qu'une
de ses moindres caractéristiques—
qui s'étend comme une
configuration
à membrure, comme un organisme. Et
tout comme je
ne peux pas faire des considérations
sur l'homme en ne prenant en
considération que ses cinq doigts
tout en cachant le reste, de même
je ne peux pas, dans l'optique de la
science spirituelle, prendre
en considération un détail, sans que
ce que j'y perçoive en
tant qu'essence
spirituelle-psychique ne me mène à
un tout.
Serais-je
alors mené vers un tel tout, bien
entendu en restant peut-être
seulement un chercheur spécialiste
du cerveau ou des nerfs, je
serai tout de même capable
d'acquérir, dans la considération de
cette
partie isolée de l'organisme humain,
une image d'ensemble de
l'homme. C'est à ce moment-là que je
serais en mesure d'acquérir
effectivement
quelque chose d'universel en vue
d'une conception du
monde. Et la chose caractéristique
est alors, que je peux commencer
à dire quelque chose sur l'homme,
pouvant être compréhensible
par tous ceux qui possèdent le bon
sens et une raison saine. Voilà
la grande différence entre la façon
dont peut parler la science
spirituelle
au sujet de l'homme, et la façon
dont doit en parler la science
matérialiste.
Voyez-vous,
prenons un cas simple, la façon dont
la science spécialisée,
matérialiste, se présente à vous
dans un quelconque manuel
en usage de nos jours. Si vous, en
tant que personne moyenne n'ayant
pas beaucoup de connaissances sur le
système nerveux, prenez
en main un manuel sur le système
nerveux, eh bien, vous arrêterez
probablement sous peu votre lecture,
ou alors vous n'aurez
en tout cas pas beaucoup d'acquis
dans ce qui peut vous fournir
une assise pour une vue sur l'homme
en tant qu'être humain
véritable,
dans sa valeur et dans sa dignité.
Si par contre vous prêtez
l'oreille à ce qui peut être dit à
partir du patrimoine de la
science
spirituelle au sujet du système
nerveux de l'homme, alors s'adjoint
partout à un tel examen ce qui mène
ensuite vers l'homme tout
entier, ce qui éclaire l'homme total
de façon telle que dans l'idée
qui se dessine alors, se trouve
inséré quelque chose de la valeur,
de l'essence et de la dignité de
l'homme dont il est question. Et
rien ne met plus en valeur ce fait
non pas lorsque nous examinons
uniquement
l'homme sain en liaison avec l'un
quelconque de ses constituants,
mais cela se met tout
particulièrement en valeur lorsque
nous examinons l'homme malade, cet
homme malade avec ses
déviations, si nombreuses, par
rapport à la soi-disant normalité,
notamment
lorsque nous sommes en mesure de
prendre en considération l'homme
tout entier soumis à l'influence de
telle ou autre cause
de maladie. Ce que la nature place
devant notre âme en l'homme
malade, cela se prête à nous
introduire profondément dans les
connexions de l'Univers, à nous
mener à comprendre la façon dont
l'homme
est organisé, et la façon dont les
influences atmosphériques,
et même extra-terrestres peuvent
agir sur l'homme vu son
organisation,
la façon dont cette organisation est
connectée à tels ou
autres matériaux de la nature, qui
se révèlent alors en tant que
substances
thérapeutiques, etc... Nous
pénétrons dans de vastes connexions,
et ron a le droit d'affirmer que si
l'on complète ce qui de
cette façon-là peut être reconnu au
sujet de l'homme sain,
c'est-à-dire
par ce qui peut être reconnu au
sujet de l'homme malade, alors
une vue profonde s'ouvre sur toute
la connexion, ainsi que s'ouvre
un profond sens de la vie. Mais tout
ce qui se révèle ainsi est
la base pour une connaissance de
l'homme, est la base de ce qui
peut ensuite être versé dans des
formes d'expression pouvant
s'adresser
à chacun. Bien entendu, nous ne
sommes aujourd'hui pas
aussi loin, car la science
spirituelle, comme on l'entend ici,
n'a pu
travailler que depuis peu de temps.
C'est la raison pour laquelle les
conférences qui seront tenues ici,
comme l'a dit tout à l'heure
Monsieur
Boos ((*(*)
n.d.tr.: Roman Boos, docteur en
droit, sociologue; l'un des
anthroposophes les plus actifs
dans le mouvement de tripartition
sociale
*) dans son introduction, ne
peuvent, la plupart du temps,
que constituer un début. Mais cette
science spirituelle a la
tendance d'élaborer de façon telle
ce qui réside dans les sciences
particulières,
que ce que tout homme devrait savoir
au sujet de l'homme,
puisse effectivement être aussi
porté au-devant de chacun.
Essayons
à présent d'imaginer, lorsque la
science spirituelle aura
agi d'une pareille façon
modificatrice sur la science, et
lorsqu'elle aura réussi, cette
science spirituelle, à élaborer des
formes de
connaissance sur l'être humain sain
et malade, formes que l'on
pourra
rendre accessible à la conscience
générale de l'homme, lorsque
cela aura été atteint, alors
imaginons à quel point sera
différente
la position de l'homme en face de
son prochain dans la vie
sociale, à quel point sera
différente la compréhension avec
laquelle
l'homme, par rapport à ce qui se
passe de nos jours, se dressera
devant son prochain, de nos jours où
chacun passe à côte de
l'autre sans avoir de la
compréhension pour l'individualité
particulière
de ce prochain en question! C'est
seulement lorsque le problème
social sera issu, dans les domaines
les plus variés, de la vie,
à partir d'une connaissance
objective, lorsqu'il se basera sur
des
expériences
concrètes de la vie, qu'il
s'extraira de son intellectualisme.
Cela est visible en particulier dans
le domaine de la médecine
publique.
Car imaginons l'action sociale
agissant à partir du4ait que soit
porté au-devant de l'homme la
compréhension pour ce qui rend sain,
pour ce qui rend malade autrui;
imaginons ce que signifie: «toute
l'humanité prendra en main avec
compréhension la médecine
publique»!
