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Collection: 02-L’organisme social



Sujet: Les dépendances physiques et spirituelles de l'entité humaine

 

Les références Rudolf Steiner Oeuvres complètes 21





Traducteur: Georges Ducommun Editeur: EAR

 

6) Les dépendances physiques et spirituelles de l'entité humaine

Je désire esquisser ici où en sont mes recherches touchant les rapports entre le psychisme et le domaine physique-corporel. J'ose dire qu'il s'agit du résultat de trente années d'investigation spirituelle. C'est au cours de ces dernières années seulement que j'ai réussi à donner une forme conceptuelle à ce problème. Par rapport au but que je m'étais fixé, je pense être parvenu à une sorte de conclusion provisoire. Là encore, je me contenterai de présenter un résumé indicatif des résultats obtenus. Leur justification peut être appuyée par les données scientifiques dont nous disposons aujourd'hui. Toutefois cela ferait l'objet d'un ouvrage volumineux et les circonstances actuelles ne me permettent pas de le rédiger.

Pour connaître les rapports entre le psychisme et le corporel, la classification de l'expérience psychique en représentation, jugement et manifestation d'amour ou de haine, proposée par Brentano (voir page 81 ci-dessus), est inutilisable. En effet, lorsque l'on étudie les rapports en question, la distinction qu'il suggère entraîne un tel déplacement de toutes les conditions entrant en jeux qu'il devient impossible d'aboutir à des conclusions conformes à la réalité. Pour l'étude qui nous intéresse il faut s'en tenir à la classification récusée par Brentano, c'est-à-dire: représentation, sentiment, volonté. Lorsque l'on rassemble tous les aspects psychiques entrant dans l'expérience de la représentation, et que l'on cherche à savoir à quels processus corporels est lié le psychisme, on trouve un terrain d'entente qui se recoupe dans une très large mesure avec les résultats de la psychologie physiologique actuelle. La contrepartie corporelle à l'aspect psychique de l'activité représentative doit être recherchée d'une part dans les processus du système nerveux se prolongeant jusque dans les organes des sens, et d'autre part dans l'organisation intérieure du corps. Bien que dans l'optique de l'anthroposophie il faille sous maints aspects développer une pensée différente de celle de la science moderne, cette dernière s'avère reposer sur d'excellents fondements. Il n'en est pas de même quand il s'agit de déterminer la contrepartie corporelle du sentiment et du vouloir. A cet égard il faut d'abord se frayer le juste chemin à travers les résultats de la physiologie actuelle. Une fois sur la bonne voie, on découvre que, comme la représentation est en rapport avec l'activité des nerfs, le sentiment doit être relié à la vie rythmique centrée sur le système respiratoire. En fonction du but envisagé, il faut concevoir le rythme respiratoire au sens le plus large, c'est-à-dire avec tout ce qui s'y rattache, y compris les parties les plus périphériques de cette organisation. Pour atteindre des résultats concrets dans ce domaine, les expériences de la recherche physiologique doivent être examinées dans une optique aujourd'hui encore assez inhabituelle. C'est à cette seule condition que disparaîtront toutes les contradictions qui surgissent d'emblée quand on établit un rapport entre le sentiment et le rythme respiratoire. Une fois examinée de plus près, la contradiction initiale se révèle être une preuve à l'appui de ce rapport. Prenons un seul exemple tiré de ce vaste domaine. L'expérience musicale repose sur le sentiment. Par contre, le contenu d'une forme musicale vit dans la représentation communiquée par la perception auditive. A quoi est due l'expérience musicale vécue au niveau du sentiment? La représentation de la forme tonale qui repose sur l'organe de l'ouïe et sur le processus nerveux n'est pas encore cette expérience musicale. Celle-ci naît de ce que le rythme respiratoire qui se prolonge jusque dans le cerveau y rencontre les apports transmis par l'oreille et le système nerveux. L'âme ne vit donc pas seulement dans ce qui est entendu et représenté, mais dans le rythme respiratoire; elle ressent ce qui se déclenche dans le rythme respiratoire lorsque le processus inhérent au système nerveux se heurte en quelque sorte à cette vie rythmique. Il suffit de voir sous son juste éclairage la physiologie du rythme respiratoire pour être à même d'approuver pleinement le propos suivant: l'expérience de l'âme se déroule au niveau des sentiments en s'appuyant sur le rythme respiratoire, à l'image de la représentation qui repose sur les processus nerveux.

