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Collection: 05 - LA VIE JURIDIQUE DEMOCRATIQUE
Sujet: Droit et démocratie contre travail égoîste
 
Les références : Rudolf Steiner Oeuvres complètes 340 041-044 (1979) 26/07/1922
Traducteur: Jean-Lambert Des Arts et Jean-Marie Jenni Editeur: Editions Anthroposophiques Romandes

 

La vie économique, dans l'ancien Orient par exemple, s'est déroulée en grande partie de façon instinctive, sous l'influence de certaines conditions sociales qui avaient formé des castes, des classes sociales. Entre les hommes s'étaient établis des rapports qui engendraient une sorte d'instinct enjoignant à l'individu la manière d'agir en économie. Là reposaient, pour une grande partie, les impulsions de la vie religieuse qui étaient alors encore si fortes qu'elles réglaient et ordonnaient aussi la vie économique. Si vous étudiez attentivement l'histoire de la vie dans l'ancien Orient vous verrez qu'il n'existe nul part de délimitation nette entre les commandements religieux et ce qui doit être accompli sur le plan économique. Les préceptes religieux s'étendaient souvent dans le domaine économique, en sorte qu'alors la question du travail, celle de la circulation sociale des fruits du travail ne se posait même pas. Dans un certain sens le travail était exécuté instinctivement ; et le fait que l'un travaille davantage ou moins que l'autre ne soulevait, dans les temps qui ont précédé la civilisation romaine, aucune question, en tout cas aucune question publique importante. Les exceptions à cette situation d'alors sont négligeables en regard de l'évolution générale de l'humanité. Nous trouvons encore chez Platon une optique sociale semblable, qui considère en somme le travail comme allant de soi. On réfléchissait aux impulsions sociales éthiques et sages que Platon avaient formulées, lesquelles n'incluaient toutefois pas le travail.
03009 - Cela changea progressivement dans la mesure où les impulsions religieuses et éthiques cessaient de conditionner les instincts économiques, pour se limiter de plus en plus à la vie morale, aux préceptes de la con­duite des sentiments à l'égard de son prochain, ou encore à l'égard des puissances suprahumaines, etc. Le point de vue ou le sentiment grandissait parmi les hommes — si je puis me permettre cette image — que les prêches n'avaient plus à leur prescrire la manière de travailler. Et c'est alors seulement que le travail ou, plus exactement, l'intégration du travail dans la vie sociale commença à poser problème.
03010 - Toutefois l'intégration du travail dans la vie sociale ne fut historiquement pas possible sans l'apparition de ce qu'on appelle le droit. Ainsi, historiquement, nous voyons naître simultanément l'évaluation du travail individuel et le droit. Pour des époques très reculées de l'humanité, nous ne pouvons parler de droit dans le sens ou nous l'entendons aujourd'hui, vous ne pouvez le faire qu'à partir du moment ou le droit se sépare du commandement religieux. Dans les temps les plus anciens le commandement religieux est un tout cohérent, il règle tout, y compris ce qui relève du droit. Mais par la suite, la prescription religieuse se réduit progressivement pour se limiter au domaine de la vie de l'âme, et le droit s'affirme pour tout ce qui est de la vie extérieure. Ceci se déroule au cours d'une certaine période historique où des rapports sociaux tout à fait particuliers se sont formés. Cela nous conduirait trop loin de les décrire maintenant avec plus de précision ; mais il serait intéressant d'étudier tout spécialement comment, dans les premiers siècles du Moyen Âge, les rapports juridiques et les rapports de travail se sont séparés des organisations religieuses — au sens large, bien entendu — dans lesquelles ils étaient précédemment plus ou moins inclus.
011 - Or, cela entraîne une conséquence particulière. Aussi longtemps que les prescriptions religieuses prévalent pour l'ensemble de la vie sociale de l'humanité, l'égoïsme ne crée pas de dommage. Ceci est quelque chose d'extraordinairement important pour la compréhension des processus sociaux et économiques. L'égoïsme n'est pas nuisible, quelle que soit la tendance égoïste de l'individu, tant que l'organisation religieuse, telle qu'elle régnait autrefois d'une manière très stricte en Orient, a pour effet d'intégrer l'homme, en dépit de son égoïsme, d'une manière favorable dans la vie sociale. L'égoïsme commence à prendre de l'importance dans la vie des peuples dès le moment où le travail et le droit se distinguent des autres impulsions sociales, des autres courants sociaux. Ceci explique pourquoi à notre époque, où justement le travail et le droit tendent à s'émanciper, l'esprit humain s'efforce, bien que d'une manière inconsciente, de juguler un égoïsme humain devenu actif, dans le but de le placer correctement dans la vie sociale. Cette tendance atteint son point culminant dans la démocratie moderne sous la forme du sentiment de l'égalité entre tous les hommes, sentiment qui permet à chacun d'influencer le droit et de participer à la définition des conditions de son travail.
012 - Mais en même temps que culmine l'émancipation du droit et du travail, apparaît un autre processus qui existait déjà dans les périodes les plus anciennes de l'évolution humaine, quoique ayant alors, du fait des impulsions religieuses et sociales, une tout autre signification. Un processus, encore très faible dans notre civilisation européenne du Moyen Âge, se fit jour et prit son essor culminant au moment de l'émancipation du droit et du travail ; je veux parler de la division du travail.
013 - Dans les temps plus reculés, la division du travail n'avait pas de signification particulière. Elle était en fait incluse dans l'ensemble des préceptes religieux d'alors où chacun occupait sa place, elle n'avait donc pas une telle importance. Mais là où la tendance à la démocratie s'est liée à la division du travail, après avoir lentement pris naissance au cours des derniers siècles pour culminer au 19e, la division du travail prit une importance toute particulière, car elle a une incidence sur l'économie.
014 - Cette division du travail, dont nous devons encore apprendre les causes et les modalités, nous conduit, si nous la poursuivons dans l'abstrait jusqu'à la fin, à la conclusion que personne n'utilise pour lui-même ce qu'il a produit. Vu toutefois sous l'angle économique ! Cela signifie que personne n'utilise pour lui-même — économiquement parlant — ce qu'il a produit !