Certes, ii n'y a pas lieu de
cultiver ici un dilettantisme
scientifique ou médical — il est
nécessaire de le souligner—,
mais imaginez
que tout simplement non seulement un
sentiment de compassion,
mais une compréhension compatissante
soit éveillée pour
le sain et malade en notre prochain,
une compréhension issue d'une
vision concernant l'homme. Imaginez
l'action sociale d'une telle
chose, et
vous serez amenés à vous dire
que là, on voit que c'est
à partir de la connaissance
objective dans des domaines particuliers
que doit provenir la réforme
sociale, la nouvelle édification
sociale, et non à partir des
théories générales, qu'elles soient
marxistes, d'Oppenheimer(*)
n.d.tr.: Franz Oppenheimer,
économiste (1864-1944); voulait
abolir
le monopole de propriété
des terres aux mains des gros
propriétaires, par la création de
sortes de coopératives
ou associations de lotissement..)
ou autres, qui passent par-dessus l'homme,
qui veulent mettre sur pied, à
partir des concepts abstraits, une
configuration du monde. Ce n'est pas
à partir de cela que le salut
peut provenir, mais à partir de la
connaissance dévouée des
différents
domaines. Et la médecine publique,
l'hygiène, est un tel domaine
tout particulier, car elle nous
conduit, pourrais-je dire, de façon
la plus proche à tout ce que notre
prochain éprouve comme joie
par sa façon saine et normale de
vivre, ou à tout ce qu'il éprouve
comme
douleurs et peines, aux restrictions
causées par la catégorie de
la maladie qui l'habite plus ou
moins.
Voilà
quelque chose qui nous indique la
catégorie sociale particulière,
comme la science spirituelle peut la
créer dans le domaine
de l'hygiène. Car si au sein de
cette catégorie celui qui cultive
la science de l'homme, la science de
l'homme sain et malade, et
même celui qui se spécialise en vue
de devenir médecin, est
inséré,
avec une telle connaissance acquise,
dans la société humaine, alors
il sera en mesure de créer, au sein
de cette société humaine, des
lumières, car il rencontrera de la
compréhension. Et ce n'est pas
seulement ce rapport qui ressortira
entre le médecin et la société,
pouvant être illustré par le fait
que lorsqu'on n'est pas
précisément
son ami ou son parent, on passe
devant sa maison pour le
chercher, car quelqu'un a mal
quelque part ou s'était cassé la
jambe,
mais un rapport envers le médecin se
dégagera de façon telle,
que le médecin sera l'éducateur et
l'instructeur permanent de
la médecine publique prophylactique,
qu'il existera en fait une
continuelle
intervention du médecin, non
seulement pour guérir l'homme
dont l'état pathologique est à ce
point avancé qu'il le remarque,
mais, dans la mesure où cela est
possible, pour maintenir l'homme
en bonne santé. Un agissement social
vivant aura lieu entre le
médecin et tout le reste de
l'humanité. Mais alors la santé
d'une
telle acquisition de connaissances
rayonnera sur la médecine
elle-même.
Car nous avons effectivement donné
tête baissée, précisément
par le fait que le matérialisme
s'est étendu également aux
considérations
médicales de la vie, dans des
conceptions bien singulières.
Prenons
d'un côté les maladies physiques. On
les étudie habituellement
en trouvant des dégénérescences
d'organes ou ce qui habituellement
est perçu ou conçu en tant que
processus physiques "devant
se dérouler à l'intérieur de
l'enveloppe cutanée, et l'on dirige
son attention à essayer de porter
réparation aux lésions que l'on
y rencontre.
Dans cette direction, on pense de
façon tout à fait matérialiste
au sujet du corporel de l'homme,
dans son état normal et
dans son état anormal. A côté de
cela, apparaissent les soi-disant
16
maladies
psychiques ou mentales. D'un côté,
ces maladies psychiques
ou mentales, on en a fait de simples
maladies du cerveau, ou
simplement de maladies affectant le
système nerveux, en en cherchant
également les causes dans le
complexe habituel des organes
humains.
Mais, comme de toute façon aucune
vision n'a été
développée sur la manière dont
l'esprit et l'âme agissent dans le
corporel humain, on n'a pas pu
acquérir une vision du rapport entre
la maladie mentale, la soi-disant
maladie mentale, et ce qu'est
habituellement
l'homme. Et c'est ainsi que d'un
côté, pourrais-je dire, se
dressent les maladies mentales, et
sont même saisies de nos
jours par une curieuse science
hybride, par la psychanalyse, qui
pense de façon matérialiste mais qui
ne comprend absolument pas le
matérialisme; elles se dressent, ces
maladies mentales et
psychiques,
sans que l'on puisse, d'une
quelconque façon raisonnable,
les associer à ce qui se produit en
fait dans l'organisme humain. La
science spirituelle peut alors
montrer— et je l'ai fait
remarquer—que
ce dont je parle ici ne constitue
pas seulement un programme, mais
que cela est suivi dans les détails,
justement aux occasions qui
se sont prêtées maintenant lors de
la tenue du cours aux médecins,
ayant eu lieu ici ces semaines-ci.
La science spirituelle peut
parfaitement
montrer dans le détail que tout ce
qui est soi-disant maladie
mentale ou psychique, repose
entièrement sur des perturbations
d'organes, sur des dégénérescences
d'organes, sur des
hypertrophies
ou des hypotrophies d'organes dans
l'organisme humain. Quelque
chose est perturbé dans le cœur,
dans le foie, dans le poumon,
quelque chose est perturbé
lorsqu'apparaît, simultanément ou
plus tard, une soi-disant maladie
mentale. Une science spirituelle
qui parvient à ceci, à reconnaître
en le cœur sain l'esprit dans
son
agissement, une telle science
spirituelle est également en mesure
— et n'a pas besoin d'en avoir honte
— de chercher dans la
dégénérescence
du coeur, dans les défauts du coeur,
une cause de l'âme
ou de l'esprit soi-disant malade.
L'erreur
principale notamment du
matérialisme, ne réside pas en ce
qu'il nie
l'esprit. Dans ce cas, la religion
pourrait bien veiller à
ce que l'esprit soit tout de même
reconnu. L'erreur principale du
matérialisme
consiste en le fait qu'il ne
reconnaît pas la matière, car il
n'observe que son côté extérieur.
