01023 - La vie intellectuelle moderne a passé, des
classes dirigeantes à la classe ouvrière, sous une
forme qui efface toute efficience pour la conscience
de la classe ouvrière. Il faut comprendre cela avant
toute chose, quand on pense aux forces qui pourraient
apporter la solution des problèmes sociaux. Si cet
état de choses persistait, la vie spirituelle se
verrait condamnée à l'impuissance en face des
exigences sociales du présent et de l'avenir. Le
prolétariat actuel en grande partie en est déjà
convaincu; et l'expression de cette conviction prend
appui sur les théories marxistes ou sur d'autres
professions de foi. Il est dit que la vie économique
moderne, à partir de ses anciennes formes, a donné
naissance au capitalisme du présent et que cette
évolution a mis le prolétariat dans une situation
intolérable vis-à-vis du capital. Mais le processus
irait plus loin: il provoquerait la mort du
capitalisme par les forces mêmes qui lui sont propres;
et c'est de cette mort que viendrait la libération du
prolétariat. De nouveaux penseurs socialistes ont
dépouillé cette conviction d caractère fataliste dont
certains marxistes l'avaien revêtue. Mais l'essentiel
en est resté. Cela s'exprime dans le fait que celui
qui actuellement est pénétré d . la pensée socialiste
n'aurait jamais l'idée de dire: «Si quelque part
apparaît une vie de l'âme née des impulsions du temps
et prenant sa source dans une réalité spirituelle qui
puisse agir dans la vie intérieure des hommes, de
cette vie de l'âme pourra aussi rayonner une force qui
donnera au mouvement social la juste impulsion».
01024 - Que l'homme contraint à la condition
prolétarienne ne puisse former cet espoir à l'égard de
la vie spirituelle contemporaine,, c'est ce qui
caractérise la tendance profonde de sa vie intérieure.
Ce dont il a besoin, c'est d'une vie spirituelle d'où
émane une force qui procure à son âme le sentiment de
sa dignité humaine. Car, dès qu'il fut pris dans les
mailles du capitalisme moderne, par nécessité profonde
son âme fut dirigée vers une telle vie de l'esprit;
mais celle que les classes dirigeantes lui transmirent
ne créa en lui que le vide. Que, dans les actuelles
revendications du prolétariat, l'aspiration à un
rapport différent avec la vie spirituelle fasse son
chemin, c'est au fond ce qui donne au mouvement social
sa force directrice.
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