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Collection: 05 - LA VIE JURIDIQUE DEMOCRATIQUE

Sujet: Partis comme caricature de la vie spitituelle.

 
Les références : Rudolf Steiner Oeuvres complètes 197 121-124 (1967) 30/07/1920
Traducteur: Claudine Villetet Editeur: EAR

 

Réfléchissez au fait que dans ce monde ordinaire où nous vivons, nous trouvons dans la vie publique tel ou tel parti. Nous allons d’abord regarder les partis classiques. Vous savez que ce qui s’y passe est désolant, ennuyeux et plat au-delà de toute mesure ; mais aujourd’hui, tout le monde ou presque est plus ou moins obligé d’en faire partie, sauf si l’on veut se retirer complètement de la vie publique ou si l’on est apatride et que l’on n’est ja- mais contraint de voter, parce que l’on n’a jamais réussi à obtenir le droit de vote ; tous ceux donc qui ont le droit de vote sont dans l’obligation de donner leur voix dans une certaine direction, c’est-à-dire d’agir dans le sens de ces partis. Il y a donc des partis. Leur existence remonte à des temps meilleurs de la vie des partis, ceux où prévalait le célèbre système anglais d’alternance du parti conservateur et du parti libéral. Et nous pouvons dire que tous les partis actuels se retrouvent plus ou moins dans ces deux sensibilités. Parfois, le principe libéral de gauche est teinté du conservatisme de droite, et le conservatisme avec le libéralisme de gauche, comme dans la social-démocratie, le conservatisme peut aussi se teinter de radicalisme, comme nous l’avons vu aujourd’hui. Mais dans l’ensemble, on peut dire que ce système d’alternance type conservateurs-libéraux est à l’origine de nos partis. Oui, c’est l’image extérieure que l’on a. Au sein de ces formations – comme chacun doit l’avouer – on fait les pires expériences. Mais ils sont là, et la question qui se pose, c’est : pourquoi sont-ils là ? Qu’est-ce que c’est, en fait ? Qu’est-ce que c’est que des partis ?
07011 - Tout ce qui apparaît ici dans le monde physique est un reflet du monde suprasensible. De quoi les partis sont-ils donc un reflet ? Qu’y a-t-il dans le monde spirituel qui provoque l’apparition de partis dans le monde sensible ? Seul celui qui a compris quels étaient les présupposés qui sont à la base d’un phénomène comprendra correctement ce dont il s’agit ici, il comprendra qu’on parvient à quelque chose de nature complètement différente, à savoir les réalités, quand on franchit le seuil du monde spirituel. Ici, dans le monde physique, on est idéaliste, sceptique, réaliste, spiritualiste, un « iste » quel- conque. On est quelque chose que l’on peut résumer dans un programme, dans un système politique, sociologique, bref, on est un « iste ». On se tourne en ce cas vers une abstraction. Car tout ce qui fonde les partis, ce sont des programmes, des systèmes ou des constructions de ce genre, de toute façon des abs- tractions. Dès que l’on franchit le seuil du monde spirituel, on n’a plus affaire à de la simple logique ni à des abstractions, mais à des réalités. Seulement, d’ordinaire, cela n’est pas pris très au sérieux. Mais quand vous passez devant le Gardien du seuil, vous ne pouvez plus faire de serments sur le drapeau d’un parti, vous ne pouvez faire référence qu’à des êtres, tout devient substantiel. Là, vous pouvez seulement vous réclamer d’un être des hiérarchies supérieures et dire : c’est celui que j’ai décidé de suivre, celui auquel je me relie. L’autre peut représenter sa cause à sa manière, moi, c’est à celui-ci que je suis lié, je prends son parti. L’expression : « Je prends parti pour celui- ci ou celui-là » revêt ici une signification très réelle, pas simplement abstraite. De notre point de vue d’êtres humains, nous sommes tentés de dire : dès que nous regardons au-delà du seuil, nous trouvons trois types d’entités : le Christ, Ahriman et Lucifer. Après s’être soigneusement préparé à saisir le monde spirituel, on peut déjà dire : je choisis le parti du Christ ou celui d’Ahriman ou celui de Lucifer. Mais on peut aussi masquer l’affaire, on peut être mal préparé, choisir Ahriman et l’appeler « Christ ». Mais on suit un être – tout devient substantiel de l’autre côté du seuil ! On a toujours affaire à des réalités, pas à des programmes ni à des systèmes !
