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Collection: 07 - LES IDEAUX SOCIAUX
Sujet : Corps fraternel occidental, centre psychique libre, esprit égal oriental 
 
Les références Rudolf Steiner Oeuvres complètes GA185 217-228 (1982) 03/11/1918
Traducteur: Editeur: TRIADES

 

Il faudrait en outre considérer un troisième courant d'évolution : celui que suivent les différents peuples ou peuplades. Dans ce contexte, je vous ai déjà exposé que le peuple italien par exemple, dans ce qui appartient au peuple, développe particulièrement l'âme de sensibilité ; le peuple français, ce qui est stimulé par l'âme d'entendement ; les peuples anglophones, ce qui développe particulièrement l'âme de conscience, etc. Ceci constitue la troisième évolution. Vous le voyez, les courants interfèrent, et je ne peux pas dégager un principe unique pour notre époque.
Première évolution : l'humanité entière développe l'âme de sensibilité.
Deuxième évolution : l'individu développe l'âme de conscience. Troisième évolution : celle des peuples.
Mais ces trois courants se croisent en chaque être humain, ils interviennent dans toutes les âmes. Vraiment, mes chers amis, l'ordre de l'univers n'est pas une chose simple ! Si vous voulez qu'il puisse pour vous s'exprimer par les idées les plus simples, il faut vous faire professeur ou roi d'Espagne. Rappelez-vous en effet la légende de ce roi d'Espagne à qui l'on exposait une structure de l'univers pourtant bien moins compliquée que celle qui est envisagée ici : si Dieu lui avait laissé le soin d'organiser le monde, disait-il, il ne l'aurait pas fait aussi compliqué. Il aurait beaucoup simplifié les choses. Et certains manuels, ou ouvrages de vulgarisation, se sont toujours conformés à ce principe : la vérité doit être simple. Principe que l'on applique non pas en se fondant sur une réalité, mais uniquement par indolence, je pourrais même dire à cause de la paresse humaine générale. En schématisant, en classant tout, on ne rend vraiment pas compte de la réalité. Et ces conceptions simplistes
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si appréciées aujourd'hui dans le domaine des sciences officielles, elles sont à des années-lumière — pour employer le langage des astronomes — de la réalité véritable.
Lorsqu'on veut comprendre tout ce qui agit dans les âmes humaines de cette cinquième époque post-atlantéenne, il faut bien tenir compte de ces évolutions particulières insérées dans l'ensemble de l'évolution. Car elles procèdent lentement, progressivement. Et pour envisager l'évolution religieuse de cette même période, nous aurons présent à l'arrière-plan, en quelque sorte, ce triple cheminement.
Au moment où commence cette cinquième époque post­atlantéenne, en effet, beaucoup de choses, et aussi la vie religieuse de l'humanité civilisée, sont prises dans les ondes profondes d'un mouvement de transformation. Mouvement qui n'est nullement achevé de nos jours, et qu'il faut comprendre dans ses effets profonds ; par là, les hommes pourront vraiment faire usage de l'âme de conscience. Car, comme je le disais hier, les humains ne pourront vraiment prendre part à l'évolution ultérieure que s'ils voient clairement ce qui se passe. Au début du xv' siècle, les impulsions religieuses de l'humanité civilisée sont véritablement agitées de remous. Voyons tout d'abord l'Europe ; car ayant acquis une vue de ce qui s'y est passé à ce sujet, nous aurons également une image du globe terrestre tout entier. Les remous dont je parle se préparaient depuis longtemps, depuis le x' siècle et même le ix' déjà, dans la vie spirituelle de l'Europe et de l'Asie mineure. Ils se préparaient par les effets que provoquait encore, sous une forme tout à fait particulière, l'impulsion du Christ. Nous le savons, cette impulsion poursuit son action avec le temps. Mais cette expression abstraite : elle poursuit son action — ne dit vraiment que très peu de chose. Il faut pouvoir discerner sous quelles formes diverses, différentes, elle se poursuit, modifiée, ou mieux encore métamorphosée.
Lorsqu'on observe ce qui se mit ainsi en mouvement au début du xv' siècle, et agit encore très profondément dans les hommes aujourd'hui -- bien souvent sans qu'ils en aient la moindre conscience —, on le voit en rapport avec les événements catastrophiques actuels. Et la chose s'exprime tout d'abord, à partir des Ix' et x' siècles, par la possibilité de créer sur un certain territoire du monde civilisé le vrai peuple du Christ : peuple qui fut doté de la faculté, de la possibilité intérieure de répandre dans les siècles futurs
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la révélation chrétienne. On exprime la chose dans son sens le plus authentique lorsqu'on dit qu'à cette époque, et pour préparer les temps futurs, un peuple fut rendu particulièrement apte à devenir le peuple du Christ.
A l'origine de ce phénomène, il y a tout d'abord ce fait : dès le De siècle, l'impulsion du Christ, poursuivant son action efficace, prit des formes différentes en Europe. Des âmes se révélèrent alors capables de s'ouvrir directement à la révélation chrétienne — et cette forme que prenait l'action de l'impulsion christique fut rejetée vers l'Europe orientale. Tout ce qui s'accomplit sous le patriarche Photius, sous le pape Nicolas I", aboutit à rejeter l'impulsion christique dans son intensité particulière vers l'Est de l'Europe.
Une controverse s'alluma à ce moment, vous le savez : fallait-il penser que le Saint-Esprit venait du Père et du Fils, ou avait-il une autre origine ? Mais je ne m'arrêterai pas à cette controverse dogmatique. Ce que je veux considérer, c'est ce qui a une action durable. Cette différenciation, cette métamorphose de l'impulsion christique se produisit donc : les habitants de l'Est de l'Europe ouvrirent leur âme aux influx permanents de l'impulsion du Christ, à la présence perpétuelle, permanente, du souffle du Christ. Cette forme nouvelle fut rejetée vers l'Est, et de ce fait, le peuple russe au sens le plus large du terme devint, dans le cadre de la civilisation européenne, le peuple du Christ.
Il est particulièrement important de savoir cela à notre époque. Et ne dites pas qu'en présence des événements actuels, une pareille vérité paraît bizarre. En parlant ainsi, vous manifesteriez seulement que vous vous méprenez complètement sur le principe fondamental de la sagesse spirituelle, à savoir que souvent, les événements extérieurs ont un aspect absolument opposé à la réalité, à la vérité profondes. Et ce qui compte, c'est que l'on discerne les processus internes, les véritables réalités spirituelles. Celles-ci ont eu pour résultat de lancer en direction de l'Est de l'Europe une vague qui amena la naissance du peuple du Christ.
Mais que veut dire en fait cette expression : la naissance du peuple du Christ ? Vous pourrez le discerner par l'étude des symptômes dans l'histoire extérieure. Vous verrez — si vous portez votre regard sur les processus internes, et non pas sur les faits extérieurs souvent en contradiction avec la réalité —, vous verrez que tout cela est parfaitement exact. Cette expression, la naissance du peuple du Christ, signifie qu'à l'Est de l'Europe un territoire fut réservé où

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vivaient des hommes directement unis à l'impulsion du Christ, des hommes qui, en permanence, recevaient dans leur âme l'impulsion du Christ. Le Christ est là, présent, en permanence : c'est l'aura intérieure qui imprègne la pensée, le sentiment de ce peuple.
De ce que j'avance ici, on ne peut trouver aucune preuve extérieure plus nette, plus directe, que la personnalité de Solovieff, le plus grand philosophe russe des temps modernes. Lisez-le, et vous sentirez — en dépit de toutes les singularités de cet homme dont j'ai parlé dans d'autres perspectives — comment afflue en lui directement ce que l'on pourrait appeler l'inspiration christique. Inspiration qui agit avec une telle force en son âme qu'il ne peut se représenter la structure de la société autrement que gouvernée par le Christ. Le Christ invisible est pour lui le souverain de la communauté humaine, et toute action accomplie par l'homme se fait par l'action efficace, pénétrant jusque dans les muscles, de l'impulsion du Christ. Le plus pur, le plus beau représentant du peuple du Christ, c'est le philosophe Solovieff.
C'est cette orientation qu'a gardée jusqu'à ce jour, jusqu'à cette heure, l'évolution russe. Et lorsqu'on sait que le peuple russe est le peuple du Christ, on peut comprendre que l'évolution actuelle se soit poursuivie jusqu'à la forme qu'elle prend présentement. C'est là une des métamorphoses, préparée par le peuple du Christ, une des différenciations de l'impulsion du Christ.
Une seconde forme différente fut l'oeuvre de Rome. Ayant observé la métamorphose authentique, l'action efficace et permanente de cette forme nouvelle en direction de l'Est, Rome, faisant de la souveraineté spirituelle du Christ une souveraineté temporelle de l'Eglise, décréta que tout ce qui concerne le Christ fut révélé une fois pour toutes au début de notre ère — une unique fois. Révélation qui fut confiée à l'Eglise, et que l'Eglise a pour tâche de diffuser. Par là, la révélation chrétienne se trouva liée à une puissance temporelle, et dépendit de l'administration, de la souveraineté de l'Eglise. C'est ce qu'il importe de bien comprendre. On aboutit ainsi à une amputation de l'impulsion du Christ. Elle est portée dans sa totalité par le peuple du Christ, qui la répand sous la forme d'une activité efficace, directe, présente. L'Eglise romaine a annulé, supprimé cette action permanente, elle a réduit l'impulsion du Christ à un fait historique situé au début de notre ère, et mis tout l'accent sur la tradition, sur la lettre des Ecritures ; et tout cela est désormais placé sous l'administration de l'Eglise.
