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Institut pour une triarticulation sociale
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Collection: 01-Questions fondamentales
Sujet: Illustration du principe "Conciliation (compensation?) de collectivisme et individualisme"
 
Les références Rudolf Steiner Oeuvres complètes 079 239-246 (1988) 30/11/1921
Traducteur: George Ducommun Editeur: Editions anthroposophiques romandes

 


Nous voyons que la partie do la vie économique que nous appelons le processus de production n’a cessé de se diversifier à la suite des acquis techniques de plus on plus complexes. Pour employer un slogan en vogue, je dirai : nous constatons que la vie qui dépend de la production n’a cessé de prendre une tournure collectiviste.
08010 - Que peut faire aujourd’hui l’individu dans le cadre de la vie de la production au sein de notre organisme social ? Partout il est enchaîné dans ce qui doit être entrepris conjointement avec d’autres. Notre mode de production est devenu tellement compliqué que l’individu se trouve comme enserré dans un énorme mécanisme. La vie du secteur de la production a pris une tournure collectiviste. C’est surtout cela que le prolétaire constate. Par suite de sa vision fataliste de l’économie, il escompte que le collectivisme ne cessera de se renforcer et que les secteurs de la production continueront de fusionner jusqu’au moment où le prolétariat international pourra se charger lui-même de la production. C’est à cela que tend le prolétaire. Il s’adonne ainsi à la grande erreur de croire que la collectivisation de la production est une nécessité de la nature, car pour lui les nécessités économiques se présentent presque comme une nécessité naturelle. Il pense également qu’il faut poursuivre le développement du collectivisme, et surtout que le prolétariat a vocation d’occuper alors les sièges sur lesquels sont assis les producteurs
actuels, et que ce qui est devenu collectif doit être géré de façon collectiviste. L’intensité avec laquelle le prolétariat tient à une telle idée issue de ses intérêts économiques trouve son triste reflet dans les résultats de l’expérience économique entreprise à l’Est. Il faut cependant savoir que ce n’est pas sur les rêves des théoriciens du prolétariat que repose l’essai entrepris pour donner à la vie économique sa forme, mais sur des événements de guerre. Aujourd’hui déjà on peut voir, et cela se verra de plus on plus, qu’indépendamment de ses valeurs éthiques et autres, ou des sympathies et antipathies que l’on porte à cette tentative, elle doit nécessairement échouer de façon lamentable et apporter beaucoup de malheur dans l’humanité à cause des forces de destruction qu’elle recèle.
08011 - Face à la vie de la production, il y a la vie de la consommation. Mais la vie de la consommation ne peut jamais devenir collectiviste. Dans ce secteur, chacun a une place nécessairement individuelle. C’est de la personnalité de l’homme, de l’être humain individuel dont émanent les besoins qui, additionnés, forment la consommation totale. À côté de l’élément collectiviste de la production, l’élément individualiste de la consommation s’est maintenu. L’abîme n’a cessé de se creuser entre les intérêts de la production qui tend au collectivisme, et les intérêts de la consommation. L’intensification de ces derniers conduit à une situation critique qui ne peut que s’accentuer, tellement le contraste est énorme. Pour celui qui peut saisir d’un regard objectif la vie actuelle, tout cela n’est pas simplement une abstraction. Il constate les terribles désaccords dans lesquels nous sommes placés par la disparité qui existe entre les impulsions de la production et les besoins de la consommation.
08012 - Toutefois pour avoir une vue d’ensemble de toute la misère qui règne à cet égard jusque dans les profondeurs de l’âme humaine, il faut avoir approfondi pendant des dizaines d’années le côté pratique de la vie qui explique les dérangements qui existent dans les différents domaines de l’existence. Ce n’est pas par l’étude qu’on y parvient. Ce que j’ai écrit dans mon livre Éléments fondamentaux pour la solution du problème social ~ ne s’appuie pas sur des principes ou sur des considérations théoriques, mais c’est le résultat d’expériences pratiques vécues. Je n’ai jamais cherché à tirer de cette expérience pratique de la vie une quelconque solution utopique de la question sociale. J’ai toutefois dû constater que chez les hommes la pensée actuelle penche involontairement du côté utopique. Il m’a évidemment fallu condenser ce que j’ai appris par la diversité de l’existence. J’aurais préféré commenter cela à l’aide d’exemples concrets, mais j’ai été obligé de le condenser on phrases d’ordre général, qui à leur tour se trouvent condensées on ce slogan de « Tripartition de l’organisme social » (ou « Triple articulation de l’organisme social »). Mais il a tout de même fallu expliquer le contenu de ce livre on donnant quelques lignes directrices. Il a fallu expliquer comment entreprendre tout cela. J’ai donc donné quelques exemples sur la façon dont le
développement du capitalisme doit se poursuivre, sur la façon de régler le problème de la main-d’œuvre, etc. J’ai donc essayé de fournir certaines indications concrètes. J’ai participé à de nombreuses discussions sur ces Éléments fondamentaux pour la solution du problème social, et j’ai toujours constaté que sur fond de leur vision utopiste des choses, les gens posent toujours la question : « Oui, mais à l’avenir, comment telle ou telle chose se présentera-t-elle ? ». Ils se sont référés aux indications que j’ai données sur certains détails, mais dont je n’ai jamais pensé qu’il s’agissait d’autre chose que de simples exemples. Dans la vie concrète, tout ce que l’on fait, tout ce qu’on arrange de son mieux pour pouvoir, sous une forme ou une autre, l’insérer dans la réalité, tout cela peut également être fait autrement. La réalité n’est pas telle qu’une seule et unique théorie puisse s’appliquer à elle. Tout pourrait parfaitement être fait autrement. Toutefois l’utopiste aimerait une formule unique pour caractériser le tout jusque dans ses détails. Cela explique que, par les autres, ces Éléments fondamentaux pour la solution du problème social ont souvent été interprétés dans un sens utopiste. Le tout a souvent été transformé en utopie, alors que je n’ai à aucun moment envisagé la moindre utopie. Ces Éléments fondamentaux... procèdent d’une observation du collectivisme qui découle du processus de production, de cette nécessité inhérente à la production de s’embarquer dans le collectivisme, et d’autre part de la constatation que toutes les forces de production dépendent des facultés de l’individu humain.

