J. Mossman - La démocratie élargie

Institut pour une triarticulation sociale
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Die Drei 1 &2/2020.  (Traduction Daniel Kmiecik revue par F.G.
nouvelle relecture au 16/04/2020 11:38)

La démocratie élargie — Partie III -  précédent / suivant

Johannes Mosmann

Comment combat-on le néolibéralisme ?

Pour le libéralisme, la collectivité n’est pas le résultat d’un vouloir conscient commun, mais plutôt celui d’actes isolés dépourvus en soi d’intentions. En face de lui se trouve le démocratisme qui veut construire des collectivités à partir d’idées humaines. Pour lui, les actions individuelles deviennent alors seulement des éléments d’une totalité sociale au moyen des idées les liant et décidées en commun. En lieu et place du « mécanisme du marché », ressenti comme naturel, apparaît ici l’idéal humain qui, avec l’appui du pouvoir d’état, est imposé aussi aux minorités s’y opposant. Les deux camps peuvent s’appuyer avec leur opinion sur des faits concrets observables. Des institutions sociales comme les Droits de l’Homme, la propriété ou l’assurance sociale, sont des produits incontestables de l’esprit humain et sont redevables de leur efficacité au pouvoir de l’état. Le démocratisme, aussitôt qu’il se tourne vers des contextes/pendants économiques, se heurte cependant à une frontière naturelle. Ici s’opposent à sa revendication d’universalité, les instincts économiques acculés à la nécessité de reconnaître la fécondité d’une liberté individuelle. Il se peut que la raison analytique, entraînée aux procédures de formation du jugement et de votation, nie aussi que des processus économiques ne puissent être régulés de manière démocratique — pourtant les besoins corporels ont leur propre langage. Le revenu de tout individu dépend de manière primaire de ce que les divers groupes de marchandises fassent, dans leur rapport réciproque, l’expérience de la valorisation par lesquelles peuvent être assurés aussi bien les besoins des consommateurs que les revenus des producteurs. De manière secondaire, il s’agit de ce que des entrepreneurs capables en arrivent à la situation de réaliser leurs impulsions individuelles au moyen du capital, c’est-à-dire d’organiser des processus de travail et d’être « innovateurs ». Pourtant ni la valeur des marchandises, ni les besoins et facultés ne reposent sur des décisions/scrutins démocratiques. L’économie ne cesse de pousser les êtres humains sur ce qu’elle obéit à ses propres lois qui ne peuvent être démocratiquement concoctées ni décidées ou même construites sur un autre chemin. La reconnaissance de ce fait concret conduit à ce qu’on se représente la démocratie à l’intérieur d’un ordre supérieur qui de son côté ne tolère pas de processus démocratiques. Une démocratie est donc bornée par le marché dans une « économie de marché ». Ou bien, dans la perspective du marché : la démocratie peut purement et simplement mettre à disposition des « cadres de régulation » juridiques pour un « libre jeu » des forces du marché.

