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v. 01 - 31/01/2021

La domination d’un esprit mort

Johannes Mosmann,  die Drei 3/2009
Original en allemand

Sur l'évolution historique de la spéculation financière et les conditions de vie d'une vie spirituelle libre

Nous faisons don d'argent et nous laissons donner de l’argent. Chacun de nous fait cela, tous les jours - et personne n'en sait quelque chose. Mais le système économique et financier actuel est basé sur de telles donations. Nous y sommes contraints par une institution de droit qui n'a aucun fondement dans le sens de la justice des humains vivant aujourd'hui, mais qui est enracinée dans un esprit qui est déjà mort depuis plusieurs centaines d'années. Nous cachons cela avec des concepts qui semblent plus modernes que la réalité archaïque de nos actions. Dans l'ombre de notre conscience, une vie spirituelle de nos donations contraintes peut ainsi se nourrir, qui travaille contre l’évolution de l'humanité – la contre image de la vie de l’esprit libre.

Dans ce qui suit, je vais localiser cette donation obligatoire dans nos échanges quotidiens en retraçant l'institution de droit dont elle provient dans son développement historique et l’amène ainsi en évidence. En rattachement, je demanderai quelles sont les conséquences du financement contraint de la vie de l’esprit pour la vie de l’esprit d'un côté et pour ses soutiens de l'autre, et à quoi pourrait ressembler le financement contemporain vis-à-vis de cela. Je citerai aussi à l'occasion Rudolf Steiner, dont les réflexions sur l'histoire en rapport avec son idée d'un tri-articulation sociale ont donné l'impulsion pour ce travail.

Le pouvoir du père
Dans la Rome antique, le pater familias exerçait, en vertu de sa potestas (force), la domination sur les humains, les terres et tous les biens meubles, bref, sur tout ce qui se trouvait à l'intérieur d'une limite déterminée. Il n'y avait donc aucune différence entre la domination sur des personnes et la domination sur des choses ; toutes deux étaient d'abord simplement appelées manus (main). Et ce qui était entre les mains du pater familias, il l’appelait familia, donc à la famille appartenaient aussi les biens dépourvus de vie.(1) Conformément à la façon dont le Romain comprenait la nature des choses qu'il dominait, il a alors progressivement distingué au sein de ce concept général de domination trois concepts partiels. Dans les Pandects (2), il était question à cause de cela de : "Potestas" a plusieurs significations : Pour le magistratus, c'est l'imperium, appliqué aux enfants c'est la patria potestas, et en rapport aux esclaves c'est le dominium "(3)

Cette différenciation du concept de pouvoir s’en est d’abord formée progressivement. A l’origine, il n'y avait aucune différence entre des apparentés et des esclaves. Les patriarches vendaient leurs enfants et achetaient à nouveau les enfants d’autres, qu'ils considéraient alors comme leurs véritables apparentés. Ce qui les unissait tous, c'était le père, et c’était partout, jusqu’à l'endroit où se trouvait un autre père. Cela a alors déterminé, en quelque sorte, les limites d'un "terrain". A l’intérieur de ces limites, le pater familias était en même temps le juge des humains. S'il en avait envie, il pouvait tuer les humains qui se trouvaient dans son domaine de pouvoir, car ces humains lui appartenaient au même titre qu'une partie de son corps lui appartenait. Ce que les habitants du sol élaboraient passait immédiatement dans le dominium de leurs pater familias. Le fils aussi devenait seulement libre quand le père mourrait, et alors seulement pouvait acquérir des choses pour lui-même.(4)

La représentation que le patriarche régnait sur le sol n'a donc aucun sens. Pour notre esprit moderne, elle aimerait avoir une certaine saveur, mais elle n'a rien à voir avec la réalité. Le pater familias régnaient sur des humains, et des humains vivent donc une fois sur le sol. Si l'on abstrait de ce rapport de force/pouvoir, on peut dire que le sol lui appartenait, mais cette abstraction ne contient au fond aucune réalité, aujourd'hui aussi. Le réel est aussi autre chose aujourd'hui.

A l’intérieur du domaine de pouvoir du pater familias, la ius civile, la loi civile, n'avait aucune validité. La loi ne réglait pas l’échange entre les individus, mais l’échange entre les patriarches. La table des douze lois en particulier, dans laquelle une impulsion individualiste est volontiers projetée, révèle l'exclusivité du droit romain : après tout, elle règle essentiellement des questions qui n'affectent directement qu'une seule personne capable de gagner sa vie, et c'était exclusivement le patriarche. Les peu de passages dans lesquels des apparentés et des esclaves sont mentionnés confirment en dehors de cela que les deux tombent sous le droit des choses, et qu'un esclave n'était même pas considéré comme capable de se rendre coupable.

