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Collection: 02-L’organisme social
Sujet: Évolution française tumultueuse
 
Les références Rudolf Steiner Oeuvres complètes 185 039-043 (1982) 19/10/1918
Traducteur: Henriette Bideau Editeur: TRIADES

 

Henriette Bideau

02007 - Une différence fondamentale se dessine de plus en plus entre la nature anglaise et la nature française. En France, après les désordres de la guerre de Trente Ans, se développe sur le terrain national ce que l'on peut appeler l'affermissement de l'idée d'Etat. Lorsqu'on veut étudier comment l'idée d'Etat s'est affermie, il faut le faire avec l'exemple — assez unique — de l'étincelante ascension — suivie plus tard d'une décadence — de l'Etat français, avec Louis XIV, etc. Nous voyons ensuite continuer à se développer au sein de cet Etat national les germes de l'émancipation de la personnalité telle que l'apportera la Révolution française.
02008 - Cette Révolution française apporte, on peut le dire, les impulsions les plus absolument justifiées de la vie humaine : le fraternel, la liberté, l'égalité. Mais cette triade — dont j'ai déjà parlé ailleurs — apparaît dans le cadre de la Révolution française en contradiction avec l'évolution humaine.
Lorsqu'on tient compte de cette évolution de l'humanité, on ne peut parler des trois forces : fraternité, liberté et égalité, sans les mettre de quelque manière en rapport avec les trois éléments constitutifs de la nature humaine. En ce qui concerne la vie commune, la vie des corps, il faut que peu à peu, à cette époque de l'âme de conscience, l'humanité s'élève à la fraternité. Ce serait un malheur indicible et une régression de l'évolution si à la fin de cette cinquième époque post-atlantéenne, celle de l'âme de conscience, la fraternité ne se développait pas au moins jusqu'à un haut degré parmi les humains. Mais on ne peut comprendre la fraternité que si on la pense en liaison avec la vie en commun, le lien de corps humain à corps humain, dans l'existence physique. Si l'on s'élève jusqu'à l'âme, alors on peut parler de liberté. On sera dans l'erreur aussi longtemps que l'on croira pouvoir réaliser la liberté dans la vie extérieure, la vie corporelle ; mais d'âme à âme, la liberté peut se réaliser.
Il ne faut pas concevoir l'homme comme un amalgame formant une unité, et parler n'importe comment de fraternité, de liberté et d'égalité. Il faut savoir que l'être humain se répartit en corps, âme et esprit; que les hommes n'accèdent à la liberté que lorsqu'ils veulent devenir libres dans leurs âmes ; et qu'ils ne peuvent être égaux qu'en ce qui concerne l'esprit. L'esprit, ce qui nous saisit spirituellement, est pour tous le même. Il est le but de l'aspiration en vertu de laquelle la cinquième époque post-atlantéenne, l'âme de conscience, s'efforce d'acquérir le Soi-Esprit. Et dans cette aspiration vers l'esprit, tous les humains sont égaux. C'est en liaison avec cette égalité dans l'esprit que la sagesse populaire dit : dans la mort, tous les humains sont égaux. Si l'on ne répartit pas entre ces trois éléments constitutifs la fraternité, la liberté et l'égalité, si on les prend dans un ordre indifférent en disant : les hommes doivent vivre fraternellement sur terre, être libres et égaux — on ne peut que créer la confusion.
02009 - Considérée comme un symptôme, la Révolution française est extrêmement intéressante. Elle nous présente — sous forme de slogans en quelque sorte, appliqués en désordre et sans distinction à l'être humain dans son ensemble — ce qui doit être cultivé par tous les moyens de l'évolution spirituelle au cours de l'ère de l'âme de conscience, de 1413 à 2160 ans plus tard, soit 3573. La tâche de cette époque, c'est de conquérir pour les corps la fraternité, pour les âmes la liberté, pour les esprits l'égalité. Mais c'est sans discernement, dans un désordre tumultueux que ce noyau de la cinquième période post-atlantéenne apparaît en formules lapidaires avec la Révolution française. L'âme de la cinquième période post-atlantéenne est là en ces trois mots, incomprise : elle est présente, mais ne peut tout d'abord trouver d'organisme social, et au fond amène confusion sur confusion. Elle ne peut trouver de corps extérieur, d'organisme social, mais elle est là, extraordinairement significative, une âme qui exige. Toute la vie intérieure qui doit animer cette cinquième période post-atlantéenne se dresse, incomprise, et n'a pas de moyen d'expression. C'est là précisément que se manifeste un autre symptôme, d'une immense importance.