Le dualisme entre collectivité démocratiquement édifiée/construite et lois économiques objectivement données, trouve une expression théorique dans le néolibéralisme. Son histoire commence en 1937, avec la publication de l’ouvrage The good Society (la bonne société) de Walter Lippmann qui fut très lu aux USA, presque inconnu nonobstant en Allemagne.(1)  Dans celui-ci, Lippmann à l’époque directeur du Council for Foreign Relations,  critique le laisser-faire  [en français dans le texte et donc très « révélateur », ndtDK] du libéralisme. Selon lui, par son mépris de ses conséquences sociales, ce dernier a provoqué le totalitarisme en Europe et s’est ainsi supprimé lui-même. Si une société libérale devait être de nouveau possible, alors le libéralisme devrait être relié à un ordre juridique démocratiquement légitimé. Lippmann veut restreindre la liberté du capital, interdire des gains retenus des sociétés par actions et les trusts financiers et rendre légalement difficile l’installation de monopoles et recommande une « politique qui veille à ce que les gros revenus soient redistribués au moyen d’impôts sur les revenus et les successions drastiques et abruptement échelonnées. »(2)  Il renvoie aussi à un problème qui, aujourd’hui, revient à la conscience en relation avec la numérisation/digitalisation : « Personne ne peut rabrouer aujourd’hui un être humain qui haït la machine qui lui dérobe son pain et le seul et unique travail qu’il a appris. » En correspondance à cela, il exige une assurance sociale « pour apporter un soutien aux victimes du progrès ».(3)  L’ouvrage rencontra un grand intérêt chez les économistes dans le monde entier. Un an après, 24 jeunes hommes se rencontrent à Paris avec Lippmann pour débattre de ses thèses lors d’un Colloque Walter Lippmann. Deux d’entre eux, Alexander Rüstow et Wilhelm Röpke, devaient par la suite entrer dans l’histoire comme les pères fondateurs de l’économie sociale de marché. Lors de ce colloque, diverses appellations furent discutées : « libéralisme social », « libéralisme de gauche » ou « néocapitalisme ». Rüstow finit par imposer  que la synthèse de l’ordre économique libéral et « l’état fort » doit s’appeler, selon lui, « néolibéralisme ». D’après Rüstow, qui rédigea la préface de la traduction allemande de l’ouvrage de Lippmann, il faut s’efforcer à une « rénovation de fond du libéralisme, une  rénovation qui prenne pleinement en compte aussi en particulier toutes les objections et exigences justifiées du socialisme ».(4) Quinze des présents au colloque fondèrent ensuite, en 1947, avec la « Mont pèlerin Society », le premier Think-Tank néolibéral, dont 83 autres devaient être issus plus tard. Le réseau ne défend jusqu’à aujourd’hui aucune idéologie homogène/unitaire, mais englobe des tentatives diverses de déterminer le rapport entre les deux faits auxquels renvoie chaque fois le démocratisme et le libéralisme. Maints néolibéraux veulent plus d’état, d’autres plus de marché. Mais supprimer l’état social, comme beaucoup le croient, personne ne le veut en fait ; même le plus radical « fondamentaliste du marché » parmi eux, Friedrich August von Hayek, exige une « revenu minimum garanti »(5). Les critiques du néolibéralisme se focalisent unilatéralement sur ceux-là qui défendent des manières de voir plutôt libérales — et ne voient pas qu’ils se meuvent avec cela eux-mêmes à l’intérieur de la dialectique néolibérale du marché et de l’état. Soi disant à l’encontre des thèses des néolibéraux, ils réclament qu’à l’état revienne le soin de veiller à l’équité et de recueillir les victimes de la « main invisible », par des prestations sociales. Or exactement cela protège cependant l’économie de marché devant des interventions/abus révolutionnaires ou totalitaires sur la sphère d’action de la « main invisible », et est à cause de cela, une exigence de fond, de la plupart des penseurs néolibéraux.