Il est vrai que le pouvoir de disposition d'un dominus (maître de maison, c'est-à-dire le pater familias) sur son domicile a certes subi certaines limitations par le droit romain, mais pour l’essentiel en rapport des droits des autres domination de maison. Sur base de la loi, par exemple, un maître de maison devait autoriser la traversée de ses terres, n’avait la permission d’ensorceler les légumes de son voisin, etc. Son rapport aux humains qui habitaient sur le sol en restait non affecté. Et dans ce rapport, les humains étaient comme les membres non indépendants des maîtres de maison. Le patriarche était, dans une certaine mesure la tête d'un organisme et dirigeait son histoire, tandis qu’enfants et esclaves lui fournissaient des nutriments. C'est pour cet organisme que les droits s'appliquaient, et non aux personnes qui en faisaient partie. Le pouvoir de l'État à Rome avait donc une limite dans le clan. Ce qui se trouvait derrière cette limite ne le concernait pas. Vis-à-vis de l'État et les autres clans, cette frontière était appelée dominium.

L’État dans l’État apparaît
Chez les peuples germaniques, des rapports  d'abord tout autres s’étaient développer qu’a Rome. Leurs chefs, les princes, avaient toujours été élus. Cela a eu lieu lors de la "Dingfest" annuelle (NDT Ding = chose, fête de la ou des choses). La Dingfest n'était pas purement une fête cultuelle, mais aussi le tribunal. Un prince présidait certes cette cour, mais trouver le jugement revenait au peuple présent.(5)
Un dominium au sens de la domination, il n’y avait pas chez les Teutons/Germains. Et ainsi, en ce qui concerne la fréquentation des fonds et des sols, il avaient développés de tout autres rapports. Volontiers sur base des raids constants, une division du travail était apparue, par laquelle les uns étaient devenus agriculteurs, les autres guerriers. Les paysans nourrissaient les guerriers pour ce qu’ils combattaient pour eux. Les "contibutions" des paysans n'étaient donc pas fondés par une domination des guerriers, mais faisaient partie d'un échange de prestations. Cette compréhension de la relation entre guerriers et paysans trouve encore un écho dans le Schwabenspiegel, un code de droit qui n'a été écrit qu'en 1275 et donc à une époque où les contrats étaient déjà rompus : "nous devons servir les seigneurs afin qu'ils nous protègent. S'ils ne nous protègent pas, ainsi nous ne sommes pas obligés de les servir conformément aux droits".

"Ces relations ont cessé ... par le fait que progressivement certains droits que les individus avaient ... ont été transférés à des princes particuliers, ce qui n'était absolument pas un processus économique, mais politique. [ ... ] Avec le transfert des droits, ce qui était là pour la protection de fonds et sol a aussi été transféré. Il devient alors nécessaire pour le prince de garder les armées. Pour cela, bien sûr, il a dû exiger une taxe.
L'État dans l'État a vu le jour. Peu à peu est arrivé ce qui est si difficile pour nous aujourd'hui, la systématisation du système fiscal. Cela a été ajouté à l'autre, mais l'autre, curieusement, est resté ! Il a perdu son sens, car celui qui était désormais le grand propriétaire foncier n'avait plus besoin de dépenser quoi que ce soit pour la protection de la terre, car celle-ci était désormais le fait du prince territorial ou de l'État. Mais la rente foncière est restée quand même. Et elle est progressivement passée, avec la nouvelle vie économique, dans la circulation ordinaire des marchandises. Comme le lien entre la rente foncière et la terre a perdu son sens, la rente foncière a pu être transformée en objet de profit. C'est une pure absurdité qui est devenue réalité. Il y a quelque chose dans le processus de circulation des valeurs qui, au fond, a complètement perdu son sens, mais qui s'échange aujourd'hui comme une marchandise. « (6)
Ainsi, bien qu'ils ne remplissent plus leur part de l'accord, les anciens guerriers continuent à réclamer la "contreprestation" des paysans. Cela a été rendu possible pour eux par le fait que le droit était devenu un droit savant et que le juridiction était passé aux nouveaux seigneurs. Les chercheurs ont examiné l'héritage des Romains et ont constaté que le présent y correspondait bien, si l'on interprétait maintenant les circonstances comme si eux-mêmes avaient un dominium directum (propriété supérieure), alors que leurs sujets avaient, au mieux, un dominium utile (propriété usufruitière). Ils ont nommé la "communauté" de seigneurs du sol et ????? familia d'après le modèle romain. Ainsi, vers la fin du Haut Moyen-Âge (7), s'établit ce qui était encore impensable chez les peuples germaniques : la domination du sol (8) comme identité de la domination sur des choses et de  domination sur des humains.