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Par un tel cheminement, l'impulsion du Christ, chez les peuples sur lesquels l'Eglise romaine avait étendu son influence, descendit des hauteurs spirituelles où elle s'est maintenue dans l'Est, et fut amenée au niveau d'intrigues politiques, de cette confusion entre la politique et l'Eglise dont je vous ai déjà dit, dans d'autres perspectives, qu'elle caractérisait le Moyen-Age. En Russie, cette confusion — bien que le tsar eût été nommé pape de l'Eglise russe — n'existait pas, elle n'était inscrite que dans les faits extérieurs, dans des apparences. La véritable collusion entre les problèmes de pouvoir et les questions d'administration cléricale fut l'oeuvre de Rome.
Cette confusion entre l'administration cléricale et le pouvoir politique, en raison de motifs, de réalités internes historiques, provoqua une certaine crise au début de la cinquième époque post-atlantéenne. C'est celle de l'âme de conscience, nous le savons, celle où la personnalité veut se manifester et prendre appui sur elle-même. Et de ce fait, dès lors que point l'aube de cette autonomie de la personnalité, il devient particulièrement difficile d'y voir clair dans le problème de la personnalité du Christ Jésus lui-même. Jusqu'au xve siècle, le Moyen-Age avait maintenu ses dogmes sur la manière dont, en la personne du Christ, l'esprit divin s'unissait au corps physique. Ces dogmes avaient naturellement revêtu des formes différentes. Mais sans provoquer des conflits, des bouleversements dans les âmes. Dans les contrées où s'était répandu le catholicisme romain, ces conflits surgirent au moment où la personnalité humaine, aspirant à se saisir elle-même, demanda aussi des explications sur la personnalité du Christ. Au fond, les oppositions de Huss, de Wyclif, de Luther, de Zwingli, de Calvin, le combat que menèrent ensuite les Baptistes, Gaspard Schwenkfeld, Sébastien Franck et bien d'autres encore, étaient l'expression du besoin de savoir comment la nature divine et spirituelle du Christ est rattachée à la nature humaine temporelle de Jésus. Voilà ce qui était en discussion, et qui certes créa beaucoup de remous. En particulier, dés doutes s'éveillèrent vis-à-vis du courant d'évolution qui avait émoussé l'action efficace durable, permanente, de l'impulsion du Christ, qui l'avait réduite à un événement placé au début de notre ère, et dont l'Eglise devait assurer la diffusion. On peut dire qu'ainsi, tout ce qui recevait l'influence de Rome devint le peuple de l'Eglise. Des Eglises, des sectes furent alors fondées, qui avaient une certaine importance. Ne venez pas dire qu'en Russie aussi on a fondé des sectes. Ce sont de ces notions qui pervertissent toute vue de la
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réalité : on emploie le même mot pour des choses qui, dans un territoire, sont foncièrement différentes de ce qui s'est produit ailleurs. En étudiant les sectes russes, on s'apercevra qu'elles n'ont pas la moindre ressemblance avec ce que furent les sectes dans les régions placées sous l'influence de l'Eglise catholique et romaine. Ce qui compte, ce n'est pas que l'on puisse désigner les choses par le même mot : c'est la pulsation de la réalité qui passe à travers elles.
Ce qui caractérise la vie et les aspirations des humains au début du xv' siècle, c'est précisément cette attitude de rébellion — pour les raisons que j'ai déjà exposées, et aussi parce qu'ils se dressaient contre l'Eglise catholique et romaine, uniforme et agissant par le moyen de la suggestion.
Cet assaut de la personnalité provoque un contre-coup : au romanisme de l'Eglise vient se joindre le mouvement jésuite qui dans son sens fondamental (que déforment aujourd'hui les ragots, pardonnez-moi cette expression brutale, qui parlent partout de «jésuitisme »), qui dans son sens fondamental n'est possible qu'à l'intérieur de l'Eglise catholique romaine. Car dans l'essentiel, il repose sur ceci : au sein du véritable peuple du Christ, la révélation de l'impulsion christique reste en quelque sorte dans la nuée du suprasensible, elle ne descend pas dans le monde physique, dans le monde des sens. Solovieff veut hausser le royaume de ce monde jusqu'au royaume de Dieu, il ne veut pas que ce dernier descende dans le temporel. Le mouvement jésuite vise au contraire à implanter le royaume de Dieu dans le temporel, et à susciter dans l'âme des impulsions telles que ce royaume de Dieu agisse dans le champ physique comme le font les lois du monde physique. Le mouvement jésuite aspire à établir une souveraineté temporelle, sous la forme d'une royauté, du royaume temporel du Christ. Il veut y parvenir avant tout en préparant ses adeptes — les membres de l'Ordre de Jésus — comme s'ils étaient une communauté militaire, une armée. Le Jésuite se sent soldat spirituel, et pour lui le Christ n'est pas un être spirituel agissant sur le monde par les voies de l'Esprit. Il doit le porter dans ses pensées, dans sa sensibilité, comme un souverain temporel, le servir comme on sert un roi en ce monde, comme un soldat sert son général. L'administration ecclésiastique, du fait qu'elle régit le spirituel, ne peut prendre les formes d'un gouvernement militaire, mais elle doit soumettre son organisation à un ordre militaire strict. Tout doit viser à faire du vrai chrétien un soldat du généralissime Jésus. C'est là — pour caractériser
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aujourd'hui d'un autre point de vue une chose que j'ai déjà exposée à Karlsruhe —, c'est là le but essentiel des exercices que pratique tout Jésuite pour cultiver en lui cette force immense dont disposa longtemps l'Ordre de Jésus, et dont l'action sera encore sensible dans les formes décadentes des temps de chaos que nous abordons maintenant. Toutes les méditations prescrites par Ignace de Loyola, et que les Jésuites pratiquent scrupuleusement, visent à faire de ceux-ci les soldats du généralissime Christ.
En voici quelques échantillons. Prenez par exemple, parmi ceux que le Jésuite doit pratiquer, par lesquels il acquiert sa force, les exercices spirituels de la seconde semaine. On doit commencer par une introduction au cours de laquelle est évoqué en imagination « le royaume du Christ ». Mais le Jésuite doit se représenter ce royaume avec le Christ guidant et précédant ses légions, comme un capitaine, pour conquérir le monde. Vient ensuite une prière de préparation, puis le premier préambule :
« Premier préambule — Composition : voir le lieu. Ici, voir par le regard de l'imagination les synagogues, les bourgs et les villages où le Christ notre Seigneur prêchait. »
Tout cela doit être totalement représenté sous la forme d'une image, si bien que le disciple, l'élève, doit porter en lui la situation avec tous ses détails comme s'il les percevait par les sens.
« Second préambule — Demander la grâce que je veux. Ici demander la grâce à Notre Seigneur, afin de ne pas être sourd à son appel, mais prompt et diligent à accomplir sa très sainte volonté. »
Vient ensuite l'exercice proprement dit, dont la première partie englobe plusieurs points. L'âme est très soigneusement préparée.
« Premier point — Me représenter un roi humain, choisi par la main de Dieu notre Seigneur, auquel rendent respect et obéissance tous les chefs chrétiens et tous leurs hommes. »
Le méditant doit, par l'imagination, se représenter tout cela avec la même intensité que celle des impressions sensorielles.
« Deuxième point — Regarder comment ce roi parle à tous les siens et leur dit : `Ma volonté est de conquérir tout le territoire des infidèles. Pour cela, celui qui voudra venir avec moi devra se contenter de la même nourriture que moi, de la même boisson, du même vêtement, etc. Il devra aussi peiner avec moi le jour et veiller

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la nuit, etc., pour prendre part ensuite avec moi à la victoire, comme il l'aura prise à la peine.' »
Ceci renforce la volonté ; les images sensibles imprègnent cette volonté de leur feu, de leur intensité.
« Troisième point — Considérer comment doivent répondre à un roi si généreux et si humain les sujets fidèles, et aussi combien celui qui n'accepterait pas la requête d'un tel roi mériterait d'être blâmé par tout le monde et tenu pour lâche chevalier. »
Il lui faut donc voir bien clairement la chose : s'il n'est pas un véritable soldat, un chevalier du généralissime, le monde entier le considérera comme un indigne.
Vient ensuite la seconde partie de cet exercice de la deuxième semaine :
« La seconde partie de cet exercice consiste à appliquer l'exemple précédent du roi temporel au Christ notre Seigneur, en suivant les trois points ci-dessus.
« Premier point — Dans le premier point, s'il faut prêter attention à un tel appel adressé par le roi temporel à ses sujets, combien est-ce une chose qui mérite plus d'attention encore que de voir le Christ notre Seigneur, Roi éternel, et devant lui tout l'univers qu'il appelle, en même temps que chacun en particulier, en disant : `Ma volonté est de conquérir le monde entier et tous les ennemis, et d'entrer ainsi dans la gloire de mon Père. Pour cela, celui qui voudra venir avec moi doit peiner avec moi, afin que, me suivant dans la souffrance, il me suive aussi dans la gloire.'
