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Institut pour une triarticulation sociale
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Collection: 07 - LES IDEAUX SOCIAUX
Sujet : Liberté spirituelle, psychique et physique 
 
Les références Rudolf Steiner Oeuvres complètes GA186 258-261 (1990) 15/12/1918
Traducteur: Marie-France Rouelle et Gudula Gombert Editeur: eda

 

10033 - Si le point de vue anthroposophique sur la question sociale rencontre tant d'opposition, c'est aussi parce que les gens ne peuvent pas penser conformément à la réalité, parce que surtout ils ne peuvent pas penser de manière différenciée et croient même souvent, lorsque quelqu'un y parvient, qu'il se contredit lui-même.
10034 - D'importantes questions du moment ne peuvent être résolues que grâce à un penser conforme à la réalité. J'en citerai une qui se rattache à ce dont nous avons déjà parlé. J'ai dit : Ce qui hante particulièrement les esprits des prolétaires, ce qui constitue le principe meneur de leur mouvement, c'est qu'à l'ancien esclavage s'est substitué l'asservissement par le travail, dans la mesure où dans la structure sociale actuelle le travail est une marchandise. J'ai insisté hier sur le fait que la tâche du penser social consiste justement à séparer la marchandise de la force du travail. La structure sociale ternaire dont j'ai parlé renferme déjà l'impulsion qui l'en séparera. Car elle n'entraînera pas des conséquences logiques, mais les conséquences de la réalité qui correspondent aussi à la réalité intuitionniste (Anschauungswirklichkeit).
10035 - Une autre question brûlante s'ajoute à celle-ci. Vous savez qu'une des exigences fondamentales du matérialiste prolétarien à connotation marxiste est la socialisation des moyens de production, qui doivent donc devenir propriété collective. Ce ne serait là qu'un début, la socialisation des terres, etc., devant suivre. Vous savez aussi, d'après ce que je vous ai exposé, que la nationalisation, ou plutôt, la collectivisation des moyens de production et des terres est inscrite au programme de la république soviétique de Russie. Cela nous amène à la question sous-jacente la plus importante de notre époque dans le domaine social. On peut la formuler ainsi : Si l'on considère les pays du centre et ceux de l'est, l'intervention sociale dans la culture ou le chaos actuels doit-elle faire qu'il y ait toujours davantage d'individus propriétaires, possesseurs, ou que la communauté devienne propriétaire ? Vous comprenez ce que je veux dire. Est-ce qu'un maximum d'individus doit posséder des biens, ou bien, pour éviter les injustices, tout ce qui peut être possédé, la terre, les moyens de production, etc., doit-il devenir propriété collective? C'est une question sous-jacente très importante. La tendance
du penser prolétarien est aujourd'hui de confier tous les biens à la collectivité. Mais, par rapport aux impulsions sociales les plus importantes, le fait qu'un individu, une association ou la communauté soit propriétaire ne fait aucune différence. La collectivité — pour qui peut étudier la réalité, cela se trouve confirmé — ne sera ni pire ni meilleur patron que l'individu. Cela réside simplement dans la nature des faits, comme une loi naturelle, mais on ne s'en rend pas compte. C'est pourquoi on est dans l'erreur. Car la question est celle-ci : Faut-il que tous les hommes deviennent propriétaires? Cela serait possible si il n'y avait pas de propriété collective (je ne peux développer plus avant la réalisation technique, mais elle est tout à fait applicable), mais que, selon les opportunités offertes sur un territoire quelconque, chaque individu fût propriétaire de manière équitable. Tous doivent-ils devenir propriétaires, ou bien est-ce que, comme le veut la pensée prolétarienne actuelle, tous doivent devenir prolétaires ? Voilà l'alternative. La pensée prolétarienne veut faire de tous les hommes des prolétaires, dont la collectivité serait l'unique patron. Or, lorsqu'on peut saisir la réalité, c'est le contraire qui advient. Car il ne sera jamais possible de parvenir à la structure sociale ternaire en faisant de tous les hommes des prolétaires. La tendance de la structure tripartite, à laquelle il faut arriver, est la liberté de l'individu sur les plans corporel, psychique et spirituel. On ne peut y arriver si tous les hommes sont prolétaires; mais chaque homme peut y parvenir si tous ont une base de propriété.
10036 - Il faut en second lieu arriver à réguler les rapports de sorte que tous soient égaux devant la loi, devant la constitution, le gouvernement en général. Liberté sur le chemin spirituel, égalité, disons, dans l'État, si nous voulons garder cette appellation pour l'un des trois domaines, et fraternité pour ce qui est de la vie économique. Je connais des livres pleins d'esprits qui soulignent à juste titre que ces trois idées «liberté, égalité, fraternité» se contredisent. Bon, l'égalité contredit incontestablement la liberté; de brillants écrivains l'ont exprimé dès 1848, et même auparavant, et c'est tout à fait exact. Lorsqu'on jette tout pêle-mêle, les choses se contredisent. Liberté dans le domaine spirituel, juridique, celui de la religion, de l'enseignement, de la jurisprudence; égalité dans le domaine de l'administration du gouvernement, de la sécurité; fraternité dans le domaine économique. Dans ce dernier se situe la propriété, qui demande seulement à l'avenir à être gérée de manière adéquate; dans le domaine de la sécurité et de l'administration se situe le droit, et dans celui de la vie spirituelle et juridique, la liberté. Lorsque les choses sont réparties sur le modèle de la trinité, elles ne se contredisent pas. Car ce qui se contredit dans les pensées est
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conforme à la réalité, justement parce que dans la réalité les choses appartiennent à des domaines différents. La pensée a du mal à avancer dans les contradictions, cependant que la réalité vit dans les contradictions. Or on ne peut pas saisir la réalité si on ne saisit pas les contradictions, si dans ses pensées on ne peut les suivre. Vous voyez que la science spirituelle d'orientation anthroposophique, telle qu'elle est entendue ici, a vraiment des choses à dire sur les questions les plus importantes de notre époque. Certains d'entre vous comprendront peut-être cela quand même et verront aussi que la manière dont on devrait penser au sujet de cette science spirituelle devrait au fond être influencée par la conscience de sa position face aux exigences les plus importantes de l'époque.