Partout, le seigneur foncier conquit la prétention sur le rendement du travail de l’humain. En plus de la taxe pour l'utilisation des terres,vinrent au moyens de droits de ban, des taxes pour l'utilisation des moulins, des fours et d'autres moyens de production, ainsi que pour le droit de pêcher ou de chasser. Celui qui possède la terre possède aussi les biens qui y sont produits. De plus, il n'était pas rare que la personne du possesseur du foncier réunisse le chef spirituel et le juge séculier. En outre, de nombreux seigneurs fonciers ont obtenu une immunité, ce qui signifie que les personnes vivant et travaillant sur les terres concernées n'étaient plus responsables devant le roi, mais seulement encore devant leur seigneur foncier, et devaient aussi verser à celui-ci tous les autres impôts.
Les domination foncières avaient donc en tous points le caractère de petites monarchies, et la domination foncière médiévale était une sorte d'État dans l'État. Les humains devaient payer des impôts aux deux États, à tel point qu'ils pouvaient à peine survivre. L'État dans l'État n'avait pas à craindre la résistance de ses "citoyens", car lorsque le pouvoir militaire est passé des anciens guerriers aux princes territoriaux, et que les prélèvements aux guerriers, maintenant au chômage, ont ainsi perdu leur sens, comme le remarque Rudolf Steiner, il s'est passé quelque chose d'étrange : le pouvoir n'est pas seulement passé aux princes, mais s’orienta ensuite contre ceux qui cultivaient le sol. La protection des paysans est devenue la protection des seigneurs fonciers devant les paysans.(9)
La tâche essentielle des princes territoriaux était de faire valoir les revendications des maîtres fonciers souvent cléricaux contre leurs sujets. C'était juste au moment où l'État territorial commençait à se former, et donc quand l'État territorial moderne a vu le jour, une deuxième constitution, celle des seigneurs fonciers, a été tirée dans dans la constitution de l'État.

Le début de la spéculation
Au Haut Moyen-Âge, la domination foncière n'était pas seulement une attribution abstraite du sol à une personne, mais, visible pour chacun, c'était en même temps son pouvoir réel sur le sol et les humains y vivant et y travaillant. Lorsqu'à la fin du Moyen Âge, avec le développement de la production basée sur la division du travail, le centre de la vie s'est déplacé de la campagne vers les villes, de nombreux seigneurs fonciers ont renoncé à l'utilisation de leurs terres et ont migrés dans les villes, sans pour autant renoncer à la domination sur leurs terres. Leur propriété de fonds et sols est devenue abstraite. Les seigneurs n'avaient plus besoin d'utiliser la terre eux-mêmes, tandis que ceux qui l'utilisaient devaient à leurs seigneurs le produit de leur travail.
Le développement de cette affectation abstraite du sol à un seigneur a été facilité parce qu'avec la division du travail croissait aussi l'économie monétaire. Les seigneurs fonciers pouvaient désormais laisser à la fois la direction du travail sur leur domaine qu’aussi la vente des marchandises à des suppléants contre un loyer/bail, et limiter entièrement leurs propres activités à consommer : la croissante diffusion de la plus confortable domination de rente foncière marque le début de l'ère moderne.
Le début de la spéculation

Maintenant, le mouvement inverse a commencé. Des commerçants qui avaient gagné de l'argent en ville ne savaient souvent pas quoi faire de tout cet argent, et ont donc acquis les parcelles de terrains des seigneurs fonciers lièes aux droits de bans, aux magistratures et aux recettes fiscales en tant qu'investissement en capital. C'est ainsi que la constitution de la famille romaine antique elle-même est passée dans la circulation des marchandises.

