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Au sujet de la composition du « Cours d’économie nationale ».........> retour au menu de la série

Trad. D. Kmiecik, revu FG. Original allemand.

 

Administration de l’argent et formation d’association

Argent et capacité de convoitise comme thème de la 10ème conférence du Cours d’économie nationale (CEN)[1]

Stephan Eisenhut


Le pivot et le point d’angle d’un renouveau de la vie économique c’est la formation d’organes, au moyen desquels les formations de prix pourront être observées sur les différents marchés et discutées par des producteurs, commerçants et consommateurs. Un problème de fond du mouvement de tri-articulation, c’est qu’il ne pouvait jusqu’à présent offrir aucune voie plausible de la manière dont ces organes — que Rudolf Steiner dénomme lui-même : « associations » — peuvent prendre forme. La présente contribution montre comment, avec l’édification d’une administration décentralisée de l’argent la formation d’associations est possible.

 

La formation d’association est le thème central du Cours d’économie nationale. Du temps de la vie de Steiner, il y eut des tentatives pratiques vers la formation d’associations par la voie d’une administration commune du capital. Ce but devait être atteint par la création, en 1920, de Der Kommende Tag (Le jour qui vient) — Société par actions pour l’encouragement  des valeurs économiques et spirituelles. Le « Kommende Tag » lui-même n’était pas encore une association. Les entreprises qui s’y associaient étaient censées pourtant devenir des points de cristallisation pour la formation d’associations.[2] Cette initiative échoua à cause de circonstances extérieures et intérieures. Rudolf Steiner ne fut plus en mesure d’oser une seconde tentative. Ses exposés dans le Cours d’économie national (CEN) suggèrent que cette tentative serait bien allée vers l’édification de structures de gestion décentralisées de l’argent. Toutefois celles-ci exigeaient de la part des initiateurs une compréhension plus profonde de l’argent. Des pensées posant des bases pour cela ont été développées à cette fin dans le cours d'économie nationale. Le caractère tragique c’est qu’aussi dans les milieux des entrepreneurs anthroposophiques fût porté au maximum un intérêt intellectuel et cordial à cela. Mais il s'agit de développer un intérêt qui peut conduire jusqu'à des actes pratiques et ceci tend au-delà des intérêts de la propre entreprise.

 

Le « Sardex » — une initiative pratique

En Italie, ou plus exactement en Sardaigne, une initiative a pris son départ depuis quelques années, qui au moyen de la mise en place d’une gestion autonome de l’argent, à partir de points de vue purement économiques, indique une voie sur laquelle des structures associatives pourraient se former : il est pensé à la monnaie complémentaire « Sardex », qui a démarré en 2009 en Sardaigne, relie là entre temps plusieurs milliers de petites et moyennes entreprises (PME) et a suscité des initiatives-partenaires depuis, dans 10 régions d’Italie supplémentaires, qui construisent sur le même modèle leur propre circuits d’argent de compensation.[3]

La création d’une monnaie complémentaire n’est bien entendu pas en soi l’élément nouveau qui caractérise cette initiative. Il y a ici d’intéressantes amorces[4], commencées par le suisse « WIR »[5], géré par une banque en propre , jusqu’au « Chiemgauer »[6]. Pourtant, « Sardex » n’est pas seulement un projet économique, c’est aussi en outre un projet culturel. Il veut convaincre des entrepreneurs, commerçants et aussi des consommateurs, non pas simplement de l’utilité économique d’une telle monnaie de compensation - sans celle-ci ce serait en effet un projet purement idéaliste qui disparaîtrait après une brève floraison — mais ses fondateurs travaillent au contraire d’emblée à de nouvelles formes de communauté qui permettent aussi que les valeurs d’une économie durable et viable entrent en résonance chez les participants au système « Sardex ». Le système est tout d’abord assez simple : celui qui en tant qu’entrepreneur souhaiterait participer au « Sardex », peut faire la demande auprès du gestionnaire pour ouvrir un compte. Celui-ci vérifie si le nouveau participant dispose d’un modèle sensé d’exploitation qui peut aussi s’insérer dans le circuit/cycle « Sardex ». Si c’est le cas, le nouveau participant peut aussitôt avoir recours aux prestations des autres participants jusqu’à une certaine limite. Sur les comptes informatiques des participants qui vendent des prestations, a lieu une comptabilisation positive, tandis que sur le compte de l’acheteur, ont lieu les comptabilisations négatives correspondantes. La communauté des participants octroie avec cela une avance sur compte courant. S’il vend à présent ses propres prestations, ainsi son compte sera compensé. De cette façon de l’argent prend naissance sans que des crédits en Euro soient nécessaires. Celui-ci sert simplement d’unité de compte (1 Euro = 1 Sardex). En 2009, après la crise financière, ce fut directement un avantage, car en Sardaigne les entreprises n’obtinrent des banques autant dire aucune concession de lignes de crédit. Mais par cela les affaires en vinrent à se bloquer dans l’économie indigène, bien que soient disponibles aussi bien les huymains avec leurs facultés et les moyens de production correspondants, qu’aussi le besoin réciproque.

 

Les gestionnaires de « Sardex » organisèrent en outre un système de courtiers. Les courtiers observent le marché des participants-« Sardex » et conseillent avant tout les nouveaux participants sur chez lesquels des autres un besoin pourrait être disponible pour leurs prestations. De ce fait des relations d’affaires nouvelles et fécondes pourraient rapidement être construites. Car pour la faculté à fonctionner du système, il est important que les plus gros déficits, respectivement les plus gros avoirs seulement édifiés à court terme sur les comptes, soient bientôt de nouveau compensés par des contre-affaires correspondantes. C’est pourquoi il était important pour les gestionnaires que la croissance des firmes participantes ait lieu harmonieusement. Si trop d’avocats, par exemple, se recrutaient, alors l’accès devrait une fois être restreint pour ce groupe professionnel. Car autrement les autres participants n’eussent pas été en situation de produire suffisamment de contre-prestations.

