La vie spirituelle ne peut naître et prospérer que si
elle se forme en tirant sa substance d'elle-même.
Sinon, nous verrons toujours des fossés se creuser
pour séparer les hommes en différentes classes. Nous
n'avons pas la moindre idée, aujourd'hui, de la
manière dont ces fossés se sont creusés. Il ne nous
suffit pas d'être en présence des thèses les plus
solidement justifiées au point de vue de notre
culture. Nous n'arriverons jamais à expliquer pourquoi
un homme, appartenant à une classe déterminée, peut
avoir une opinion tout à fait valable, alors qu'un
autre restera incapable d'en avoir la moindre
compréhension.
01016 - Prenons un exemple parmi les plus courants:
une belle peinture, exécutée avec beaucoup de talent
par un artiste, un paysage. Un homme de la bourgeoisie
aura reçu de son milieu une certaine aptitude à
éprouver des sentiments, à se représenter les choses,
il en aura tiré la manière dont il doit apprécier la
qualité artistique d'un tel paysage. Muni de ce
bagage, il se place devant une toile encadrée
représentant un paysage et il l'admire. Un prolétaire,
lui aussi, pourrait en faire autant. Il admirerait le
tableau, on aurait fini par l'en persuader, en lui
disant: cela fait partie de la culture d'admirer un
tel tableau. D'autres que lui, sans pour cela être des
prolétaires, ne comprendront rien non plus à une telle
peinture et admireront, eux aussi, par persuasion,
pour faire preuve de culture.
Eduquer les gens dans ce sens, c'est fausser le but de
la culture, à moins d'avoir affaire à cette classe de
prolétaires où l'on doit sélectionner, parmi ceux qui
exécutent les travaux corporels, un petit nombre
d'individus auxquels on accordera suffisamment de
loisirs pour leur permettre de peindre, de comprendre
comment on doit peindre. Dans les autres cas, la seule
attitude sincère sera celle d'un homme placé en face
d'un paysage, et qui lui fera dire: à quoi bon tout
cela? Voilà un homme qui fixe un morceau de forêt sur
une toile, en assemblant des taches de couleur. Je
vois un tableau de ce genre tous les jours, en me
promenant dans le forêt, et en plus beau. On ne peut
jamais reproduire la beauté d'un paysage, la nature
l'emporte toujours en perfection. Et voilà des gens
qui refusent ce paysage, fixé sur un cadre à dorures
pour le contempler car ce n'est qu'une imitation
imparfaite de la nature. Pourquoi? — Une réaction de
ce genre de la part d'un amateur, serait beaucoup plus
proche de la réalité. Ce serait le cri du coeur de
bien des personnes n'ayant pas été soumises à un
dressage, baptisé sous le nom de culture, pour leur
faire admirer telle ou telle oeuvre d'art. Je veux
bien admettre la sincérité d'une certaine classe
d'admirateurs. Mais l'admiration de la plupart des
gens devant un tableau de ce genre ne peut pas être
sincère car elle est due au seul fait qu'ils n'ont pas
été élevés avec les autres.
01017 - Notre vie sentimentale doit reposer sur des
bases beaucoup plus profondes si nous voulons
comprendre, aujourd'hui, la nature des obstacles qui
séparent les âmes humaines les unes des autres. Ce qui
nous manque pour éveiller notre compréhension de
l'art, nous pourrions nous le demander également à
propos de tous les autres domaines de la vie. Il nous
manque, prenons l'exemple de la peinture, la volonté
de rechercher ce que nous ne pouvons pas voir chaque
jour autour de nous dans la nature, mais que nous
pouvons y introduire en le faisant descendre du monde
spirituel. Cet apport purement spirituel, tous les
hommes le comprendront et, par ce détour, quelque
chose de plus viendra parmi nous. L'élément spirituel
doit être apporté par les hommes qui auront été le
chercher en haut, dans le monde spirituel. La
confiance régnera à nouveau parmi les hommes parce que
chacun d'eux a le devoir d'aller chercher quelque
chose d'autre dans le monde spirituel. Il n'y a pas
d'autre moyen pour apporter ici-bas le lien social qui
unira les âmes les unes aux autres, il faut aller le
chercher dans le monde spirituel.
01018 - Nous devons, par la parole, puiser
profondément dans ces impulsions qui se, font jour à
notre époque, plus profondément que nous ne le faisons
d'habitude, si je puis m'exprimer ainsi. Nous voyons
aller et venir aujourd'hui des prédicateurs pleins
d'onction. Ils ne nous apportent guère rien de plus
qu'un écho de ce que les prêtres catholiques, dans
leur genre, connaissent de mieux. Ils nous disent que
les hommes, aujourd'hui, doivent se retrouver
«intérieurement», la dernière catastrophe de la guerre
mondiale, longue de plus de quatre années, ayant
montré combien les hommes étaient peu disposés à vivre
d'une vie harmonieusement organisée.