Le loyer plafond
« Le mot « libéral » aimerai-il tomber dans l’oubli, ceux qui se désignent libéraux aimeraient-ils se retirer et sombrer dans un silence honteux, » pensait Walter Lippmann en 1937, « malgré cela, les nécessités de la manière de produire forceront les êtres humains à redécouvrir et mettre en place les préceptes de base d’une société libérale. C’est l’enseignement de l’expérimentation russe. »(6)  Celui qui ne peut pas apporter la preuve de ceci par un cheminement idéel en sera instruit, qu’il le veuille ou non, par les faits. Comme exemple actuel, que soit choisi ici ce qu’on appelle en ce moment l’encadrement législatif du loyer/le loyer plafond. Le 22 octobre 2019, le Sénat berlinois mit en chantier la « loi pour une nouvelle réglementation des prescriptions légales limitant les loyers ». Celle-ci limite les plus hauts loyers à  un prix au mètre carré situé entre 3,92 et 9,80 €, et cela selon l’année de construction et le confort.(7)  Les électeurs en sont enthousiastes, présument quand-même pouvoir directement déceler l’efficacité de la loi à leur propre porte-monnaie. Pourtant, en cela, ils font leur compte sans intégrer le réalité de l’économie.
Les coûts de construction se situent actuellement en moyenne à 3 000 € au mètre carré et donc la construction d’une habitation de 100 mètres carrés coûte 300 000 €. La rénovation d’un bâtiment ancien peut s’avérer plus propice, mais aussi plus chère. Les spécialistes l’estiment en valeur moyenne à 75% du coût d’une construction neuve. Selon la nouvelle loi sur le loyer, même pour rénovation de fond, un Euro seulement [au mètre carré, ndtDK] dans le loyer est « mis de côté ». Dans des cas favorables de rénovation d’un logement de 100 mètres carrés, équivalant à 50% du coût d’une construction neuve, cela représente encore 150 000 €. Or cela doit encore être financé par les loyers. Sur un laps de temps de 30 ans, cela signifie un relèvement du loyer de 4,16 € plus les intérêts par mètre carré — et ceci alors que la société de construction n’a encore gagné aucun cent dans l’affaire pour l’instant. C’est vrai que l’on peut encore exiger de faire entrer ces 4,16 € dans les loyers actuels, puisque ceux-ci représentent sans plus un « revenu improductif/dépourvu de prestation». Si un logement coûte, avant restauration, 7 € par mètre carré, le loueur, selon la loi, peut demander un Euro de coût de restauration et en apporter lui-même 3,16 €. Son revenu dépourvu de prestation présumé se réduirait alors à 3,84 € — quoi qu’il en soi encore, un gain net. Mais premièrement, les sociétés de construction de logements produisent absolument une prestation qui doit être valorisée. Deuxièmement, le loueur doit former entre autre des réserves en vue du maintien en l’état/de l’entretien du logement. Troisièmement, il y a ce qui est de reste, ensuite éventuellement encore en tant que revenu improductif/dépourvu de prestation, en règle générale fermement planifié dans toutes les règles de l’art, par exemple pour l’amortissement de crédits — ou bien pour le financement de nos rentes d’exploitation (Betriebsrenten).
On peut il est vrai remettre en question la génération de revenus improductifs/dépourvus de prestations dérivée du système de crédit et des rentes. On peut aussi questionner ainsi les prix de la construction et les apurer au sein d’associations économiques, comme cela fut expliqué dans l’article du numéro précédent de cette revue et tendre à les rendre conformes à la vie. Mais cela doit justement aussi se passer. Masquer les causes économiques premières et au lieu de cela, décider démocratiquement le résultat désiré, mène par contre à une catastrophe sociale. Car tout d’abord, la fixation étatique des prix des loyers, conduit à l’arrêt de la construction. Les anciens logements sont laissés à l’abandon et on n’en construit plus de nouveaux. En outre, étant donné que le Sénat de Berlin a oublié d’inclure les loyers industriels, la pression se déplace par-là. Dans Berlin, ceux-ci ont augmenté entre-temps en moyenne de 27 € au mètre carré, 50 € n’étant pas une rareté. Or seules des industries toutes particulières peuvent payer cela. Les loyers industriels augmentés seront par ailleurs répercutée aux consommateurs sur les prix des marchandises. Ce que ceux-ci économiseront en loyer, ils le payeront de nouveau en sus à un autre endroit. Les perdants sont les nombreuses petites entreprises et les indépendants, mais aussi, le système éducatif/de formation. Les fondations de nouvelles écoles libres sont presque devenues impossibles — eu égard aux 26 000 places scolaires manquantes dans la capitale, c’est un désastre. Dans le même temps, le Sénat aide à la fondation de propres écoles avec au moins 5,5 milliards d’Euro et paye chaque loyer, ce qui entraîne encore les prix plus loin. Si maintenant le sénat se met à couvrir les loyers pour les activités productives et les installations culturelles, le capital se déplacera de nouveau sur d’autres domaines. Dans le même temps, l’économie s’effondre puisque le système de crédit justement s’adapte avant tout à la valeur présumée des biens-fonds. Bien entendu cela n’ira pas jusque-là, parce que les forces libérales, en considération de ce scénario deviendront plus fortes. Cela veut dire qu’on mettra fin à l’expérimentation après peu d’années, ce qui mènera à nouveau à une explosion des loyers. Le succès de cette présumée politique « de gauche » consistera seulement et uniquement à la mise en doute de celle du droit à un revenu improductif/dépourvu de prestation en l’ayant fait devenir, pour longtemps, un thème stigmatisé par un tabou traumatique.