Chez « Sartex » il s’agit donc d’engendrer de l’argent d’achat à partir de processus de prestation réciproques entièrement réels. Dans l’esprit de Rudolf Steiner, c’est un système de gestion/d'administration de l’argent et aucunement de gestion de capital. Dans la gestion de l’argent, il s’agit de maintenir la capacité de circulation de cet argent : car c’est exactement ce qui fonde sa valeur. La valeur de l’argent repose dans la circulation et non dans l’accumulation, comme l’un des fondateurs, Franco Contu sera cité dans le journal italien L’espresso.[7] Ici l’argent prend naissance à partir de processus d’enregistrement comptable, qu’un prestataire de service réalise pour une communauté d’entreprises et leurs collaborateurs. Mais en cela il ne s’agit pas seulement du côté technique, mais aussi bien d’observation du marché qu’aussi de mise en forme du marché. Mais c’est exactement en cela que pourra être vu un germe pour la formation d’association. Avec le « Sartex » a été créé un modèle économique qui est en même temps humain, insiste le cofondateur Giuseppe Littera. « Sartex » serait loin d’être une simple plate-forme informatique. Ce serait beaucoup plus un réseau de relations humaines directes qui faciliteraient l’échange avec l’aide des courtiers qui se confrontent aux difficultés quotidiennes des entreprises.[8]

Le thème idéel central des conférences 8 à 14 du Cours d'économie nationale tourne autour de la question de l’argent. En particulier dans les conférences 8, 10, 12 et 14 émerge toujours un nouvel aspect de l’argent .


La 8ème conférence a déjà été traitée en détail dans la présente série.[9] Il a été montré que l’argent devient un problème de droit quand la possibilité sera créée de l’utiliser comme moyen de conservation de valeur et ainsi le retirer de la circulation. Ce problème, les gestionnaires de « Sardex » l'ont aussi reconnu. Parce qu'ils administrent l'argent des nécessités de la vie de l'économie et qu'en cela le « Sardex » lie seulement des petites et moyennes entreprises, il réussit de neutraliser ce problème.

Dans la 14 ème conférence qui est encore à discuter dans cette série, le thème central sera « Argent comme comptabilité mondiale fluante ». Aussi loin que le « Sardex » apparaît, circule et disparait de nouveau purement dans la forme de lignes de comptabilité, ici aussi un parallèle est à reconnaître. Toutefois chez Steiner la question va encore jusqu’à comment le substantiellement créateur de valeur du processus d’économie de peuple/politique pourra être correctement représenté dans l’argent. Car c’est seulement alors qu’il peut devenir une mesure objective de valeur. Le « Sartex »  doit jusqu’à présent s’appuyer encore sur l’Euro. — Dans la 12ème conférence, le thème central est « le vieillissement de l’argent » Ce thème aussi préoccupe les gestionnaires du « Sartex ». Le « Sardex » débuta par un cercle de paiements entre entreprises. Dans un second pas de développement, un autre cercle de paiements a pu venir s’ajouter : les entreprises purent payer une partie du revenu de leurs collaborateurs en « Sardex ». Dans un pas supplémentaire, un troisième cercle de paiements est prévu entre salariés (lit. : preneurs de travail) et organisations sans profit/but lucratif. Les comptes des collaborateurs seraient chargés par un taux d’intérêt négatif qui sera crédité à un compte de communauté pour des organisations sans but lucratif. Dans la littérature au sujet du « Sartex », il a été remarqué d’une manière intéressante que cette idée se trouvait déjà dans la théorie sur l’argent de Rudolf Steiner.[10] L’amorce de Steiner est toutefois conçue d’une manière quelque peu plus complexe : il veut tout de suite éviter que l’argent d’achat, qui sera déboursé comme revenu, perde en valeur, aussi longtemps qu’il ne sera pas affecté et renvoie ici à la possibilité du vieillissement de l’argent de prêt.[11] Mais pour cela la gestion/administration de l’argent et celle du capital doivent être soigneusement séparées.

Dans la 10ème conférence, qui sera explorée dans cette considération sur l’argent, Steiner développe un aspect qui ne se présente pas pour le « Sardex » et qui, dans la littérature de tri-articulation, ne sera bien agité/touché comme pas du tout. Lors d’une considération plus exacte, il s’agit de la question de ce par quoi l’argent acquiert un poids qui lui est propre. Les gestionnaires de « Sardex » montrent totalement en pratique que l’argent peut être créé à partir de l’enregistrement comptable. Mais cet argent n’a aucun poids. Il prend naissance dans une certaine mesure de la légèreté/l’apesanteur. Cela est seulement possible aussi longtemps que cet argent reproduit les relations économiques dans le domaine des PME.[12] Pourtant quand une fois aussi le domaine des grandes entreprises, internationalement actives devraient être impliquées avec dans un tel système d’argent, alors il est important de reconnaître aussi les forces qui peuvent accorder un poids à l’argent. La raison pour cela ne semble pas être tout d’abord aisée à comprendre. Il est quand même très important de reconnaître ces forces afin qu’elles puissent être prises en compte lors de la mise en forme humaine du processus d’économie de peuple/politique. Si elles ne seront pas reconnues, alors elles agissent donc quand même dans la vie sociale, sauf qu’elles doivent alors le faire en détruisant.

 

Comment le travail meut la valeur

La 10ème conférence débute par la question du rapport entre le travail d’économie de peuple/politique et l’objet de valeur d’économie de peuple/politique. Ce dernier, la marchandise, qui sera échangée sur les marchés, provient du travail d’exploitation/d’élaboration (Bearbeitung) de la nature. Le travail lui-même, selon Steiner, n’aurait aucune valeur immédiate d’ économie de peuple/politique, bien que ce soit elle qui meut cette valeur. Dans la 7ème conférence, Steiner avait caractérisé le travail comme le plus important facteur de calme. Acheter, prêter et donner, par contre, y sont décrits comme les facteurs les plus activant, respectivement, les facteurs mettant le plus en mouvement du processus d’économie de peuple. Mais de quelle manière le travail, qui est lui-même quelque chose d’apaisant, en vient-il maintenant à mouvoir la valeur ? Le travail n’aura donc pas la permission d’être saisi comme une abstraction, mais derrière chaque travail se tient toujours un être humain concret avec ses besoins et ses intérêts. Il se montre, dans la 10ème conférence, qu’il ne s’agit absolument pas, pour Rudolf Steiner, de nier l’être humain du quotidien qui doit donc, par ses besoins et intérêts, être aussi égoïste. Rien que du fait qu’il convoite déjà une marchandise, que ce soit un quignon/morceau de pain ou bien un produit de consommation hautement développé techniquement [une tondeuse, par exemple, j’en entend résonner 30 dans ma « campagne », en ce moment même ! ndtDK], il se placet comme égoïste dans le processus d’économie de peuple/politique.[13] Car il veut donc avoir quelque chose pour lui. Et cela n’est pas seulement parfaitement dans l’ordre des choses, mais nécessaire. S’il veut efficacement satisfaire ses besoins,  alors il doit aussi s’efforcer à ce que son activité économique soit aussi couronnée de succès.

