triarticulation

Institut pour une triarticulation sociale
(contenu spécifique au site français)
Conditions d'utilisation.

Accueil

 

Deutsch English Dutch Skandinavisk Français Italiano Español Português (Brasileiro) Russisch
Recherche
 contact   BLOG  impressum 

retour page thématique

HERMANN POPPELBAUM

La nécessité de nouvelles représentations de la fonction des nerfs.

[Première publication dans : Das Goetheanum, vol. 11, n° 29, p. 232-233, Dornach 1932.]
trad. FG v.01 - 12/06/2022

Les idées obsolètes/vieillies ont souvent une étonnante capacité d'inertie. L'expérience peut les avoir minées depuis longtemps, et pourtant elles tiennent quand même encore debout.

On peut le constater particulièrement bien dans un problème particulier de la recherche sur la vie, la physiologie nerveuse. En même temps, on peut montrer comment, dans la recherche spirituelle de Rudolf Steiner, la nécessaire nouvelle représentation préparée depuis longtemps. C'est pourquoi en est informé ici.

Depuis plus d'un siècle, on a voulu déduire le mouvement du corps animal et humain de la transmission d'un stimulus du centre nerveux à la musculature. On pensait que ce stimulus naissait dans le cerveau ou la moelle épinière et qu'il était transmis par un nerf au groupe musculaire concerné. Il s'agissait là d'une hypothèse apparemment primitive, mais tout d'abord évidente/éclairante. Des expériences de destruction de centres ou de sectionnement de nerfs semblaient la confirmer. Cette représentation était particulièrement plausible pour les habitudes de pensée du 19e siècle, car elle s'inspirait fortement d'appareils électriques simples, comme une ligne de sonnette.

Si cette représentation était pertinente, la transmission de l'impulsion du centre vers le lieu du mouvement devait bien sûr se faire par une voie de conduction strictement réglée et isolée. Si les nerfs sont de telles voies de conduction, un mouvement significatif des membres ne peut avoir lieu que si les muscles concernés reçoivent clairement leur stimulus par leur intermédiaire. Le système nerveux central doit permettre aux impulsions d'arriver à destination. Cela était si évident ainsi que personne ne mit en doute cette interprétation si évidente. L'apparence - les faisceaux de nerfs qui se divisent progressivement à partir du centre, comme des lignes téléphoniques - plaidait en ce sens. La présence de gaines médullaires, que tous les nerfs ne possèdent toutefois pas, permettait en outre d'entrevoir l'isolement, et l'analogie semblait parfaite.

Jusqu'à une époque très récente, cette idée était généralement considérée comme correcte. Rudolf Steiner avait certes déjà présenté en 1917 toute la doctrine des nerfs "moteurs" comme une voie erronée et avait désigné comme une grande tâche de la science la formation d'une toute nouvelle représentation de la fonction nerveuse (1). Il indiquait lui-même la voie à suivre en disant que l'activité nerveuse ne pouvait absolument pas être l'objet de l'observation physiologique des sens, mais qu'elle devait être déterminée par une méthode d'exclusion (c'est-à-dire d'abord négative) ; enfin, il exposait également un concept positif de l'activité nerveuse, qui est toutefois extraordinairement éloignée de la conception courante : l'"essence purement spirituelle et psychique du contenu vivant de la représentation" serait "paralysée par l'activité nerveuse jusqu'à la représentation non vivante de la conscience ordinaire". - Mais la physiologie spécialisée a complètement ignoré ces suggestions qui auraient pu faire époque.

Il semble maintenant qu'elle y soit contrainte du côté de l'empirisme le plus aveugle.

Paul Weiß (à Vienne) s'est distingué dès 1924 par des expériences sur des animaux qui contredisaient l'opinion dominante selon laquelle l'excitation nerveuse est transmise aux muscles par voie centrifuge. Le monde scientifique a brièvement prêté l'oreille, mais Weiß est resté seul avec son idée jusqu'à aujourd'hui. (2)

La représentation traditionnelle doit se construire sur ce que le système nerveux est dans la situation d'exciter "sélectivement" chaque fibre nerveuse afin d'amener en activité un groupe de muscles déterminé. Cela serait comparable à "l'activité du pianiste qui, en appuyant sur une sélection correcte de touches, amène à sonner les notes correspondantes". Mais les expériences ont révélé tout autre chose.

Par un artifice, Weiss a réussi à mettre en liaison de manière anormale un système nerveux central avec certains groupes de muscles. Il a planté à côté de la patte normale d'un jeune lépidoptère un surnuméraire de telle sorte que ce nouveau membre doit être alimenté à son emplacement inhabituel par des nerfs qui se trouvent justement par hasard à proximité. La nouvelle patte est parcourue de manière tout à fait aléatoire, elle est donc certes reliée au système nerveux central, mais de manière désordonnée. Or, selon la vision traditionnelle, on ne peut attendre d'un tel membre aucun mouvement ordonné, "car il est évident qu'on ne peut pas jouer sur un piano qui ne possède pas une touche pour chaque note".