« Second point — Considérer que tous ceux qui auront jugement et raison offriront toute leur personne à la peine.
« Troisième point — Ceux qui voudront aimer davantage et se distinguer au service total de leur Roi éternel et de leur Seigneur universel, n'offriront pas seulement leur personne à la peine ; mais encore, allant contre le sensible en eux et contre leur amour charnel et mondain, ils feront une offrande de plus haut prix et de plus haute importance, disant : `Eternel Seigneur de toutes choses, je fais mon offrande, avec votre faveur et votre aide, devant votre infinie Bonté et devant votre Mère glorieuse et tous les saints et saintes de la cour céleste. Je veux et je désire, et c'est ma détermination réfléchie, pourvu que ce soit votre plus grand service et votre plus grande louange, vous imiter en endurant toutes les injustices et tous les
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mépris, et toute pauvreté, aussi bien effective que spirituelle, si votre très sainte Majesté veut me choisir et m'admettre à cette vie et à cet état.'
« Première note — On fera cet exercice deux fois dans la journée : le matin au lever, et une heure avant le déjeuner ou le diner.
« Seconde note — Pour la seconde semaine, ainsi que pour les suivantes, il est très utile de faire quelques lectures dans le livre de l'Imitation de Jésus-Christ, dans les Evangiles ou dans les vies des saints. »
Il faut savoir ce qu'il advient de la volonté lorsqu'elle est sous l'influence de ces imaginations — cette volonté de soldat en esprit, qui fait du Christ Jésus un généralissime. Il parle de « la cour céleste » que l'on sert dans toutes les formes de l'humilité et de la soumission. Ces exercices qui, à partir de l'imagination, modèlent particulièrement la volonté, ont une action très puissante sur celle-ci lorsqu'ils sont constamment répétés. Il est recommandé de répéter quotidiennement la méditation ci-dessus qui est fondamentale dans les semaines qui suivent, si possible sous la même forme, avant la « contemplation ». Prenons par exemple le quatrième jour. Nous avons la « prière préparatoire habituelle », puis un premier préambule.
« Premier préambule — L'histoire. Ici, le Christ qui appelle et qui veut tous les hommes sous son étendard, et Lucifer, au contraire, sous le sien. »
Il faut se représenter exactement l'étendard. Et deux armées précédées chacune d'un étendard, celui de Lucifer et celui du Christ.
« Second préambule — Composition : voir le lieu. Ici, voir un vaste camp dans toute la région de Jérusalem, où le souverain capitaine général des bons est le Christ notre Seigneur. Un autre camp dans la région de Babylone, où le chef des ennemis est Lucifer.
Les deux armées et les deux étendards sont face à face.
« Troisième préambule — Demander ce que je veux. Ici, demander la connaissance des tromperies du mauvais chef et le secours pour m'en garder, ainsi que la connaissance de la vraie vie qu'enseigne le souverain et vrai capitaine, et la grâce pour l'imiter. »
Voici maintenant la première partie de l'exercice proprement dit :
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l'étendard de Lucifer; le méditant dirige donc son regard imaginatif sur l'armée qui suit l'étendard de Lucifer.
« Premier point — Imaginer le chef de tous les ennemis dans ce vaste de camp de Babylone, comme assis dans une sorte de grande chaire de feu et de fumée, avec un aspect terrible et terrifiant.
Second point — Considérer comment il procède à l'appel de démons innombrables, et comment il les répand, les uns dans une ville, les autres dans une autre ; et cela à travers le monde entier, sans omettre une province, une contrée, un état de vie ou une personne en particulier. »
Cette action qui répand les démons doit donc être représentée dans le détail et concrètement.
Troisième point — Considérer le discours qu'il leur tient et comment il leur enjoint de jeter leurs filets et leurs chaînes : ils doivent tenter d'abord par la convoitise des richesses, comme c'est le cas le plus fréquent, afin qu'on en vienne plus facilement au vain honneur du monde et enfin à un orgueil immense. De la sorte, le premier échelon est la richesse, le second l'honneur et le troisième l'orgueil. Et, par ces trois échelons, il amène à tous les autres vices. »
Seconde partie : l'étendard du Christ
« C'est tout à l'opposé qu'il faut imaginer le souverain et vrai capitaine, le Christ notre Seigneur.
« Premier point — Considérer comment le Christ notre Seigneur se tient en un vaste camp dans la région de Jérusalem, en humble place, beau et gracieux.
Second point — Considérer comment le Seigneur du monde entier choisit tous ces hommes : apôtres, disciples, etc., et les envoie par le monde entier répandre sa doctrine sacrée parmi les hommes de tout état et de toute condition.
Troisième point — Considérer le discours que le Christ notre Seigneur tient à tous ses serviteurs et à tous ses amis qu'il envoie à cette expédition. Il leur recommande de chercher à aider tous les hommes, en les entraînant, premièrement, à la suprême pauvreté spirituelle, et non moins à la pauvreté effective si la divine Majesté doit en être servie et veut bien les choisir ; secondement, au désir des humiliations et des mépris, car de ces deux choses résulte l'humilité. De la sorte, il y a trois échelons : le premier est la pauvreté opposée à la richesse, le second les humiliations ou les mépris opposés à
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l'honneur mondain, le troisième l'humilité opposée à l'orgueil. Et, par ces trois échelons, ils doivent amener à toutes les autres vertus. »
C'est ainsi que sont pratiqués les exercices. Ce qui importe, je vous l'ai dit, c'est qu'un royaume temporel et organisé comme tel doit être représenté comme étant l'armée du Christ. Cet esprit jésuite porte l'empreinte la plus rigoureusement logique, la meilleure, d'une excellente forme d'organisation, celle que véhicu­lait le second courant dont j'ai parlé : l'impulsion du peuple de l'Eglise. Dans l'essentiel, on constatera que cette impulsion vise à faire descendre la révélation unique faite à Jérusalem jusqu'au niveau d'un royaume temporel. Tous les exercices ont pour but d'amener le méditant à se choisir lui-même comme soldat servant sous l'étendard du Christ, à se ressentir comme un véritable soldat du Christ. C'est bien le sens que prit pour Ignace de Loyola la révélation qu'il reçut lui-même : tout d'abord guerrier, il dut s'aliter après avoir été blessé, et fut alors amené au cours de ses méditations (je ne dirai pas par quelle puissance) à une métamorphose intérieure : dans son âme, l'impulsion qui avait fait de lui un guerrier se transforma en celle qui le faisait combattant du Christ, soldat du Christ. C'est un des phénomènes les plus intéressants de l'histoire du monde que cette métamorphose, chez un très vaillant guerrier, de l'impulsion à combattre en une impulsion spirituelle.
Il est évident que, là où l'impulsion du Christ avait été amputée de l'efficacité permanente qu'elle possédait au sein du « peuple du Christ », elle devait prendre cette forme extrême. On peut maintenant se demander s'il n'existe pas une forme du christianisme diamétralement opposée à celle que mit au point le mouvement jésuite. Il faudrait alors qu'elle soit née sur le territoire occupé par le peuple de l'Eglise. Il faudrait que les différentes réactions du luthéranisme, de Zwingli, de Calvin, des Baptistes, etc., que ce chaos, ces forces dispersées, aient produit quelque chose qui s'oppose diamétralement au mouvement jésuite, qui en quelque sorte cherche à s'en dégager, tandis que le courant jésuite s'ancrait toujours plus profondément dans la population de l'Eglise. Le mouvement jésuite veut transformer l'impulsion du Christ en une souveraineté purement temporelle, il veut fonder un Etat terrestre qui soit en même temps un Etat jésuite, et que gouvernent ceux qui se sont faits les soldats du Christ. Quelle pourrait être la force qui vienne s'opposer à cette tendance ?
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Ce serait celle qui cherche, non pas à faire descendre jusqu'au plan terrestre ce qui est dans les hauteurs, mais à élever vers le monde spirituel ce qui est ici-bas. Cette tendance est comme innée, c'est une prédisposition chez le peuple du Christ ; elle s'exprime chez Solovieff — bien que souvent par des balbutiements. Or, sur le territoire du vrai peuple de l'Eglise, il existe bien quelque chose qui s'oppose radicalement au courant jésuite, qui veut que l'impulsion du Christ agisse dans les âmes, et sur le monde extérieur à travers les âmes. Une telle impulsion pourrait apparaître au sein du peuple de l'Eglise ; mais elle voudrait orienter l'évolution de telle sorte que l'impulsion christique spirituelle pénètre seulement dans les âmes, qu'elle reste en quelque sorte ésotérique — ésotérique au sens le meilleur, au sens le plus noble du terme. Le mouvement jésuite veut tout transformer en un royaume temporel. L'autre courant voudrait considérer le royaume temporel comme quelque chose qui doit, à la rigueur, être présent sur le plan physique, mais qui surtout unit les hommes entre eux afin que dans leur âme ils puissent s'élever vers les mondes supérieurs. Ce contraste direct, ce pôle à l'opposé du courant jésuite, c'est le goethéanisme.