C'est précisément ceci,
l'indigence
du matérialisme, qu'il n'acquiert
aucun regard pénétrant la
matière, comme cela arrive par
exemple lors du traitement seulement
psychanalytique, lors de la seule
observation de ce qui s'est passé
dans l'âme, et qu'il désigne d'îlot
psychique, c'est-à-dire une
abstraction.
Alors qu'il est nécessaire de suivre
la façon dont certaines
impressions psychiques, que l'homme
reçoit au cours de telle ou
autre période de sa vie, et qui de
façon normale sont liées à
l'organisme
normal, rencontrent des organes
défectueux, rencontrent
par exemple un foie malade à la
place d'un foie sain, rencontre qui
peut peut-être se révéler à une
toute autre époque que celle où
le défaut est visible.
La
science spirituelle n'a pas besoin
de craindre de montrer la façon
dont la maladie soi-disant mentale
ou psychique est toujours
connectée
avec quelque chose dans le corps
humain. La science spirituelle
doit, avec rigueur et sans ambages,
signaler que l'on n'a rien
devant soi que tout au plus un
diagnostic unilatéral, lorsqu'on
n'étudie
que le psychique, le complexe
psychique, la déviation du psychique
de la soi-disant vie psychique
normale. C'est pourquoi la
psychanalyse ne peut jamais être
rien d'autre que tout au plus
quelque
chose relevant du diagnostic, ne
peut jamais mener, dans ce
domaine, à une veritable thérapie.
Vu que la thérapie, dans le cas
des
maladies mentales, doit justement
débuter par une cure corporelle,
il est nécessaire de connaître
jusque dans les parties extrêmes
les ramifications du spirituel, si
l'on veut savoir où il est
nécessaire
d'intervenir dans le corps matériel
lequel est toutefois imprégné
d'esprit,
où il est nécessaire d'intervenir
pour guérir ce qui apparaît,
précisément
de façon uniquement symptomatique,
dans les relations psychiques
anormales. C'est justement ceci que
la science spirituelle
doit souligner de façon catégorique,
que les soi-disant maladies
mentales et psychiques doivent être
suivies jusque dans
l'organologie
de l'homme. Mais on ne peut pénétrer
du regard l'organologie
anormale de l'homme que lorsqu'on
peut suivre l'esprit jusque
dans les moindres parties de la
matière.
**
N.d.tr.:
Nos
lecteurs trouveront ci-après la
deuxième partie de la conférence
dont le débuta été publié dans
notre précédent Bulletin.
Dans
ce texte, Rudolf Steiner emploie à
plusieurs' reprises l'expression
«tripartition
sociale». Il
s'agit
d'un terme résumant toute une
vision anthroposophique de la
structure sociale, dégagée sur la
base
de la réalité humaine dans sa
triple constitution en le système
neuro-sensoriel,
le système rythmique et le système
métabolique, structure
reflétant à son tour la réalité
triadique du corps, de l'âme et
de l'esprit. Le corps social,
adapté à l'homme ainsi saisi, se
partage alors
en trois composantes: le corps
socio-économique caractérisé par
la fraternité, le corps
socio-juridique lié à l'égalité,
et le
corps social
de la vie spirituelle
d'épanouissement individuel
baignant dans
la liberté. Ces trois composantes,
indépendantes
les
unes des autres,
auraient alors à se retrouver,
dans leur coexistence harmonieuse,
au niveau d'une assemblée
nationale véritablement communautaire,
où aucun des trois corps ne
jouerait de rôle prépondérant ou
hégémoniste.
Nos
lecteurs, désireux de s'informer
sur cette question, pourront
consulter
Fondements
de l'organisme social de
Rudolf Steiner (Ed.
Anthroposophique Romandes).
**
Et
inversement, ce qui en apparence
n'est que phénomènes de la
vie,
agissant sur ou dans le psychique,
disons, ce qui apparaît dans
les tempéraments et dans leur
activité, ce qui apparaît dans tout
l'art et la manière avec laquelle
l'homme, en tant que petit enfant,
joue, comment il marche, ce qu'il
fait, tout ce qui de nos jours
n'est
compris que d'une façon
spirituelle-psychique, a également un
côté corporel. Et un manquement
commis dans l'éducation de
l'enfant
peut apparaître à une époque
ultérieure sous une forme physique
pathologique tout à fait banale. En
effet, on est directement amené
dans certains cas à diriger son
regard sur le corporel lorsque l'on
a devant soi des maladies mentales,
pour y chercher ce dont il
s'agit, et à diriger son regard sur
le spirituel lors des processus
pathologiques
physiques, pour y chercher ce dont
il s'agit. Car c'est ceci,
l'essentiel de la science
spirituelle, qu'elle ne parle pas
d'un
spirituel nébuleux à l'aide
d'abstractions, comme le font les
mystiques,
comme le font les théosophes dans
leur caractère unilatéral, mais
qu'elle suit l'esprit dans les
effets matériels, qu'elle ne conçoit
nulle
part le matériel comme le conçoit la
science contemporaine
extérieure,
mais que cette science spirituelle
parvient à l'esprit partout
où ses considérations concernent le
matériel, et qu'elle est de
ce
fait également apte à observer le
phénomène qui se déroule là
où une vie psychique pathologique
doit se manifester par l'existence
d'une
vie corporelle anormale, même si cette
dernière est peut-être
dissimulée extérieurement. On se
fait aujourd'hui, dans les milieux
les plus larges, des représentations
entièrement fausses sur
la
science spirituelle d'orientation
anthroposophique et conçue de
façon sérieuse, peut-être avec
raison plus d'une fois en écoutant
ceux
qui ne veulent pas véritablement
pénétrer sur le terrain dont il
s'agit en fait, qui ne parlent que
de théories abstraites: l'homme
se compose
de ceci ou de cela, et il existe le
phénomène des réincarnations,
etc. Ces choses sont, cela va de
soi, de ta plus haute importance,
et
tout cela est bien beau. Mais
lorsqu'il s'agit de travailler avec
un sérieux tout particulier au sein
de ce mouvement de science
spirituelle,
alors il s'agira de tenir compte des