Surmonter la conscience politique
Comme le montre l’exemple précédent, l’ordre supérieur qu’esquisse le néolibéralisme, n’est pas une chimère, mais un fait qui ne cesse de se démontrer de nouveau quotidiennement. La démocratie aimerait poser des conditions d’encadrement pour la libre économie. Mais si elle va trop loin en cela, elle sera renvoyée dans ses limites/barrières par le marché. Le néolibéralisme est avec cela un pur résultat d’observation. Toute agitation contre lui est parfaitement dépourvue de sens à cause de cela. L’observation concrètement correcte de Lippmann peut toutefois être complétée par une autre observation justement aussi concrète. Le porteur du prix Nobel, Milton Friedman, écrit au sujet de la « découverte » du libéralisme : « C’était à l’époque une réflexion sensationnelle et cela le reste aussi aujourd’hui, qu’un ordre économique puisse naître/apparaître en tant que conséquence non intentionnelle des activités de nombreux humains, dont chacune recherche individuellement son propre avantage. »(8)  La conscience de l’individu se restreint donc à l’espace intérieur subjectif, l’examen attentif du/le soupeser entre besoin de consommation et disposition à la prestation. Ainsi cela repose entièrement en dehors de la vie de l’économie laquelle, de son côté est un contexte d’ensemble de relations inter-humaines. Si l’on veut maintenant configurer un contexte social, dont la propre conscience est débranchée/déconnectée, on doit par conséquent l’approcher de l’extérieur. On doit extérieurement fixer des règles pour le comportement de l’individu qui ne peut pas s’orienter de lui-même au bien/à l’intérêt commun. L’état construit alors des institutions sociales pour placer le présumé être de la nature « économie » au service des buts humains. Or un tel tableau « colle »/est exact seulement aussi longtemps que les participants au marché ne communiquent pas entre eux. A l’instant où ces derniers s’associent les uns avec les autres, se modifient aussi les conditions préalables desquelles partent dans une même mesure le libéralisme, le néolibéralisme et le démocratisme. C’est dans la communication et non pas quelque peu dans l’application du pouvoir étatique que repose cachée, la véritable puissance économique. Ce n’est pas un hasard si Amazon, le plus puissant consortium du monde se fonde là-dessus, en s’en emparant et en mettant en valeur la relation entre producteurs et consommateurs, — mais justement sous exclusion des producteurs et des consommateurs. Ici fut déjà esquissé comment l’individu en revanche, peut délaisser son espace intérieur subjectif par association des branches de l’économie et co-configurer ainsi activement l’économie.(9)  Cet ordre supérieur, que le néolibéralisme décrit, est justement seulement donné sous la condition préalable que les êtres humains vivent à fond leurs impulsions sociales par voter, choisir ou protester. Pour cette constitution de conscience, l’économie s’exclut comme un jeu d’une main invisible. Seulement alors/quand les êtres humains requièrent/exigent de l’état la sauvegarde/le sauvetage du climat, la mise à disposition de logements abordables, etc., le néolibéralisme garde droit/garde le contrôle. Les êtres humains pourraient aussi surmonter la « conscience politique ». Ils pourraient percer à jour l’impotence générale de la démocratie sur le domaine économique et pour cette raison, s’efforcer de retirer entièrement l’économie des griffes/à l’accès de l’état. Au lieu d’en appeler à de nouvelles lois, ils pourraient suivre la logique de  l’économie et s’associer entre eux. Alors les faits n’existeraient plus sur lesquels le néolibéralisme fonde sa puissance. Pour en arriver à une meilleure compréhension, j’aimerais présenter à cet endroit un exemple concret, tirée de ma vie personnelle. Cela aimerait seulement ne pas être compris comme une tentative de solution, mais plutôt comme une prudente indication sur le principe d’une économie légitimée d’en bas.

L’exemple « hessnatur »
La famille de ma compagne achetait une grande partie de ses vêtement chez hessnatur, un fabricant de textiles écologiques. La firme fut fondée par un anthroposophe qui la vendit en 2000 au consortium Arcandor (Karstadt). À la suite de la faillite de Karstadt, en 2009, les sociétés affiliées furent vendues au détail, parmi lesquelles aussi hessnatur. Comme acheteur il y avait en discussion le private-equity-fonds [émetteurs privés de capitaux (rien à voir avec de l’équité là-dedans, le terme est trompeur, c’est une blague terminologique et linguistique « à l’anglaise » ! , ndtDK], Carlyle, à l’époque propriétaire de United Defense l’un des plus grands consortiums d’armement du monde. Les collaborateurs de hessnatur se défendirent de la reprise, en particulier le président du conseil d'entreprise, Walter Strasheim-Weiz. Ils fondèrent une coopérative et purent rassembler plus de capital — au moyen de mises de fonds des clients de hessnatur — qu’en avait offert Carlyle. Effrayé par l’attention du public attirée sur cette affaire, Carlyle se retira. Néanmoins, le président du conseil d'administration de Karstadt, Marc Sommer, ne pensait pas à remettre l’exploitation aux mains des collaborateurs.(10)  — Dans cette situation, j’appris à connaître le président du conseil d'entreprise et fut profondément impressionné par son combat. Au travers de conversations avec d’autres clients de l’entreprise, la question s’éveilla en moi de ce que l’on pouvait faire pour aider les ouvriers. Andreas Schurack, lui-même un client de hessnatur et moi-même, faisions des recherches à ce moment-là à l’Institut pour une tri-articulation sociale auprès de Sylvain Coiplet au sujet de questions économiques.(11)  Conformément à l’état de nos connaissances, nous répondîmes que l’équivalent de la loi, dans le domaine économique, c’est le contrat. La valeur qui doit être ici vendue à un private-equity-fonds, consiste exclusivement dans le contrat, qui vient alors toujours en état lorsque les clients achètent quelque chose. C’est là un fait qui toutefois n’est pas consciemment formulé. Les clients pouvaient donc venir en aide aux collaborateurs en communiquant simplement ce fait. En correspondance à cela nous mîmes en place un site web sur lequel les clients s’inscrivirent et reconnurent en outre qu’ils voulaient acheter des denrées déterminées chez hessnatur.