Il veut exactement l'inverse de ce à quoi vise le mouvement jésuite. Et lorsqu'on l'envisage dans cette orientation, on comprend le goethéanisme dans une perspective nouvelle. C'est pourquoi le mouvement jésuite a juré et jurera de plus en plus d'être l'ennemi éternel du goethéanisme. Ils ne peuvent subsister ensemble. Chacun sait fort bien ce qu'est l'autre. Le meilleur livre sur Goethe est l'ouvrage du père jésuite Baumgartner — du point de vue jésuite bien entendu. Ce que les professeurs allemands ou l'Anglais Lewes ont écrit sur Goethe, c'est du travail bâclé vis-à-vis de ce qu'a écrit le père jésuite Baumgartner sur Goethe dans ses trois volumes, car il sait pourquoi il écrit ! Le regard de l'adversaire n'en discerne que mieux ce qu'il voit chez Goethe. Il n'écrit pas non plus comme un professeur allemand doté de l'intelligence moyenne du bourgeois, et moins encore comme l'Anglais Lewes, lequel décrit bien un homme né certes en 1749 à Francfort, et qui a passé par les mêmes expériences qui furent celles de Goethe, mais qui n'est pourtant pas Goethe. Le Jésuite Baumgartner décrit avec tout ce qui, par ses méditations, s'est déversé dans sa volonté. Et c'est ainsi que sur ce point se rejoignent le goethéanisme, qui doit jouer un rôle dans l'avenir, et un élément apparu directement au moment où
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commence le xv' siècle, et qui, à travers la Réforme, aboutit au jésuitisme.
Je décrirai demain le troisième courant. Aujourd'hui, je vous ai décrit le peuple du Christ et le peuple de l'Eglise, et je décrirai demain la troisième influence qui est intervenue, en vue d'acquérir une vue intérieure de l'évolution actuelle de la religion en fonction de ses symptômes.

NEUVIÈME CONFÉRENCE
Dornach, 3 novembre 1918
PAR les faits exposés hier, nous avons, dans l'essentiel, indiqué comment ce que nous appelons le peuple du Christ s'est trouvé relégué à l'Est, et comment, en raison d'autres faits, le peuple de l'Eglise proprement dit — on pourrait dire aussi « les peuples de l'Eglise » — s'est développé à partir du centre de l'Europe, mais davantage en direction de l'Ouest. A cette situation fondamentale sont liés divers conflits qui prirent leur extension environ le tournant qui marqua l'entrée dans la cinquième époque post-atlantéenne, et immédiatement après. Du fait que l'impulsion du Christ ne s'est pas maintenue sous la forme d'une efficacité permanente, mais sous celle d'une tradition et d'une interprétation traditionnelle des Ecritures, une unification, une confusion s'est établie entre le christianisme et la papauté, l'Eglise du pape, romaine et organisée en Etat, en ensemble politique ; et d'autres églises aussi se sont constituées, dans le contexte de l'Eglise du pape. Certes, on peut dire que ces autres églises manifestent de grandes différences avec l'Eglise du pape — mais elles ont aussi beaucoup de points communs avec elle, et ce sont là des choses qui présentent pour nous un intérêt. Dans cet éclairage, l'Eglise d'Etat protestante nous apparaît tout au moins plus proche de l'Eglise catholique romaine que par exemple de l'Eglise orthodoxe, de l'Eglise russe, pourtant elle aussi église d'Etat — mais ce ne fut jamais son caractère essentiel. Ce qui est essentiel en cette Eglise russe, c'est la manière dont, à travers le peuple russe, l'impulsion du Christ, poursuivant son action en permanence, s'est affirmée. Nous avons vu également comment s'est constitué le
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mouvement jésuite, et comment est apparu, en opposition à ce mouvement, ce qu'on peut appeler le goethéanisme.
Ce goethéanisme, disais-je, s'efforce de promouvoir un courant opposé qui a une certaine ressemblance avec le christianisme russe. Il vise en effet à élever vers les mondes spirituels ce qui se trouve dans le monde physique. Ainsi, malgré ses conditions d'existence dans le monde physique, l'âme s'unit aux impulsions du monde spirituel, lesquelles ne sont pas directement transposées sur le plan de la réalité sensible — c'est ce qui se passe au sein du mouvement jésuite — mais sont seulement portées par les âmes. Goethe n'a pas souvent exprimé ses pensées les plus intimes à ce sujet. Mais si on veut les connaître, il faut revenir à un passage du « Wilhelm Meister » dont j'ai déjà parlé : Wilhelm est conduit au château d'un gentilhomme où, entre autres choses, on lui montre une galerie de tableaux qui représentent l'histoire universelle et, dans le cadre de cette histoire du monde, l'évolution religieuse de l'humanité — Goethe présente ainsi, sous une forme littéraire, une grande idée. Son guide conduit Wilhelm Meister jusqu'à un certain point : l'histoire est montrée jusqu'à la destruction de Jérusalem ; Wilhelm fait alors remarquer ce qui lui paraît manquer : la représentation de la vie, comme il dit, de l'homme divin qui fut actif en Palestine immédiatement avant cette destruction de Jérusalem. Il est alors conduit dans une autre, dans une seconde galerie dans laquelle est montré ce que l'on ne voit pas dans la première, où manque toute la vie, comme il est dit, de l'homme divin, du Christ Jésus. On lui montre alors dans la seconde la vie du Christ Jésus jusqu'à la Cène. Et on lui explique alors ceci : toutes les impulsions religieuses représentées dans la première galerie, et actives jusqu'à la destruction de Jérusalem, concernent l'être humain en tant que membre d'une ethnie, d'un peuple. Ce que l'on voit dans la seconde galerie concerne l'individu seul, c'est l'affaire personnelle de chacun. Cela ne peut être proposé qu'à la personnalité. Ce n'est pas la substance d'une religion commune à tout un peuple, mais celle qui s'adresse à l'être humain en tant que tel.
Wilhelm remarque alors que dans cette seconde galerie, la vie du Christ Jésus n'est représentée que jusqu'à la Cène ; mais le récit de la Passion, jusqu'à la mort et au-delà, fait défaut. Il est alors conduit dans une troisième galerie tout à fait secrète où figurent les scènes de cette troisième partie. Mais en même temps, on lui fait remarquer que c'est là quelque chose qui touche à l'être le plus intime de
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l'homme, et que l'on n'a aucunement le droit de la présenter d'une manière profane, aux yeux du monde extérieur, comme on le fait habituellement. Cela doit parler à l'être profond de l'homme.
On peut toutefois remarquer à bon droit que ce qui était encore valable du temps de Goethe — à savoir que la Passion du Christ n'était pas faite pour tous les yeux —, cela n'est plus valable maintenant. Depuis ce temps, nous avons franchi d'autres étapes de l'évolution. — Mais je voudrais signaler que dans ce passage du « Wilhelm Meister », c'est l'attitude foncière de Goethe à ce sujet qui nous apparaît. Pour Goethe, la chose nous est clairement montrée, l'impulsion du Christ doit être reçue au plus profond de l'âme ; il ne veut pas qu'elle se confonde avec ce qui vient du peuple, ni en tout cas avec les circonstances extérieures, celles du plan physique. Il veut au contraire qu'Un rapport direct s'établisse entre l'âme de chaque être individuellement et l'impulsion du Christ. C'est là une chose extrêmement importante pour la compréhension non seulement de Goethe, mais aussi du goethéanisme. Je vous disais récemment : en face de la culture extérieure, Goethe et le goethéanisme sont en fait isolés ; mais lorsqu'on considère l'évolution en marche, les progrès qu'accomplit dans son lien avec la religion l'être intime de l'homme, on ne peut plus dire cela. Dans cette perspective, la personne de Goethe représente un autre élément qu'elle prolonge. Mais pour bien comprendre comment Goethe est en contraste avec tout ce qui se manifeste dans les Eglises de l'Europe du Centre, il faut considérer une troisième impulsion.
Cette troisième impulsion se localise davantage à l'Ouest. Donc peuple du Christ, peuple de l'Eglise, et maintenant une troisième impulsion qui anime aussi les peuples d'une certaine façon — on ne peut pas dire qu'elle les inspire, mais qu'elle les anime, les impulse. C'est ainsi, mes chers amis, et il faut dire : ce qui en fait est apparu et a revêtu sa forme la plus extrême dans le mouvement jésuite, dans cette armée du généralissime Jésus-Christ, est profondément enraciné dans la nature même du monde civilisé, que l'on ne peut comprendre si on ne remonte pas bien au-delà dans l'évolution historique de l'humanité, vers quelque chose qui a longtemps continué d'agir par la suite.
Vous savez certainement par l'histoire des religions que parmi les formes diverses sous lesquelles le christianisme gagna les peuples en cheminant, si l'on peut dire, de l'Est vers l'Ouest, on compte celles de l'arianisme et de l'athanasisme. Les peuplades goths, lombardes
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ou même franques qui ont pris part à ce qu'on appelle à tort — mais le mot est employé - la migration des peuples, ces peuplades étaient à l'origine des ariens. La différence entre le dogme conçu par Arius et celui que confessait Athanase vous intéresse probablement peu. Mais elle a joué un certain rôle, ce qui nous oblige à y revenir. Cette divergence aboutit à une controverse qui se déroula en particulier à Antioche. Athanase admettait que le Christ est un dieu au même titre que Dieu le Père, et que par conséquent il existe un Dieu-Père, et un Dieu-Christ de même nature et de même essence que lui, et depuis l'éternité. C'est la conception qu'adopta le catholicisme romain. Aujourd'hui encore, il confesse la même foi qu'Athanase. Il faut donc dire qu'à la racine du catholicisme se trouve la foi en un Fils d'éternelle et semblable nature et essence que le Père.