Depuis lors, l'ancienne constitution de la famille romaine, qui ne connaît  encore aucun individuum et donc pas encore de droit dans notre sens, a circulé dans la circulation des marchandises. Quiconque conquiert, hérite ou achète une terre se rend possible un rapport avec d'autres humains selon cette constitution, qui, selon Rudolf Steiner, "amène en dépendance de lui-même d'autres humains qui, pour leur subsistance, sont employées par lui pour travailler sur cette terre ou qui doivent y vivre" [10].


La domination foncière aujourd'hui
Avec la propriété à fonds et sols et des autres moyens de production,  est  inclut en notre droit quelque chose qui n'est pas pensé légal/juridique du tout, ce qui, où c’est appliqué, abroge le droit dans lequel c’est inclus. C'est le pouvoir d'accorder des droits, tout comme le pouvoir de déterminer l'activité d'autres humains, ainsi que le pouvoir de se financer une activité purement spirituelle - une domination englobante sur les trois domaines de la vie humaine, donc. La propriété au sol et aux moyens de production a donc avec cela un caractère de constitution ; sur sa base, apparaissent les groupement/concentrations en tant qu'États dans l'État. Le pouvoir des conglomérats se fonde basé sur la protection de la propriété, sur ce que l'État ne protège pas les droits des humains, mais sur le rapport d'injustice dans laquelle le donneur l’employeur/le donneur de travail, par la propriété au sol et aux moyens de production, vient aux humainss qui travaillent sur le sol ou aux moyens de production - mais qui, par cette protection de l'État, travaillent alors non pas pour la communauté, mais pour leur dominus.

D'une façon ou d'une autre, chacun d'entre nous paie des cotisations à son dominus. Le loyer, par exemple, n'est pas en soi un paiement pour une marchandise, mais une charge traditionnelle pour l'utilisation. Sous forme de loyer ou de location, une partie du rendement de notre travail est versée à des humains qui, de ce fait, disposent d'un revenu dépourvu de prestation, sont exemptées de travail et peuvent ainsi se consacrer à d'autres choses, comme la culture de la vie spirituelle et culturelle. Leur domination est donc une domination de rente foncière.

Cependant, où le sol est moyen de production, l'autre forme de domination foncière, encore plus ancienne, persiste à côté de la domination de rente foncière, dans laquelle l'argent n'a pas encore rendu abstrait le rapport entre dominus et servi, mais dans laquelle les subordonnés doivent encore après comme avant remettre à leur seigneur les biens qu'ils ont produits. Dans cette forme, les dépôts/débours ne sont pas si facilement reconnaissables en tant que tels, car là,  ils sont, comme le dit Rudolf Steiner, "cachés". Car celui qui peut se dire propriétaire de la terre ou du moyen de production sur lequel ou avec lequel le travail est effectué interprète son rapport à l’humain travaillant comme si les marchandises qu'ils produisent lui appartenaient et qu'il leur versait un salaire sur la contre-valeur des marchandises dès qu'il les avait vendues. Sur la base de son titre de propriété, il réclame donc pour lui-même le produit du travail d’autres humains. Mais la vérité est que les travailleurs le paient, lui, l'employeur présumé, notamment en lui donnant les biens qu'ils ont produits. Seulement, ils paient beaucoup trop. En effet, le dominus ayant reçu le pouvoir sur les humains, il ne doit  produire aucune contre-prestation correspondante. Il achète maintenant aux travailleurs, non pas les marchandises, mais leur force de travail, et d’ailleurs à partir de la recette des marchandises que les travailleurs ont produits[11].

Un peu plus difficile à saisir est une forme finale de manipulation du rapport de prestation par le spectre/fantôme médiéval romain. Si, par exemple, un forestier et un agriculteur se font face et que l'agriculteur a besoin de bois, cela le rend dépendant du forestier, même si le forestier a moins fait pousser les arbres que l'agriculteur n'a fait pousser le grain. Mais le forestier a le droit de disposer de la forêt. Le prix que le forestier demande pour le bois inclut désormais plutôt le droit de disposer de la terre, alors que dans le cas de l'agriculteur, le prix est déjà davantage couvert par sa prestation. Un échange de marchandises contre des droits a lieu[12].