— D'une façon analogue, le vouloir repose sur des processus métaboliques. Là encore, il faut tenir compte de toutes les ramifications et de tous les prolongements du métabolisme dans l'ensemble de l'organisme. Tandis que l'on se «représente» quelque chose, un processus nerveux se déroule et permet à l'âme de prendre conscience de la donnée représentée. Et lorsque l'on «ressent» quelque chose, il se produit une modification du rythme respiratoire grâce à laquelle un sentiment surgit dans l'âme. De la même manière, lorsque l'on «veut» quelque chose, il se produit un processus métabolique qui sert de support corporel à l'expérience se manifestant dans l'âme sous la forme du vouloir. — Le seul cas où l'expérience de l'âme est entièrement consciente et lucide concerne les représentations transmises par le système nerveux. Les expériences communiquées par le rythme respiratoire se manifestent dans la conscience ordinaire sous la forme d'une image rêvée. Cela est vrai pour tout ce qui est de nature sentimentale, donc aussi pour les émotions, les passions, etc., etc... Le vouloir qui s'appuie sur des processus métaboliques n'atteint jamais un degré de conscience supérieur à celui de la torpeur du sommeil. En observant de plus près le problème évoqué, on constate aisément que le vouloir est vécu d'une manière différente de l'acte de la représentation. Cette seconde expérience ressemble un peu à la vision d'une surface recouverte de couleur, et le vouloir à une tache noire au sein d'une surface colorée. Sur la tache non colorée on «voit» quelque chose par contraste avec l'entourage d'où se dégagent des impressions de couleur, alors qu'aucune impression de ce genre n'émane de la tache: on «se représente le vouloir» parce qu'au sein des expériences représentatives de l'âme il y a par endroits une absence de représentations (Nicht-Vorstellen) qui s'intercale dans l'expérience pleinement consciente. Cela est comparable aux interruptions de la conscience pendant le sommeil, qui viennent se glisser dans le déroulement de l'existence consciente. Ce sont ces différents types d'expériences conscientes qui conduisent au vécu diversifié éprouvé par l'âme suivant qu'il s'agit de la représentation, du sentiment ou du vouloir. — Dans son ouvrage «Leitfaden der physiologischen Psychologie» (Manuel de psychologie physiologique), Theodor Ziehen est amené à caractériser de façon très significative le sentiment et le vouloir. Sous bien des aspects cet ouvrage est exemplaire, notamment en ce qui concerne la façon dont la science naturelle d'aujourd'hui analyse les rapports entre les domaines physique et psychique. Même du point de vue anthroposophique, nous pouvons accepter la manière de décrire les rapports entre la représentation sous ses différentes formes et la vie des nerfs. Au sujet du sentiment, par contre, Ziehen écrit (9e leçon du livre cité): «La psychologie ancienne considère à quelques exceptions près les émotions comme des manifestations d'une faculté particulière et autonome de l'âme. Kant avait placé le sentiment du plaisir et du déplaisir, en tant que facultés particulières de l'âme, entre la faculté de connaître et celle de désirer; il avait affirmé avec insistance qu'il n'était pas possible de concevoir une source commune à ces trois facultés de l'âme. Or, d'après nos considérations, il s'avère que pour les sentiments de plaisir et de déplaisir une telle autonomie n'existe pas. En l'occurrence, il ne s'agit que de nuances du sentiment traduisant des propriétés ou indices relatifs à des impressions et des représentations.»