Arius s'opposa à cette conception. Il était d'avis qu'un Dieu existe qui domine tout, un Dieu-Père, et que le Dieu-Fils, le Christ, fut créé par le Père avant que le temps n'existât — mais fut tout de même créé par lui. Issu du Dieu-Père, il est plus proche que lui des humains, et se fait en quelque sorte le médiateur entre le Dieu-Père planant dans les hauteurs, inaccessible tout d'abord aux forces de la connaissance humaine, et ce que l'être humain trouve en lui-même.
Si étrange que soit la chose, elle semble n'être tout d'abord qu'une divergence dogmatique. Mais elle ne l'est que pour les hommes d'aujourd'hui. Dans les premiers siècles du christianisme, elle n'était pas réduite à cela. Ce christianisme arien, édifié sur ce que je viens de vous exposer, sur ce rapport entre le Fils et le Père, était une lumière instinctive qui illuminait spontanément ces peuplades : les Goths, les Lombards, tous ceux qui prirent la place des Romains pendant et après la chute de l'Empire. D'instinct, ces hommes étaient des ariens. Wulfila, qui traduisit la Bible, se révèle par cette traduction un véritable arien. C'est ce qu'étaient aussi les Goths, les Lombards qui envahirent l'Italie ; et les Francs ne se convertirent au christianisme que lorsque Clovis l'eut fait lui-même. Ils adoptèrent alors extérieurement quelque chose qui ne convenait pas vraiment à leur être intérieur, car eux aussi étaient auparavant ariens. Extérieurement, ils adoptèrent la foi selon Athanase. Et lorsque le christianisme se fut rangé sous ce drapeau dont le principal partisan était Charlemagne, tout s'adapta à cette foi athanasienne, ce qui permit le rattachement à la papauté. Une grande partie des peuplades barbares : Goths, Lombards, etc., fut anéantie; ce qui n'avait pas spontanément disparu fut pourchassé et exterminé par les athanasiens. [160] L'arianisme subsista sous forme de sectes ; mais en tant que religion populaire et directement agissante, il disparut.
Il faut ici se poser deux questions. Tout d'abord : qu'est-ce qui distingue l'arianisme de l'athanasisrne ? Et ensuite : pourquoi cet arianisme a-t-il disparu, au moins sous sa forme de phénomène visible et symptomatique dans l'histoire ? Il y a là une évolution extrêmement intéressante.
Voici ce que l'on peut répondre à la première question : l'arianisme est en quelque sorte le dernier vestige, la dernière des conceptions par lesquelles on s'efforçait de trouver encore un lien entre le monde extérieur, le monde des sens, et le monde spirituel divin. Il fut le dernier surgeon par lequel ceux qui en ressentaient le besoin pouvaient relier l'apparence sensible au spirituel, au divin. On peut dire que dans l'arianisme, l'impulsion christique russe est vivante ; non pas sous sa forme sacrée, cultuelle, mais sous une forme un peu plus abstraite. Elle fut extirpée par les athanasiens précisément parce qu'elle ne devait pas se répandre parmi les peuples d'Europe.
Lorsqu'on veut comprendre mieux ce qui se passait là, il faut tenir compte de ce qu'était à l'origine l'attitude d'âme des peuplades d'Europe, de celles dont on rapporte qu'elles supplantèrent l'Empire romain, comme on dit — ce qui n'est pas vrai, mais je n'ai pas le temps de rectifier ici ce point d'histoire —, qui ont pénétré sur son territoire, et dont on sait seulement qu'elles ont supplanté l'Empire romain ; cette attitude d'âme de ce qu'on appelle les peuplades germaniques repose en fait à l'origine sur un tout autre fondement. Elles venaient des directions les plus diverses et se mêlèrent en Europe à une population autochtone qu'on qualifie non sans raison de celtique, et dont encore aujourd'hui subsistent certains vestiges dans certaines populations. Aujourd'hui où l'on veut conserver tout ce qui a trait à la nature des peuples, on est en quête du celtisme partout où l'on en trouve — ou bien où l'on s'imagine en avoir trouvé — afin de le conserver sous une forme quelconque. Mais on n'a de l'élément des peuples en Europe une représentation juste que lorsqu'on imagine une culture européenne originelle, première, le celtisme, au sein duquel se développèrent les autres cultures : germanique, romane, anglo-saxonne, etc.
Sous sa forme originelle, l'élément celte s'est maintenu le plus longtemps dans les Iles Britanniques, et notamment au pays de Galles. C'est là qu'il a conservé le plus longtemps son caractère
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propre, originel. Une certaine forme de sentiment religieux avait été repoussée vers l'Ests et c'est ainsi que le peuple russe devint le peuple du Christ. De façon analogue, et du fait de certains événements dont vous pouvez trouver mention dans les manuels d'histoire, ou tout au moins dans certains, une certaine impulsion partit de l'Ouest, notamment des Iles Britanniques, et qui était un prolongement du celtisme originel. C'est ce prolongement de l'antique celtisme qui finalement a donné à l'Ouest son empreinte à la structure religieuse, comme l'ont fait d'autres influences que j'ai indiquées pour l'Est et l'Europe du Centre.
Pour y voir clair dans ces faits, demandons-nous : qu'était donc le peuple celte ? Sur bien des points, les Celtes différaient entre eux, mais ils avaient un trait commun. Ils ne s'intéressaient guère au lien qui existe entre la nature et l'humanité. Dans leur âme, ils se représentaient l'être humain seul, isolé de la nature. Ils avaient de l'intérêt pour tout ce qui est humain, mais aucun pour les liens qui unissent l'homme à la nature, pour l'Homme, être naturel. En Orient, où s'est développée une attitude diamétralement opposée, on ressent profondément et toujours le rapport entre la nature et l'homme ; et celui-ci apparaît comme issu de celle-là. C'est ainsi, je l'ai exposé, que Goethe le voit. Le Celte ne ressentait guère ce lien entre la nature humaine et la nature cosmique. Par contre, il avait un sens assez fort de la vie communautaire — mais une vie en commun réglée par une répartition entre supérieurs qui ordonnaient, et inférieurs qui se laissaient guider. C'était là son élément essentiel : anti-démocratie, structure aristocratique. En Europe, cet élément remonte à l'antiquité celte. A l'époque, elle avait pour caractère essentiel une forme d'organisation basée sur l'aristocratie.
Cet élément celte aristocratique de la royauté eut, dirai je, une certaine floraison. Le roi, qui est le chef, qui groupe autour de lui ses auxiliaires, etc., cet élément se dégage du celtisme. Et le dernier en quelque sorte de ces chefs, dont les intentions personnelles étaient encore enracinées dans les impulsions originelles, celui qui apparaît le dernier, c'est le roi Arthur avec sa Table ronde au pays de Galles, avec ses douze chevaliers dont il est raconté — ce qu'il ne faut évidemment pas prendre au pied de la lettre — qu'ils eurent à vaincre des monstres, à triompher de démons. Tout cela atteste encore ce que fut le temps du passé, de l'union avec le monde spirituel.
La manière dont s'est formée cette légende du roi Arthur, tout ce qui s'est groupé autour de lui, montre l'élément celte sous la forme
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de société monarchique par laquelle il s'est prolongé. Et c'est de là que vint la compréhension pour le commandement, l'organisation, la direction par un souverain.
Il se passa alors ceci : le Christ tel que le concevait Wulfila, le Christ des Goths, dont on avait un sentiment intense conforme à l'arianisme, c'était un Christ pour tous les humains, pour des hommes qui en un certain sens se sentaient tous égaux, qui ne faisaient entre eux aucune distinction de classe, ne concevaient aucune aristocratie. Il était aussi le dernier fruit efficace du sentiment qu'avait l'Orient d'une communauté de nature entre l'homme sur terre et le Cosmos, entre l'homme et le monde naturel. Tandis que la nature était en quelque sorte exclue de cette structure, de cette organisation monarchique du celtisme.
Ces deux éléments confluèrent tout d'abord en Europe (je ne puis exposer la chose que dans son principe, sans entrer dans les détails), puis avec un troisième facteur. Dès le premier contact, ce fut l'arianisme qui poussa une pointe. Mais parce qu'il était né d'une conception qui rattachait l'être humain à la nature, il ne fut pas compris de ceux qui se trouvaient sous l'influence des impulsions celtes pures — parmi lesquels aussi des peuplades germaniques, franques, etc. Ceux-là ne comprirent que ce qui était en accord avec leur conception d'une organisation monarchique de la société. C'est ainsi que s'éveilla tout d'abord le besoin — sensible encore dans le vieux poème saxon « Heliand » — de faire du Christ le roi d'une armée, un chef souverain, un seigneur que suivent ses vassaux. Cette interprétation du Christ roi, chef d'armée, est née d'une incapacité à comprendre ce qui venait d'Orient, et du besoin de concevoir ce que l'on doit vénérer sous la forme d'un souverain, d'un roi temporel.