La disproportion qui s'établit entre le forestier et l'agriculteur par nécessité est, en quelque sorte, l'archétype de l'institution de la propriété à fonds et sols selon le droit actuel. Dans le Cours d'économie nationale, Rudolf Steiner résume ainsi la situation : "... sous l'influence de ces rapports de droit et de pouvoir, ce qui se passe continuellement, c'est que l'intéressé, qui a le libre droit de disposer de fonds et sols, se dédommage mieux lui-même mieux qu'il ne dédommage les autres qu'il appelle à travailler, qui lui fournissent les produits par le travail. Je ne parle donc pas maintenant du travail, mais du produit du travail. Car ce sont ces produits du travail qui entrent en ligne de compte. Il doit lui livrer plus - c'est seulement la poursuite de sa conquête, de son rapport de droit – il doit lui être délivré plus qu'il ne donne aux autres. Qu'est-ce donc que ce qui est livré plus là qu'il ne donne aux autres, ce qui falsifie le rapport de prix, qu'est-ce que c'est ? Oui, ce n'est rien d'autre qu'une donation forcée. Vous avez donc ici le rapport de donation qui intervient, à la seule différence que celui qui a à le faire ne le fait pas de libre volonté, mais est forcé de le faire. Une donation forcée intervient. C'est le cas ici en ce qui concerne fonds et sols. Mais par la donation sous contrainte, on augmente essentiellement le prix qui devrait être le prix d'échange des produits fabriqués sur fonds et sols."[13].

Le tenancier foncier moderne doit payer une première partie de ses taxes lorsqu'il habite et paie un loyer, une deuxième lorsqu'il travaille et laisse le produit de son travail au propriétaire des moyens de production, et une troisième lorsqu'il consomme et co-paye la valeur qui est incluse pour les droits de propriété dans le prix des marchandises. Partout, le sol est interposé, et à travers le sol, il fait donation de sa prestation au lieu de l'échanger.

Le bras long du patriarche
À la fin du XIXe siècle, des soi-disant pandectologues ont entrepris de créer un livre de droit aux Allemands. Dans ce code, ils incluaient le dominium sous le nom de "propriété". On se souvient de la définition du dominium dans le Pandekten, sur lequel les chercheurs du Pandekten ont modelé le code de loi : "Le pouvoir a plusieurs significations : Pour le magistratus c'est imperium, appliqué aux enfants c'est patria potestas, et par rapport aux esclaves c'est dominium". Ce code régit aujourd'hui nos relations juridiques ; il s'agit de notre code civil (BGB).

La propriété n'est pas seulement la traduction linguistique du dominium, mais elle représente le dominium romain. Certes, avec le droit romain, nous avons également repris les restrictions du pouvoir des pater familias. Cependant, bien qu'au cours du développement de l'Empire romain, le pouvoir du patriarche ait été progressivement quelque peu restreint, il n'a pas été remis en cause. La loi compte plutôt avec le patriarcat. Le droit romain est toujours basé sur le pouvoir des pater familias en tant que réalité spirituelle. C'est pourquoi ce qui a été socialement conçu dans le droit romain préserve précisément cet esprit ancien dans notre époque, où il est adopté dans notre droit.

Pour la première fois, les Romains ont abstrait le droit de la race et du peuple et l'ont honoré en tant que tel. C'était sans aucun doute une avancée. À Rome, cela signifiait qu'en principe "tout humain" pouvait avoir les mêmes droits. Seulement, dans ce contexte, humain ne signifie pas individu. L'affirmation de l'individualité est un phénomène des temps modernes. Le droit romain compte avec le clan, tout comme nous, dans notre sentiment du droit, nous comptons avec l'individualité humaine.

La propriété est ce à quoi le droit se heurte, là où elle a ses limites. Le paragraphe 903 de notre code civil n'exprime rien d'autre, lorsqu'il dit : "Le propriétaire d'une chose peut, dans la mesure où la loi ou les droits de tiers ne s'y opposent pas, traiter la chose comme il l'entend, et exclure les autres de toute ingérence". Ainsi, le droit pointe au-delà de lui-même vers la sphère dans laquelle le législateur n'a rien perdu, car la liberté est censée y régner. Mais aujourd'hui, en assimilant la propriété au dominium médiéval romain, ce n'est pas la sphère de l'individualité humaine que le droit met à sa place. Ici, ce n'est pas à l'individu que la loi rebondi, mais groupe d’humains ordonné d’après le modèle de la domination familiale romaine. C'est le soubassement de notre droit "libéral".

Avec la propriété aux fonds et sols, la structure familiale hiérarchique, fermée contre la loi, a été abstraite du sang et a été faite condition préalable pour notre droit. En fait, une deuxième constitution est incluse dans notre constitution. Cette constitution se tient en contradiction de la vraie, la fait exploser de l'intérieur. Elle ammène les humains dans une relation qui correspond à celle du patriarche et de l'esclave.