divers chapitres, des divers
domaines de cette vie. Et au sens le
plus large, cela mène de
nouveau vers une coexistence des
hommes empreinte du caractère
social. Car lorsqu'on voit ainsi la
façon dont l'âme, apparaissant
malade,
rayonne ses impulsions vers le
dedans de l'organisme, lorsque
l'on peut sentir — sentir avec
compréhension — ce lien entre
l'organisme
et l'âme apparaissant malade,
lorsque l'on sait par ailleurs
comment les agencements de la vie
agissent également sur
la santé physique de l'homme,
comment le spirituel, qui, dans les
structures
sociales, n'existe apparemment que
de façon extérieure, agit par
pénétration dans l'action sanitaire
physique de l'homme, lorsque
l'on parvient à embrasser cela du
regard, alors c'est d'une toute
autre manière que l'on se tient au
sein de la société humaine. On
commence par cela à acquérir une
position compréhensive envers
l'homme, et l'on traite tout
autrement son prochain. On suit tout
autrement son caractère, On sait,
certaines propriétés sont liées
à ceci ou à cela, on sait comment se
comporter en face de ces
propriétés,
on sait, particulièrement lorsqu'on
y a associé des tâches,
insérer
de façon correcte les tempéraments
des hommes dans la société
humaine, et, notamment, les
développer de façon correcte. Un
domaine
social
devra particulièrement être
intensément influencé,
sur le plan de l'hygiène, par une
connaissance de l'homme acquise de
haute lutte: c'est le domaine de
l'éducation, le domaine de
l'enseignement. On ne peut du tout,
au fond, mesurer, sans connaître
de façon réellement globale l'homme,
ce que signifie: les enfants
sont assis à l'école en faisant les
dos ronds, ce qui a pour
conséquence
la perturbation continuelle de leur
respiration, ou bien les
enfants ne sont pas sollicités à
parler à voix haute et
intelligible,
à former de façon nette les
voyelles, les consonnes. Toute la
vie ultérieure dépend pour
l'essentiel du fait si l'enfant, à
l'école, respire
de façon correcte, et s'il est
sollicité à parler d'une voix forte
et
nette et articulée.
Dans
de telles choses — je n'extrais que
quelques exemples, car dans
d'autres domaines, une chose
semblable pourrait être appliquée
— apparaît la spécialisation de
l'hygiène, prise dans sa
totalité,
au système scolaire, et c'est
justement en cela que se révèle
toute la dimension sociale de
l'hygiène; mais il apparaît également
à quel point la vie exige que nous
ne poussions pas plus avant
la spécialisation, mais que nous
amenions le spécialisé vers une
vue d'ensemble. Nous n'avons pas
seulement besoin de ce qui rend
apte l'enseignant à savoir que
d'après certaines normes
pédagogiques
il faut éduquer l'enfant comme ceci
ou comme cela, mais
nous avons besoin de ce qui rend
l'enseignant apte à avoir une
opinion sur ce que signifie le fait
qu'il laisse l'enfant clairement
articuler
telle phrase ou telle autre, ou bien
le fait qu'il laisse l'enfant,
après
que celui-ci a prononcé une
demi-phrase, à nouveau prendre la
respiration, etc., et ne se soucie
pas que l'air s'épuise au cours
de
l'élocution de la phrase. Certes, il
y a également sur ce sujet
beaucoup
de repères et règles. Mais la
reconnaissance et l'emploi corrects
de ces choses pénètrent dans notre
cœur seulement si nous
mesurons toute leur importance pour
la vie humaine ainsi que pour
la santé sociale. Car c'est à ce
moment seulement que la chose
constituera
une impulsion sociale.
Ce
sont ces considérations qui figurent
à la base du cours de
pédagogie
et de didactique à l'intention des
enseignants, cours que
j'ai tenu à Stuttgart à l'occasion
du point de départ de la
fondation
de l'école Waldorf dans la même
ville et avant cette fondation,
notamment
la considération que l'on a besoin
d'enseignants qui soient
aptes à travailler à partir de toute
la profondeur d'une vision du
monde capable de comprendre l'homme,
à travailler pour l'éducation
et pour l'instruction des enfants.
Ce qui y fut mis dans les phrases
qui ont été énoncées en tant qu'art
pédagogique et didactique,
tout cela aspire à faire des hommes
à partir des enfants qui
sont éduqués et instruits, hommes
chez qui, plus tard, par le fait
qu'ils auront été sollicités à l'âge
d'enfant à accomplir de
façon correcte les fonctions
vitales, fonctionneront correctement
les poumons
et le foie et le cœur et l'estomac,
car l'âme aura correctement
participé
à leur élaboration. Jamais cette
vision du monde n'interprétera
de façon matérialiste l'antique
adage: une âme saine dans un
corps sain. — L'interpréter
de façon matérialiste signifierait
que lorsque l'on a un corps
sain, lorsqu'on l'a rendu sain par
toutes sortes de
moyens physiques; alors de lui-même
il deviendra porteur d'une âme
saine. C'est absurde. Voici ce qui a
un sens: dans un corps sain vit
une âme saine — seulement lorsque
l'on procède de façon
suivante,
je veux dire, lorsqu'on se dit: J'ai
là un corps sain devant moi,
celui-ci
me montre alors que la force d'une
âme saine l'a édifié, l'a
modelé,
l'a rendu sain. Je reconnais à
partir de ce corps qu'une âme
autonome et saine y a travaillé.
Voilà le sens de ce dicton. Mais
ce n'est que de cette façon que ce
dicton peut également être mis
à la base d'une hygiène saine.
En
d'autres termes: nous n'avons pas
besoin, par exemple, à côte des
enseignants qui ne travaillent qu'à
partir d'une science abstraite
sur le plan pédagogique, encore un
médecin scolaire qui, tous
les quinze
jours
si tout va bien, parcourt l'école
sans réellement savoir
ce qu'il a à faire. Non. Nous avons
besoin d'un lien vivant de la
science médicale avec l'art de la
pédagogie. Nous avons besoin d'un
art de la pédagogie qui, dans toutes
les mesures qu'il prend, éduque
et instruit correctement les enfants
sur le plan de l'hygiène.