Le troisième élément venait du Sud, et de l'Empire romain. Celui-ci avait déjà été infecté autrefois par cette mentalité que l'on pourrait qualifier aujourd'hui d'« administrative ». L'Empire romain n'était pas un Etat — un meilleur terme pour le désigner serait : « ensemble analogue à un Etat ». Mais en un certain sens, il était très semblable — bien que son point de départ eût été différent — à ce que devait engendrer l'organisation basée sur le principe de la monarchie. Tout d'abord république, il avait pris la forme d'une organisation impériale, d'un empire analogue aux différents royaumes groupés dans le monde celte, mais avec une coloration germanique.
La manière dont était conçue et ressentie la vie sociale dans le Sud, [163] dans l'Empire romain, parce qu'elle débouchait sur une structuration extérieure, physique, ne pouvait pas vraiment s'unir à l'impulsion ancienne, instinctive, qui venait de l'Orient, à l'arianisme. Elle exigeait que les choses ne fussent pas proposées à la compréhension, mais décrétées souverainement. Et comme dans un royaume ou dans un empire on gouverne par décrets, la papauté, elle aussi, procéda par décrets. L'enseignement d'Arius pouvait être compris par tous les hommes. Il faisait appel à certains sentiments présents avant tout chez les peuples dont j'ai parlé, mais que tous les hommes portent quelque peu en eux. Dans la foi confessée par Athanase, bien peu de choses parlent à la compréhension intérieure, au sentiment ; elle doit être imposée par voie d'autorité. Pour qu'elle puisse être incorporée à la communauté, au peuple, il fallait en faire une loi, à l'instar des lois séculières. Ainsi en advint-il : cette notion complètement incompréhensible, étrange, de l'identité du Fils avec le Père, dieux tous deux de toute éternité, fut par la suite conçue comme n'ayant pas besoin d'être comprise. Il fallait y croire. C'est une chose que l'on peut décréter. La foi athanasienne peut être imposée par décret. Et du fait qu'elle dépendait directement d'une décision autoritaire, elle put être insérée dans un organisme d'Eglise à caractère politique. L'arianisme s'adressait à l'individu isolé, à l'homme ; on ne pouvait pas l'imposer par l'autorité, on ne pouvait pas non plus l'insérer dans une structure cléricale.
Ainsi vint confluer ce qui venait du Sud, de l'athanasisme avec sa tendance autoritariste, avec le besoin instinctif d'une organisation dirigée par un souverain que suivaient ses vassaux.
En Europe du Centre, ces éléments se sont confondus. Mais en Europe occidentale, sur le territoire britannique, et plus tard aussi en Amérique, un certain reste subsista de l'ancien aristocratisme, de cet élément qui donne une structure à la société en introduisant dans la vie sociale le spirituel. En effet, là l'élément spirituel était conçu comme lié à la vie sociale ; c'est ce que nous voyons, dans la légende du roi Arthur, dans le fait que les chevaliers de la Table ronde avaient à triompher de monstres et de démons, etc. Le spirituel ne peut se cultiver que si, au lieu de l'imposer par des décrets, on l'introduit dans le principe de la structure elle-même, si on l'insère naturellement dans l'ensemble. Ainsi, tandis que le peuple de l'Eglise se développait en Europe du Centre, vers l'Ouest, et notamment dans les populations anglophones, il se forma ce que l'on peut appeler — pour trouver une troisième dénomination — le
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peuple, ou les peuples, des loges : il apparut — ou ils apparurent — là où à l'origine une certaine tendance était présente à former des sociétés, un certain esprit d'organisation. Mais en dernier ressort, une organisation n'a de valeur que si on la crée par des moyens spirituels, sans qu'elle soit remarquée ; sinon il faut l'imposer par décret. C'est ce qui arriva en Europe du Centre. Dans les populations anglophones, la forme qui s'établit fut davantage celle de la souveraineté issue des loges, là où subsistait le celtisme. Le peuple — ou les peuples — des loges porte visiblement en lui ce qui peut non pas organiser l'humanité dans son ensemble, mais lui donner une forme de structure sociale, la répartir en ordres.
Dans la vie de l'histoire, les choses ne procèdent pas par filiation directe, l'une suivant l'autre ; elles viennent à se recouper. C'est ainsi qu'on observe un fait étrange : en ce qui concerne la manière de se représenter les choses, l'activité de l'âme, ce principe des loges (dont la franc-maçonnerie est une caricature simiesque) est dans sa nature profonde apparenté au mouvement jésuite. Si foncièrement hostile que ce dernier soit aux loges, il lui ressemble énormément quant à la faculté de représentation qu'il cultive. Et à coup sûr, à l'oeuvre grandiose qu'accomplit Ignace de Loyola, un élément celte a contribué qu'il portait dans son sang.
A l'Est apparut donc le peuple du Christ, ce peuple qu'habite l'impulsion permanente du Christ. L'homme de l'Est voit sa vie tout naturellement liée à ce qui constamment se déverse en son âme : à l'impulsion du Christ. Pour le peuple de l'Eglise des pays du centre de l'Europe, cette impulsion s'est émoussée ou paralysée, du fait qu'elle a été une fois pour toutes localisée au début de notre ère, et qu'ensuite elle a été transmise par la voie des principes, de la tradition fixée par des décrets d'Etat. A l'Ouest, dans le système des loges, l'impulsion du Christ perdit davantage encore de sa force, et fut très compromise. Ces loges issues du celtisme cultivèrent une faculté de représentation dont naquit le déisme, et avec lui ce qu'on appelle l'esprit des lumières. Il est extrêmement intéressant de voir la différence considérable entre l'attitude d'un membre du peuple de l'Eglise en Europe du Centre vis-à-vis de l'impulsion du Christ, et celle d'un citoyen de l'Empire britannique. Mais je vous en prie, n'appliquez pas tout cela à chaque individu isolé, car évidemment l'impulsion de l'Eglise s'est répandue également en Angleterre. Et il faut prendre les choses comme elles sont en réalité : il s'agit ici des gens qui sont liés à ce que j'ai appelé l'impulsion des loges, et qui
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dans tout l'Occident a envahi la vie des états. C'est elle qui a engendré un rapport différent des êtres avec le Christ.
On peut demander : mais qu'en est-il de ceux qui appartiennent au peuple du Christ ? — Chacun d'eux sait ceci : lorsque je ressens vraiment ce qui habite mon âme, je trouve l'impulsion du Christ ; elle y est présente, elle continue d'agir. — Le membre du peuple de l'Eglise se dit à peu près — tel saint Augustin, qui à l'âge de la puberté se demandait comment trouver le Christ : « L'Eglise me dit qui est le Christ ; je puis l'apprendre d'elle, car dans sa tradition elle a conservé ce qui, au commencement, a été dit du Christ. » Celui qui appartient au peuple des loges — et vraiment il lui appartient — s'interroge au sujet du Christ de tout autre façon que le peuple du Christ. Il se dit : l'histoire parle d'un Christ qui a existé. Est-ce raisonnable de l'admettre ? Comment la raison peut-elle confirmer ce que fut l'influence du Christ dans l'histoire ? — Cette attitude donna dans l'essentiel la christologie des lumières, celle qui exige que le Christ soit confirmé par la raison.
Pour comprendre ce que nous devons considérer maintenant, il faut voir clairement qu'en tout temps, on peut parvenir à Dieu sans être animé par l'impulsion du Christ. Il suffit que l'on soit, en un point quelconque de son être, mal conformé — et l'athée est un homme dont le physique est malade en un point quelconque — et l'on peut parvenir à la notion de Dieu, admettre l'existence de Dieu par des démarches spéculatives, ou par la voie mystique. La foi des lumières est l'élément déiste fondamental. On y parvient tout droit, à cette foi des lumières qui admet l'existence d'un Dieu.
Mais pour ceux qui sont les héritiers du peuple des loges, il faut en outre justifier par la raison l'existence du Christ à côté de Dieu. On peut ici choisir parmi les personnalités caractéristiques de cette attitude. Herbert Cherbury, par exemple, qui mourut en 1648, l'année du Traité de Westphalie. Il s'efforça de justifier par la raison l'impulsion du Christ. Un véritable membre du peuple du Christ ne peut absolument pas imaginer comment raisonner à propos de l'impulsion du Christ. Il aurait la même impression que si quelqu'un exigeait de lui qu'il justifie par le raisonnement la présence de sa tête sur ses épaules. On possède une tête — et on possède de même l'impulsion du Christ. Tandis que les gens comme Cherbury interrogent : est-il conforme à la raison d'admettre à côté d'un Dieu, à la notion duquel conduit la pensée éclairée, l'existence d'un Christ ?
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Il faut d'abord étudier raisonnablement les conceptions humaines pour se convaincre que leur attitude est justifiée.
Bien entendu, tous les membres du peuple des loges ne procèdent pas ainsi. Les philosophes élaborent des concepts qu'ils expriment ; mais les autres ne pensent pas autant ; ils ont cependant cette attitude de par leurs instincts, par ce qu'ils ressentent, par les conclusions qu'ils tirent inconsciemment, tous ceux-là qui d'une façon ou d'une autre sont en rapport avec l'impulsion des loges. Ainsi l'homme dont je viens de parler se disait tout d'abord : considérons toutes les religions et ce qu'elles ont de commun. — C'est là un procédé, un truc de la philosophie des lumières : on ne peut pas parvenir soi-même à l'esprit, tout au moins en ce qui concerne l'impulsion du Christ, mais seulement à la notion abstraite d'un Dieu. Alors on demande : est-il naturel pour l'homme d'avoir découvert ceci ou cela ? — Cherbury, qui avait beaucoup voyagé, chercha tout d'abord à s'informer de ce que les religions avaient en commun.
