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Institut pour une triarticulation sociale
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Collection: 02-L’organisme social
Sujet: Organisme social comme renversement de l'organisme humain
 
Les références Rudolf Steiner Oeuvres complètes 328 2e conférence 05/02/1919
Traducteur: Geneviève Bideau Editeur: Triades

 

 

02005 - Pour faire saisir ce que je crois avoir précisément discerné comme le point central d'une observation qui embrasse tous les divers aspects de la question sociale, je puis peut-être partir d'une comparaison. Mais je vous prie de tenir compte du fait qu'il ne s'agit là de rien d'autre que d'une comparaison, de quelque chose qui est propre ä soutenir
la compréhension, pour l'orienter dans le sens qui est nécessaire si on veut se former des représentations sur la manière dont l'organisme social peut guérir. Celui qui doit considérer de ce point de vue l'organisme le plus compliqué qui existe dans la nature, l'organisme humain, doit diriger son attention sur ceci : cet organisme humain, en son essence, repose sur le fait qu'il présente trois systèmes agissant côte ä côte, réunis en une structure interne. On peut caractériser approximativement ces trois systèmes agissant côte ä côte de la manière suivante. On peut dire ceci : dans l'organisme humain naturel agit le système qui contient la vie neuro-sensorielle. On pourrait aussi le nommer, d'après le membre le plus important de l'organisme où la vie neuro-sensorielle est pour ainsi dire centralisée, l'organisme de la tête.
02006 - Si l'on veut acquérir une compréhension véritable de l'organisation humaine, il faut considérer comme deuxième membre de cette orga- nisation humaine ce que j'aimerais nommer le système rythmique, qui est lié ä la respiration, à la circulation du sang, ä tout ce qui s'exprime dans les processus rythmiques de l'organisme humain.
02007 - Il faut considérer ensuite comme troisième système tous les organes et les activités qui sont liés au métabolisme proprement dit. Dans ces trois systèmes est contenu tout ce qui, lorsque chacun d'eux est adapté aux deux autres, entretient le processus global qui se déroule dans l'organisme humain.
02008 - J'ai tenté, en plein accord avec tout ce que la recherche peut déjà dire aujourd'hui dans les sciences de la nature, de caractériser — tout d'abord dans les grandes lignes — cette triarticulation* de l'organisme humain naturel dans mon livre Des énigmes de l'âme'. Il m'est très clair que tout ce que la biologie, la physiologie, les sciences de la nature produiront dans les temps tout proches comme connais- sances au sujet de l'être humain tend précisément vers cette façon de considérer l'organisme humain qui perçoit que ces trois membres — système de la tête, système de la circulation ou système de la poitrine et système du métabolisme — maintiennent le processus global de l'organisme humain précisément par le fait que ces trois membres agissent de façon relativement autonome, qu'il n'y a pas de centralisation absolue de l'organisme humain, que de plus chacun de ces trois systèmes a un rapport spécifique, autonome, au monde extérieur : le système de la tête par les sens, le système circulatoire ou système
* Nous adoptons ici une suggestion de C. Lazaridès. (N.d.T.)
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rythmique par la respiration et le système du métabolisme par les organes de la nutrition.
02009 - En ce qui concerne les méthodes des sciences de la nature, nous ne sommes pas encore tout ä fait assez avancés pour en arriver déjà ä ce que soit véritablement reconnu ä l'intérieur des cercles scientifiques, comme cela peut paraître souhaitable pour le progrès de la connaissance, ce que je viens d'indiquer et que j'ai tenté d'exploiter pour la science de la nature ä partir de fondements puisés ä la science de l'esprit. Mais cela signifie que nos habitudes de pensée, toute notre façon de nous représenter le monde, ne sont totalement adaptées ä ce qui se présente par exemple dans l'organisme humain comme la réalité interne de l'agir de la nature. En un certain sens, on pourrait dire : eh bien, les sciences de la nature peuvent attendre, elles poursuivront peu ä peu leurs idéaux, l'un après l'autre, elles finiront bien par en venir ä admettre comme leur une telle façon de considérer les choses. Mais en ce qui concerne la façon de considérer l'organisme social et surtout sa façon d'agir, on ne peut pas attendre. Il faut que non seulement chez tel ou tel spécialiste, mais dans chaque âme humaine — car chaque âme humaine prend part ä l'action de l'organisme social — existe au moins une connaissance instinctive de ce qui est nécessaire ä cet organisme social. Un penser et un ressentir sains, un vouloir sain et des exigences saines en ce qui concerne la forme ä donner ä l'organisme social, ne peuvent se développer que si l'on est, au clair, ne serait-ce que de façon plus ou moins instinctive, sur ce fait que cet organisme social doit, pour être sain, être tripartite, tout autant que l'organisme naturel.
02010 - J'en arrive ici au point où il me faut particulièrement me prémunir contre le risque d'être mal compris. Depuis que Schäffle a écrit son livre sur la structure de l'organisme social, on a inlassablement tenté d'établir des analogies entre l'organisation d'un être naturel, disons l'organisation de l'être humain, et la société humaine en tant que telle. Que de tentatives pour déterminer ce qui est la cellule dans l'organisme social, ce qui est agencement de cellules, ce qui est tissu etc. ! Tout récemment encore est même paru un livre de Meray, La mutation universelle, où certains faits scientifiques et certaines lois naturelles sont tout simplement transposés au prétendu organisme de la société humaine. Ce dont il est question ici n'a absolument rien ä voir avec toutes ces choses, avec toutes ces amusettes analogiques. Et celui qui ä la fin de ces conférences dira : Ah ! ah ! voilà qu'on a ici une fois de plus affaire avec ce genre de jeu d'analogies entre l'organisme naturel et l'organisme social prouvera seulement par là qu'il n'a pas