02010 - Voyez-vous, lorsque ce qui doit se réaliser au cours de toute une période à venir se fait jour de façon presque tumultueuse, on est très éloigné de la position d'équilibre dans laquelle l'humanité doit poursuivre son développement, et des forces qui ont été déposées dans les humains de par leur lien avec leurs hiérarchies propres. Le fléau de la balance penche très fort d'un côté. Entre l'influence luciférienne et l'influence ahrimanienne, le fléau de la balance, du fait de la Révolution française, pencha très fort d'un côté, à savoir du côté luciférien.
Un tel phénomène provoque toujours un contre-coup. Mais parlons plutôt en images, et ne prenez pas les mots trop au pied de la lettre, trop littéralement : dans ce qu'amène la Révolution française, l'âme de la cinquième période post-atlantéenne est là en quelque sorte sans corps social, sans existence corporelle. Elle est une abstraction, une âme qui désire un corps... mais cela ne se réalisera qu'au cours de millénaires — au cours de siècles tout au moins. Or, le fléau de la balance ayant penché exclusivement d'un côté, un contre-choc se produit. On voit alors apparaître l'autre extrême. Dans la Révolution française, tout se passe en tumulte, tout est en opposition avec le rythme de l'évolution humaine. Du fait que le fléau penche alors dans le sens opposé — les choses ne sont pas en équilibre, elles passent tout droit de la position luciférienne à la position ahrimanienne —, les faits s'établissent à nouveau en concordance avec le rythme humain, avec ce qu'exige impersonnel¬lement la personnalité. En Napoléon apparaît le corps tout entier conforme au rythme de la personnalité humaine, mais penchant entièrement dans l'autre sens : sept ans de souveraineté, quatorze ans de gloire et d'inquiétude pour l'Europe, d'ascension — puis sept années de déclin dont il n'emploie que la première à plonger encore une fois l'Europe dans l'inquiétude. Tout cela selon un rythme strict : sept ans, puis deux fois sept ans, puis encore sept ans. Un rythme rigoureux de sept en sept !
02011 - Je me suis vraiment donné bien du mal — certains parmi vous savent que j'y ai fait parfois une allusion — pour trouver l'âme de Napoléon. Vous le savez, ces études sur les âmes peuvent être conduites de la manière la plus diverse avec les moyens qu'offre l'investigation spirituelle. Vous vous souvenez certainement comment l'âme de Novalis a été recherchée au cours de ses incarnations antérieures. Et je me suis donné vraiment bien de la peine pour chercher l'âme de Napoléon — mais je ne peux pas la trouver, car elle n'est pas là. Et telle est sans doute l'énigme de cette vie de Napoléon, qui se déroule avec une régularité d'horloge, selon le rythme même de sept ans. On la comprendra mieux en la considérant comme en parfait contraste avec une vie comme celle de Jacques I", ou encore comme l'inverse de l'abstraction de la Révolution française. La Révolution toute âme sans corps, Napo¬léon tout corps sans âme — mais lin corps fait de toutes les contradictions de l'époque. Ici réside lune des plus grandes énigmes de l'évolution contemporaine — dans cet ensemble étrange que forment la Révolution et Napoléon. On a l'impression qu'une âme voulait s'incarner dans le monde, qu'elle apparut sans avoir de corps, qu'elle s'agitait parmi les révolutionnaires du xvIIIe siècle sans pouvoir trouver de corps... et qu'extérieurement seulement, un corps s'est approché d'elle, qui de son côté ne put trouver d'âme : Napoléon. Il y a dans ces choses bien plus que des allusions ou des caractéristiques judicieuses : ce sont là les impulsions importantes du devenir historique. Ici, au milieu de vous, je puis employer les termes qu'offre l'investigation spirituelle. Mais tout ce que je viens de vous dire, on peut le dire partout à condition de choisir d'autres expressions.
02012 - Lorsqu'on s'efforce de suivre le cours de l'histoire à travers les symptômes de l'époque contemporaine, on voit se développer relativement tranquillement, selon un enchaînement normal, la nature anglaise. J'aimerais dire qu'elle donne forme à l'idéal du libéralisme dans un certain calme. La nature française se développe de façon plus tumultueuse. Si bien que lorsqu'on suit le fil des événements dans l'histoire de la France au xixe siècle, on ne sait jamais très bien comment un fait se rattache au précédent ; ils se suivent sans motivation, dirait-on. Le trait essentiel de l'histoire du développement de la France au xixe siècle est celui-ci : absence de motivation. Ce n'est pas là un reproche ; je parle en dehors de toute sympathie ou antipathie — ce n'est pas un reproche, mais une simple caractéristique.