Il trouva en effet beaucoup de points communs. Et il tenta de condenser en cinq propositions ce qu'il avait ainsi rassemblé. Ces cinq thèses ont une grande importance, et nous allons les regarder de près.
La première dit : il existe un Dieu. Comme les différents peuples appartenant aux religions les plus différentes ont tous admis l'existence d'un Dieu, il trouve qu'il est conforme à la nature d'admettre qu'il existe un Dieu.
Deuxièmement : le dieu exige d'être vénéré — nouveau trait commun à toutes les religions.
Troisièmement : cette vénération doit être faite de vertu et de piété.
Quatrièmement : les péchés doivent entraîner le remords et l'expiation.
Cinquièmement : il est dans l'au-delà une justice qui récompense et qui punit.
Vous le voyez, on ne trouve là-dedans rien de l'impulsion du Christ. On y trouve tout ce à quoi l'on parvient lorsqu'on s'appuie sur l'impulsion religieuse émanant des loges. Et c'est cette manière de voir qui se développa à l'époque des lumières. Les auteurs comme Hobbes, Locke et d'autres cherchent constamment à s'interroger : il existe une tradition qui parle du Christ, disent-ils. Est-il raisonnable d'admettre son existence ? — Et finalement, ils en viennent à dire : ce que disent les Evangiles, ce que la tradition transmet au sujet du
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Christ concorde avec les principes essentiels qui, au fond, sont communs à toutes les religions. On a donc l'impression que ce Christ rassemble dans sa personne ce que toutes les religions ont en commun ; il aurait existé une personnalité emplie de Dieu (ce qu'on se représente plus ou moins bien) et qui a enseigné ce qu'il y avait de meilleur dans toutes les religions. — Voilà ce que finalement on trouva conforme à la raison. Un auteur qui vécut de 1657 à 1753, Tindal, a écrit un livre intitulé : « Le christianisme est aussi vieux que la Création ». C'est un ouvrage très important pour qui veut vraiment connaître l'esprit des lumières, qui fut par la suite délayé par le voltairisme par exemple. Tindal voulait montrer qu'au fond, tous les humains, les meilleurs d'entre eux, ont toujours été des chrétiens, et que le Christ a rassemblé ce que les religions avaient de meilleur.
Ainsi le Christ est-il rabaissé : on en fait un professeur, et quel que soit le nom qu'on lui donne : Messie, ou Maître, ou ce que vous voudrez, il n'est plus qu'un enseignant. Le fait de sa nature n'importe plus, mais bien qu'il soit là, qu'il donne un enseignement rassemblant ce que les religions du reste de l'humanité ont de plus précieux et de commun.
Cette conception que je viens d'exposer peut revêtir les nuances les plus différentes ; mais la coloration fondamentale subsiste : le Christ est un enseignant. Si nous voulons considérer les interprétations typiques ainsi établies par le peuple du Christ, par le peuple de l'Eglise et par le peuple des loges — types qui ont connu les variantes les plus diverses —, si nous voulons saisir la vraie réalité derrière l'apparence, nous pouvons dire que pour le peuple du Christ, Christ est l'esprit, et qu'il n'a donc rien à voir avec une institution quelconque sur le plan physique. Seul est réel le mystère de sa présence dans une forme humaine. Pour le peuple de l'Eglise : le Christ est roi, conception qui peut revêtir des nuances variées. C'est celle du peuple des loges à l'origine, mais avec le temps elle se modifie et devient : le Christ est l'enseignant.
Voyez-vous, il faut bien saisir ces nuances créées par la conscience européenne. Car elles sont vivantes, non seulement dans les âmes individuelles, mais dans ce qui s'est développé à la cinquième époque post-atlantéenne et qui a modelé les formes sociales. Ce sont là les nuances principales revêtues par l'impulsion du Christ. On pourrait dire encore bien des choses là-dessus. Le temps dont je dispose m'oblige à seulement les esquisser.
168 SYMPTÔMES DANS L'HISTOIRE
Revenons maintenant aux trois formes d'évolution dont nous parlions précédemment : l'humanité tout entière vit maintenant dans l'âme de sensibilité — correspondant à l'âge de vingt-huit à vingt et un ans. L'individu, l'homme isolé, lui, développe au cours de la cinquième époque post-atlantéenne l'âme de conscience. Enfin, une troisième évolution se déroule également, qui concerne les âmes des peuples. Vous avez d'une part les phénomènes historiques et l'action qu'ils exercent, et d'autre part les âmes des peuples avec leurs religions différemment nuancées. Les trois nuances qui naissent sous cette double influence : Christ est l'esprit — pour le peuple du Christ —, Christ est le roi — pour le peuple de l'Eglise —, Christ est l'enseignant — pour les peuples des loges —, sont en relation avec la répartition en peuples, c'est-à-dire rattachées à la troisième évolution.
Dans la réalité extérieure, les choses interfèrent toujours, évidemment. Un représentant tout à fait pur du peuple des loges, du déisme des lumières, est par exemple le Berlinois Harnack — beaucoup plus pur que ceux que l'on trouve de l'autre côté de la Manche. Dans la vie moderne, les choses sont très entremêlées. Mais si l'on veut bien comprendre ce qui se passe et remonter à l'origine des choses, il ne faut pas en rester aux éléments extérieurs. Il faut voir clairement que la troisième évolution est liée à l'ethnie, au peuple.
Mais en raison de l'existence des autres courants d'évolution se produit une réaction, un assaut de l'âme de conscience dressée contre ce qui vient du peuple, et cette réaction se manifeste sur les points les plus différents. Elle donne l'assaut à partir de plusieurs centres. Et l'une de ces vagues d'assaut, c'est précisément le goethéanisme. En fait, il n'a rien à voir avec ce que je viens de décrire, et d'autre part, considéré sous tel ou tel aspect, il a beaucoup à voir avec tout cela. De bonne heure, un courant parallèle à celui du roi Arthur s'est développé : le courant du Graal, en parfait contraste avec lui. Celui qui veut parvenir au Temple du Graal doit parcourir les chemins les plus difficiles pendant soixante lieues ; le Temple est si bien caché qu'on ne peut rien savoir du lieu où il se trouve aussi longtemps qu'on ne pose aucune question — bref, toute cette atmosphère est celle qui caractérise la recherche du lien entre le noyau le plus intime de l'âme humaine, là où s'éveille l'âme de conscience, et les mondes spirituels. Il y a là un effort conscient de rattacher le monde sensible au monde spirituel — ce qui est l'aspiration instinctive du peuple du
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Christ. Parmi les étranges influences réciproques des impulsions religieuses en Europe, nous avons une impulsion qui, aujourd'hui encore, vit instinctivement, en germe, non développée, dans le peuple du Christ (Voir dessin : rouge) ; les esprits qui, comme Solovieff, deviennent des philosophes, s'ouvrent tout naturellement à cette impulsion.

La structure ethnique et ethnographique de l'Europe du Centre ne la prédispose pas à s'ouvrir de la même manière spontanée ; il faut que la volonté intervienne. On a ainsi une intervention du courant du Graal qui se répand dans toute l'Europe — on a comme une inflexion du tourbillon (dessin : rouge, en bas) —, courant du Graal qui n'est pas lié au peuple. Or, Goethe portait en lui — bien que dans ses forces les moins conscientes — cette atmosphère du Graal. Et dans ce sens, il n'est pas isolé, il se rattache à ce qui a précédé. Il n'a rien à voir avec Luther ni avec les mystiques allemands ; il n'a reçu d'eux que ce qu'en prend tout homme cultivé. Mais il est amené à distinguer trois degrés dans le rapport de l'être humain avec la religion : le premier est dépendant du peuple, le second est réservé au sage, à l'individu (c'est celui de la seconde galerie), et enfin le troisième touche au plus intime de l'être et enclôt le mystère de la mort et de la résurrection. Ce qui l'amène ainsi à vouloir élever vers les hauteurs spirituelles la piété agissant dans le monde sensible, c'est l'atmosphère du Graal. Et si paradoxale que paraisse cette
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affirmation, mes chers amis, c'est en Russie que règne l'atmosphère du Graal. Le rôle qu'à l'avenir jouera la Russie pendant la sixième époque post-atlantéenne, ce rôle repose sur l'invincible atmosphère du Graal présente en Russie. C'est ce qu'il faut envisager lorsqu'on étudie l'un des aspects.