Un private-equity-fonds eût pu ainsi en conclure que les clients ne voulaient pas entrer dans un telle obligation avec lui. En dépit de cela, Sommer vendit hessnatur, en juin 2012 au private-equity-fonds suisse Capvis et devint lui-même le nouveau gérant de l’entreprise. Il arriva ce qui devait arriver : de nombreux clients ne commandèrent plus, les gains s’effondrèrent de 45%.(12)  Peu après, une rappel à l’ordre me voleta dans la maison — Sommer avait chargé le cabinet Allen & Overy, l’un des plus gros cabinets d’avocats du monde de procéder juridiquement à l’encontre de Schurack et moi. Nous devions tout d’abord payer 200 000 €. Quel ersatz de dédommagement serait finalement demandé, n’était pas encore à prévoir. Jakob Janitzi du cabinet Barkhoff & Partner prit notre défense. Il s’en suivit une confrontation d’usure des nerfs qui finit par un arrangement. Entre temps, Capvis parvint nonobstant à briser la solidarité parmi les collaborateurs de hessnatur. Quelques collaborateurs de hessnatur furent « virés » [guillemets du traducteur DK] parmi lesquels aussi le président du conseil d'entreprise, les restants s’arrangèrent avec le nouveau propriétaire. La coopérative renonça.

Un penser pratique
Nous étions deux, or nous ne fîmes rien d’autre que de rendre visibles des relations entre consommateurs et producteurs en ce qui concerne une seule firme — et ceci avec des moyens excessivement modestes. Étant donné que nous ne disposions d’aucunes données-clients, nous pûmes seulement atteindre une fraction de la clientèle pour pouvoir attirer l’attention sur la situation des travailleurs. Or ceci seulement modifia pourtant déjà fondamentalement les faits économiques concrets pour l’investisseur Capvis. Attendu maintenant que nous n’étions que deux et que la communication entre clients et travailleurs n’eût pas dû être d’abord mise en place par nous ; attendu que cette communication aurait été donnée partout, parce qu’en tant que consommateurs, nous articulions nos besoins et que nous associions avec les travailleurs par des représentants correspondants, lesquels de leur côté se solidarisaient en reprenant la firme ; et attendu que  nous réalisâmes de cette manière seulement un rudiment/début de s’abandonner à la logique particulière de l’économie, au lieu d’exiger « plus de démocratie » [Mehr democratie est une ONG qui milite pour la démocratie directe (voir : https://www.mehr-democratie.de ), ndtDK] — que serait-il survenu alors?

La seule objection à demi-justifiée pourrait se référer au droit de la propriété. L’exemple ci-dessus semble donc montrer que contre la puissance du capital à la fin des fins, n’est quand-même rien à obtenir. En fait cela monte quelque chose d’autre : si les collaborateurs de hessnatur eussent résistés ensemble, au lieu de se laisser diviser, l’exploitation/l’entreprise serait aujourd’hui entre leurs mains. Eu égard à la démission du président du conseil d'entreprise, ils eussent pu débrayer. Pour Capvis, c’eût été alors une question de logistique, mais aussi en considération de l’effet médial/médiatique que cela eût entraîné, il eût été à peine possible de les congédier et de retrouver de nouveaux collaborateurs aussi efficaces. Pourtant les collaborateurs ont agi correctement, aussi loin que sous les conditions actuelles, chacun doit penser de manière primaire à son propre revenu. Or le risque d’une perte de revenu disparaîtra cependant, lorsque les travailleurs se saisissant de l’exploitation pour toutes les branches se réuniront et mettront celles-ci en réseau. En coalition avec tous les autres travailleurs, ils maîtriseront alors pleinement le côté de l’offre, car un travail  pour une entreprise qui veut agir à l’encontre de intérêts des unions/groupement de travailleurs ne sera plus offert. En lieu et place de la grève interne à l’entreprise/l’exploitation pour obtenir le relèvement des salaires, apparaît la mise à disposition du travail dépassant l’exploitation et de celle du poste de travail, la défense commune de l’ensemble des intérêts des ouvriers.