Les conditions de vie de la vie spirituelle libre
Celui qui travaille spirituellement a besoin, pour la satisfaction de ses besoins corporels, avant tout du surplus de travail des humains qui travaillent corporellement. Il doit pouvoir s'épargner à lui-même le travail corporel qui est nécessaire pour produire ce qui lui est nécessaire pour vivre. Ce travail doit ensuite être fait pour lui par un autre.
À l'heure actuelle, un humain peut s'épargner le travail corporel en ve qu’il s’amène en possession d’un quelque droit de propriété. Quelqu'un hérite d'une parcelle de terrain, par exemple, et cela définit alors le rapport dans laquelle la prestation de cet humain est amenée à celle d'un autre humain.

La répartition des rôles et des tâches n'est donc pas établie par les humains eux-mêmes selon des points de vue rationnels, mais les humains se retrouvent plutôt dans les rapports de quelque chose qui se soustrait à leur conscience. Il s'agit d'un automate. Et si notre vie commune peut encore être tournée vers le bien dépend uniquement du fait que nous réussissions à remplacer cet automate par l'humain agissant consciemment et par libre raison.
Aujourd'hui, l'esprit vient dans le monde différemment qu'il y a 3000 ans. Ce n'est plus un esprit-clan, mais lié à l'individualité. En même temps, les exigences que l'humanité a à maitriser sont incomparablement plus grands aujourd'hui. Nous devons donc nous poser une question qui n'était pas pertinente pour les Romains : comment l'humanité reçoit-t-elle les idées dont elle a besoin pour maîtriser ses exigences ? Et puisque chaque idée aujourd'hui est une idée élaborée individuellement, cette question est identique à l'autre : Pour le plus grand bien de tous, de quoi doit-il dépendre qui est libéré du travail corporel et favorisé d'une donation ?
Les humains qui n'ont pas confiance en leurs semblables croient que la perversion spirituelle qui envahit actuellement les chambres d'enfants par le biais des médias vient du fait qu'on laisse les besoins du peuple décider de la production culturelle plutôt que d’une quelque autorité. C'est une erreur. La production de chaque émission populaire de la télévision allemande, par exemple, dans laquelle les visages de jeunes femmes en situation d'insécurité sont retravaillés pour l'amusement général ("The Swan  - Endlich schön"[Le cygne - Enfin beau], Pro Sieben [Pro sept]), doit, comme tous ces événements, être financée par des donation contraintes, quelque peu de la "plus-value" qui peut être incluse dans le prix des marchandises en raison des droits de propriété. Si on nous avait demandé à l'avance si nous voulions payer cela, alors l'argent pour de telles perversions se serait jamais rassemblé.

L’humain qui est justifié à recevoir une donation n'est plus identique aujourd’hui au bénéficiaire d'un rapport de coercition de quelque nature que ce soit. C'est pourquoi nous devons consciemment et volontairement faire naître l'esprit qui doit produire un effet. Mais cela ne peut se faire que d'une seule manière : Parce que l'esprit vient au monde aujourd'hui par la libre activité de l'individu, le donataire peut aussi seulement être trouvée aujourd'hui par la libre reconnaissance de l'individu qui donne. C'est l'hygiène à laquelle la vie spirituelle doit se soumettre : Il faut demander aux personnes qui rendent la vie spirituelle possible grâce au travail de leurs mains quand elles veulent donner, quel esprit elles souhaitent nourrir. Des donations authentiques doivent remplacer les donations contraintes.

Celui qui est vraiment appelé à être un travailleur spirituel ne doit pas craindre la conscience des humains. Car un esprit sain a un effet fertilisant sur le travail et trouvera donc aussi la compréhension des humains travaillant. Seul un esprit stérile, qui n'est pas voulu par les humains, doit se forcer son existence en manipulant la relation de prestation.