Cette façon de voir n'accorde donc au sentiment aucune autonomie au sein de la vie de l'âme; elle le considère simplement comme une des propriétés de l'activité représentative. En conséquence, non seulement la vie des représentations mais aussi celle des sentiments, sont conçues comme fondées sur des processus du système nerveux. La vie des nerfs constitue donc le support corporel auquel se rattache l'ensemble du psychisme. Or, cette conception repose sur une anticipation intellectuelle inconsciente de ce que l'on désire trouver. Elle admet uniquement comme psychisme ce qui est en rapport avec les processus nerveux. Dès lors, ce qui ne peut pas être connecté à la vie des nerfs, c'est-à-dire le sentiment, passe pour n'avoir aucune existence autonome; il n'est qu'un des qualificatifs de l'activité représentative. Ceux qui ne s'égarent pas sur une telle fausse piste peuvent acquérir une double certitude: premièrement, grâce à une recherche psychologique impartiale, que la vie du sentiment est autonome, et deuxièmement, grâce à une exploitation objective des connaissances physiologiques, que le sentiment doit être connecté au rythme respiratoire, comme cela a été suggéré plus haut. — La pensée scientifique dénie au vouloir toute essence autonome au sein de la vie de l'âme. Elle ne le considère même pas comme un des qualificatifs de la représentation, contrairement à ce qui se passe pour le sentiment. Mais cette dépossession résulte seulement du désir de relier aux processus du système nerveux tout ce qui est d'essence psychique (voir 15e leçon du «Manuel de Psychologie physiologique», de Theodor Ziehen). Or, le vouloir, à cause précisément de sa spécificité, ne saurait être attribué directement aux processus nerveux. Quand cela est mis en évidence avec la clareté exemplaire dont est capable Theodor Ziehen, on peut être amené à penser que l'analyse des rapports entre ces processus psychiques et la vie corporelle «ne permet pas de conclure à l'existence d'une faculté spécifique du vouloir». Et pourtant: toute observation psychologique impartiale nous oblige à reconnaître l'autonomie de la vie volitive. La connaissance objective des résultats auxquels aboutit la physiologie permet de voir que le vouloir en tant que tel n'est pas à mettre en rapport avec les processus nerveux, mais avec les processus métaboliques. — Pour établir des concepts clairs dans ce domaine, c'est à la lumière de la réalité qu'il faut voir les acquis de la physiologie et de la psychologie, et non sous l'éclairage couramment utilisé en ces deux domaines, fait d'idées ou de définitions préconçues, voire de sympathies et antipathies purement théoriques. Il est avant tout nécessaire d'étudier de très près les relations entre l'activité des nerfs, du rythme respiratoire et du métabolisme. Car ces formes d'activités ne se déroulent pas l'une à côté de l'autre, mais sont imbriquées l'une dans l'autre, s'interpénètrent et s'entremêlent. Le métabolisme est présent dans l'ensemble de l'organisme; il pénètre les organes du rythme et ceux du système nerveux. Mais dans le rythme il ne constitue pas la base corporelle du sentiment, ni dans l'activité des nerfs celle des représentations; dans les deux cas il faut lui attribuer une activité volitive à l'oeuvre dans le rythme et dans les nerfs. Seul un préjugé matérialiste peut imaginer que le métabolisme contenu dans les nerfs soit en rapport avec les représentations. Toute considération fondée sur la réalité des faits aboutit à une conclusion très différente. Elle doit reconnaître que le métabolisme existe effectivement dans les nerfs, dès lors que ceux-ci sont pénétrés par le vouloir. Il en est de même pour le rythme au sein de l'appareil corporel. Le métabolisme qui s'y manifeste est lié au vouloir à l'oeuvre dans cet organe. Le vouloir est à mettre en rapport avec l'activité du système métabolique, et le sentiment avec le processus rythmique, quels que soient les organes au sein desquels se manifeste le métabolisme ou le rythme. Mais dans les nerfs il n'y a pas que le métabolisme et le rythme. Au point de vue physiologique, les processus corporels à l'intérieur du système nerveux qui servent de base aux représentations sont difficiles à saisir. Car là où se manifeste une activité des nerfs, il y a représentation au niveau de la conscience ordinaire. On peut aussi inverser cette phrase et dire: lorsqu'il y a absence de représentations on ne décèle