Si maintenant les unions d’ouvriers concluent en outre des contrats avec les unions de consommateurs sur l’écoulement des denrées, alors la puissance des possesseurs du capital d’aujourd’hui passe complètement aux mains des travailleurs et des consommateurs. Une possession de capital qui ne s’oriente pas sur les intérêts des travailleurs et des consommateurs devient alors sans valeur. Au lieu d’une « main invisible », c’est à présent la communication entre producteurs et consommateurs qui détermine la direction du flux de capital. Un investissement dans une entreprise dont les produits ne sont pas demandés et pour lesquels personne ne travaille, serait insensé. Le propriétaire du capital devra dès lors de son côté craindre pour son revenu, dans la mesure où celui-ci n’est pas fondé par une prestation. La pensée libérale de base que l’individu doit pouvoir déployer ses facultés par la libre disposition du capital, serait pour la première fois réalisée, si la possession du capital dépendît de cette manière effectivement de la reconnaissance des facultés particulières de chaque individu.

Le bras militaire de la main invisible
Lippmann ne critique pas seulement l’économie planifiée dans le socialisme et le national-socialisme, mais encore dans le « collectivisme tempéré » du système démocratique. Il refuse tout entrée du pouvoir d’état dans des intérêts de revenu. Il est ici absolument conséquent en ayant à l’œil non seulement les états professionnels isolés, mais encore les sociétés de capital.
 Il veut faire cesser les revenus sans production/prestation ou improductifs, — à savoir ceux obtenus par des moyens de droit, comme le monopole, les protections douanières ou les salaires tarifés provoquant des excédents de recettes. Car un état providence n’interviendrait en vérité, jamais pour le bien d’ensemble en raison de la complexité des contextes/pendants économiques, mais toujours seulement pour défendre des « amoncellements d’intérêts » : « Si nous examinons ces mesures en détail à la loupe, alors nous constaterons qu’elles ne sont pas alléguées à partir « des paysans» ou à partir des « ouvriers » dans leur collectivité, mais à partir de groupes d’intérêts particuliers parmi le monde agricole ou parmi le monde ouvrier ». Lippmann donne ainsi à réfléchir : « Du jour où les états modernes abandonnèrent le principe de Jefferson de ne concéder plus à personne un privilège particulier, ils se sont condamnés  à garantir à tout un chacun des  privilèges singuliers/particuliers. »(13)  Chaque privilège serait pour n’importe quel autre groupe à nouveau un désavantage, de sorte que ceux-ci chercheraient pareillement à atteler la puissance de l’état à leurs intérêts. Ainsi la société s’effondre dans un combat de partage autour de l’asservissement du monopole du pouvoir. Cela conduirait d’une part, à la formation d’une élite politique et financière, d’autre part, à la guerre : « Le conflit interne des peuples [dans la lutte pour les privilèges] s’est métamorphosé en un conflit mondial pour le nouveau partage de la puissance nationale et des prérogatives/privilèges parmi les peuples particuliers».(14)