07012 - Je suis en train de parler de choses capitales, qui caractérisent le lien des êtres humains avec le monde suprasensible. Et il y a un sujet sur lequel il n’est pas encore possible aujourd’hui de tout dire, parce que le thème est trop explosif, mais un cercle très restreint d’hommes sur terre savent aujourd’hui que suivre les drapeaux d’un parti, adhérer aux abstractions d’un parti, tout cela n’a au fond aucune réalité, c’est une illusion, et lorsqu’on se met à suivre quelque chose de réel, ce que l’on doit suivre, en réalité, se trouve de l’autre côté du seuil, dans le monde suprasensible. Mais il existe un parti que vous pouvez définir immédiatement par la très bonne connaissance qu’il a de ce secret, dont il se sert. Je l’ai évoqué publiquement dans le cycle de Karlsruhe, en 191162, et cela m’a attiré la haine du parti en question. Il s’agit en effet des Jésuites. Ils savent très précisément que suivre le programme d’un parti – pardonnez-moi d’utiliser une expression courante en Allemagne – c’est une ineptie. Ce qu’on suit, c’est un être du monde suprasensible ! C’est pourquoi vous voyez que les exercices jésuites commencent ainsi : le Jésuite doit se représenter celui qu’il suivra ensuite sous le nom de Compagnie de Jésus, pour lequel il constitue une corporation militaire. Et quand j’insinuais qu’on ne pouvait pas tout dire, je voudrais taire, dans cet ordre d’idées, la nature de ce qui est baptisé là du nom de « Jésus ». Mais il s’agit pour nous de caractériser le jésuitisme comme un parti, qui suit un être spirituel et qui connaît très bien ce mystère : suivre un parti qui se limite à un pro- gramme au sein du monde terrestre, c’est une ineptie. Et l’efficacité de l’ordre des Jésuites repose sur le fait qu’il éduque ses membres à suivre un être spirituel. Là, il ne s’agit pas de dire : « c’est juste » ou « c’est faux », mais de reconnaître que cela fait partie de la mission de l’être spirituel derrière qui je marche ; je défends donc cela. Ce qui ne fait pas partie de la mission de l’être spirituel que je suis, je le combats, même s’il est possible de le défendre par la logique, car les enseignements d’Ahriman et de Lucifer peuvent être défendus par la logique, comme ceux du Christ. Il existe trois défenses logiques qui ont toutes la même valeur.
07013 - C’est pourquoi nous assistons maintenant au curieux spectacle du jésuitisme faisant la guerre à l’anthroposophie, tout en sachant évidemment que cette dernière suit une direction spirituelle dans la- quelle les choses se défendent. Il sait très bien que les objections logiques ne suffisent pas à combattre les choses, il sait très bien qu’une réfutation logique n’est qu’un simple jeu de logique ; il sait qu’il est simplement en face d’un ennemi dans le combat spirituel, et tous les moyens sont bons pour lui. C’est pourquoi cela n’a aucun sens de vouloir combattre en réfutant les réfutations des Jésuites. Les Jésuites savent fort bien ce que l’on peut leur objecter ; mais la connaissance de ces objections, qu’ils tiennent pour justes, n’est pas une raison suffisante pour eux d’arrêter le combat, parce qu’ils suivent une autre entité que celle que l’anthroposophie doit suivre maintenant pour le salut de l’humanité. Dès qu’il s’agit d’affaires spirituelles, on a affaire à des réalités ; il s’agit alors de vraiment discerner les chemins spirituels, il s’agit, pour discerner ces chemins spirituels, – ce qui est tout à fait possible pour le sain entendement humain – de se servir de l’être humain tout entier, pas de ce nain humain que forment actuellement nos établissements d’enseignement ordinaires.
07014 - Qu’est-ce donc que les partis, ici, dans la vie physique ? Ce sont les caricatures de ce qui est tout à fait légitime dans le monde spirituel ; ce sont les ombres déformées de choses qui sont légitimes dans le monde spirituel. C’est l’aspect difficile du problème : ce qui apparaît dans le monde physique peut être le reflet de quelque chose qui a une véritable légitimité dans le monde spirituel. Dans le monde sensible cela devient funeste, condamnable, car les mondes ont tous leurs propres lois, et nous avons aujourd’hui devant nous la nécessité de nous élever à nouveau vers le monde spirituel. Mais la première étape, c’est l’apparition ici, dans la vie physique, des caricatures de la vie spirituelle, avec les hommes qui lèvent des drapeaux de parti et suivent des idoles de parti, alors que ce sont des entités spirituelles qu’ils devraient suivre. Quand cela se passe dans le monde suprasensible, c’est la vérité ; quand cela se passe ici, dans le monde physique, c’est du mensonge et de l’illusion. Dès que l’on veut parler des vérités de l’autre côté du seuil, vous voyez que ce ne sont pas des mots creux, qui invitent à transformer ce qui est purement théorique en réalité.