Cette façon de voir semble maintenant contredire parfaitement ce que Rudolf Steiner a montré dans la 3ème conférence et qui l’a conduit à faire la déclaration suivante : « Tandis que le partage/division moderne du travail est montée, l’économie de peuple/politique, en rapport à la gestion/au faire l’économie, se voit renvoyée à extirper  radicalement l’égoïsme avec moignon et tiges. »[14] Pendant qu’il semble s’agissait là en apparence de l’extirpation de l’égoïsme, il sera introduit dans la 10ème conférence comme une vertu de propulsion. Steiner eût-il donc soudain opéré quelque peu une correction de trajectoire pour s’aligner sur les « théories de l’économie de libre marché » ?

En y regardant de plus près, ce n’est pourtant pas l’égoïsme, dont Rudolf Steiner fait une vertu de propulsion du processus d’économie de peuple/politique, mais au contraire c’est une capacité de convoitise de l’âme humaine. Cette force de propulsion animique/psychique/de la vie de l’âme peut laisser l’être humain devenir un égoïste de plus en plus fort, lorsqu’il doit y agir isolé dans la vie sociale. Les théoriciens de l’économie de marché aspirent tout de suite à cause de cela à configurer les structures sociales de sorte que chaque individu isolé doit y rechercher son avantage. Mais cela mène nécessairement à de funestes conséquences sociales. Pourtant la capacité de convoitise peut devenir exactement ainsi une vertu/force qui serve la vie sociale. Et à savoir lorsque la structure sociale est aménagée ainsi que l’individu peut compenser ses intérêts personnels justifiés avec les intérêts des autres. Pour cela est besoin d’une part, des associations, à l’intérieur desquelles l’individu peut apprendre à connaitre les intérêts des autres, mais d’autre part, il est besoin d’un sens pour la totalité du déroulement du processus d’économie de peuple/politique, un « sens commun objectif ».[15] Ce qui frappe chez les gestionnaires du « Sardex », ce qui les caractérise carrément, c’est qu’ils ont développé un tel sens, à partir de leur effort spirituel individuel, qui dépasse bien au-delà de l’utilité particulière et le comprennent comme un élément noyau de leur initiative.

Ce « sens commun objectif », qui s’oppose au « sens égoïste », comme une vertu/force compensatrice, a son point source dans la vie individuelle de l’esprit, pendant que la formation de l’organe associatif doit provenir de la vie de l’économie. C’est pourquoi Rudolf Steiner peut constater à la fin de la 10ème conférence :


Par contre, dans l’instant où le système associatif s’installe/se place dans le processus d’économie de peuple/politique, […] l’intérêt personnel ne sera donc immédiatement plus là, mais la supervision sera active sur le processus d’économie de peuple, il y aura dedans avec l’intérêt d’autrui dans  le jugement d’économie de peuple/politique. […] Ce qui se développe alors de la réciprocité d’être humain à être humain plus avant, c’est un sens commun objectif œuvrant dans des associations — un sens commun qui ne prend pas naissance de quelque acide moralique/moralinique, mais de la connaissance des nécessités du processus économique.[16]

 

Le gain en tant que force de propulsion

Dans la 10ème conférence Steiner introduit l’aspiration au gain comme une pulsion/motivation/incitation économique parfaitement naturelle. Celui qui crée par son travail un produit apte à la consommation, dont d’autres êtres humains ont besoin, aspire évidemment au gain en cela. Car il est informé sur ce qu’il obtient par la vente une contre-prestation de même. Celui qui développe un intérêt pour l’ensemble du déroulement du processus d’économie de peuple/politique, comprendra qu’apparaît un avantage commun seulement lorsque prestation et contre-prestation peuvent s’échanger de manière correcte. Le point de départ de toute l’aspiration économique, c’est la convoitise humaine. Car celle-ci devra donc tout de suite être satisfaite. Si tous travaillaient seulement pour leurs propres besoins, ils n’atteindraient pas avant longtemps autant que quand ils travaillaient les uns pour les autres. Le gain apparaît du travail mené les uns pour les autres et tout de suite pas du travail les uns contre les autres, comme le proclame l’idéologie de l’économie de marché libre. Ceux qui produisent ou commercialisent les marchandises pour les besoins d’autrui, convoitent l’argent des êtres humains dont ils croient qu’ils ont besoin des marchandises offertes par eux. Ceux qui ont de l’argent en poche et convoitent une marchandise, convoitent, à ce moment-là, moins l’argent que la marchandise. Par l’échange, les deux visent un gain, simplement parce qu’ils se trouvent chacun dans un autre contexte d’économie de peuple/politique.[17] Ce processus se renverse en premier parce que des individus aspirent à des positions de pouvoir pour exploiter celles-ci à leur avantage. C’est seulement cette forme d’aspiration au gain qui agit de manière nuisible.

Cela devient particulièrement grave, lorsque les propriétaires d’entreprises financièrement plus puissantes font valoir leur influence sur les porteurs de décisions politiques et veillent à ce que le droit soit configuré conformément à leurs intérêts. On pourrait donc conclure, que Steiner poursuivait une variante radicale de l’ordolibéralisme. Car celui-ci se pose la question de savoir par quoi des positions de pouvoir prennent naissance et comment celles-ci peuvent être de nouveau brisées. Bien entendu, des penseurs ordolibéraux pourrait toutefois à peine se lier d’amitié avec les pensées que les mouvements de prix soient observer et discutés en commun par des producteurs, commerçants et consommateurs dans des associations.