Lippmann ne perce assurément pas complètement à jour la problématique de la propriété et de la dépendance salariale dans lesquelles on va encore entrer ici. Peut-être l’effleure-t-il en étant parfaitement conscient de rester à la surface. La problématique fondamentale d’un état providence se laisse nonobstant à peine esquisser de manière pertinente. À partir d’un certain point, le combat interne de partage peut seulement être satisfait si la prospérité s’accroît par une victoire dans la lutte pour des privilèges nationaux dans leur ensemble. Mais cela veut dire la guerre. Des états tombent toujours alors dans des conflits guerriers les uns avec les autres, quand ils ne se tiennent pas en vis-à-vis en tant que représentants du droit universel humain, mais en tant qu’avocats d’intérêts économiques ou spirituels-culturels de leurs citoyens. L’état américain des USA, par exemple, doit le plus possible endiguer les relations commerciales entre Allemands et Russes en considération du bien être de ses propres citoyens. C’est pourquoi le gazoduc Nordstream 2 devient politique. Étant donné que la Russie pourrait ainsi contourner l’Ukraine et serait donc moins soumise au chantage, ce pays-ci [l’Allemagne, ndtDK] voit se dévaluer partiellement toute tentative d’intervention occidentale en Ukraine sublimée comme un soulèvement populaire. Cela conduit à des discordances entre les gouvernements fédéraux allemand et US. En correspondance à cela l’UE a récemment voté une nouvelle « directive-gaz », au désavantage du  fournisseur russe Gazprom.(15)  Ce que l’état allemand aurait à faire dans l’intérêt du bien-être de ses citoyens, est plus difficile à juger. Il semble tomber sous le sens pour le moins dans le domaine existentiel de l’économie énergétique de devenir le plus possible indépendant des USA et des états arabes producteurs de pétrole. Mais ensuite la question se pose de savoir comment le gouvernement US réagirait et quelles conséquences cela aurait pour la « position économique » Allemagne. Le gouvernement fédéral procédera donc pour le moins sur deux voies et en outre tentera d’affamer les citoyens de la Russie, en prenant part aux sanctions économiques. Dans un certain sens, la démocratie « gouverne » donc absolument l’économie. À cette occasion, elle peut justement seulement user des moyens dont elle dispose : le monopole du pouvoir d’état et « l’autorité d’état » qui en dérive. Dans l’intérêt du bien-être de ses citoyens, l’état providence forme ces fronts-là, ces alliances et ces conditions préalables géopolitiques qui lui permettent de faire en sorte que la « main invisible » vienne servir les plus gros morceaux du gâteau à son propre domaine étatique.
Et parce que cela fait des états les avocats des intérêts nationaux culturels et économiques, l’époque des états sociaux ou  providence fut donc la plus sanglante jusqu’à présent de l’histoire de l’humanité. En même temps, le pouvoir d’état obtient un alibi convaincant pour pénétrer aussi vers l’intérieur toujours plus profondément dans la vie culturelle et la vie économique. Pour la protection de la « communauté de valeurs libérale-démocratique», doit évidemment être limitée la liberté d’opinion et l’investisseur américain préféré au chinois. Dans l’intérêt du bien-être de ses citoyens, l’Allemagne doit rester « concurrentielle/capable de concurrence », ce qui à nouveau motive la mise en tutelle de la vie de l’esprit par l’état. : les élèves devraient être conduits le plus rapidement possible et au moindre coût sur le « marché du travail », la science doit assurer le « bon en avant technologique » et ainsi de suite. En édictant des lois scolaires et universitaires, régissant des stations « publiques » de radio ou en subventionnant certaines branches économiques, l’état fait lui-même une brèche dans l’espace de droit garanti par le pouvoir, il se fait l’avocat d’une opinion déterminée ou d’un intérêt économique déterminé et est, sous ce rapport, effectivement un état de non-droit — bien entendu : au nom du peuple, qui attend exactement cela de sa part aussi, s'il ne pense pas jusqu'au bout le propre démocratisme dans cette conséquence.

