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Institut pour une triarticulation sociale
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Collection: 05 - LA VIE JURIDIQUE DEMOCRATIQUE
Sujet : Individualisme et nivellement démocratique à partir de l'âme de conscience.
 
Les références Rudolf Steiner Oeuvres complètes 185 036-037 1962 19/10/1918
Traducteur: FG Editeur: SITE

 

TRIADES

N'est-ce pas, à ce moment, la personnalité perd la valeur que lui conféraient les instincts dont elle était pourvue précisément parce qu'elle n'avait pas encore développé la conscience individuelle. Dans les temps passés, la personnalité se manifestait avec une force élémentaire, pourrait-on dire, avec une force animale — on me comprendra, je pense, si j'emploie ce mot —, animale, mais humanisée, pénétrée d'âme. La personnalité se manifestait instinctivement, elle n'avait pas encore tout à fait pris naissance au sein de l'âme-groupe. Et il lui fallait maintenant s'émanciper, ne dépendre plus que d'elle-même. Ce fait la plaçait d'emblée dans une étrange situation de contradiction. D'une part, tout ce qui lui servait pour se manifester en tant qu'individu allait lui faire défaut, les instincts devaient disparaître, et dans le sein de l'âme devait peu à peu prendre forme le centre de la personnalité. L'âme devait acquérir une force pleinement substantielle.
02003 - Cette situation de contradiction se discerne dans le fait déjà mentionné hier : auparavant, alors que la personnalité n'avait pas encore pris conscience d'elle-même, on était productif, des forces actives alimentaient la civilisation ; désormais, cela va cesser, l'âme devient stérile. Et pourtant, elle devient le centre de l'être ; car ce qui fait précisément l'élément personnel, c'est que l'âme ne s'appuie plus que sur elle-même et devient le centre de l'être. Si bien qu'on ne verra plus des personnalités éminentes comme l'Antiquité en connut : Auguste, Jules César, Périclès — nous pourrions en nommer beaucoup d'autres. La force élémentaire de la personnalité décline, et l'on voit apparaître ce qu'on appellera plus tard la mentalité démocratique, qui nivelle les personnalités et veut tout égaliser. Cependant, c'est justement au niveau de ce nivellement que la personnalité veut percer. Quelle contradiction absolue !
02004 - Chacun occupe une fonction de par son Karma. Et Jacques I" occupait précisément celle de souverain. Certes, à l'époque des rois de Perse, à l'époque des Khans mongols, et même encore au temps où le pape posa sur la tête du Magyar Istwan I°" la couronne sacrée de Saint-Etienne, la personnalité signifiait quelque chose à l'intérieur d'une certaine fonction, elle pouvait se ressentir comme adaptée à cette fonction. Mais Jacques I" s'y trouvait comme un homme revêtu d'un habit qui ne lui va en aucun point. On peut dire qu'à
DEUXIÈME CONFÉRENCE 35
tous égards, Jacques I", vis-à-vis de tout ce qui lui incombait, était comme un homme dans un vêtement qui ne lui va absolument pas. Il avait été élevé dans la religion calviniste, s'était ensuite converti à l'anglicanisme, mais au fond, le calvinisme et l'église anglicane lui étaient aussi indifférents l'un que l'autre : en son âme, tout était comme un vêtement qui n'était pas à sa mesure. Il était destiné à régner en souverain au seuil de l'époque parlementaire — et même, le parlementarisme libéral avait déjà été institué pendant un temps. Il était très intelligent, très avisé lorsqu'il parlait avec les gens, mais personne ne comprenait vraiment ce qu'il voulait, car tous les autres voulaient faire autre chose. Il était issu d'une vieille famille catholique, les Stuart. Mais lorsqu'il monta sur le trône d'Angleterre, ce furent avant tout les catholiques qui s'aperçurent qu'ils n'avaient rien à attendre de lui. Ce fut là le motif d'un projet étrange, bizarre, que conçurent certaines personnes — en 1605 — d'une conjuration qui avait pour but de faire sauter le Parlement et ses membres -- après avoir entassé sous l'édifice une quantité de poudre aussi grande que possible. C'est ce qu'on appela la Conspiration des Poudres. L'affaire avorta parce qu'un catholique, en ayant eu vent, la révéla ; sans quoi Jacques I" eût un beau jour subi ce sort de sauter avec tout son Parlement.
Il n'était adapté à rien, car c'était une personnalité, et la personnalité a quelque chose de « singulier », elle pense par-devers soi, elle ne s'appuie que sur elle-même.

02005 - Mais à l'ère de la personnalité, chacun veut en être une, c'est la contradiction intrinsèque de cette époque, il ne faut pas l'oublier. A l'ère de la personnalité, on ne refuse pas l'idée de roi ou l'idée de pape ; ce qui compte, ce n'est pas de supprimer le pape ou la royauté ; seulement, puisqu'il doit y avoir un pape ou un roi, chacun voudrait être le pape, chacun voudrait être le roi : ainsi, la papauté, la royauté et la démocratie se trouveraient réalisées d'un coup.