jamais la moindre activité nerveuse mais seulement une activité métabolique dans les nerfs, ainsi que quelques traces d'un processus rythmique. Tant que la physiologie n'aura pas admis que la véritable activité des nerfs ne peut absolument pas être l'objet d'une observation sensorielle, elle ne réussira pas à élaborer des concepts capables de répondre aux exigences de la neurologie. L'anatomie et la physiologie doivent se faire à l'idée que seule une méthode procédant par exclusion leur permet de savoir ce qu'est l'activité des nerfs. L'agir de la vie des nerfs qui demeure inaccesible à l'observation sensorielle, mais dont on peut établir par déduction qu'il existe nécessairement et qu'il a une action spécifique, c'est cela l'activité des nerfs. On peut accéder à une représentation positive de l'activité nerveuse lorsqu'on la considère comme un processus matériel tel qu'évoqué au premier chapitre du présent ouvrage, où l'essence spirituelle-psychique pure du contenu vivant de la représentation est atténué et ramené à une représentation morte au sein de la conscience ordinaire. Tant que la physiologie n'adoptera pas ce concept, elle n'aura aucune possibilité de dire ce qu'est l'activité des nerfs. La physiologie actuelle a élaboré des méthodes tendant à occulter ce concept plutôt qu'à le mettre en évidence. Dans ce domaine la psychologie s'est également barré la route. Il suffit de constater à quel point la psychologie de Herbart agit en ce sens. Son attention porte uniquement sur la vie des représentations; les sentiments et le vouloir passent pour de simples effets de la vie des représentations. Or, si le regard n'embrasse pas en même temps la réalité du sentiment et du vouloir, ces effets se dissipent face à la connais­sance. Cette dissipation empêche d'attribuer objectivement les sentiments et le vouloir à des processus corporels. — Le corps dans sa globalité, et non simplement l'activité des nerfs qu'il enrobe, constitue le support physique de la vie de l'âme. Pour la conscience ordinaire les représentations, les sentiments et le vouloir constituent les caractéristiques de la vie psychique; l'activité du système nerveux, les processus rythmiques et le métabolisme sont celles de la vie corporelle. — Alors se pose immédiatement la question suivante: comment s'insèrent dans l'organisme, d'une part la perception sensorielle proprement dite où s'écoule l'activité des nerfs, et d'autre part la faculté motrice où débouche le vouloir? L'observation impartiale établit que toutes deux n'appartien­nent pas à l'organisme de la même manière que l'activité des nerfs, le rythme et le métabolisme. Ce qui se déroule dans tout organe des sens n'appartient pas directement à l'organisme. Semblable à des golfes, le monde extérieur se prolonge dans les sens pour atteindre l'essence même de l'organisme. Enrobant les événements qui se déroulent dans les sens, l'âme ne participe pas à un processus organique interne, mais seulement au prolongement d'un processus extérieur s'infiltrant dans l'organisme. (Lors de ma conférence au congrès philosophique de Bologne, en 1911, j'ai présenté une analyse critique de ce problème)*. — Au point de vue physique, le déroulement d'un mouvement n'a également rien à voir avec une quelconque qualité d'être qui serait incluse dans l'organisme; il s'agit tout simplement de l'activité de l'organisme due aux conditions d'équilibre et de forces dans lesquels il se trouve placé par rapport au monde extérieur. Au sein de l'organisme le vouloir ne connaît qu'un lien, celui avec le métabolisme; mais l'événement déclenché par le processus métabolique est en même temps une essence agissante parmi les conditions d'équilibre et de forces du monde extérieur. Au cours de son activité volitive l'âme dépasse le domaine de l'organisme et participe, par son agir, activement au processus du monde extérieur. La distinction des nerfs en nerfs sensitifs et nerfs moteurs est à l'origine d'une grande confusion chez ceux qui se consacrent à ces problèmes. Bien que ne reposant pas sur une observation objective, cette classification est profondément ancrée dans la vision physiologique actuelle. Après avoir sectionné les nerfs ou s'être acharné à en éliminer certains, la physiologie prouve tout autre chose que ce qui découle des expérimentations et recherches. Les résultats obtenus apportent la preuve que la différence supposée entre nerfs sensitifs et nerfs moteurs