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pénétré dans le véritable esprit de ce que je veux dire ici. Car mon intention n'est pas de transplanter dans l'organisme social l'une quel- conque des vérités adaptées ä des faits relevant des sciences de la nature, mais je veux que le penser humain, le ressentir humain, apprennent en observant l'organisme qu'a créé la nature au point de pouvoir ensuite appliquer ä l'organisme social aussi sa méthode, sa façon de ressentir. Lorsqu'on transpose simplement ä l'organisme social ce qu'on croit avoir appris ä propos de l'organisme naturel comme Schäffle l'a fait, comme d'autres l'ont fait, comme cela est fait de nouveau dans le livre La mutation universelle, on montre seulement par là que l'on ne veut pas acquérir les facultés permettant de considérer l'organisme social comme tout aussi indépendant, tout aussi autonome, et d'en rechercher les lois propres comme on le fait pour l'organisme naturel. C'est donc uniquement pour me faire comprendre que j'ai fait la comparaison avec l'organisme naturel. Car ä l'instant où l'on procède réellement ainsi : comme le fait le chercheur en sciences de la nature devant l'organisme naturel, on se place objectivement devant l'organisme social dans son autonomie pour en connaître les lois propres — ä cet instant tout jeu d'analogies cesse face au sérieux de l'obser- vation.
02011 - Je vais tout de suite faire remarquer comment ce jeu d'analogies doit cesser. Quand on considère l'organisme social — certes on a ici affaire ä un être en devenir, ä un être qui ne fait en réalité encore que naître —, dans la mesure où on veut qu'il soit sain, on est également conduit ä constater que cet organisme social comporte trois membres ; mais on connaît chacune de ces deux réalités de façon autonome lorsqu'on sait prendre les choses de façon objective. On voit d'un côté les trois membres de l'organisme humain, de l'autre côté, doués d'une existence objective propre, les trois membres de l'organisme social. Si l'on cherchait des analogies, on procéderait peut- être de la façon suivante. On dirait : chez l'être humain, le système de la tête, des nerfs et des sens est lié ä la vie spirituelle de l'être humain, aux facultés spirituelles ; le système de la circulation régule le lien de ce système spirituel avec le système le plus grossier, le système matériel, le système du métabolisme. Le système du méta- bolisme est considéré comme le système le plus grossier de l'organisme humain, en raison de certains sentiments que l'on éprouve tout bon- nement ä partir de certains mobiles profonds. Si l'on se livrait au jeu de l'analogie, ä quoi serait-il le plus naturel de penser ? Le plus naturel serait de dire : eh bien, l'organisme social se compose lui aussi de trois membres. La vie spirituelle de l'être humain s'y déroule. Cela
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ferait un membre. La vie politique ä proprement parler s'y déroule — nous allons tout de suite parler de cette articulation —, la vie économique s'y déroule également. Or si l'on voulait se livrer au jeu de l'analogie, on pourrait croire que ce qui, dans l'organisme social, est soumis, en tant que vie de l'esprit, en tant que culture de l'esprit, ä certaines lois, que cela serait régi par des lois qui pourraient se comparer aux lois du système de l'esprit, du système neuro-sensoriel. Un jeu de pure analogie comparerait probablement le système qui est considéré en l'être humain comme le système le plus grossier, comme le système véritablement matériel, c'est-à-dire le système du métabo- lisme, avec ce que l'on appelle la vie économique grossière, matérielle. Or celui qui peut observer les choses telles qu'elles sont, qui refuse catégoriquement un jeu d'analogies pur et simple, sait que la réalité est précisément ä l'opposé de ce ä quoi on aboutit par un simple jeu d'analogies. Pour l'organisme social, dans la production et la consom- mation économiques, dans la circulation économique des marchandises, la vie est fondée sur des lois semblables ä celles sur lesquelles est fondée dans l'organisme humain naturel la vie neuro-sensorielle, donc précisément la vie de l'esprit. Certes, ce qui est la vie du droit public, la vie politique au sens propre, la vie que l'on conçoit fréquemment comme englobant beaucoup trop de choses, que l'on peut désigner comme la vie de l'Etat proprement dite, peut être comparée au système rythmique situé entre les deux systèmes naturels — le système du métabolisme et le système neuro-sensoriel —, le système régulateur, le système de la respiration et du cœur. Mais le seul aspect par lequel elle peut lui être comparée, c'est que, précisément, de même que le système circulatoire ou rythmique est placé dans l'organisme humain au milieu entre le système du métabolisme et le système des nerfs, de même le système du droit public se trouve entre le système économique et la vie propre de la culture de l'esprit. Et cette vie de la culture de l'esprit, cette vie de l'esprit dans l'organisme social, n'est en fait pas régie par des lois qui peuvent être pensées selon une analogie avec les lois des aptitudes innées de l'être humain, les lois de la vie neuro-sensorielle de l'être humain, non, ce qui est vie de l'esprit dans l'organisme social a des lois qui peuvent seulement être comparées aux lois du système le plus grossier de l'être humain, ä celles du système du métabolisme.
02012 - Voilà ä quoi conduit une observation objective de l'organisme social. Mais il faut aussi poser ces données au départ, afin que ne se produise aucun malentendu au sujet de ces points, afin que l'on ne croie pas que l'on transpose tout simplement une réalité physiologique
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ou biologique ä l'organisme social. Il faut considérer l'organisme social pour lui-même et d'une façon absolument indépendante si l'on veut susciter des éléments féconds pour qu'il recouvre la santé et prospère.