Tout cela est très bien, mais des tournures de phrase
ne feront jamais que les hommes puissent se rencontrer
intérieurement. Cette rencontre intérieure est liée à
la volonté que nous pouvons avoir de changer notre
manière de penser et de sentir, mais cela d'une
manière radicale et efficace. J'entendais quelqu'un
dire, il y a peu de temps, nous devrions avoir connu
la pauvreté pour pouvoir laisser croître en nous un
sentiment social. Mais il ne suffit plus, aujourd'hui,
d'avoir côtoyé la misère, d'avoir circulé dans
certains quartiers des grandes villes où l'on apercoit
des hommes en haillons et mal
nourris. Non, cela ne suffit plus aujourd'hui. Il nous
faut connaître, dans la réalité, l'âme de ceux qui ont
la volonté de s'élever dans leur aspect extérieur, il
faut connaître l'âme des pauvres, leur vie intérieure.
Telle est la nécessité, aujourd'hui. Il n'y a pas
d'autre moyen, pour y parvenir, que de trouver une
nouvelle voie .conduisant à l'âme humaine. Nous devons
apprendre, d'une manière pratique, à pénétrer dans la
partie la plus intime de l'homme. Nous reconnaîtrons
alors que l'homme ne peut progresser à l'avenir, sans
avoir trouvé dans l'organisme social où il est plongé,
le miroir de sa propre entité.
01019 - Nous devons devenir capables de conduire les
hommes jusqu'aux plus hauts sommets de la vie
spirituelle, d'une part, tout en restant aptes à
conduire notre esprit au coeur des problèmes
économiques, dans toute leur réalité, d'autre part. Je
vais peut-être vous surprendre en vous disant, d'une
part: enlevez à l'État la conduite des écoles,
enlevez-lui la vie spirituelle, fondez la vie
spirituelle sur ses propres bases, laissez-la se gérer
elle-même. A ce moment, la vie spirituelle devra
trouver en permanence la force de se défendre. Mais,
en même temps, cette vie spirituelle pourra définir
'sa position, vis-à-vis de l'Etat juridique aussi bien
que vis-à-vis de la vie économique, en se servant de
ses propres principes. Je vois très bien par exemple,
comme je l'ai dit dans mon ouvrage sur l'organisation
sociale, la vie spirituelle devenir le gérant qualifié
du capital.
01020 - Réciproquement, nous organiserons la vie
économique sur des bases qui lui soient propres. Ce
n'est pas une phrase en l'air, vous allez en voir des
applications concrètes. Supposez un instant que vous
venez de placer la vie économique sur ses propres
bases, vous l'avez soustraite à l'emprise de l'État,
votre premier soin ayant été d'enlever à l'État une
fonction des plus concrètes.
Vous allez donc lui enlever la monnaie, la gestion de
la monnaie. Vous devez restituer cette fonction à la
vie économique. Sur les divers territoires où les
hommes sont passés, par leur travail, de l'économie
naturelle à l'économie basée sur l'argent, leur
premier soin a été de choisir un signe monétaire qui
puisse devenir un intermédiaire entre la marchandise
et la valeur fiduciaire de cette marchandise. Les
économistes ne cessent de discuter pour savoir si
l'argent a une simple valeur fiduciaire, si un billet
de banque n'est qu'un chèque, ou si l'argent est une
marchandise. Une telle discussion peut durer très
longtemps car l'argent est à la fois l'un et l'autre.
D'un côté, l'argent est une marchandise car il sert
d'intermédiaire dans le processus économique. De
l'autre, il est une valeur fiduciaire, puisque l'État
fixe la valeur de sa monnaie par une loi. Mais qu'elle
soit l'une ou l'autre, la monnaie doit être restituée
entièrement à la vie économique.