Mais considérons un autre aspect, nous avons alors l'impulsion du Christ envisagée dans la perspective du bon sens, de la raison. C'est la forme qui s'est répandue sous l'action des loges et de leurs ramifications, de leurs prolongements. Sur le dessin, elle est figurée en vert. C'est ce qui a revêtu par la suite une forme politisée, l'ultime produit du courant du roi Arthur. L'impulsion du Christ au sein du peuple russe s'est prolongée par le Graal et pénètre de ses rayons tous les humains de bonne volonté en Occident. L'autre courant pénètre aussi tous les humains du peuple de l'Eglise et prend la coloration particulière du mouvement jésuite. Que les Jésuites soient les ennemis déclarés de ce qui vient des loges importe peu. Car on peut devenir l'ennemi déclaré d'un courant dont on a reçu l'empreinte. Non seulement — et la chose est historiquement avérée — les Jésuites se sont introduits dans toutes les loges, et des Jésuites de haut grade sont en rapport avec de hauts dignitaires des loges, mais en outre, les deux courants, bien qu'implantés chez des peuples différents, ont une racine commune, bien que l'un ait donné naissance à la papauté, et l'autre à la liberté, au bon sens, à l'esprit des lumières. Ce qui précède vous donne une sorte de tableau de ce que je peux appeler les effets de l'évolution de l'âme de conscience. Je vous avais décrit précédemment les trois formes, allant d'Est en Ouest, qui sont en liaison avec l'élément du peuple, de l'ethnie. Si la chose a pris à l'Ouest la forme de l'esprit des lumières, c'est parce qu'en chaque être humain s'accomplit l'évolution de l'âme de conscience.
Puis nous avons un troisième courant, celui par lequel l'humanité tout entière rajeunit et se trouve maintenant à l'âge de l'âme de sensibilité.
Il passe à travers toute l'humanité. Lorsque nous décrivons le premier courant, le courant ethnique, là où naissent les religions des peuples : religion du Christ, religion d'Eglise, religion des loges, nous sommes dans la perspective de l'évolution des peuples, que je répartis ainsi d'ordinaire : peuples italiens = âme de sensibilité, peuple français = âme d'entendement, etc. Lorsque nous décrivons le développement de l'âme de conscience en chaque individu depuis
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le début de la cinquième époque post-atlantéenne, nous avons éminemment ce qui va vers l'élément religieux. Mais à partir de là se produit aussi la collaboration avec ce qui est l'évolution en tous les humains : celle de l'âme de sensibilité, qui se déroule parallèlement et est beaucoup moins consciente que l'évolution de l'âme de conscience.
Regardez comment un homme comme Goethe — bien que par des impulsions souvent subconscientes — se donne très consciemment à lui-même son orientation religieuse, et vous découvrirez comment agit l'âme de conscience. Mais à côté de celle-ci, un autre élément règne au sein de l'humanité moderne, un élément qui vit très fortement par les instincts, par des impulsions inconscientes, et est intimement rattaché à l'âme de sensibilité, stade actuel de l'évolution de l'humanité dans son ensemble. C'est le socialisme, qui est au début de son évolution. Certes, les élans initiaux sont toujours donnés par l'âme de conscience ; mais le socialisme, c'est la mission de la cinquième époque post-atlantéenne jusqu'au quatrième millénaire où il trouvera son achèvement, et ceci parce que l'humanité collectivement se trouve à l'âge de l'âme de sensibilité, entre la vingt-huitième et la vingt et unième années. Le socialisme n'est pas l'affaire d'un parti, bien qu'il existe de nombreux partis au sein de la société, des corps sociaux. Le socialisme est né d'une nécessité inscrite dans l'évolution de la cinquième époque post­atlantéenne. Et lorsque cette cinquième époque aura pris fin, dans l'essentiel et pour le monde civilisé les instincts du socialisme seront enracinés dans les êtres humains.
Outre ces courants actifs pendant cette cinquième époque post-atlantéenne, une autre chose encore est à l'oeuvre dans les profondeurs du subconscient : la tendance à établir pour l'humanité terrestre tout entière une structure sociale juste d'ici le quatrième millénaire. Si l'on se place à un point de vue très profond, il ne faut pas s'étonner de voir le socialisme provoquer tant de remous, dont certains peuvent être très dangereux ; il faut penser que les impulsions qui l'animent viennent de profondeurs inconscientes. Tout cela bouillonne et s'agite vigoureusement, et le moment est encore bien éloigné où le socialisme prendra la bonne voie. Tout bouillonne — mais non dans les âmes : dans la nature humaine, et dans les tempéraments avant tout. Et pour expliquer ces remous dans les tempéraments humains, on trouve des théories. Celles-ci ne sont pas les expressions de réalités profondes comme nous les avons
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dans la Science spirituelle. Bakounisme, marxisme, lassallisme, tout cela n'est que masque, apparence, ornement de surface sous lesquels on dissimule la réalité : car les réalités, on ne les voit qu'en plongeant le regard vers les profondeurs de l'évolution humaine, comme nous nous efforçons de le faire dans cette étude.
Tout ce qui se passe actuellement dans le monde extérieur, ce ne sont aussi que les préparatifs tumultueux de quelque chose qui en dernier ressort est aux aguets, on peut vraiment dire : non pas dans les âmes, mais dans les tempéraments. Vous êtes tous socialistes, et vous ignorez souvent à quel point vous l'êtes, parce que c'est votre être tout à fait inconscient qui l'est. Mais c'est en étant informé d'un fait de cè genre que l'on abandonne cette recherche confuse et ridicule de la connaissance de soi, cette tendance à regarder en soi-même, et qui ne trouve — je ne vous décrirai pas quel irréel caput mortuum, quelle abstraction. L'être humain est une créature complexe. Pour apprendre à la connaître, il faut connaître le monde tout entier.
Considérez dans cette perspective l'humanité et l'évolution qu'elle a suivie au cours de la cinquième époque post-atlantéenne. Dites-vous à vous-même : nous avons à l'Est le peuple du Christ avec son impulsion essentielle : Christ est esprit. Il est dans la nature de ce peuple d'apporter au monde comme par une puissance instinctive, élémentaire, par une nécessité de l'histoire, quelque chose qui n'a pu prendre qu'une forme préparatoire dans le reste de l'Europe. Au peuple russe en tant que tel est dévolue la mission de cultiver la réalité essentielle du Graal, d'en faire un système religieux d'ici la sixième époque post-atlantéenne, afin qu'elle puisse devenir un ferment de culture pour la terre entière. Rien de surprenant, lorsque cette impulsion se croise avec les autres, à ce que celles-ci revêtent des formes étranges.
Ces autres impulsions, quelles sont-elles ? Pour l'une : le Christ est roi — pour l'autre : le Christ est l'enseignant. On peut à peine aller jusque-là, car « Christ est l'enseignant », c'est ce que ne comprend pas en fait l'âme, le coeur russe, comme je le disais déjà. Elle ne comprend pas que l'on puisse enseigner le christianisme, qu'on n'en ait pas l'expérience directe en soi-même. Mais l'autre conception : « Christ est roi », le peuple russe ne l'a-t-il pas adoptée en profondeur ? Et sur ce point, nous voyons confluer deux choses qui, dans le monde, n'ont jamais eu d'affinité entre elles : l'impulsion « Christ est esprit » entre en contact avec le tsarisme,
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caricature orientale du principe qui veut instaurer sur le terrain de la religion une souveraineté terrestre. « Christ est roi et le tsar est son représentant » : voici donc couplés cet élément occidental qui s'exprime par le tsarisme, et quelque chose qui n'a absolument rien à voir avec et qui, à travers l'âme du peuple russe, vit dans la sensibilité russe !
Ce qui est caractéristique, c'est que dans la réalité physique, extérieure, les choses qui au fond ont le moins à voir les unes avec les autres doivent précisément se mêler, se confronter. Tsarisme et russisme ont toujours été profondément étrangers l'un à l'autre, n'ont aucun lien entre eux. Qui comprend bien la nature russe, et sa religiosité en particulier, trouvera toute naturelle l'attitude qui devait aboutir à éliminer le tsarisme au moment nécessaire. Songez toutefois que cette conception : « Christ est esprit », est enclose au plus profond de l'être, qu'elle est en rapport avec la forme la plus noble de la culture de l'âme de conscience, et que, tandis que le socialisme engendre des remous, elle entre en contact avec ce qui vit dans l'âme de sensibilité. Rien de surprenant alors à ce fait que dans cette partie orientale de l'Europe, le socialisme en expansion prenne des formes absolument incompréhensibles : un entremêlement inorganique de la culture de l'âme de conscience avec celle de l'âme de sensibilité.
Beaucoup de choses qui se passent dans le monde extérieur vous apparaîtront claires et compréhensibles si vous portez votre regard sur ces liaisons internes. C'est une nécessité pour l'humanité actuelle et son évolution à venir qu'elle ne néglige pas, par indolence et par paresse, ce qui appartient à sa nature : à savoir de comprendre les rapports, les liaisons au sein desquelles nous nous trouvons maintenant. On n'a pas voulu les comprendre, on ne les a pas compris. C'est ainsi qu'est né le chaos, l'effroyable catastrophe dans lesquels se trouvent maintenant l'Europe et aussi l'Amérique. Nous ne trouverons pas d'issue à cette situation de catastrophe aussi longtemps que les humains n'inclineront pas à se comprendre tels qu'ils sont, et tels qu'ils sont dans le cadre de l'évolution actuelle, de l'époque présente. Voilà ce dont il faut se rendre compte.
C'est pourquoi il m'importe tellement que le mouvement anthroposophique, tel que je le conçois, soit vraiment relié à la connaissance des grandes impulsions d'évolution dans l'humanité, et à ce que l'époque exige maintenant, immédiatement, des humains. C'est certes une grande douleur que de voir combien l'époque
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incline peu à comprendre et à envisager la conception du monde anthroposophique, de ce point de vue précisément.