Voilà
ce qui fait de l'hygiène un problème
social, car le problème
social
est pour l'essentiel un problème
d'éducation, et le problème
d'éducation,
pour l'essentiel, un problème
médical, mais un problème
seulement de cette médecine qui est
fructifiée par la science
spirituelle,
d'une hygiène, fructifiée par la
science spirituelle.
Ces
choses-là
renvoient alors encore à quelque chose
qui est
extraordinairement
important, justement en liaison avec
le thème «L'hygiène,
un problème social». Car lorsque la
science spirituelle est
pratiquée, et lorsque la science
spirituelle constitue quelque chose
de concret pour l'homme, alors
celui-là sait que dans ce qu'il
reçoit
de la part de la science spirituelle
repose quelque chose qui se
distingue de ce qu'il reçoit dans le
simple intellectualisme — et
la
science actuelle de la nature est
elle aussi du simple
intellectualisme
—, de ce qu'il reçoit dans le simple
intellectualisme ou dans la
science de la nature, science
développée seulement
intellectuellement,
ou dans l'Histoire développée
seulement intellectuellement, ou
dans
la jurisprudence. Toutes les
sciences sont aujourd'hui
intellectuelles; lorsqu'elles
prétendent être des sciences
expérimentales,
alors cela consiste seulement en ce
qu'elles interprètent
intellectuellement
les phénomènes expérimentaux
observés par les sens.
De ces résultats scientifiques ou
autres, interprétés
intellectuellement,
ce qui est contenu dans la science
spirituelle s'en distingue
d'une façon tout à fait
fondamentale. Car ce serait même bien
triste, si ce qui vit dans notre
culture intellectuelle n'était pas
uniquement image mais une puissance
réelle, qui agirait plus
profondément
sur l'homme. Tout ce
qui
est intellectuel ne reste notamment
qu'à la surface de l'homme.
Cette phrase est énoncée dans un
sens très général. Celui qui
pratique la science spirituelle de
façon uniquement intellectuelle,
c'est-à-dire qui ne fait que
prendre
note: il existe un corps physique,
un corps éthérique, un
corps astral,' un moi, une vie
engagée dans un processus de
réincarnations,
un karma (*)
N.d.tr.: ce
terme sanscrit désigne ici le destin
humain, notion
qu'il faut, comme celle de
tripartition
sociale, placer
dans tout le contexte de
l'enseignement de Rudolf Steiner,
comme
d'ailleurs les termes corps
éthérique et
astral.*,
etc. — et qu'il le note comme on le
fait
dans la science de la nature ou dans
la science sociale contemporaine
—, celui-là ne pratique pas
sérieusement la science spirituelle,
car il ne fait que transposer la
façon de penser qu'il possède
d'habitude, sur ce qui vient
au-devant de lui dans la science
spirituelle.
L'essentiel, lorsqu'il s'agit de
science spirituelle, est, qu'elle
doit être pensée de façon
différente, qu'elle doit être
ressentie
de façon différente, qu'elle doit
être vécue par l'âme d'une
façon toute différente de la façon
intellectuelle. C'est pourquoi
la science spirituelle
est quelque chose qui sauvegarde par
elle-même un rapport
vivant à l'homme sain et malade,
bien que de façon un peu
différente
de celle que l'on s'autorise souvent
à rêver. Les hommes se seront
tout de même bien suffisamment
convaincus à quel point on est
impuissant avec ce que l'on
entreprend à l'aide de la
culture purement matérialiste en
face des soi-disant maladies
mentales,
que ce soit par les exhortations ou
par les persuasions. Le malade
mental prétend que des voix lui
parlent; vous lui dites tout
ce que vous pouvez dire à partir de
votre raison intellectuelle: en
vain, car il est capable de vous
rétorquer par toutes les objections
possibles etc. C'est cela déjà qui
pourrait indiquer que l'on n'a
pas affaire à un processus de
maladies de la vie psychique
consciente
ou bien, si l'on veut, de la vie
psychique subconsciente, mais
à un processus de maladie affectant
l'organisme.
La
science spirituelle apprend à
reconnaître que ce n'est de toute
façon pas davantage au moyen d'un
chemin qui doit soi-disant être
spirituel, sur lequel par exemple on
fait usage de l'hypnose et de
-la
suggestion, que l'on peut
s'approcher des soi-disant maladie mentales
ou psychiques, mais que l'on doit
les aborder sur un chemin
soi-disant physique, c'est-à-dire
par des guérisons d'organes,
en vue desquelles on a toutefois
également besoin d'une acquisition
de connaissances, concernant
l'homme, sur le plan du spirituel.
Ce
patrimoine de connaissances acquises
sur le plan spirituel
sait qu'il ne devrait en fait pas du
tout intervenir justement dans
le domaine des soi-disant maladies
mentales au moyen de procédures
seulement spirituelles ou
psychiques, vu que la maladie mentale
consiste précisément en le fait que
la partie spirituelle de
l'homme
est repoussée au dehors, comme ce
n'est habituellement le
cas qu'au cours du sommeil, et
qu'elle est faible dans ce rejet,
mais
qu'il
est nécessaire de guérir l'organe,
pour qu'il puisse à nouveau
reprendre de façon saine l'âme et
l'esprit. A l'opposé, ce qui
ressort non
pas de l'intellect, de la tête, mais
de l'homme tout entier en tant
que
résultat de la science spirituelle,
lorsque cela apparaît en tant
qu'imagination,
inspiration, intuition(*)
N.d.tr.: imagination,
inspiration et
intuition
sont
trois termes désignant de façon très
précise
trois étapes sur le chemin de
connaissance du monde
suprasensible, donc également
sur celui d'une meilleure
compréhension du monde physique.
Ces
termes ne
doivent donc pas être pris au sens
habituel, mais placés,
eux
aussi, dans le contexte l'Anthroposophie
tout entière.*,
et lorsque cela est intériorisé
par l'homme, tout cela entre en
action dans son organisme. Ce
que la science spirituelle est en
réalité, cela exerce réellement
son
action thérapeutique sur
l'organisation physique de l'homme.