Notre vie de l’esprit actuelle se comprend d’une statistique de l'économie mondiale comme celle-ci : en 2007, le prix du blé dans ce qu'on appelle le Tiers Monde a augmenté de 180 %, alors que les téléviseurs fabriqués dans ces pays ou à partir de matières premières provenant de ces pays sont devenus 14 % moins chers en Allemagne au cours de la même période. Cela signifie que les personnes qui doivent produire des bêtises qui ne nous divertissent même pas vraiment sont si mal payées qu'elles meurent de faim, ce qui nous permet de nous permettre ces bêtises. Si nos droits de propriété archaïques ne jouaient pas ici un rôle dans l'économie, c'est l'inverse qui se produirait : Parce que les gens du soi-disant Tiers Monde devraient prendre plus d'argent pour leur travail en raison de l'augmentation du prix du blé, les "produits culturels" deviendraient plus chers pour l'Occident. Les peuples du Premier Monde ne pourraient alors s'offrir les instruments techniques de leur débauche culturelle que si, en contrepartie, ils réduisaient quelque peu leur gloutonnerie et grossissaient un peu moins vite. Mais cela signifierait qu'ils devraient commencer à faire des choix dans leur vie culturelle et spirituelle.

Le fait que les divertissements deviennent de moins en moins chers pour nous, plutôt que plus chers, est entièrement dû au fait que l'État pousse la relation entre la vie économique et la vie spirituelle dans le squelette rigide de l'esprit romain mort. Les humains du Premier Monde, sous la protection de la puissance militaire de la communauté d'États dite "internationale", insèrent les peuples du Tiers Monde dans leur dominium en acquérant des biens fonciers, des moyens de production, des gènes, des idées, etc. Les valeurs économiques sont ainsi "affinées" : Le Sud meurt de faim en échange de la dégénérescence d’âme et spirituelle du Nord.

La perversion culturelle et la famine ont la même racine : le squelette de la familia romaine. Rien ne peut pousser de cette racine qui est en harmonie avec les lois du développement de l'humain vivant aujourd'hui. Toute croissance supposée à partir de cette racine est en réalité une croissance cancéreuse, ce qui, pour un observateur superficiel seulement, est à l'avantage de celui en qui la croissance s'est formée. Nous devons déraciner la racine de notre déclin et mettre à sa place une propriété qui compte avec la source de tout développement ultérieur de l'humanité : avec l'individualité spirituelle de l'humain.

Concrètement, il s'agit d'aménager notre propriété de telle sorte que la propriété de terres ou de moyens de production ne donne plus droit en même temps à la réception d'une donation, de sorte que, par exemple, sur la base de la propriété d'une entreprise, on ne peut plus aussi se servir du produit des biens produits dans cette entreprise. Cela signifie aussi que la propriété est subordonnée à la capacité du demandeur respectif à cette propriété, et que dans le cas où cette capacité n'existe plus, ce droit doit être transmis gratuitement à une personne capable. Et pour chaque individu, cela signifie, enfin, qu'il peut donner l'argent qu'il devait jusqu'à présent donner aux titulaires de droits éventuels là où il en voit lui-même une utilisation productive, tout comme, à l'inverse, s'il se tient pour un génie, ses revenus dépendent du fait qu'il trouve des humains qui le tiennent aussi pour un génie.

Il n'est pas nécessaire d'attendre une initiative du législateur, qui ne viendra jamais de toute façon. Il existe en effet des moyens de transformer son propre rapport de location, ainsi que sa propre possession, de telle sorte que, d'un côté, les paiements pour des prestations s’écoulent de nouveau et que, de l'autre côté, les argents de dons soient libérés. Quiconque veut s'attaquer sérieusement à un concept de propriété au sens de la tri-articulation doit d'abord se familiariser avec le fonctionnement du Syndicat des maisons de location (voir ci-dessous). Leur modèle, contrairement aux initiatives anthroposophiques dans ce domaine, ne dépend pas de fondations ou autres et peut aussi être appliqué aux moyens de production.

Initiatives pour la mise en œuvre d'un droit de propriété contemporain


L'objectif du Mietshäuser Syndikat (Sybdicat des maisons de location) et de la Stiftung trias (Fondation trias) est de permettre les aspects positifs de la propriété foncière, tels que le libre pouvoir de disposition de l'utilisateur du sol, et d'éliminer durablement les aspects négatifs, tels que le chantage exercé par quelqu'un qui n'utilise pas le sol lui-même.