Et pourtant, à la grande surprise de l'auteur, les membres greffés avaient une activité tout à fait harmonieuse et ordonnée, en accord avec celle du membre normal du côté concerné du corps. Si un muscle de la jambe normale bougeait, celui de la jambe greffée suivait. Même les détails, comme la courbure d'un seul orteil, étaient toujours reproduits dans le même sens et simultanément dans les deux membres. Et ce, bien que l'alimentation nerveuse parte de nerfs très différents.

Weiß argumentait à juste titre : "De telles expériences excluent totalement que la répartition de l'excitation se fasse sur les voies nerveuses. L'ancienne hypothèse de l'excitation dirigée par la force centrifuge et de l'isolement des voies nerveuses n'a donc pas passé la première épreuve décisive. Tout l'édifice des opinions traditionnelles sur l'activité nerveuse s'effondre là où cette seule pierre s'est détachée".

Mais maintenant, pour la physiologie, les bons conseils sont chers. Que doit-elle mettre à la place de l'opinion en vigueur ? S'il n'y a plus de conduction isolée du stimulus vers le muscle correspondant et nécessaire, comment l'excitation trouve-t-elle son lieu d'action ? Weiß s'aide d'une analogie intéressante : il pense que l'émission d'impulsions est répartie sur tout le système nerveux et donc sur tout le corps et imagine que chaque muscle ne réagit qu'à un certain type d'excitation. Mais si le muscle doit choisir le "bon" stimulus, c'est-à-dire celui qui lui est destiné, parmi l'ensemble des excitations qui traversent simultanément le corps, il doit être adapté à ce stimulus. Weiß est ainsi contraint à une hypothèse qu'il n'acceptait qu'à contrecœur, mais qui était l'idée salvatrice dans la difficulté : la réponse des muscles à l'excitation est un phénomène de résonance_ Deux muscles homologues correspondent à deux diapasons ; ils résonnent tous deux en même temps lorsque "leur" son retentit - peu importe ils se trouvent à ce moment-là. La jambe transplantée s'active de manière sensée lorsque "son" stimulus est émis. Weiß compare le système nerveux à une installation de radiodiffusion et dit : les jambes surnuméraires sont les auditeurs noirs de la radiodiffusion nerveuse.

Voilà ce que dit Weiss. Si l'on examine l'ensemble du raisonnement, on constate qu'il s'en tient encore à une chose sans contrainte, à savoir que le système nerveux serait l'émetteur et le porteur de l'impulsion. Mais en réalité, il n'y a plus aucune raison de chercher dans le système nerveux le support de "l'excitation". Si l'excitation se répand uniformément dans tout l'organisme, il n'est plus nécessaire de la concevoir spatialement "à partir" d'un système d'organes ! Mais on se trouve ainsi déjà au milieu de la formation d'une nouvelle conception de l'activité nerveuse ; toutes les fonctions (réceptives comme conductrices) admises jusqu'ici doivent être abandonnées comme inadéquates, et le rôle du système nerveux dans la conscience que l'âme a de son corps doit être mis à leur place.

Jusqu'à la reconnaissance de cette idée, il semble y avoir seulement encore un pas. Et quand même, c'est le plus difficile, car il exige l'abandon des anciennes opinions. Ce pas est en fait exigé par l'expérience. Les expériences de Weiss sont des experimenta crucis. Il s'agit maintenant d'en tirer les conséquences.

De l'autre côté, la représentation anthroposophique de Rudolf Steiner vient à la rencontre du chercheur. Le "lieu" de l'excitation est le corps astral, c'est-à-dire un membre de l'être non spatial que l'on trouve chez l'humain et l'animal, mais pas chez la plante. L'excitation est transmise du corps astral à l'organisme, c'est-à-dire d'abord au corps éthérique : le mouvement spatial naît de la "nervosité/excitabilité" non spatiale (Rudolf Steiner). Le fait qu'un chercheur comme Weiß, en cherchant des images adéquates, soit justement tombé, sur l'idée de la résonance (donc sur une analogie acoustique) n'est certainement pas sans importance. Sans le vouloir, il a ainsi donné l'une des caractéristiques du corps astral qui, selon Rudolf Steiner, est substantiellement musical.

Notes

1 Des énigmes de l'âme (1917). GA 21, p. 159 s., Dornach 1976.

2 Présentation populaire dans : Aus den Werkstätten der Lebensforschung, 108