Il y aura une autre réforme à introduire, mais il
faudra le faire très progressivement. Elle devra
intervenir sur le plan international. Cela demandera
beaucoup de temps car l'Angleterre, nation servant de
pilote pour le commerce mondial et à qui nous devons
d'avoir une monnaie basée sur l'or, n'abandonnera pas
facilement l'étalon or. Cela demandera donc beaucoup
de temps. A ce moment, l'organisation économique ayant
été mise sur un pied d'indépendance vis-à-vis de
l'État, une fois chargée de la gestion de la monnaie
et de tout le système monétaire, cette organisation
n'aura plus besoin d'avoir une marchandise «or» comme
moyen d'échange intermédiaire entre les autres
marchandises. L'organisation économique n'aura pas
besoin de cela. L'organisation économique se servira
toujours de l'or, mais pour permettre les échanges
internationaux. On s'apercevra à ce moment que la
seule base permanente et solide, la
véritable base de toute la vie économique, peut servir
en même temps de base pour fixer la valeur de la
monnaie. L'or est devenu une monnaie uniquement pour
avoir été considéré progressivement par les hommes
comme une marchandise particulièrement recherchée, ils
se sont donc mis d'accord pour apprécier la valeur de
l'or, pour lui donner une valeur. Peut-être que cette
affirmation vous paraîtra peu sérieuse; elle l'est en
tout cas davantage que celles des économistes
chevronnés. La valeur de l'or repose uniquement sur un
accord tacite des hommes au sujet de cette valeur. On
pourrait choisir d'autres matières et leur donner une
valeur. Mais la centralisation des trois organisations
sociales aura toujours pour effet de donner
constamment une valeur fictive, dans la vie
économique, à toute matière-étalon qui pourrait être
choisie.
Donc l'or n'a, en réalité, qu'une valeur fictive. Vous
ne pouvez pas vous nourrir avec de l'or. Si personne
ne vous donne quelque chose en échange, vous ne pouvez
évidemment pas vivre avec de l'or. Sa valeur résulte
donc seulement d'une convention tacite. On n'en a pas
besoin pour régler les transactions à l'intérieur d'un
pays. Dans les échanges internationaux, son seul usage
est de permettre certaines compensations, impossibles
à assurer autrement, faute de pouvoir disposer de la
confiance nécessaire. Mais la valeur fictive attribuée
à un certain métal cessera d'exister dès que la
circulation de l'argent sera retirée à l'État pour
être confiée à l'organisme économique. L'État ne
reposera plus que sur le Droit pur, sur la base des
relations qui peuvent s'établir, d'homme à homme, dans
un régime démocratique.
01021 - L'État possède un certain trésor, exprimé en
valeur or, lorsque des signes monétaires ou de la
monnaie fiduciaire sont en circulation. Que se
passera-t-il, lorsque la triple organisation aura
remplacé la valeur apparente de
l'or par une autre valeur réelle? A ce moment, la
couverture de la monnaie en circulation sera
constituée par une valeur qui ne pourra pas appartenir
à un seul individu en particulier, cette valeur aura
été constituée grâce au travail de chacun, elle aura
de plus une même valeur pour tous les hommes vivant au
sein du même organisme social: l'ensemble des moyens
de production remplacera l'or, l'ensemble de tous les
moyens, susceptibles de conférer à une chose le
caractère de marchandise, remplacera l'or. Ainsi les
moyens de production entreront en circulation dans le
courant économique tout comme la production
spirituelle l'est déjà. Ils prendront ainsi peu à peu
le caractère de couverture de la monnaie qui leur
convient.
01022 - Ces raisonnements sont très compliqués si on
veut les conduire scientifiquement. Il faudrait donner
des explications en termes d'économie politique et,
naturellement, je n'ai pas l'intention de le faire
ici, bien qu'il soit tout à fait possible d'y arriver.
Je préfère vous donner ici un exemple concret
illustrant bien ma pensée. Le voici: il m'est arrivé
personnellement de me trouver en présence d'une sorte
de monnaie très curieuse et dont je crois vous avoir
déjà parlé ici. Cette monnaie très spéciale consistait
en lettres et en manuscrits de Goethe. J'ai connu une,
et même plusieurs personnes, qui se comportèrent à
cette occasion, en financiers très avisés. Elles se
mirent, dans la période allant de 1850 à 1880, à
acheter très bon marché des lettres et des manuscrits
de Goethe. On les obtenait alors à bas prix. Elles
avaient fini par en avoir une bonne quantité.
Puis vint un temps, il ne se trouvait plus alors aucun
manuscrit à acheter, où, par suite de circonstances
que je ne vous décrirai pas ici, les lettres et les
manuscrits de Goethe acquirent une grande valeur. Les
détenteurs de ces documents se mirent à les revendre.
Ce fut comme
si l'argent leur tombait du ciel. La valeur des
lettres et manuscrits avait augmenté considérablement
en vingt ou trente ans. Un des spéculateurs m'a
affirmé qu'aucune valeur boursière n'avait pris autant
de valeur, dans le même laps de temps, que les papiers
de Goethe. Elles étaient devenues les valeurs-papiers
les plus intéressantes et avaient pris le caractère
d'une monnaie. On retirait de grosses sommes de leur
vente.