 

Mais pas seulement le travail fait bouger la valeur d’économie de peuple/politique, mais aussi l’esprit qui organise le travail. C’est « l’esprit humain agissant dans le capital »[18] qui poursuit alors le mouvement. Cet « esprit humain » aussi aspire évidemment au gain, lorsqu’il deviendra économiquement actif. Afin qu’il puisse déployer son activité, il doit emprunter du capital. Pareillement celui qui est actif sur des champs purement spirituels, lui aussi aspire au gain ; lui aussi  espère que son effort tourné vers un développement à venir, trouvera une reconnaissance et qu’il en sera honoré en correspondance. Vu selon l’économie de peuple/politique, des paiements d’honoraire de cette sorte sont de l’argent de don.

 

Mouvement à partir de la sphère du capital

Mais maintenant, Rudolf Steiner décrit encore, dans son introduction à la 10ème conférence, un mouvement supplémentaire qui court à la rencontre du mouvement de l’achat, du prêt et du don. Ce mouvement qui provient immédiatement de la sphère du capital, commence au capital commercial, conduit par le capital de prêt et débouche dans le capital d’industrie. Il revient ici sur une pensée, qu’il a développée à la fin de la 9ème conférence.[19] À la base de ce mouvement repose la capacité humaine de convoiter. Et ici aussi, il s’agit de ce que si le mouvement peut être maintenu en mouvement dans le processus d’économie de peuple/politique ou bien s’il tombe en dehors.

Le capital commercial est la forme la plus originelle de la formation de capital. Il ne naît pas du fait que l’esprit humain organise le travail par des découvertes techniques, mais par l’observation des pentes/écarts d’économie de peuple qui prennent naissance parce que chaque être humain, dans la sphère économique[20], se trouve en un autre lieu/endroit. En un lieu peuvent exister trop de biens économiques, en un autre trop peu. Le commerçant à la tâche d’observer ces disparités et d’en instaurer la compensation correspondante. Chez lui aussi la perspective du gain est la force de propulsion. Cette instigation est non seulement sans problème, mais nécessaire, lorsqu’il s’agit de compenser les écarts de situations réellement disponibles/existants. Il en ressort toujours pour ceux qui sont impliquées une situation qui représente un gain pour les deux côtés.


Le capital commercial passe dans le capital de prêt. Avec le commencement de l’époque moderne de plus en plus de capital de prêt fut mis à la disposition de l’esprit d’invention technique, de sorte que celui-ci fut en mesure de se transformer en capital d’industrie. Mais par cela, on provoqua une nouvelle dynamique. Maintenant il ne s’agissait plus simplement de compenser les écarts qui naissaient des besoins et constellations aux lieux différenciés, mais aussi de faire baisser les coûts par une organisation du travail de plus en plus rationnelle [voir en particulier dans le roman de Erik Reger : L’Union der festen Hand une description mettant en scènes ce genre de problèmes entre 1918 et 1931 dans la Ruhr de Krupp, ndtDK]

Nous avons avec cela un mouvement qui part du travail sur la nature, repris ensuite par l’esprit, qui organise le travail et devrait déboucher finalement dans la facilitation de la libre activité de l’esprit. À celui-ci s’oppose un contre-mouvement qui du capital commercial, passe dans le capital de prêt et débouche dans un capital d’industrie. Ces deux mouvements sont nécessaires mais ils peuvent aisément se renverser brusquement dans des processus de destruction, lorsqu’ils se déploient de manière non apprivoisée. Ainsi Rudolf Steiner a déjà montré dans la cinquième conférence, comment le mouvement qui mène au capital de prêt, au lieu d’être consommé dans l’argent de don, peut déboucher dans un commerce avec les droits liés à la nature (bien-fond, moyen de production). Le capital « bouchonne/s’amasse » ensuite dans la nature et devient une force qui nuit à la vie de l’économie. Il devient tout aussi nuisible si le mouvement par le capital de prêt dans le capital d’industrie sera propulsé de manière unilatérale. Car il s’ensuit nécessairement de la surproduction avec toutes ses répercussions pour l’être humain et l’environnement. Une cause centrale de la première guerre mondiale put y être vue dans le fait que dans l’empire allemand — et aussi au moyen d’une prise d’influence politique — la formation du capital d’industrie fut unilatéralisée, pendant qu’en Angleterre, le pays maternel de la Révolution industrielle, les humains restaient cependant plus fortement liés avec la qualité du capital commercial. Actuellement nous avons la situation que l’Occident anglophone s’est spécialisé de manière déterminante sur le commerce avec des droits de propriété, pendant que l’Allemagne et les états de l’Est lointain, ont leur puissance dans la formation de capital d’industrie.[21]


L’argent en tant que marchandise

Dans le prochain pas de la pensée de la 10ème conférence, Rudolf Steiner dirige le regard sur le commerce du troc/de l’échange. Le commerce peut donc aussi avoir lieu sans que de l’argent intervienne en tant que moyen d’échange. Mais selon Rudolf Steiner, même si l’argent est introduit, le commerce de troc ne sera pas encore complètement surmonté. Il subsiste alors un stade de transition entre l’économie de troc et l’économie de l’argent. À cette économie de l’argent, qui surgit avec la naissance du capitalisme, n’appartient pas seulement que le commerce aspire à compenser les situations différenciées des êtres humains, mais aussi que l’esprit commence à organiser toujours plus fortement le travail humain. Dans la 4ème conférence, Steiner a développé comment l’argent devient un moyen de l’esprit afin que celui-ci puisse organiser le processus économique. Dans la 10ème conférence, il revient à la toute primitive économie du troc/d’échange, dans laquelle l’esprit organisateur de l’être humain n’était pas encore agissant/efficace de cette manière. Il est tout d’abord surprenant qu’il décrive à présent la naissance de l’argent à partir de la marchandise. Un simple produit de la nature comme des petits pois, peut devenir de l’argent — rien que du fait que les êtres humains les emploient comme tels. Si l’état en venait encore à édicter des loi qui prescrivissent que l’on peut tout échanger contre des petits pois, alors de l’argent serait devenu à partir de petits pois. [Donc ce qu’un fermier normal n’arrive même plus à faire en le cultivant de nos jours! ndtDK]


De haut en bas : électron de 700 av. JC. ou plus tôt; musée de l'argent de la Banque fédérale d'Allemagne). – Pièce  électron avec marquage, Lydie (650-561 av. JC.). – Statère d'or avec taureau et lion du roi lydien Cresus, qui vaut pour l'humain le plus riche de l'époque et inventeur de notre actuel système d'argent (561-546 av. JC ; ©Sunflower Foundation Zürich; moneymuseum.com).