Syndicat des maisons de location
Le syndicat a été fondé à Fribourg en 1983 et comprend aujourd'hui 71 projets de maisons dans toute l'Allemagne. Aucune des propriétés ne peut plus jamais être achetée ou vendue. Néanmoins, les résidents ont des droits de propriété complets. C'est ainsi que cela fonctionne : Les locataires d'une maison veulent libérer leur propriétaire du fardeau de la propriété. Pour ce faire, ils forment un Hausverein(association de maison). L'association de maison crée à son tour une Hausbesitz-GmbH société à responsabilité de possession de la maison). Le Hausverein participe à la Hausbesitz-GmbH avec 12 400 euros, le syndicat avec 12 600 euros. Le syndicat est la fédération de toutes les associations de maison existantes, et les locataires participent à la Hausbesitz-GmbH de deux côtés : par l'intermédiaire de l'association de maison et par le syndicat. La Hausbesitz-GmbH achète maintenant la maison. L'argent pour cela provient en partie de la banque, en partie de prêts directs des Hausbesitz-GmbH déjà libres de dettes. Le prêt est remboursé par le biais du loyer, qui est généralement de 3 à 4 euros par mètre carré et donc bien inférieur à l'indice des loyers. Une fois le prêt remboursé, les locataires se paient eux-mêmes le loyer. Dans un sens, le loyer est libéré et est disponible comme capital pour la Hausbesitz-GmbH. Idéalement, ce capital devrait être utilisé pour entretenir la maison et financer de nouveaux projets. Au sein de la GmbH, les droits de vote sont répartis de manière à ce que l'association d'habitation ait le plein pouvoir de décision - à une exception près : si elle veut vendre le projet ou le capitaliser d'une autre manière, le syndicat le bloque. Ainsi, un changement de propriétaire ne se fait plus par achat, mais par des personnes qui viennent d'emménager ou de déménager. Les dépôts peuvent être récupérés lorsque les gens déménagent, mais sans intérêt. Le syndicat est toujours ouvert à de nouveaux projets, les conseils des architectes, avocats et autres experts du syndicat sont gratuits, si le projet échoue, aucune dette n'est contractée.
www.syndikat.org

Fondation trias
La Fondation trias utilise les droits de construction héréditaires, qui permettent à la loi de séparer la pleine propriété d'une maison de la propriété du terrain sur lequel elle se trouve. La fondation conserve la propriété du terrain, mais accorde la propriété de la maison en échange du paiement d'un "loyer foncier". La maison n'est donc pas louée, mais devient la propriété du locataire pendant 99 ans. Le "patrimoine" que la fondation conserve sous la forme du terrain, ainsi que le revenu du loyer foncier, ne peuvent être utilisés que conformément à l'objectif de la fondation, qui est la création de nouveaux espaces de vie pour des projets sociaux et écologiques. De cette manière, le terrain est définitivement retiré du marché immobilier et le propriétaire de la maison peut être sûr que le sol sur lequel repose son projet ne sera pas ébranlé par la spéculation. De plus, il sait que son bail ne sera pas investi dans des bêtises, mais exclusivement dans de nouveaux projets du même type.

www.stiftung-trias.de

Initiatives supplémentaires :
Fondation Edith Maryon
Vivenda
Fondation Aktion Kulturland
Fondation pour l'avenir de l'agriculture

1] Rudolf von Jhering : Geist des römischen Rechts (Esprit du droit romain), Vol. II, Darmstadt 1954, p. 156.
2] Compilation du droit romain classique publié par Justinien Ier en 533 après J.-C. et des ouvrages de droit romain les plus influents.
3] 3 Paulus : Digestes (= Pandekten), 50.16.215.
4] Cf. Paul Jörs/Wolfgang Kunkel : Römisches Privatrecht (Droit privé romain), Heidelberg 1949.
5] Richard Schröder : Histoire  allemande du droit, Volume I, Leipzig 1912, pp. 1-16.
6] Rudolf Steiner : Comment travailler pour l'impulsion de la tri-articulation sociale ? (GA 338), Dornach 1969, p. 172.
7] Je suis conscient qu'avec cette détermination du temps, je m'écarte de l'opinion répandue selon laquelle le même phénomène doit être placé beaucoup plus tôt.
8] La domination foncière est un phénomène indépendant à côté du système féodal et ne doit pas être confondu avec celui-ci.
9]Thomas Simon : Grundherrschaft und Vogtei, Francfort-sur-le-Main 1995.
10] Rudolf Steiner : Les points clés de la question sociale (GA 23, tb 606), Dornach 1980, p. 58.
11] Cf. Rudolf Steiner : Les points clés de la question sociale (AG 23, tb 606), Dornach 1980, p. 77 ; voir aussi son Cours d'économie nationale (AG 340, tb 731), Dornach 1996, p. 99.
12] Cf. Rudolf Steiner : Cours d'économie nationale, op. cit. p. 99-103.
13] Rudolf Steiner : Cours d'économie nationale, op. cit. p. 99.