* (Ed. Anthroposophiques Romandes) Philosophie et Anthroposophie. Rudolf Steiner Oeuvres complètes 35.

n'existe pas. Les deux types de nerfs sont de même nature. Le prétendu nerf moteur n'est pas au service du mouvement, au sens où le prétend cette théorie analytique, mais il permet, en sa qualité de support de l'activité des nerfs, la perception intérieure du processus métabolique qui est à la base du vouloir, au même titre que le nerf sensitif sert à percevoir ce qui se déroule à l'intérieur d'un organe des sens. Tant que dans ce domaine la neurologie n'aura pas recours à des concepts clairs, il ne sera pas possible de découvrir les rapports justes entre la vie psychique et la vie corporelle.

*

La pensée psycho-physiologique cherche à établir la corrélation entre la vie de l'âme se déroulant dans les représentations, les sentiments et le vouloir d'une part, et la vie du corps d'autre part. De façon analogue l'anthroposophie peut s'efforcer de connaître les relations qui existent entre la vie psychique de la conscience ordinaire et la vie spirituelle. Les méthodes anthroposophiques, développées ici et dans d'autres de mes ouvrages, permettent de découvrir que les représentations possèdent un fondement dans le domaine de l'esprit, tout comme elles en ont un, l'activité des nerfs, dans le domaine corporel. Du côté opposé au corps, l'âme est en rapport avec une essence spirituelle servant de base pour les représentations au niveau de la conscience ordinaire. Toutefois, cette essence spirituelle est accessible à la seule connaissance contemplative. L'expérience se présente sous la forme d'imaginations différenciées communiquant à la conscience contemplative le contenu de cette essence. Côté corps les représentations reposent sur l'activité du système nerveux; côté opposé l'afflux d'une essence spirituelle se révèle sous la forme d'imaginations. Cette essence spirituelle n'est autre que ce que j'ai appelé dans mes écrits le corps éthérique ou corps de vie. (Lorsque j'en parle, j'attire toujours l'attention sur le fait qu'il ne faut pas se formaliser de l'usage des termes «corps» et «éther»; ceux-ci, je l'ai souvent dit, ne doivent pas être interprétés dans un sens matérialiste). Ce corps de vie (dans le 4e volume de la première année de la revue «Das Reich» j'ai également utilisé le terme «corps des forces formatrices») est l'élément spirituel d'où procède, depuis la naissance (ou conception) jusqu'à la mort, la vie des représentations au niveau de la conscience ordinaire. — Par rapport au corps, les sentiments qui s'expriment au niveau de la conscience ordinaire s'appuient sur les manifestations rythmiques. Du côté de l'esprit ils proviennent d'une essence spirituelle accessible par les méthodes de l'investigation spirituelle appelées inspirations. (Là encore, on voudra bien considérer que cette désignation n'exprime rien d'autre que ce que j'ai décrit; il ne faudrait pas la confondre avec le sens que lui attribuent souvent certains amateurs.) Cette essence spirituelle, fondement de l'âme, est accessible à l'inspiration et révèle à la conscience contemplative l'entité spirituelle appartenant à l'homme au-delà des limites de la naissance et de la mort. C'est dans ce domaine que l'anthroposophie entreprend ses investigations spirituelles relatives au problème de l'immortalité. De même que la partie périssable de l'entité humaine capable d'éprouver des sentiments se manifeste dans le corps par le processus rythmique, de même le noyau spirituel et immortel de l'entité psychique apparaît-il dans le contenu de l'inspiration propre à la conscience contemplative. — Le vouloir qui, côté corps, repose sur le métabolisme, émane du domaine de l'esprit et s'exprime dans la conscience contemplative à travers ce que j'appelle dans mes écrits les intuitions authentiques. Aux manifestations corporelles résultant de l'activité en quelque sorte la plus basse du métabolisme, correspond en esprit ce qu'il y a de plus élevé et qui s'exprime par les intuitions. Voilà pourquoi la représentation, qui repose sur l'activité des nerfs, se reflète presque intégralement dans la sphère corporelle, alors que le vouloir ne se reflète que très faiblement sur son support corporel, le métabolisme. La représentation authentique est une représentation vivante, alors que celle tributaire du corps est atténuée. Le contenu est le même. Le vouloir authentique, même celui qui se concrétise sur le plan physique, se déroule dans des sphères que seule la contemplation intuitive peut atteindre; sa contre­partie corporelle n'a presque rien à voir avec son contenu. L'essence spirituelle qui se dévoile à l'intuition contient ce qui se prolonge des incarnations antérieures aux suivantes. C'est dans le domaine dont il est question ici que l'anthroposophie appréhende les problèmes des vies terrestres successives et de la destinée. Comme le corps s'exprime dans l'activité du système nerveux, du processus rythmique et du métabolisme, de même l'esprit humain s'exprime à travers ce qui se révèle dans les imaginations, les inspirations et les intuitions. Dans son domaine le corps permet de faire l'expérience du double aspect de la nature de son monde extérieur: les phénomènes sensoriels et les phénomènes du mouvement. Il n'en est pas autrement pour l'esprit: d'une part, au niveau de la conscience