Avec cela, Rudolf Steiner capte ici aussitôt deux aspects de l’histoire de l’argent : à savoir, la naissance de l’argent à partir de la marchandise et l’intervention de l’état politique. Dans les cultures primitives, on utilisait de fait comme argent des marchandises déterminées qui avaient des propriétés favorables pour cela. L’argent-cacao de l’Amérique du centre est tout particulièrement bien documenté. Les Mayas  comptaient encore en fèves de cacao en 600 après Jésus-Christ, en tout cas cent ans plus tard, les Aztèques.[22] Étant donné que les fèves de cacao, quelque peu de la grosseur d’une amande, sont aisément manipulables et  se gardent bien, elles ont beaucoup en commun avec des petites pièces. Il existe presque dans toutes les régions du monde des exemples d’une telle simple monnaie de marchandises. On ne peut toutefois encore parler d’intervention de l’état au sens strict chez ces cultures. Il se peut qu’un souverain aztèque ait déterminé un jour que des fèves de cacao devraient être le seul et unique moyen de paiement dans l’empire. Pourtant étant donné que les fèves de cacao étaient de toute façon convoitées de tous côtés, une telle décision aurait été quelque peu aussi significative que le décret que demain le Soleil devait se lever.

Aussi lors de l’évolution vers l’argent de pièces, il y a une ligne évolutive qui renvoie à l’origine de l’argent à partir de la marchandise. Ainsi Ioniens et Lydiens en Asie mineure, utilisaient des grumeaux de métal brut, dont des morceaux étaient découpés et ensuite pesés. À partir de 650 ap. J.-C. des grumeaux d’argent et d’or, en forme de haricot, étaient utilisables dont les unités pondérales correspondaient à une échelle allant de 0,12 à 20 grammes. Ces grumeaux faits à la main reçurent des marquages qui remplacèrent le contrôle matériel des commerçants.[23] Mettre un matériau précieux sous une forme qui permît aux commerçants d’en reconnaître rapidement la valeur, semble donc avoir été un motif de la naissance de l’argent sur lequel fut apposé un sceau.

 

Il y a quand même encore une autre ligne qui fonde la naissance de l’argent à partir du rituel de l’offrande. Le chercheur sur l’Antiquité, Bernhard Laum, a développé cette thèse, dans son livre, paru en 1924, Argent sacré. Au contraire des pièces de monnaie marquée en Lydie, la valeur matérielle des monnaies marquées en Grèce, à partir de 600 environ, jouaient seulement un rôle subordonné. Il se peut que cela tînt au fait que les gisements de métaux précieux en Grèce étaient essentiellement plus rares qu’en Lydie. Ce qui est beaucoup plus essentiel est toutefois que par les signes qui ont été imprimés dans le matériau, rappelaient les êtres humains à des processus de la vie d’âme et d’esprit à partir desquels cette monnaie était originellement apparue. Ces signes renvoyaient tous au culte du sacrifice en honneur de la divinité : sacrifice animal, sacrifice d’outils ou aussi des symboles de fécondité. En outre, les lieux de marquage se trouvaient dans le temple.[24]


Statère 480 av.JC., Kroton. (©Sunflower Foundation) Face avant : trépied avec pattes de lion, pieds en forme de patte de lion. Revers : aigle volant


L’opposition entre l’argent de pièce lydien et grec peut donc être vue dans le fait qu’en Grèce la gestion de l’argent passa progressivement du temple à l’état, tandis qu’en Lydie, la domination de la noblesse se fondant sur la détermination divine put être arrachée par les marchands, étant donné qu’ils obtinrent un énorme pouvoir au moyen de l’argent créé « d’en bas » à partir de la marchandise. Le plus riche marchand qui pouvait s’offrir ainsi les plus puissantes armées de mercenaires, pouvait ainsi s’élever au rang de  « tyran » — au sens d’un souverain dynastique ou transcendantal non légitimé.[25] Parce que les cultures antiques étaient reliées entre elles par les voies marchandes/de commerce et qu’avec cela les formes de monnaies les plus variées se rencontraient, la question de dispute était déjà posée que Rudolf Steiner aborde, explicitement dans le séminaire d’économie politique, entre les défenseurs du métallisme qui veulent reconduire la valeur de l’argent à sa valeur de marchandise et les défenseurs du nominalisme qui veulent attribuer une valeur de signe à l’argent seul.[26]


  Mais pourquoi Rudolf Steiner dérive la naissance de l’argent, dans la 10ème conférence, à partir de la marchandise et l’amène dans la suivante en directe relation avec la convoitise de l’âme et l’aspiration au gain ? La raison se laisse seulement déduire à partir de la configuration en image de l’ensemble du cycle de conférences. Dans la 14ème conférence Steiner développe l’idée de la monnaie/devise de nature. Celle-ci devrait remplacer l’ancienne monnaie/devise fondée sur une substance matérielle.

 

Argent comme comptabilité

En Grèce, comme auparavant en Égypte, et à Babylone, bien longtemps avant l’introduction de l’argent de pièces, il y avait des banques qui tenaient des comptes de créditeurs et de débiteurs.[27]


Tablette d'argile de Mésopotamie entre 2350 et 2150 av. JC (©Sunflower Foundation Zürich). Elle contient une énumération de différents biens : quantités déterminées de jarres d'huiles, meules, et farine.


Il existait avec cela une forme pré-monétaire de l’économie de l’argent, dans laquelle l’argent naissait à partir de simples inscriptions comptables sur des tablettes d’argile. Que l’argent pouvait être conçu comme un signe, reposait aussi fondé dans la technique de cette simple comptabilité qui a été développée à l’intérieur du temple comme un acte religieux et qui s’est sécularisée seulement au cours de l’évolution. Les temples étaient les lieux où les êtres humains apprenaient la faculté de saisir les réalités extérieures par compter, mesurer et peser. Cela est le mieux documenté en Mésopotamie, où cette évolution commença autour de 3000 avant J.-C. et qui avait déjà établi jusqu’en 2000 avant J.-C. un système de saisie comptable de presque tous les mouvements de marchandises et d’affaires commerciales. La comptabilité centrale fut presque construite jusqu’à l’absurde, pour  pouvoir en appréhender presque complètement tous les détails. [28] Mais les prêtres n’ont pas tenu les comptes en leur nom propre, mais  au nom des Dieux. Comme  Paul Einzig l’exprime, le banquier en chef était le Dieu solaire lui-même.[29] Tout de suite par cette insertion dans un contexte cultuel-spirituel, l’égoïsme des êtres humains était apprivoisé.