A
l'encontre de cela, le fait que
certains rêveurs se sentent malades
au sein de la science spirituelle,
ou qu'ils manifestent précisément
le contraire de ce que je viens
d'indiquer, ne constitue aucune
preuve. Il y a en effet un nombre si
infini de ceux qui ne sont
pas des scientifiques au sens de la
science spirituelle, mais qui
sont d'intellectuels collectionneurs
de notes relatives aux résultats
de la science spirituelle. Mais le
fait de propager la science
spirituelle
véritablement dans sa substance,
constitue en soi de l'hygiène
sociale, car cette science
spirituelle agit sur l'homme entier,
elle mène vers la normale son
organologie, lorsque cette dernière
menace de développer la déviation de
telle ou autre tendance
vers l'état anormal, que ce soit
dans la direction du rêve ou du
côté
opposé. C'est en ceci que réside
l'énorme différence entre ce qui
est donné dans l'élément propre à la
science spirituelle, et ce
qui apparaît
dans la science seulement
intellectuelle, que les concepts mis
en avant dans le domaine de
l'intellectualisme sont beaucoup
trop
faibles — car dotées seulement du
caractère d'image — pour agir
en l'homme, pour pouvoir exercer sur
lui une action thérapeutique.
Les concepts propres à la science
spirituelle par contre, sont tels,
qu'ils sont extraits de l'homme tout
entier. A la formation des
concepts de science spirituelle n'a
effectivement pas seulement
participé activement le cerveau,
mais le poumon et le foie et le
cœur et
l'homme entier, et ce que ces
concepts possèdent à partir de la
force
de l'homme tout entier, cela colle à
eux, cela les imprègne,
peut-on
dire, dans un processus
d'élaboration d'un relief propre. Et
s'en
imprègne-t-on, se les approprie-t-on
par le bon sens au moyen
d'une
acquisition lucide de connaissances,
que ces concepts
agissent
de nouveau en retour de façon
hygiénique sur l'homme
dans
sa totalité. Voilà ce qui peut,
partant de la science spirituelle,
intervenir activement dans l'élément
d'hygiène en montrant
une
voie à suivre, intervention conçue
comme étant du ressort
social.
Mais
c'est d'une façon encore bien plus
diversifiée— je ne peux
extraire
que des exemples — que la science
spirituelle interviendra
en tant que guide dans toute la vie
thérapeutique de l'humanité,
lorsque
cette science spirituelle prendra un
jour réellement pied,
dans
tout son sérieux, parmi l'humanité.
Je
veux seulement indiquer une chose.
Aux chapitres qui doivent
toujours et sans cesse être étudiés
par la science spirituelle,
appartient
le rapport de l'homme en état de
veille à l'homme en
état
de sommeil, appartient l'énorme
différence résidant entre les
organisations
humaines au cours de la veille et du
sommeil. La façon
dont
l'esprit et l'âme se comportent au
cours de la veille lorsqu'ils
se
pénètrent mutuellement dans les
éléments corporel et spirituel et
psychique
de l'homme, la façon dont ils se
comportent lorsqu'ils
sont
temporairement séparés comme c'est
le cas lors du sommeil,
tout
cela est soigneusement étudié
précisément par la science
spirituelle.
Cela
étant, je ne peux, pour ainsi dire,
que livrer une certaine
affirmation
à titre d'information, qui toutefois
est un résultat tout à
fait
avéré de la science spirituelle.
Nous voyons surgir dans la vie
ce
que l'on nomme maladies épidémiques,
des maladies qui s'emparent
de masses entières de personnes, qui
constituent donc à
part
entière une affaire sociale
simultanée. La science habituelle
matérialiste
les étudie à l'organisme humain
physique. Elle n'a
aucune
idée de l'énorme importance qui,
justement pour les épidémies
ainsi que pour les dispositions aux
maladies épidémiques,
réside
en la position anormale de l'homme
envers la veille et le
sommeil.
Ce qui se déroule dans l'organisme
humain au cours du
sommeil
est quelque chose qui, si cela se
déroule à profusion,
prédispose
à un haut degré pour ce qui
s'appelle maladies épidémiques.
Les hommes qui se procurent par un
sommeil trop long
des
processus au sein de leur organisme,
et qui ne devraient pas y
être,
vu que le sommeil ne devrait pas
interrompre si longtemps
l'état
de veille, ceux-là sont tout
autrement prédisposés aux maladies
épidémiques, et ils s'insèrent
également dans les épidémies
d'une
toute autre façon.
Vous
pouvez à présent juger par vous-même
de l'importance à
éclairer
les hommes sur la répartition
correcte entre sommeil et
veille.
Vous ne pouvez pas y parvenir par
des prescriptions. Vous
pouvez
parfaitement prescire aux gens de ne
pas envoyer leurs
enfants
à l'école si ceux-là ont la
scarlatine, mais vous ne pouvez
pas
tenir des conférences lorsque sévit
la grippe: car là, les gens
ont
une
position de rejet, car, bien sûr,
les hommes de nos jours penchent
vers la «liberté», je veux dire que
le «sentiment d'autorité»
n'est
pas
aussi grand que jadis; les gens ont
donc cette position de rejet.
Je
ne dis pas qu'ils n'ont pas raison
dans ce refus; je n'ai rien
contre
ce qui advient de cette façon-là,
mais il vous est impossible
de
prescrire aux gens de façon
similaire: vous devez dormir sept
heures.