ordinaire il a une expérience imaginative de la vie psychique des représentations, d'autre part il façonne dans le vouloir les impulsions intuitives qui se concrétisent au moyen de processus métaboliques. Lorsque l'on regarde côté corps, on trouve l'activité des nerfs qui vit en tant qu'essence des représentations; lorsque l'on se tourne côté esprit, on perçoit le contenu spirituel des imaginations qui précisément se déverse dans cette essence des représentations. Brentano est d'abord sensible à l'aspect spirituel de la vie psychique des représentations; c'est pourquoi il la caractérise comme une vie d'image (processus imaginatif). Mais lorsque l'expérience ne porte pas seulement sur sa propre vie intérieure, mais aussi grâce au jugement, sur une approbation ou une désapprobation, alors s'ajoute à la représentation une expérience psychique découlant de l'esprit, et dont le contenu demeure inconscient tant que nous nous en tenons au niveau de la conscience ordinaire; en effet, le contenu est fait d'imaginations, d'une essence spirituelle qui est à l'origine de l'objet physique, laquelle essence n'ajoute rien à la représentation, sinon la certitude que son contenu existe. Voilà pourquoi Brentano introduit dans sa classification les distinctions suivantes: l'activité de la représentation pure qui, grâce à l'imagination, appréhende uniquement ce qui est doué d'existence intérieure; l'activité de jugement qui fait l'expérience imaginative des données venant du dehors, ne prenant toutefois conscience de cette expérience que sous la forme d'approbation ou de désapprobation. En ce qui concerne l'acte de ressentir, Brentano ne prend pas en considération le fondement corporel, c'est-à-dire le processus rythmique; il introduit dans la sphère de son attention que les seules inspirations demeurées inconscientes et qui se manifestent dans la conscience ordinaire sous la forme d'amour et de haine. Quant au vouloir, il échappe totalement à son attention, étant donné qu'il désire se consacrer aux seuls phénomènes intérieurs à l'âme, alors que le vouloir contient quelque chose qui n'appartient pas à l'âme, mais qui lui permet de participer au monde extérieur. Alors même que Brentano cherche à saisir les phénomènes de la conscience ordinaire, cette classification des phénomènes psychiques répond à son souci de les distinguer selon des points de vue qui n'apparaissent à leur vraie lumière que si l'on dirige son regard vers le noyau spirituel de l'âme. Par ces quelques lignes consacrées à Brentano je désirais compléter ce que j'ai dit à son sujet aux pages 83 et suivantes.