Par cette technique comptable, il était possible d’accorder des crédits et d’annuler des dettes, sans que des pièces ou de l’argent de papier fussent nécessaires. Des métaux comme l’argent ont été utilisés de manière primaire comme échelle de mesure pour déterminer les prix. Certes, les dettes pouvaient être aussi réglé en argent(NDT : ici le métal). Pourtant celui-ci n’était pas estampillé comme de l’argent. Par surcroît ceci était possible à cette époque-là, avec en fait tout bien échangeable.[30] L’argent, qui a surgit  en comptabilité dans ces cultures, n’avait besoin d’aucun corps matériel. Il servait d’unité de calcul et de technique centrale, avec laquelle les relations créanciers-débiteurs pouvaient être représentées et calculés les loyers pour les moyens de production mis à disposition par les temples — pour l’essentiel, des terres cultivables.[31]

Une telle économie, reposant hautement sur une division du travail, était praticable, aussi longtemps que les êtres humains se voyaient liés au sein d’un contexte spirituel et religieux. Ce contexte se perdit avec la sécularisation progressant. Les techniques de compensation restaient aux mains de ceux qui se voyaient élus par la divinité pour administrer les biens, mais ceux-ci aspirèrent de plus en plus — justement ainsi que les marchands – au purement personnel d’après leur propre utilité. Un Roi par contre conduit le peuple, en ce qu’il permet/rend possible à la communauté l’orientation sur les utilités communes. Comparer Aristote, « Politique », III 6-7

 

 

 

Les intérêts mènent. La réforme de l’Archonte et législateur athénien, Solon, au 6ème siècle av. J.-C. prit tout de suite les devants en Grèce, étant donné qu’un grand nombre de fermiers étaient tombés dans la misère par endettement, tout d’abord sous la dépendance des riches propriétaires terriens — ou selon le cas, par la transmission des dettes — sous la dépendance des  souverains eux-mêmes.[32] Cela annonce une progression qualitative dans le développement de la conscience humaine  qu’en premier avec le début de la constitutionnalité juridique du système politique commun, l’argent de pièces se répand. À la place des liens qui étaient fondés sur des dépendances individuelles, surgirent alors des engagements du citoyen d’état vis-à-vis d’institutions étatiques. Avec la « rétrogradation de la croyance à la fiabilité des droits divins» alla de pair la « rétrogradation de la domination des anciennes aristocraties ».[33] L’administration de l’argent qui était de facto depuis longtemps retirée des temples, fut reprise dès lors par l’état politique.

 

Argent et conscience

Les deux lignes d’évolution de l’argent convergent dans l’administration de l’argent par l’état. La conscience terrestre de la personnalité s’émancipa durant l’époque du développement de l’âme raison  (NDT : analytique) ou d’entendement [Gemütsseele] (NDT : synthétique) (8ème siècle av. J.-C. — 15ème siècle ap. J.-C ). Parallèlement à cela, les vies de droit et de l’économie s’articulèrent hors de la vie de l’esprit, mais formèrent elles-même encore une unité. L’administration de l’argent par l’état en vint à une culmination dans l’empire romain. Avec l’argent qui était presque exclusivement frappé à Rome, l’état pourvoyait tout l’empire. Du Portugal au Golf persique, de l’Écosse à l’Afrique du Nord, on payait avec les mêmes pièces.[34]


Denier d'argent romain  (44 av. JC ; ©Sunflower Foundation). Jules César était le premier romain à oser laisser placer ses traits individuels sur une pièce. Avec cela il blessait un tabou religieux très ancien qui empêchaite déjà les Grecs d'immortaliser des représentations de mortels sur des pièces. Le premier humain absolument qui osa cela était Tissaphernes (env. 445-395 av.
JC.), qui devint le gouverneur perse de Lydie après l'asservissement du roi Crésus.


C’est en premier par la séparation complète de la vie de l’économie et de la vie de droit, aux temps modernes, que l’administration de l’argent par l’état devint problématique.

En correspondance aux deux lignes évolutives de l’argent, se développent deux capacités de l’âme, qui sont décisives pour le développement de la personnalité : le penser de raison analytique (Verstandesdenken) fut exercé dans les temples et ré-apparut plus tard de plus en plus comme une faculté des personnalités individuelles. De l’autre côté, l’être humain aspirant aux biens terrestres se libéraient des chaînes de l’ancienne vie de l’esprit. Cette capacité d’ambition/d’aspiration (Strebevermögen) de l’âme, Platon et Aristote la décrivaient déjà comme une capacité de convoitise (Begehrungsvermögen). Tout de suite les marchands/commerçants s’assirent sur les commandements et formes religieuses et cherchèrent leurs propres voies/chemins.

 

En correspondance à cela, ce n’est pas le côté spirituel de l’argent, mais le matériel qui est décisif pour eux. Lorsque l’argent est accumulé/entassé, ainsi naît une formidable abondance de pouvoir qui, comme on l’a montré plus haut, pouvait même permettre une prise de pouvoir politique. Platon et Aristote considéraient le commerce avec un grand scepticisme pour cette raison, en particulier lorsqu’il dégénérait en  « art de l’enrichissement » (chrématistique). Car la capacité de convoitise doit être enarticulée dans un contexte spirituel, si les impulsions de l’individu qui proviennent de cette capacité/patrimoine ne devraient pas devenir nuisibles à la communauté.[35]



Les fondements de la monnaie de nature sont les moyens de production utilisables, mais principalement la nature elle-même, par l’élaboration de laquelle pourra seulement être créée une marchandise.[36] L’argent naît d’un processus d’enregistrement comptable : quand des productions devront être fabriquées par des moyens de production, alors un avoir peut être accordé au producteur de la prestation. Cet argent ne doit pas être prêté par n’importe qui d’autre, car il se recouvre immédiatement par ce qu’en conséquence — de manière analogue qu’autrefois lors de l’échange — dans un temps appréciable, la prestation sera produite au moyen de production disponible. Un tel argent devra être créé par des institutions qui sont liées à des associations. C’est seulement ainsi que peut être garanti que le processus de création d’argent est un processus réellement parallèle au processus de création de valeur. Exactement cela — et non la substance matérielle — accorde à l’argent sa valeur substantielle. Il s’agit de rendre visible dans l’argent la signification de la prestation de travail pour le processus d’économie de peuple.