La société de prestation comme fondatrice de paix
Lippmann voit la seule et unique possibilité d’assurer la paix entre les peuples dans une économie, dans laquelle la prestation se tienne face à la prestation et ou personne, pour autant qu’il/elle n’est pas malade ou empêché(e) de travailler pour d’autres raison, puisse percevoir/recouvrir un revenu au moyen d’un quelque droit. Ce serait correct si cela était radicalement pensé. Or l’inventeur du néolibéralisme se cramponne encore lui-même à l’état. Il présuppose notamment que la démocratie serait la seule et unique forme consciente de formation de communauté. Sous cette condition préalable, un renoncement à une immixtion étatique signifie la même chose qu’un renoncement à toute forme d’organisation sur le domaine économique. Or cela mène toujours à de permanentes sur-productions et sous-productions tout comme aux détresses correspondantes, ce qui provoquent inévitablement  à nouveau l’appel à la protection de étatique. Si l’on ne trouve pas la manière associative de gérer, l’état sera donc quand-même de nouveau tenté de mettre son nez dans l’économie [pire, les « hommes d’état » resteront même formés, formatés et instruits régulièrement en fonction des intérêts particuliers de sectes économiques américaines du type de la Trilatérale et du Skill and bones, ndtDK]. Par ailleurs, Lippmann passe sans voir la pure manipulation des échanges de prestation par l’immixtion de l’état : la propriété commerciale/vénale/marchandisable. Généralement, on comprend certes sous le terme de propriété qu’un être humain dispose du libre usage d’un objet et peut empêcher d’autres de le faire. Ce serait dans l’esprit d’une société capitaliste de prestation. En général c’est autre chose qui se présente. En réalité la chose  concernée sera notamment utilisée par les humains qui travaillent dans l’entreprise du moment . Mais ces réels possesseurs ne seront pas protégés. Beaucoup plus souvent la protection de l’état passe au travers d’un tiers, qui ne prend pas du tout part au travail et qui ne veut pas du tout faire usage de la chose. Or celui-ci peut alors tirer un revenu improductif/dépourvu de prestation à partir des prestations des utilisateurs effectifs, parce qu’il a acquis, par achat, la protection de l’état pour un intérêt de revenu. Il s’ensuit que la valeur que connaît la prestation humaine et comment les recettes entre/parmi les participants au marché peuvent être distribuées à cause de cela, ne se donne pas de leur libre échange, mais dépend de qui a le pouvoir d’état de son côté : l’un peut seulement jeter dans le plateau de la balance sa propre prestation, l’autre, par contre, le « droit » à cette base de ce travail. Cela, le directeur du Council on Foreign Relations le masque/l’occulte.

Ici, sera, vis-à-vis de cela exigé que l’état devrait se retirer vraiment complètement de l’économie. Alors, sur le domaine économique, les êtres humains se tiendraient les uns en face des autres avec les mêmes droits et pourraient, sur cette base, négocier librement leurs rapports réciproques. Quel revenu se trouve à la disposition de quelqu’un, si l’un ou l’autre mérite/gagne plus ou moins qu’un autre, cela serait alors seul dépendant de quelles prestations il apporte pour la communauté et comment celle-ci en estime la valeur. Parce ce que du point de vue économique, tous les êtres humains sont dépendants les uns des autres, chacun devrait aussi pouvoir exiger le revenu qu’il doit justement exiger pour mener une vie dignement humaine. Il n’y aurait seulement plus de prestation dépourvue de prestation que quelqu’un extorque à ses semblables sur la base d’un titre de protection d’état. Le directeur d’une entreprise aurait dès lors besoin de la reconnaissance de ses collaborateurs — en premier correctement, quand il revendiquerait pour lui-même une participation plus grande à cette recette générée ensemble. Et celui qui ne veut pas du tout collaborer et désirerait pour cela prélevé un revenu qui ne correspond à aucune prestation, se verrait alors contraint par la nécessité d’en rendre les raisons parfaitement compréhensibles à ceux qui en fournissent. Une société de prestation pensée conséquemment à fond dans cet esprit serait effectivement la condition préalable pour une vie en commun paisible.


1 Traduit comme Walter Lippmann : >Die Gesellschaft freier Menschen< (La société d’humains libres), Berne 1945.
2 Cf. op. cit. p. 285 et suivantes et p. 301.
3 op. cit. p. 297.
4 Alexander Rüstow :
>La religion de l'économie de marché<, Berlin 2009, p. 50.
5 Cf. Friedrich August von Hayek :
>Recht, Gesetzgebung und Freiheit (Justice, législation et liberté)- Vol. 2 : L'illusion de la justice sociale, Landsberg a.L. 1981, p. 122.
6 Walter Lippmann : op. cit., S. 276.
7
www.berliner-zeitung.de/politik-gesellschaft/ mietendeckel-entlastet-berliner-mieter-um-25-milliarden-euro-li.2072
8 Milton Friedman :
>Chancen, die ich meine< (Chances, auxquelles je pense), Frankfurt a.M. 1980, p. 26.
9 Cf. Johannes Mosmann : La cause cachée du changement climatique, in : die Drei 12/2019.
10
www.dreigliederung.de/themen/hessnatur
11 Sur l'Institut
pour une tri-articulation sociale et ses services, voir www.triarticulation.fr
12
www.dreigliederung.de/news/12083101
13 Walter Lippmann : op. cit. p. 296.
14 op. cit., p. 188.
15 www.manager-magazin.de/unternehmen/en-ergie/nord-stream-2-klagt-gegen-neue-eu-gasrichtli-nie-a-1279177.html