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Institut pour une triarticulation sociale
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Collection: 07 - LES IDEAUX SOCIAUX
Sujet : Points clés de la question sociale : liberté, égalité, fraternité
 
Les références Rudolf Steiner Oeuvres complètes GA023 070-072 (1980) 00/04/1919
Traducteur: FG Editeur: SITE

 

[02/41] Des idées relatives à la technique, et provenant de la vie de l'esprit, affluent vers la vie économique. Quand bien même elles sont émises directement par ceux qui appartiennent à l'économie ou à l'Etat, elles ont leur origine dans la vie de l'esprit. De là proviennent toutes les idées et les forces organisatrices qui fécondent la vie économique et celle de l'Etat. La rétribution, pour cet apport à ces deux domaines sociaux, pourra se faire de deux façons: soit par la libre entente de ceux qui sont dépendants de cet apport; soit en étant réglée par des droits élaborés dans le domaine de l'Etat politique. Ce que cet Etat politique exigera lui-même pour se maintenir en activité sera fourni par le droit fiscal. Celui-ci se concrétisera par une harmonisation des exigences de la conscience du droit et des exigences de la vie économique.

[02/42] Dans un organisme social sain, à côté des domaines politique et économique, doit agir le domaine spirituel, qui trouve en soi son propre fondement. Les forces évolutives de l'humanité s'orientent aujourd'hui vers la triarticulation de cet organisme. Aussi longtemps que la vie sociale s'est laissée guider, dans l'essentiel, par les forces instinctives d'une grande partie de l'humanité, le besoin de cette triarticulation nettement délimitée ne s'est pas fait sentir. Par certaines voies obscures de la vie sociale, agissait conjointement ce qui provenait toujours de trois sources. Les temps nouveaux exigent, à l'intérieur de l'organisme social, une prise de position consciente de l'Homme. Ce n'est que lorsqu'elle reçoit son orientation de trois côtés que cette conscience peut donner au comportement et à la vie des Hommes une formation saine. Dans les profondeurs inconscientes de l'âme, l'humanité moderne aspire à cette orientation; et ce qui se manifeste en tant que mouvement social n'est que le reflet terni de cette aspiration.

[02/43] A la fin du XVIIIe siècle, partant de bases autres que celles sur lesquelles nous vivons actuellement, l'appel vers une formation nouvelle de l'organisme social surgissait des profondeurs de la nature humaine. On entendit comme une devise de cette organisation nouvelle les trois mots: Fraternité, Egalité, Liberté. Certes, celui qui, l'esprit libre de tout préjugé, la sensibilité saine, se penche avec sérieux sur la réalité de l'évolution humaine, celui-ci ne peut que s'ouvrir à la compréhension de tout ce qu'évoquent ces mots. Il y eut pourtant, au cours du XIXe siècle, des penseurs perspicaces qui se donnèrent de la peine pour démontrer comment il est impossible, dans un organisme social unifié, de réaliser ces idées de fraternité, de liberté, d'égalité. Ils croyaient reconnaître que ces trois impulsions, en se réalisant, doivent entrer en contradiction dans l'organisme social. On démontra par exemple, avec sagacité, combien il est impossible que la liberté fondée en chaque être humain puisse être mise en valeur quand se réalise l'impulsion d'égalité. Et l'on ne peut qu'approuver ceux qui découvrent cette contradiction; cependant, un sentiment général humain doit éveiller notre sympathie pour chacun de ces trois idéals.

[02/44] Ce tissu de contradictions existe du fait que la véritable signification sociale de ces trois idéals ne se révèle que par une pénétration claire du trimembrement, de la triarticulation nécessaire de l'organisme social. Les trois membres ne doivent pas s'interpénétrer et être centralisés dans une unité parlementaire abstraite et théorique, non plus que dans une quelconque autre unité. Ils doivent être réalité vivante. Chacun des trois membres sociaux doit être centralisé en lui-même; ce n'est que par leur activité vivante, leur action d'ensemble, côte à côte, que peut apparaître l'unité de l'organisme social tout entier. Dans la vie réelle, ce qui paraît contradictoire agit justement vers une unité d'ensemble. C'est pourquoi l'on arrivera à une compréhension de la vie de l'organisme social si l'on est capable d'entrevoir la formation de cet organisme, à la mesure de la réalité par rapport à la fraternité, l'égalité, la liberté. On reconnaîtra alors que la coopération des hommes dans la Vie Economique doit reposer sur cette fraternité qui naît des associations. Dans le deuxième membre, du Droit Civique, où l'on a affaire à la relation proprement humaine de personne à personne, il faut rechercher la réalisation de l'idée de l'Egalité. Et dans le domaine de l'Esprit, dont la position dans l'organisme social est relativement indépendante, on a affaire à la réalisation de l'impulsion de la Liberté. Ainsi considérés, ces trois idéals montrent leur valeur de réalité. Ils ne peuvent se réaliser dans une vie sociale chaotique, mais seulement dans un organisme social sain, triarticulé. Ce n'est pas une formation abstraite et centralisée qui pourra réaliser pêle-mêle les idéals de liberté, d'égalité, de fraternité; mais chacun des trois membres de l'organisme social peut puiser sa force dans l'une de ces impulsions. Il sera alors à même d'agir en une coopération féconde avec les deux autres membres.

[02/45] Les hommes qui à la fin du XVIIIe siècle se sont dressés pour exiger la réalisation des trois idéals de liberté, d'égalité et de fraternité, ainsi que ceux qui ont renouvelé cette exigence plus tard pouvaient ressentir obscurément l'orientation des forces évolutives de l'humanité nouvelle. Mais par-là ils ne pouvaient surmonter en même temps leur croyance à l'Etat unitaire bien que pour ce dernier leurs idées signifient quelque chose de contradictoire. Ils firent cependant de cette contradiction une profession de foi; car, dans les profondeurs subconscientes de leur vie de l'âme, agissait l'impulsion pour la triarticulation de l'organisme social, dans laquelle seulement la trinité de leurs idées pourra devenir une unité à un niveau supérieur. Dans le devenir de l'Humanité nouvelle, les forces évolutives agissent en direction de cette triarticulation pour en faire une volonté consciente sociale, ce qui est exigé dans un langage clair par les faits sociaux du présent.