Ce qu’un domaine de l’économie peut produire de prestations, est aussi dépendant de la qualité des moyens de production, dont il dispose. Déjà la base naturelle peut être très différenciée : pauvre ou riche en matière première, chiche ou féconde et ainsi de suite. La  base de nature peut aussi être transformée par l’intervention de l’esprit et devenir de ce fait un moyen de production plein de valeur. De tels processus de transformation devront être financés par l’argent de prêt. Dans le cours d’économie nationale, Steiner part entièrement et évidemment de ce qu’avec l’argent de prêt n’a lieu aucune création d’argent, mais des excédents seront collectionner/rassemblés et mis alors à disposition comme crédit par des institutions correspondantes.

Le domaine de l’argent d’achat sera strictement séparé du domaine de l’argent de prêt. De ce fait naît la base d’un système d’argent organisé de manière décentralisée. Ce système d’argent se tient diamétralement opposé à l’actuel, organisé par des banques centrales. Dans ce dernier revit de nouveau le penser de l’époque culturelle gréco-romaine, car le penser de raison analytique peut seulement penser de lui-même des structures organisées à partir d’un centre. En ce que la création d’argent dans l’actuel système de l’argent est mise en œuvre par l’octroi de crédits qui, par surcroît, seront encore assurés/garantis par des droits de propriétés commercialisables, d’une part, l’importance du travail matériel pour la création de valeur est voilée, d’autre part, le commerce avec des droits de propriété a été élevé au rang d’affaires particulièrement lucratives.

 

Si la capacité humaine de convoitise s’oriente pourtant sur l’acquisition spéculative de droits de propriété, cela va à la charge de la faculté du commerce de mettre en réseau les unes avec les autres des structures économiques décentralisées. La structure créée aujourd’hui par le système actuel des banques d’affaires et des banques centrales encourage donc les aspects obscurs du commerce, « l’art de l’enrichissement » [et facilite par ailleurs  les ventes discrètes d’armes et le système de reversement de commissions lucratives qui lui est politiquement lié, voir les affaires en cours de jugement en France . ndtDK] et non pas sa fonction de médiation, laquelle est orientée à partir de la chose sur le bien commun. Des monnaies complémentaires, comme le « Sardex », peuvent créer une conscience que la valeur de l’argent est fondée dans la prestation concrète du travail et justement pas dans la propriété des moyens de production, ce qui est seulement l’expression de rapports de pouvoir. Elles peuvent développer un simple instrumentaire pour une gestion décentralisée de l’argent, laquelle est appréciable pour les personnes concrètement concernés. L’intérêt commun dans l’administration de l’argent conduit à partir de la chose elle-même à des amorces concrètes de formation d’associations. Lors d’apparitions soudaines de lourdes crises financières, de nombreuses affaires, tout d’abord dans le secteur des PME, peuvent être coordonnées par cet instrumentaire, lesquelles autrement ne pourraient plus être réalisées. La question décisive sera ensuite de savoir si de grands consortiums développeront de l’intérêt dans cet instrumentaire. Dans ce cas, des débats seront nécessaires pour déterminer dans quelle mesure ces dirigeants de consortium sont prêts à se soucier que la valeur de la prestation matérielle du travail pourra être amenée à validité. Tout de suite dans de telles situations pourra être créée une conscience que, pas seulement le dirigisme d’état, mais avant tout le commerce avec les droits de propriété à des biens-fonds et des entreprises entières, signifie pour de plus en plus d’êtres humains la voie de la servitude.[37] Plus un contexte d’entreprise est vaste et  plus d’humains sont dépendants de ses prestations, d’autant plus est important que la propriété productive sera retirée au commerce. Il peut alors s’agir seulement encore de la question de comment sera réglementer/réglée la transmission de cette propriété productive, quand des successeurs seront recherchés. Car des revenus peuvent toujours seulement être créés par des prestations concrètes qui seront produites à l’aide du moyen de production, mais jamais par des droits que quelqu’un détient sur ces moyens de production, bien que lui-même n’est plus du tout actif dans ceux-ci. L’argent obtient ainsi son poids uniquement de l’activité productive.

Die Drei 5/2018.

(Traduction Daniel Kmiecik)

 

Stephan Eisenhut, né en 1964 à Coblence, études en économie politique à Fribourg en Brisgau, thème de recherche sur Les fondements de science spirituelle en science social chez Rudolf Steiner, formation d’instituteur à Mannheim, 1997-2000, enseignant à l’école Rudolf Steiner Mittelrhein, depuis 2001 gérant de la société de publications Mercurial (GmbH) et depuis 2015 rédacteur de cette revue —

Adresse c/0 mercurial-Publikationsgesellschaft mbH, Alt-Niederursel 45, 60439 FRANKFURT,

Courriel : eisenhut@diedrei.org

 


[1] Voir à ce sujet ma série irrégulière d’articles pare dans Die Drei 10/2011 jusqu’à 6/2017. Les articles isolés sont accessibles sous http://diedrei.org/alle-artikel/thema/nationaloekonomischer-kurs.html .  Les huit premiers articles sont aussi disponibles sous forme de numéro spécial de Die Drei : http://diedrei.org/details/inhalt/artikelserie-zur- komposition-des-nationaloekonomischen-kurses.html

[Tous ces articles ont été aussi traduits en français et regroupés à l’initiative heureuse de François Germani à l’adresse suivante : http://www.triarticulation.fr/institut/FG/Articles/SE05.html ndt]

[2] Voir Stephan Eisenhut : Faux cadeaux, dans Die Drei 6/2017, pp.11 et suiv. [Traduit en français et disponible auprès du traducteur (D.K. (DDSE617z.DOC) s’il n’est pas déjà sur le site signalé à la fin de la note 1, cet article montre que l’Allemagne vainc en Europe par l’économie et non pas par la culture du « Ich » — autrement dit le « Je suis » —, comme ce devrait être sa mission principale. ndt]

[3] Voir à ce sujet : https://sardex.net/il-gruppo-?lang=en

[4] Un aperçu saillant sur les monnaies alternatives actuelles se trouve chez Jens Martignoni : Redécouvrir l’argent — comprendre et utiliser des monnaies alternatives, Zurich 2017 ?. L’ouvrage fournit en outre un aperçu concis et historiquement bien étayé des divers raisons de créations de l’argent.