— Et tout de même, il est plus
important que ne le sont les
autres
prescriptions, que les hommes, qui
en ont besoin, dorment
sept
heures, que les autres, qui n'en ont
pas besoin, n'aient le droit
de
dormir que bien moins, etc. Mais les
choses qui sont liées de
façon
si intime avec ce qui est de plus
personnel en l'homme, celles-là
ont de façon grandiose une action
sociale. C'est effectivement
du
plus intime en l'homme que dépend la
façon dont les conséquences
sociales s'extériorisent, si, à
titre d'exemple, une population
plus grande ou plus réduite est
soustraite à telle ou autre
profession,
ce qui induit éventuelllement une
action accomplie à un
tout
autre endroit ou l'absence d'une
telle action. Et l'hygiène
intervient
en fait de façon extrêmement
marquante dans la vie sociale. Et
tout
à fait indépendamment de ce que l'on
pense de la contagion
ou
de la non-contagion, cet élément
intervient, lors des épidémies,
dans
la vie sociale. Là, il vous est
impossible d'agir par des
prescriptions
extérieures, là, vous ne pouvez agir
que si vous introduisez
dans la société des hommes un public
de profanes, qui se
dresse
avec une compréhension humaine
devant le médecin agissant
avec discernement dans le domaine de
la prophylaxie, situation
dans laquelle peut toujours
apparaître une action commune
fructueuse
pour la sauvegarde de la santé,
action entre l'homme
du
métier muni de sa compréhension de
spécialiste, et le profane
muni
de sa compréhension sur le plan
humain.
Lorsque
nous embrassons d'un regard global
toutes ces choses,
alors
nous nous dirons: Nous avons relaté
ici un aspect de l'hygiène
en
tant que problème social, qui
dépend, de la façon la plus
éminente, de l'existence d'une vie
spirituelle libre qui soit la
nôtre, du
fait
d'avoir effectivement une vie
spirituelle, où, au sein du domaine
spirituel,
ceux qui se consacrent à cultiver
cette vie spirituelle — même
dans la mesure où cette vie s'étend
dans des domaines pratiques
telle l'hygiène— soient parfaitement
indépendants de tout le
reste
qui n'est pas issu d'une pure
acquisition de connaissances
elle-même,
de la culture de la vie spirituelle.
Ce qu'un particulier peut
accomplir pour le meilleur de ses
prochains, cela doit ressortir tout
seul de ses capacités, aucune norme
d'Etat n'ayant le droit de le
dicter, aucune dépendance des
puissances économiques n'ayant pas
davantage le droit d'exister; cela
doit être placé dans la sphère
de
dépendance personnelle de chacun, et
doit encore être placé dans
la confiance, pleine de
compréhension, que peuvent apporter
au-devant
de l'être humain muni de capacités
ceux qui ont besoin de
l'application
de ces capacités. On a besoin alors
d'une vie spirituelle
indépendante de tout principe
d'autorité, d'Etat et d'économie,
d'une vie qui agit d'elle-même de
façon compétente exclusivement
à partira des forces spirituelles.
C'est précisément lorsque vous
aurez pénétré par votre réflexion ce
qui peut véritablement
faire
de l'hygiène quelque chose qui soit
intimement lié à une
acquisition
pénétrante de connaissances par
l'homme, et à un pénétrant
comportement social humain, que vous
trouverez alors que
— peu importe ce que des théories
abstraites peuvent dire contre
la position indépendante de la vie
spirituelle — lorsque l'on
aborde
avec compétence un embranchement
isolé, comme l'hygiène,
que c'est précisément le domaine
concret et particulier de la
spécialité qui exige — et ce qui
peut être montré pour
l'hygiène pourrait
également l'être pour d'autres
domaines — que l'esprit soit pris
en compte par ceux qui participent à
sa culture, que ce ne soient
pas
seulement les spécialistes, siégeant
en tant qu'experts auprès des
ministères, qui soient les gérants
de cette vie spirituelle, mais
que
ce soient également ceux qui sont
actifs au sein de la vie
spirituelle,
qui soient les gérants de cette vie
spirituelle, et qui doivent en
être les seuls gérants. Et alors,
lorsqu'une hygiène, fondée
réellement
en tant qu'institution sociale et
issue de véritables vues à partir
de la vie spirituelle libre, sera
là, alors on pourra travailler sur
le
plan de la vie économique tout
autrement pour cette hygiène, et
précisément
dans une vie économique
indépendante, dans une vie
économique qui soit bâtie comme je
l'ai indiqué dans mes«Points
centraux
du problème social», comme cela a
été relaté de façon réitérée
dans les périodiques au service de
cette idée de tripartition de
l'organisme social, par exemple dans
l'organe suisse «L'avenir
social»
édité par M. Boos.
Lorsque
effectivement ce qui est latent, ce
qui repose au sein de
la Société humaine en tant que
forces pour la culture de la chose
hygiénique,
lorsque cela sera reçu par la
Société avec une compréhension
sur le plan humain, lorsque cela
deviendra ordre universel, alors
pourra être introduit dans la vie
économique, dans la vie
économique
indépendante tout ce qui, à partir
de cette vie économique
indépendante, et sans aucun égard à
de quelconques dépendances
des impulsions commerciales ou des
impulsions d'Etat, peut travailler
uniquement à partir de cette vie
économique indépendante,
ce qui doit être cultivé au service
d'une hygiène authentique,
véritable,
à partir de la vie économique. C'est
alors que pourra également
— et seulement à ce moment-là —
pénétrer dans la vie
économique
cet élément de noblesse généreuse,
qui est nécessaire pour que
l'hygiène puisse être cultivée dans
la vie de l'homme. Lorsque
règne
le seul sens commercial de notre vie
économique qui a de plus en
plus tendance à être incorporée à
l'Etat unitaire, et qu'existe
l'opinion
générale qu'il est nécessaire de
produire ce qui procure le plus
de
gains, alors ne peuvent se faire
valoir les impulsions, prenant appui
sur elles-mêmes, d'une vie
spirituelle libre cultivée également
dans
ce domaine-ci de l'hygiène. Alors
cette vie spirituelle deviendra
dépendante
de l'élément étatique ou économique
hors l'esprit, alors,
l'élément
économique deviendra maître du
spirituel. L'élément économique
n'a pas le droit de devenir maître
du spirituel. Cela apparaît le
mieux lorsqu'on doit produire ce qui
est exigé par l'esprit dans la
vie économique,