Réfléchissez bien maintenant à la cause de ce
phénomène. Il était dû à des circonstances
complètement différentes de celles qui avaient marqué
son origine. Vous serez bien d'accord, ces lettres
avaient peut-être une grande valeur spirituelle pour
leur destinataire, lorsque Goethe les a écrites.
Pourtant, personne ne les a achetées à ce moment.
Elles n'étaient pas encore des papiers-valeurs. On
n'aurait pas pu s'en servir pour acheter du pain.
Monsieur von Loeper qui acheta des lettres de Goethe
vers 1850, aurait pu, par contre, acheter beaucoup de
pain en 1895, lorsqu'il les revendit. Elles s'étaient
changées en bel et bon argent. La manière dont la
monnaie usuelle se comporte dans l'organisme
économique n'est pas différente de celle des lettres
de Goethe, une fois introduites dans cet organisme. La
valeur des papiers sur lesquels l'écriture de Goethe
figurait dépendait d'un phénomène social, de
l'ascension de la célébrité de Goethe entre les années
1850 et 1890. Il faut d'ailleurs bien connaître
l'organisme social si l'on veut prévoir ces montées
prodigieuses intéressant des objets semblant tout
d'abord n'avoir aucune valeur dans le processus
économique et qui se mettent à en avoir une.
01023 - La revendication habituelle des
démocrates-sociaux'
1 Il s'agit de la dénomination d'un parti politique
allemand à cette époque. (N. d. t.).
tendant à la mise en commun des moyens de production
aurait pour conséquence naturelle une paralysie des
capacités et des aptitudes spirituelles des hommes. Sa
mise en application est donc impossible. Il vous
suffira de considérer un cas à titre d'exemple, choisi
parmi tous ceux que vous pourriez imaginer: un
individu ayant des aptitudes intéressant un secteur
quelconque de l'économie devra pouvoir entrer
librement en compétition dans la recherche des
capitaux dont il pourra avoir besoin, en particulier
des capitaux constitués par des économies amassées en
vue d'un prêt. Je me bornerai au cas où aucun
intermédiaire n'entre en ligne de compte, pour
simplifier les choses. Notre homme devra pouvoir
exprimer certaines prétentions pour tenir compte des
prestations spirituelles qu'il peut fournir, de ses
aptitudes comme chef et comme dirigeant d'une
entreprise. Un contrat véritable est alors établi
entre le donneur de travail et le preneur de travail;
je considère que les contrats usuels aujourd'hui ne
sont que des simulacres de contrats. A ce moment, le
donneur de travail s'apercevra que ses intérêts sont
le mieux défendus dans la mesure où l'entrepreneur
assure, par ses qualités personnelles, une excellente
gestion de l'entreprise, mais sans en avoir la
propriété. Ce résultat sera obtenu lorsque
l'entrepreneur, dès le départ, aura pu préciser
librement ses conditions, en les adaptant à son
aptitude spirituelle, et aura pu en discuter avec les
ouvriers. Si ses prétentions ne sont pas justifiées,
l'entrepreneur devra les réduire. Mais, au départ,
elles doivent pouvoir être formulées en toute liberté.
Si l'entrepreneur ne trouve pas de clients, il devra,
bien entendu, céder sur les conditions. Quelle
conclusion allons-nous tirer de tout cela?
L'entrepreneur n'a d'autre profit que la part convenue
à l'avance, cette part pouvant d'ailleurs, si le
travail
augmente, être majorée en conséquence. Mais elle
conserve le caractère d'un intérêt. A côté de cela il
faut considérer la productivité du moyen de
production, le profit, qui est une chose inhérente à
l'entreprise. Ce sont deux choses très différentes, la
production due à la valeur spirituelle de
l'entrepreneur et celle provenant de la nature de
l'entreprise. Il n'y a là rien de comparable entre le
fait d'apporter son travail pour mettre en oeuvre un
moyen de production existant et le fait d'investir des
économies capitalisées pour développer la productivité
du moyen de production.
01024 - Je place dans une fabrique un certain capital
provenant de sommes économisées par moi-même. Cette
action est tout différente de celle que j'aurais pu
accomplir en achetant un ameublement pour ma chambre,
par exemple. Si j'investis le capital dans une
fabrique, après l'avoir économisé, j'ai travaillé pour
l'organisme social. Si je m'achète un ameublement, je
fais travailler l'organisme social pour moi. Dans un
organisme social sain, dans un cas comme dans l'autre,
ces deux choses, capital et ameublement, travailleront
à ma place. Mais il faut bien les distinguer l'une de
l'autre, dans un organisme social sain. Ce n'est pas
le cas aujourd'hui dans notre organisme social malade.