08013 - L’observation du secteur de la production moderne a permis au regard intérieur de constater à quel point l’impulsion fondamentale qui anime toute production fait que les facultés personnelles sont en quelque sorte absorbées par le collectivisme qui se dégage de la vie économique et qui continuera de se développer. D'une part, on s’est trouvé placé devant la tendance inhérente à la vie économique, et d’autre part devant l’exigence naturelle visant à mettre en valeur les forces individuelles des différents acteurs engagés dans cette vie économique. On se trouve alors devant la nécessité de réfléchir à la façon dont cette exigence fondamentale du progrès économique, c’est-à-dire le développement des facultés individuelles, peut être assuré au sein du processus de production sans cesse plus compliqué par suite des contraintes techniques. Devant notre âme se présente de façon vivante la nécessité du progrès de l’économie et les existences indispensables requises par la vie économique pour prospérer.
08014 - Par ailleurs, tout ce que nous appelons aujourd’hui la question sociale ne relève pratiquement pas des intérêts de la production. Lorsque dans le secteur de la production on aspire au collectivisme, cela s’appuie sur les possibilités techniques de la vie économique, sur les impératifs techniques. Or la question sociale émane entièrement des préoccupations de la consommation qui ne peuvent être fondées que sur l’individu humain. Alors apparaît un fait étrange : contrairement à ce que l’on pense généralement, c’est à partir des intérêts des consommateurs que retentit dans le monde l’appel en faveur d’une socialisation. On s’en rend compte lorsqu’on s’intéresse aux discussions et à la vie pratique. Je m’en suis aperçu lors des conférences que j’ai commencé à faire à partir d’avril 1919, suivies de discussions. J’ai compris lors de ces discussions que les producteurs ou entrepreneurs en prise directe avec l’économie montraient peu d’empressement et de sympathie pour tout ce qui concerne la question sociale telle qu’elle émerge des intérêts des consommateurs.
08015 - Par contre, on voit que partout où retentit l’appel en faveur du socialisme on n’a en vue que les intérêts de la consommation. Il s’avère que ce sont les impulsions volontaires de l’individualisme qui façonnent les idéaux du socialisme. Il est vrai que c’est à partir d’émotions purement individuelles que les militants se battent pour leur socialisme. Or cette lutte pour le socialisme n’est au fond qu’une simple théorie qui vogue sur ce qui émane des émotions individuelles. Mais d’autre part l’observation sérieuse de ce qui s’est de plus on plus développé depuis des siècles dans notre vie économique fait pleinement apparaître toute l’importance que l’on doit accorder à ce que l’économie politique appelle la division du travail.
08016 - Je suis convaincu que des propos extrêmement spirituels ont été tenus au sujet de cette division du travail, mais je ne pense pas que les ultimes conséquences en aient été tirées et transposées dans la vie économique pratique. Si je ne le crois pas, c’est parce qu’on devrait avoir compris que ce principe de la division du travail a pour conséquence que dans un organisme social où règne un partage intégral du travail personne ne peut plus produire pour lui-même. Nous pouvons observer aujourd’hui encore les derniers vestiges d’une production individuelle, surtout dans les petites exploitations agricoles. Là, nous constatons que le producteur prélève ce dont il a besoin pour lui et sa famille. Quelle est la conséquence de cet approvisionnement des besoins du producteur lui-même ? Cela a pour effet qu’on tant que producteur il se trouve dans une situation incompatible avec l’organisme social conçu selon le principe de la division du travail. Aujourd’hui toute personne qui confectionne un vêtement pour ses propres besoins ou qui couvre ses besoins avec les aliments cultivés sur ses propres terres s’approvisionne à un prix trop élevé ; en effet, sous le régime de la division du travail un produit est meilleur marché que lorsqu’on le fabrique soi-même. Il suffit de réfléchir à ce fait pour se rendre compte que de nos jours personne n’est en mesure de produire de telle sorte que son travail entre dans le produit. Et pourtant, nous assistons au fait curieux que Karl Marx considère que tout produit est du travail cristallisé 24. Or cela n’est absolument pas le cas aujourd’hui. La valeur — et c’est le seul élément qui compte dans la vie économique — la valeur d’un produit est ce qui dépend le moins du travail. Elle est déterminée par les avantages qu’elle apporte, par les intérêts du consommateur, par l’utilité qui lui est attribuée dans le cadre de l’organisme social régi par le principe de la division du travail.
08017 - Dans le domaine de l’économie cela fait apparaître les grandes questions qui se posent de nos jours. À partir de ces questions j’ai acquis la conviction qu’au point où se trouve l’évolution de l’humanité, il est devenu indispensable aujourd’hui de donner à l’organisme social une forme telle qu’il puisse de plus en plus se présenter selon ses trois aspects caractéristiques.