lorsque l'on doit se mettre au
service d'une authentique, d'une
véritable hygiène. Les forces de la
vie économique, de la vie
économique
libre, s'ajouteront, au sein de
l'organisme social structuré
suivant la tripartition, à la
compréhension qui deviendra chose
publique,
s'ajouteront à la compréhension
humaine qui deviendra chose
publique dans l'organisme social
tripartite. Et si d'un côté les
hommes se tiendront au sein d'une
vie spirituelle libre, dans
laquelle
pourra être cultivée une hygiène
basée réellement sur le terrain
de la compétence, et si de l'autre
côté les hommes auront
développé
cette noblesse généreuse au moyen de
celle au sein de la
vie économique, où à nouveau chacun
ira alors avec compréhension
au-devant des productions, mais avec
une compréhension ne venant
pas seulement du sens du profit mais
des vues pénétrantes se
formant
dans le libre mouvement spirituel de
l'hygiène, alors, lorsqu'un
jour cette compréhension sociale
humaine pleine de vues pénétrantes
sera là, donc cette noblesse humaine
qui voudra travailler sur
le plan économique, vu que tout
simplement il y a lieu de servir par
l'hygiène et au sens social
l'humanité, alors les hommes se
retrouveront
communautairement et de façon
démocratique dans des parlements
et autres assemblées. Car c'est à ce
moment que sera forgée
à partir de la vie spirituelle libre
la vue pénétrante dirigée
vers
la nécessité d'une hygiène en tant
que phénomène social, sera
forgée
pour ce qui, sera forgée pour la
culture de ce qui est nécessaire
pour l'hygiène en tant que problème
social, par la vie économique
portée par l'élément compétent et
technique, au moyen de la
noblesse généreuse qui y sera
développée; à ce moment-là, les
hommes devenus émancipés pourront
négocier sur le terrain de la
vie économique d'une part à partir
de leur vue pénétrante et de
leur
compréhension humaine, et d'autre
part à partirde leurs rapports à
la vie économique au service de
l'hygiène. A ce moment-là, les
hommes
pourront négocier, en tant qu'égaux
sur le terrain de la vie
d'Etat, de la vie juridique ou
économique, les mesures qui pourront
être prises en ce qui concerne
l'hygiène et la médecine publique.
A ce moment-là, ce ne seront certes
pas les profanes, les
dilettantes qui
guériront, mais c'est avec
compréhension que l'homme devenu
émancipé
se tiendra en face d'un égal qui lui
dira ceci ou cela: ,;n
face du médecin compétent dans son
domaine. Mais la possibilité
est offerte au profane par sa
compréhension de l'homme,
compréhension
qui est cultivée dans la vie sociale
ensemble avec le médecin,
d'aller avec compréhension au-devant
du savoir professionnel
de
façon, telle, que ce profane, au sein
du parlement conçu
démocratiquement,
ne dira plus «oui» uniquement aux
faits d'autorités,
mais dira «oui» par une certaine
compréhension.
C'est
justement lorsque nous suivons avec
objectivité, dans un tel
domaine particulier, la façon dont
agissent ensemble les trois
membres de l'organisme social
tripartite, que nous trouvons alors
toute
la justification de cette idée de
tripartition de l'organisme
social.
On peut combattre cette idée de
tripartition de l'organisme social
lorsqu'on l'a saisie, au départ, de
façon encore abstraite.
Voilà,
je ne pouvais pas aujourd'hui vous
donner plus qu'une esquisse
de ce qui résulte dans un domaine
particulier et concret—comme
c'est le cas de l'hygiène lorsqu'on
déroule des pensées correctes
à son sujet —, pour la nécessité de
la tripartition de
l'organisme
social. Mais lorsque les chemins que
je n'ai pu, pour ainsi dire,
qu'indiquer
aujourd'hui dans léur commencement,
seront poursuivis plus
avant, alors on s'apercevra que, il
est vrai, celui qui aborde à
l'aide de
quelques concepts abstraits ce qui
est là en tant qu'impulsion de
l'organisme social tripartite, peut
d'une certaine manière le
combattre.
En règle générale il propose des
raisons que l'on s'est depuis
longtemps faites à soi-même. Mais
celui qui, avec une compréhension
intérieure totale, prend en compte
les domaines particuliers
de la vie en prenant également en
compte la vie qui peut s'en
dégager avec tout ce qu'il y a
d'individuel que ces domaines
apportent
dans la vie humaine — c'est d'eux
dont il s'agit dans la vie
communautaire sociale —, celui qui
comprend véritablement tant
soit
peu les choses d'un domaine concret
de la vie, celui qui se donne
de la peine à comprendre quelque
chose d'une vraie pratique de
la vie dans un domaine donné,
celui-là sera de plus en plus orienté
dans la direction qui est indiquée
par l'idée de tripartition de
l'organisme social.
En
vérité, ce n'est pas à partir d'un
rêve, ce n'est pas à partir
d'un
idéalisme abstrait que cette idée a
jailli; elle a jailli en tant
qu'exigence
sociale des temps présents et de
l'avenir immédiat, précisément
à partir d'une considération,
concrète et conforme à
l'état des choses, des domaines
particuliers de la vie. Et à
nouveau,
lorsque l'on pénètre ces domaines
particuliers de la vie avec
ce qui agit en soi à partir de
l'impulsion pour la tripartition de
l'organisme social, on trouve alors,
pour tous ces domaines, ce qui,
d'après
mon impression, est justement
aujourd'hui plus que nécessaire.
Et ce ne sont que quelques
indications que je voulais vous donner
ce soir sur la façon dont ce qui
résulte pour la vie sociale à
partir de la science spirituelle,
c'est-à-dire la tripartition de
l'organisme
social, peut fructifier ce qui de
nos jours est reçu au moyen d'une
soumission entièrement aveugle basée
sur la foi en l'autorité,
indications
que je voulais vous donner sur le
fait que cela pénètre de
sa vie au sein de la société humaine
à partir d'une compréhension
humaine cultivée socialement au sens
véritable du terme, pénètre
en tant que fait social. C'est pour
cette raison qu'on a le droit de
dire: Au moyen de la fécondation,
que le domaine de l'hygiène peut
recevoir d'une médecine fécondée par
la science spirituelle, cette
hygiène précisément peut devenir un
fait social, véritablement
social.
Elle peut devenir de façon éminente,
et même à de hauts degrés,
affaire du peuple, menée
démocratiquement.
(traduit
de l'allemand par Frédéric C.
Kozlik)
|