[5] Voir www.wir.ch/

[6] Voir Enzo Schmidt : Argent démocratique — une entreprise d’élèves. La Chiemgauer, ainsi que du même auteur et Chritian Gelleri : Égalité devant l’argent (entretiens) tous deux dans Die Drei 3/2004, pp.35 et suiv. et pp.36 et suiv..

[7] Voir Alessandro Gillioli : Cosí il Sardex conquista l’Italià (Ainsi la Sardex conquiert l’Italie) http://espresso.republlica.it/attualita/2016/07/28/news/cosi-il-sartex-conquista-l-italia-1.278702?refresh_ce

[8] Ebenda.

[9] Voir Stephan Eisenhut : La Dreigliederung de l’argent: l’argent en tant que problème juridique, dans Die Drei 7-8/2015. [Traduit en français également voir la fin de la note 1. ndt]

[10] Voir Stefano Lucarelli & Lucio Gobbi : Local Clearing Unions as stabilizers of local economic systems : a stock and flow consistent perspective [Unions locales de compensation de systèmes économiques: une perspective de réserve et de circulation de l’argent], dans Cambridge Journal of Economics, vol.40/5, 5 septembre 2016, pp.1397-1420, cite d’après Fionn Meier: Money as accounting: Historical and theorical issues, Thèse de Master, Fribourg 2017, p.62.

[11] Rudolf Steiner Cours d’Économie Politique (1922; GA 340), Dornach 2002 (dans ce qui suit CEP), pp.175 et suiv.

[12] PME : Petites et Moyennes entreprises.

[13] Steiner formule cela en correspondance dans le CEPde la manière suivante : « Car l’individu qui consomme immédiatement, il ne peut satisfaire que son sens égoïste. En vérité, cela irait aussi très mal pour lui s’il ne satisfaisait pas son sens égoïste. »

[14] CEP, p.46 [de l’édition allemande, cela va de soi, ndt]

[15] CEP, p.152.

[16] CEP, p.152. [pour faire de « l’acide moralique », il suffit de dissoudre un peu de « morale » de vieux théosophe-« gnome grincheux, car plus « acide » alors » et de la dissoudre soigneusement en agitant bien dans de l’eau distillée pure. Le résultat donne de l’acide moralique pur ! ,ndt]

[17] CEP, p.142.

[18] CEP, p.140.

 

[19] Voir à ce sujet aussi ma contribution à propos de cette conférence : La chrétienté ou Europe dans Die Drei 4/2017, pp.15 et suiv. [Traduite en français également, voir note 1. ndt]

[20] Rudolf Steiner n’utilise pas le concept de « sphère économique » dans la 10ème conférence. Mais il le laisse se former  en concept polaire à celui de la « sphère du capital ».

[21] Il faut mentionner ici que les droits de propriété relativement à ce capital d’industrie parviennent de plus en plus dans les mains de gestionnaires des fortunes au moyen du commerce des bourses. Voir Jean Berger : Les nouveaux souverains de l’économie mondiale  — http://www.nachdenkseiten.de/?p=41340     

[22] Voir  https://de.wikipedia.org/wiki/Primitivgeld

[23] Voir Michael Hutter : La forme primitive de la monnaie, Francfort-sur-le-Main 1993, pp.159 et suiv.

[24] Voir Christana von Braun : Le prix de l’argent. Une histoire culturelle. Berlin 2012, p.54.

[25] Selon Michael Hutter, un roi-marchand du nom de Ardys est mentionné pour la première fois à l’époque de 766-730 av. J.-C.. La forme de domination qui ne se fondait plus sur le droit de naissance, mais sur l’argent s’imposa avec Gyges qui régna de 687, à 622 av. J.-C.

[26] Voir Rudolf Steiner :  Séminaire d’économie politique (GA 341), Dornach 1986, p.73.

[27] Voir Chritana von Braun : Le prix de l’argent…, p.54.

[28] Voir Hans J. Nissen, Peter Damerow, Robert K. Englund & Paul Larsen : Archaic Bookkeeping : Early Writing and Techniques of Economic Administration in the Ancient Near East, Chicago 1993, p.97.

[29] Paul Einzig : Monnaie primitive, Londres & New York 2016, p.206, cité d’après Fionn Meier : Monney as accounting …, , p.18.

[30] Voir Fionn Meier : Monney as accounting …, , p.20.

[31] Aristote caractérise aussi des souverains, qui se tiennent dans une succession dynastique, comme des tyrans, lorsqu’ils s’efforcent à leur propre profit. Un roi, par contre, dirige un peuple en permettant à la communauté de s’orienter sur le bien commun. Voir Aristote : Politique, III, 6-7.

[32] Voir la note 27.

[33] Ebenda. Madame von Braun s’appuie ici sur Josef Kulischer : Histoire universelle de l’économie du Moyen- Âge et des temps modernes, Darmstadt 1958, p.91.

[34] Voir Deutsche Bundesbank (DBB) : (éditrice) : Le musée de l’argent de la DBB, Francfort-sur-le-Main 20417, p.24.

[35] Voir mon essai à l’intérieur de cette série : Stephan Eisenhut : Esclavage moderne et christianisme — L’émancipation du travail et du droit, dans Die Drei 6/2012, en particulier pp.30 et suiv., où le même développement est éclairé à partir de la perspective de l’émancipation du travail. [Traduit en français également, voir note 1. ndt]

[36] CEP, p.207.

[37] Cette problématique est aussi très nettement mise en évidence et éclairée par la contribution de Johannes Morsmann : Formation du revenu et droit de l’homme, dans cette revue. [Traduite en français et disponible sur le site français signalé dans la note 1 sinon directement auprès du traducteur, sans plus (DDJM518.DOC), ndt].