Ne me faites pas dire que personne ne doit s'acheter
un ameublement. Je pense cependant qu'un tel achat
signifie, dans un organisme social sain, tout autre
chose que ce que nous nous imaginons actuellement.
Aujourd'hui, nous pouvons nous le représenter comme
une exploitation abusive. Par la suite, nous en
viendrons à le considérer en vue d'une utilisation
personnelle de l'ameublement, dans le but de nous en
servir, non pas pour en profiter nous-mêmes, mais pour
nous permettre, grâce à cet ameublement, de produire
quelque chose, n'importe quoi, au profit de
l'organisme social. Le concept du «moyen de
production» ainsi élargi, sera
placé sur une base saine dans un organisme social
également sain.
01025 - Il est possible, voyez-vous, de distinguer
avec précision, la part du revenu considérée comme un
intérêt, de celle provenant du travail fourni par le
moyen de production, par l'outil de travail. Tant que
vous utilisez le gain dû au moyen de production pour
élargir l'activité de l'entreprise, c'est très bien,
cet argent peut rester dans l'entreprise. Mais dès
l'instant où une part de ce gain est utilisée
autrement, si elle ne sert pas à un accroissement
d'activité, au développement de l'entreprise, le
patron est obligé de la transférer entre les mains
d'un autre individu qui, lui, sera en mesure
d'accroître la production de l'organisme social, grâce
à elle.
01026 - Vous avez là un cas où le capital doit
circuler. Il doit être transféré entre les mains d'un
autre individu. Si vous ne vous sentez pas capables de
procéder vous-mêmes à un transfert judicieux de votre
capital, vous en chargez une corporation de
l'organisme chargé des affaires spirituelles. Cet
organisme ne peut utiliser ce capital pour lui-même,
il le transfère à un individu ou à un groupe
d'individus, ou encore à une association. Ces entités
sociales se chargeront de mettre en circulation le
produit des moyens de production, ils le mettront dans
le courant social de circulation, dans la véritable
circulation sociale.
01027 - Ce capital en circulation dans l'organisme
social, en circulation constante, garde une valeur
constante, bien qu'il se modifie constamment. Mais sa
valeur est constante car la part du capital consommée
doit être remplacée sans cesse.
01028 - Lisez un peu, dans les traités d'économie
politique, les explications données au sujet de
l'aptitude de l'or à servir de monnaie. On lui prête
toutes sortes de qualités. La première est d'être
apprécié par tous les hommes
sans exception. La seconde, de ne pas s'user, d'être
durable, il ne s'oxyde pas, etc... Cette matière
idéale, ayant toutes ces belles qualités, circule
comme moyen de production. Quelle sera à l'avenir, la
couverture, la garantie des billets de banque? Lorsque
la monnaie sera créée et gérée par l'organisme
économique, et non plus par l'État, sa couverture sera
constituée par les moyens de production, ce ne sera
plus la masse des capitaux accumulés sous le régime de
la propriété privée. A ce moment les moyens de
production atteindront leur productivité maximale,
dans le cadre du processus économique.Les premiers à
mordre au fruit amer de ces expériences, avant d'en
tirer la conclusion et d'en avoir la conviction, ce
seront, mes chers amis, d'abord les pays d'Europe
centrale et, en particulier, la Russie. Les pays
occidentaux n'y croiront pas pour commencer, ils
profiteront jusqu'au bout du délai de grâce, ils
croiront à l'or jusqu'au bout. Les pays de l'Est et du
centre de l'Europe seront forcés de croire à autre
chose. Ils croiront que leurs monnaies en déroute,
leurs devises ayant une valeur tendant vers zéro, ne
pourront se rétablir qu'en mettant la vie économique
sur un pied d'autonomie. Tous les autres projets,
quels qu'ils soient, échafaudés dans le but d'assainir
la monnaie dans les pays du Centre et de l'Est,
resteront sans effet. Seul le transfert de la monnaie
des mains de l'État dans celles de l'organisme
économique résoudra le problème de la monnaie dans ces
pays. Sans doute, leurs organisations économiques
devront, pour commencer, conserver l'étalon or et
travailler avec l'or. Mais ce ne sera qu'un artifice.
Il leur faudra bien une réserve d'or lorsqu'ils
voudront reprendre les relations commerciales avec les
pays occidentaux. Mais le bien-être matériel, la
véritable couverture pour la monnaie devront être
basés sur les seuls biens de production alors en
circulation.
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