Le corps minéral qui lui a été incrusté a constitué pour l’homme le fondement de sa pensée intellectuelle. En tant qu’êtres humains, nous n’avons rien de plus nécessaire pour notre penser que ce corps minéral. Mais c’est précisément par la mission du règne minéral dans le monde terrestre que s’est transformée l’ancienne pensée imagée ; celle-ci s’était formée non pas grâce au règne minéral, mais à l’aide du règne qu’on appelle le troisième règne élémentaire*. Cette faculté de représentation propre à l’époque pré-terrestre est ainsi devenue la faculté de représentation terrestre, pensante. De ce fait, dans l’univers, dans la période reculée dont j’ai parlé, les êtres avec lesquels l’homme se savait lié pour ses représentations imagées ont été en quelque sorte démis de leurs fonctions. Mais nous devons nous faire de ces entités une idée quelque peu différente de celle que nous avons habituellement des entités non humaines. Les gens, dès qu’ils ont la bonne volonté d’admettre un monde suprasensible, versent trop vite dans l’anthropomorphisme. Cet anthropomorphisme fige ensuite l’être humain, les hommes ne font alors que s’imaginer à leur aune tout ce qui se trouve au-dessus de leur sphère. Il est facile de reprocher à Feuerbach et à Büchner leur anthropomorphisme. Nous avons vraiment eu beaucoup d’exemples de ce genre. La pensée des juristes qui s’est formée en Occident fait juger et punir par des juges terrestres des comportements et des crimes terrestres, etc. La conception supraterrestre de la récompense et de la punition du péché, apanage d’un christianisme imparfait, s’est progressivement alignée sur le modèle du tribunal terrestre. Une grande part de droit humain a pénétré dans nos représentations religieuses occidentales. Les punitions que nous faisons donner par nos dieux ressemblent à celles que nous connaissons dans les tribunaux terrestres. Mais, si nous voulons dépasser la sphère purement humaine, nous devons cesser de nous cantonner dans des représentations anthropomorphes, et élargir nos pensées hors de ce cadre, ce qui est essentiel dans la vie humaine.